ONTARIO/FRANCOPHONIE : A COEUR OUVERT AVEC NATALIE BERNARDIN

Parler de la chanson franco-ontarienne, et plus globalement de l’identité franco-ontarienne, c’est s’embarquer dans un voyage de longue haleine. Découvrir un univers pratiquement inconnu en France, et encore trop peu connu au Québec.

Les quelques jours passés à Ottawa et Sudbury m’auront tout juste permis d’effleurer une réalité francophone, sous l’angle de d’événements artistiques et culturels qui ne représentent – il faut en être bien conscient – qu’une très faible partie d’une réalité à la fois attachante et complexe, paradoxale et cependant plus vivante que jamais.

A travers la 7ème édition du Gala des Prix Trille Or à Ottawa et la 40ème Nuit sur l’Etang à Sudbury, une évidence s’est affirmée d’emblée : ici la francophonie n’est pas un concept abstrait et austère réservé à quelques intellectuels en quête de crédibilité voire de notoriété. Ici la francophonie éclate avec une telle intensité qu’il peut paraître maladroit, voire déplacé, de l’évoquer seulement à travers le miroir tant partiel que et partial des deux événements, autant celui d’Ottawa que de Sudbury.

D’où l’importance de bénéficier sur place de personnes-ressources  tels Mathieu Joanisse (voir article sur ce site) et d’autres militants francophones rencontrés en Ontario, comme Joël Lauzon, Marcel Aymar, Paul Demers, etc. dont il sera question par ailleurs sur  www.planetefrancophone.fr .

Autant de militants parmi tant d’autres impliqués – réellement et quotidiennement – au cœur de cette francophonie qui n’en finit pas de surprendre ceux qui la découvrent, notamment à travers l’impressionnante relève musicale déjà évoquée dans d’autres articles sur ce site.

pf NATALIE BERNARDIN FFETE

Novembre 2012, FrancoFête en Acadie : Natalie Bernadin au stand de l’APCM

Une des personnes-clés de cette francophonie aux allures de feu d’artifice artistique et culturel, c’est justement Natalie Bernadin : depuis 2011 elle assure la direction générale de l’APCM, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique.

Certes nous nous étions croisés plus d’une fois lors de divers événements aussi bien au Québec qu’en Acadie : Coup de Cœur Francophone, Bourse Rideau, FrancoFête, etc. Et si durant nos brefs échanges je me doutais bien de la vitalité de cette fameuse francophonie ontarienne, je n’imaginais absolument pas qu’elle puisse s’affirmer avec autant d’éclat.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 960

Sudbury 22 mars 2013, 40ème Nuit de l’Etang. Un méga-concert rétrospectif de plus de quatre heures axés sur les 40 ans éditions de la Nuit sur l’Etang avec participation d’artistes d’hier et d’aujourd’hui.

“Le Gala des Prix Trille Or demeure la plus importante vitrine musicale de la francophonie canadienne hors Québec”

Avant d’évoquer les temps forts de l’entretien réalisé avec Natalie Bernadin une fois revenu d’Ottawa et Sudbury, arrêtons-nous tout d’abord sur plusieurs de ses citations. Elles sont extraites du programme du fameux Gala des Prix Trille Or. Et elles résument avec justesse – et bon sens – non seulement le rôle de l’APCM mais aussi une autre évidence : les manifestations musicales et grand public organisées fin mars aussi bien à Ottawa qu’à Sudbury ne sont pas des feux de paille, ni des événements sans véritables racines identitaires.

Oui, il faut le dire haut et fort : ces événements musicaux constituent une des facettes les plus visibles et les plus spectaculaires de la francophonie ontarienne. Laquelle n’a assurément pas fini de surprendre ceux qui s’intéressent à la chanson francophone en Amérique du Nord.

Laissons à présent la parole à Natalie Bernardin : “Depuis bien avant la création du Gala, l’APCM a mis en place sa chaîne artistique qui demeure la pierre angulaire de toutes ses activités : du festival en milieu scolaire : “Quand ça nous chante” (attirant plus de 400 jeunes apprentis artistes à l’échelle de la province pour des formations, des premières expériences de scène et des spectacles professionnels) en passant par Ontario POP (une semaine de formation consacrée à propulser des artistes émergents dans le marché professionnel en leur offrant un encadrement, une formation et une plateforme pour se faire découvrir) ou encore les multiples services offerts aux membres.

Enfin c’est le Gala des prix Trille Or qui permet à l’APCM de souligner l’excellence artistique de ses membres et de faire rayonner leur talent. (…)

L’APCM est très heureuse de pouvoir renouveler son partenariat avec Radio-Canada non seulement dans notre région, mais également partout dans l’Ouest, ce qui permet au Gala d’être vu à travers le pays. Le Gala demeure la plus importante vitrine musicale de la francophonie canadienne hors Québec”.

PF SUDBURY

“Nous restons à l’affût des développements afin de demeurer compétitifs et actuels par rapport à l’industrie”

Et la directrice générale de l’APCM de préciser ainsi sa pensée, dans la perspective d’une industrie musicale en pleine évolution, voire révolution : “Avec de nouveaux services qui se sont développés à l’APCM pour répondre aux besoins de l’industrie et plus précisément aux besoins des artistes, l’association se doit d’agir avec leadership et avec anticipation pour affronter les défis de demain.

