Vendredi 9 novembre, près d’un demi-millier de personnes se sont régalées à chaque moment d’un concert qui fera date assurément dans la vie d’artiste de Marcel Soulodre.

Retour sur un événement qui aura fait intensément vibrer la grande salle de l’Illiade, à Illkirch-Graffenstaden, aux accents de l’entrainant répertoire de Johnny Cash.

suisse SOULODRE ILLIADE 45227963_2264426933591154_3431104774110445568_n

IMG_1646

 

 Pas de doute. Ce concert est le meilleur de tous ceux que j’ai eu la chance d’applaudir de cet auteur-compositeur-interprète originaire du Manitoba. Et cela des deux côtés de l’Atlantique car je connais Marcel Soulodre depuis pas mal d’années.

Nos routes se sont croisées pour la première fois en novembre 2003 au Nouveau-Brunswick.

C’était durant la Franco-Fête en Acadie et le chanteur y présentait des titres de sa composition lors d’une des nombreuses vitrines musicales organisées durant cet important événement artistique et culturel du Canada.

IMG_1633

 

IMG_1624

UN CONCERT DES PLUS MÉMORABLES

Et c’est avec une réelle satisfaction que j’ai appris, quelques années plus tard, qu’il venait de s’établir en Alsace … sans évidemment renier ou oublier ses racines francophones d’Amérique du Nord et notamment son cher Manitoba. Une des provinces canadiennes d’où est aussi originaire Daniel Lavoie hélas trop souvent pris pour un Québécois.

Ce vendredi soir de novembre, ce n’était pas la première fois que appréciais Marcel Soulodre dans son spectacle enraciné dans la vie et l’œuvre de Johnny Cash. Me revient notamment en mémoire un formidable concert de la même veine organisé le 23 mars 2018 dans la (très) belle salle voutée de Fegersheim : le Caveau.

 

IMG_1608

IMG_1563

L’ILLIADE, UN ENVIRONNEMENT EXCEPTIONNEL

Pourquoi ce concert a-t-il autant retenu mon attention ? 

A vrai dire pour plusieurs raisons concernant autant le fond et la forme de ce spectacle sans aucun temps mort. A commencer par son environnement : la salle de l’Illiade est  tout à fait propice pour apprécier un tel concert dans d’excellentes dispositions, tant au niveau de l’acoustique que du confort des sièges.

Dès les premières mesures de la première chanson, le public a réagi en tapant dans les mains, en accompagnant spontanément le chanteur-guitariste. Et c’est parti avec “Wanted Man”, premier titre du concert : une chanson de Bob Dylan offerte à Johnny Cash.

Autre atout de cette soirée, les jeux de lumière et les photos de Johnny Cash, de June Carter et également des pochettes de disques projetées en arrière plan. Pas de raz-de-marée d’images à vous faire tourner la tête, non juste ce qu’il faut.

Juste de quoi offrir aux spectateurs quelques repères d’une vie d’artiste avec ses hauts et ses bas évoqués par Marcel Soulodre d’une manière que je qualifierai de “nord-américaine” : un ton direct et efficace. Sans baratin, des mots qui font mouche. Un vocabulaire précis, quelques phrases et … on reprend une autre chanson.

Ici pas de longue et fastidieuse présentation du genre “bon maintenant je vais prendre le temps de vous expliquer la prochaine chanson qui  va vous parler de … “.

Pas de doute : Marcel Soulodre maîtrise à merveille son sujet.

Et il serait dommage que tant de connaissances et de bon sens pédagogique ne soient pas mieux mises en valeur, par exemple dans le cadre de conférences musicales présentées dans des médiathèques ou tout autre lieu propice à un si instructif voyage du côté de chez Johnny Cash.

 

IMG_1615

IMG_1661

CONVAINCANTE PARTICIPATION DE TARA ESTHER

Et puis il faut dire que les musiciens accompagnant interprète de “l’homme en noir” sont parmi les meilleurs d’Alsace, à commencer par celui que j’aime qualifier de “guitar-héro” : Jean-Paul Distel (telecaster, Dobro et chœurs). Également au rendez-vous sur la grande scène de l’Illiade Olivier Aslan (batterie et chœurs) et Lionel Ehrhart (basse et chœurs).

Bref une équipe aussi décontractée que percutante qui bénéficiait ce soir-là de la participation de Tara Esther, chanteuse TRÈS convaincante dans le rôle de June Carter, le grand amour de Johnny Cash.

Cette artiste, qui excelle dans des registres musicaux très variés, est aussi une passionnée du groupe ACDC. Et quand elle se met dans la peau de June Carter, en chantant en duo avec Marcel Soulodre, la complicité est vraiment totale. Et la magie opère : elle résulte de nombreuses répétitions et d’une passion commune pour l’univers de Johnny Cash.

IMG_1592

SOULODRE 20287044_1662572517109935_3725952617022432849_o
Manitobain de naissance, Alsacien de cœur (Photo collection Marcel Soulodre)

 

 LE PLUS ALSACIEN DES ARTISTES CANADIENS

Reste évidemment l’essentiel de ce mémorable concert : la présence, la voix, l’aisance scénique du plus alsacien des chanteurs canadiens.

Coup de chapeau des plus mérités à celui qui vit en Alsace … mais n’en continue pas moins de nourrir ses racines manitobaines. Et ça se sent dans sa manière de parler, de s’égarer ici et là dans des erreurs de sujet, de verbe ou d’article mais ça n’a pas d’importance. Ou alors bien au contraire : cette absence de maîtrise totale de la langue française, c’est finalement un atout de plus dans un tel concert.