Grâce à un soutien de la part de nos partenaires financiers, tant le Conseil des Arts de l’Ontario que Patrimoine canadien et bien d’autres, nous restons à l’affût des développements afin de demeurer compétitifs et actuels par rapport à l’industrie”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 322

Difficile de résumer en quelques mots le rôle de Paul Demers, artisan de la première heure pour le réveil de la chanson franco-ontarienne. Auteur de “l’hymne national officieux” cher aux francophones de l’Ontario, cet artiste n’a enregistré que trois albums en 30 ans, dont “Encore une fois” sorti en 2011. Un des artistes majeurs d’une francophonie …  assurément sans frontières puisque cet auteur-compositeur-interprète est d’origine québécoise

“Nous avons toute une culture très riche et très active dans les provinces à l’extérieur du Québec, une autre francophonie, une autre réalité quotidienne”

Quelques jours après le gala des prix Trille Or 2013, Natalie Bernadin estimait que cet événement aura été “le plus grand et le plus beau gala depuis les débuts en 2001. Cette 7ème édition a vraiment surpassé toutes les autres.

Depuis plusieurs années le Gala des prix Trille Or avait lieu dans l’auditorium d’une école secondaire. Et là on a réussi à le faire entrer dans un centre des arts professionnels : un lieu très inspirant ! Et l’accueil des professionnels a vraiment rehaussé la qualité, l’organisation et la logistique du spectacle de gala”.

Nul doute que les conditions dans lesquelles s’est déroulé l’édition 2013 aura permis selon Natalie Bernardin de “mieux légitimer le prix et les artistes”.

Un constat d’autant plus important selon elle que l’Ontario, ce n’est pas le Québec. Une lapalissade ? Sans doute mais il faut le dire et le répéter haut et fort, à l’instar de Natalie Bernardin : “Il y a une francophone très active hors du Québec. Nous avons toute une culture très riche et très active dans les provinces à l’extérieur du Québec, une autre francophonie, une autre réalité quotidienne.

Nous sommes entourés de communautés anglophones, de télés et de radios anglophones … et nos artistes continuent à vivre et créer en français ! Nos accents sont différents de ceux du Québec. Au Manitoba et Ontario ca fait quand même 400 ans que des francophones vivent sur place ! Ca ne date pas d’hier, ce ne sont pas des gens qui viennent d’immigrer !”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 462

Impossible d’envisager une soirée rétrospective de la créativité franco-ontarienne de ces quatre décennies sans Jean-Marc Dalpé et Marcel Aymar. Deux personnalités majeures entre chanson et poésie. Un des temps forts du concert de 4h30 de la 40ème Nuit sur l’Etang

“N’oublions pas que l’Ontario possède la plus grosse communauté francophone hors Québec”

D’où selon Natalie Bernadin l’importance de cette fameuse “chanson d’expression française : une locomotive pour que l’identité ne se perde pas : c’est notre première locomotive ! Nous avons une identité, une Histoire, un vécu … nous voulons transmettre langue … et rien de plus accrocheur que la chanson pour transmettre nos richesses … et aussi être en contact avec d’autres communautés linguistiques.

Je pense aussi aux apprenants français de nos communautés anglophones : ils trouvent que les francophones sont très cool et veulent en faire partie et comprendre ce qi s’y passe. N’oublions pas que l’Ontario possède la plus grosse communauté francophone hors Québec. Et nous avons aussi une incroyable diversité d’expression musicale qui est assez récente”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 828

Robert Paquette et ses amis artistes durant le concert de la 40ème Nuit sur l’Etang : un final de toute beauté, tant par l’émotion des chanteurs réunis sur scène que la réaction d’un public de tous âges debout proclamant avec fierté ses racines franco-ontariennes

PF BOREAL MEDHI JEUNE PUBLIC BIS

Nuit Emergente au Collège Boréal, Sudbury. Une guitare, une voix et une indéniable maîtrise de l’espace et du public. Medhi Hamdad retient l’attention dès les premières notes.

Des pionniers à la relève : l’affirmation d’une identité franco-ontarienne aux multiples facettes musicales

Et Natalie Bernardin de se lancer dans d’enthousiastes propos sur la “musique francophone en Ontario. Bien sûr, on pense aux pionniers : Robert Paquette, le groupe Cano, Paul Demers, et tant d’autres. On aussi à la pop, avec toujours le fil francophone … et dans les dernières années l’affirmation d’un rock alternatif. Et aussi plus récemment d’une musique hip hop qui prend de la place … sans parler des chansons pour enfants aussi : il n’y en a pas que pour les adultes, mais pour tous les âges et tous les goûts !”.

Et la directrice générale de l’APCM de préciser sa pensée au sujet des “artistes hip hop qui ne trouvent pas toujours un public à la hauteur de leur talent. Ils ne sont pas nés en Ontario, et font partie de la vague d’immigration qui ne date pas d’hier : mais ils s’affirment enfin.