Installé depuis 10 ans à Duppigheim, l’artiste n’a rien perdu de ses racines, et c’est tant mieux. Voici des années que Marcel Soulodre célèbre avec talent un répertoire rock et country tant avec son propre répertoire que des reprises de chansons l’ayant marqué depuis l’enfance.

Pas étonnant donc qu’en 2003 il se soit lancé dans la création du spectacle “Wanted Man, a tribute to Johnny Cash” qui fait honneur  au destin personnel et artistique de Johnny Cash. Et cette année-là, le décès de    L’Homme en Noir » va insuffler un incontestable élan sur nombre de scènes d’Amérique du Nord – de l’Alaska à la Floride – à celui qui se fait aussi appeler M. SOUL.

IMG_1534
Jean-Paul Distel et Marcel Soulodre

IMG_1692 

 UN RÉPERTOIRE D’UNE TELLE RICHESSE

Wanted Man (B. Dylan); Folsom – Cry Cry Cry- Big River (J.R. Cash) ; 5 Feet High & Rising (J.R. Cash) ; Tennessee Flat Top (J.R. Cash) ; Hey Porter (J.R. Cash) ; City Of New Orleans (Steve Goodman) ; Don’t Take Your Guns (J.R. Cash) ; I Got Stripes (trad arr. J.R. Cash) ; Ghost Riders (Stanley Jones) ; I Walk The Line (J.R. Cash) ; If I Were A Carpenter (Tim Hardin) ; Jackson (Billy Edd Wheeler & Jerry Leiber) ; It Ain’t Me Babe (Bob Dylan) ; Darling Companion (John Sebastion) ; Wildwood Flower( JP Webster & Maud Irving ; Keep On The Sunny Side(Ada Blenkhorn & J. Howard Entwisle) ; Peace In The Valley (Thomas A. Dorsey) ; Joshua Fit The Battle of Jericho (traditionnel) ; Daddy Sang Bass (Carl Perkins) ; Rose Of My Heart (Hugh Moffat) ; The Man Comes Around (J.R. Cash) ; Hurt (Trent Reznor), etc.

Quel répertoire offert ce soir-là à l’Illiade !

Quel enchainement de chansons qui incite le public à manifester son enthousiasme, son bonheur de savourer une soirée aux accents country. Avec une bonne vingtaine de chansons plus un pot-pourri de divers autres titres, Marcel Soulodre s’aventure avec délice dans un répertoire tellement riche.

Certains de ces refrains sont connus en France dans des “versions variétisées” … dont “City Of New Orleans” de Steve Goodman devenu “Salut les amoureux” de Jo Dassin sur des paroles de Claude Lemesle …  ou bien “If I Were A Carpenter ” de Tim Hardin repris par Johnny Hallyday (“Si j’étais un charpentier”) …

SOULODRE VDL 2 15 10945862_769038833177273_3280159929897232096_o
Marcel Soulodre au Zénith avec Les Voix de la Liberté

VDL ZENITH SOULODRE Capture d’écran 2018-11-18 à 00.50.09

AVEC LES VOIX DE LA LIBERTÉ AU ZÉNITH DE STRASBOURG

Bien qu’étant devenu un incontestable Alsacien de cœur, l’auteur-compositeur originaire de Winnipeg n’a pas encore trouvé sa vraie place dans le paysage artistique en Alsace.

Non pas qu’il soit boudé par les autres chanteurs et chanteuses, mais disons qu’il travaille en solitaire. Ou du moins avec une équipe des plus réduites (et des plus motivées) animée par Patricia Cully.

Certes, il était sur la scène du Zénith en 2015 pour Les Voix de la Liberté, le fameux concert suscité par Roger Siffer, Michel Reverdy et Jean-Pierre Schlagg . On le retrouve notamment sur le clip de “Die Gedanken sind frei/Liberté de penser” … et puis quoi d’autre ?

Plutôt que de poser des questions existentielles sur sa place dans la vie artistique de sa terre d’adoption, Marcel Soulodre agit. Il avance pas à pas sur les traces de Johnny Cash. Et il poursuit sa carrière entre France, Allemagne et Suisse avec détermination, accompagné par une poignée de très efficaces complices.

La talentueuse participation de Tara Esther m’incite à formuler un vœu : j’espère bien que ce duo d’artistes aura l’occasion de fouler d’autres scènes d’Alsace. Un point de vue partagé avec Pascal Frank, directeur des programmes de Fréquence Verte, revu avec plaisir à l’issue de ce concert, après avoir fait sa connaissance à celui de Christel Kern.

 

IMG_1698
Tara Esther en compagnie de Marcel Soulodre et Pascal Frank

 SOULODRE 41788407_2192329710800877_851146669914324992_n

PROJETS À VOLONTÉ POUR SALLES TROP FRILEUSES

Et j’espère aussi que Marcel Soulodre va revenir à l’Illiade dans un autre concert, un autre concept.

C’est évident. L’homme ne manque ni de ressources ni de projets.

Et il serait bien dommage de s’en priver dans les salles des deux départements d’Alsace … dont la plupart des programmateurs sont, hélas, trop frileux pour mettre en valeur des talents régionaux, quelque soient les genres musicaux et les langues utilisées, non ?

Cette frilosité des programmateurs à l’égard des artistes et groupes d’Alsace m’a incité, voici plusieurs mois, à intervenir un matin sur France Bleu Elsass, histoire de tirer une INDISPENSABLE sonnette d’alarme. Tant il est évident que l’Alsace est synonyme de talents dans tant de registres musicaux…

En témoigne avec brio le demi-millier de spectateurs venus au concert de l’Illiade : ils sont repartis avec une pêche d’enfer et des étoiles dans les yeux.

Bravo l’artiste ! 

TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

IMG_3312

IMG_1714

IMG_3357
Les concerts de Marcel Soulodre à l’affiche à la boutique Discobole à Colmar