Le milieu hip hop est en général assez homogène … je dirai underground … pas vraiment branché dans le milieu associatif. Il n’y pas beaucoup de ses artistes impliqués à l’APCM … enfin pas jusqu’a présent !

Mais là dernièrement je vois avec plaisir que des ponts se construisent enfin entre le milieu hop hip et le milieu associatif. Ces artistes parlent de l’APCM et y découvrent une valeur ajoutée : c’est une famille plus large que le milieu hip-hop hop … on l’a bien vu au Cercle SOCAN avec la présence de Le R associé à cette soirée.

C’est très prometteur ! Entendre Yves Doyon parler d’une collaboration sur son prochain album avec un tel artiste hip-hop ça fait du bien. Il y a aussi davantage de mixages des genres musicaux entre les membres de l’APCM. Oui je suis optimiste : c’est spectaculaire de voir et de vivre toutes ces rencontres !”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 492

 Décontracté et talentueux, Yves Doyon : figure marquante d’En Bref, groupe-phare des années 90 très à l’aise aussi bien durant le Cercle de la SOCAN à Ottawa qu’au concert des 40 ans de la Nuit sur l’Etang à Sudbury.  L’annonce d’un nouvel album suscite un incontestable intérêt des francophones de l’Ontario face à cet artiste inclassable et touche-à-tout au sens positif du terme

PF XAVIER, MARIJOSEE YAO ET Marie-Chantale Labbé-Jacques

Marie-Chantale Labbé Jacques et Xavier Forget (Centre National des Arts d’Ottawa) en compagnie d’artistes de la nouvelle génération d’artistes francophones: la Manitobaine Mariejosé et le chanteur franco-canadien Abel Maxwel

“Oui, c’est un acte de résistance que de continuer de chanter en français”

S’impose alors avec force la notion de “passerelles musicales” chère à Natalie Bernardin sensible au métissage musical.

Et la directrice de l’APCM de mentionner la vitrine du chanteur Yao accompagné de violonistes. Ici pas de rap ou de slam ou de hip hop pur et dur mais “des envies de rencontres, d’échanges aussi comme Yao entre musique classiques et hip hop ! Rien de plus fort pour agrandir le public, chercher le public de l’autre, toucher d’autres gens sensibles à d’autres genres musicaux. Ca change des marchés musicaux très fragmentés. La francophonie a besoin de grandir son audience, de multiplier ses fans !”.

Durant notre entretien je cite à Natalie Bernardin une phrase extraite du superbe livre de Robert Thérien consacré à Beau Dommage : “Tellement on s’aimait” (VLB Editeur, 2009). Page 94 de cet ouvrage de référence sur ce groupe québécois, l’auteur évoque une de leur tournée passant par “Sudbury, une enclave francophone d’environ 100 000 habitants qui lutte constamment pour sa survie linguistique”.

Pour Natalie Bernardin, cette expression revêt aujourd’hui plus que jamais un sens tout à fait particulier. Et plus conforme à la réalité que jamais. Car à Ottawa et Sudbury – pour ne citer que ces ceux repères géographiques franco-ontariens parmi d’autres – il est évident que le terme “acte de résistance” est conforme à la situation actuelle: “Oui, c’est un acte de résistance que de continuer de chanter en français. Et je suis très motivé par cela. Pour moi, ce n’est pas seulement un geste artistique mais aussi un geste politique”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 545

L’exubérant et infatigable Jean-Marc Lalonde (Deux Saisons), un des pionniers de la chanson franco-ontarienne

“Une nouvelle génération est arrivée, et elle vit dans une réalité bilingue à la fois française et anglaise”

Au cours de cet entretien s’affirme aussi une autre évidence pour Natalie Bernardin : le bilinguisme vécu au quotidien par les artistes franco-ontariens. Un fait culturel qui n’échappe pas à la nouvelle génération d’artistes tels Medhi Hamdad ou Tricia Foster.

“Une nouvelle génération est arrivée, et elle vit dans une réalité bilingue à la fois française et anglaise. Il n’y pas de demi-francophone ici ! Mais c’est leur réalité quotidienne et les artistes de la nouvelle génération ne se posent pas de questions : ils vivent dans un pays bilingue. C’est comme les artistes acadiens qui parlent et chantent en chiac, qui mettent des mots anglais dans leurs paroles. Ici on ne chante pas comme à Paris !”.

Revenant sur l’incroyable concert de plus de 4h30 qui aura fait vibrer une foule toutes générations confondues l’Auditorium Fraser, Université Laurentienne à Sudbury, Natalie Bernardien va au-delà de la satisfaction d’une soirée tellement symbolique pour les 40 ans de la Nuit sur l’Etang.

“4 heures et demie de concert avec des pionniers ! C’est formidable, mais aussi une nouvelle génération qui monte ! C’est le plus intéressant dans ce concert ? On a vu et applaudi les gens qui ont pavé le chemin et constaté que la relève est là. J’adore des artistes : ils sont nos voisins, nos amis, on a grandi avec eux”.

PF BOREAL JEUNE PUBLIC FACE A PATRICK WRIGHT

22 mars 2013. Vue partielle du public durant un des concerts de la Nuit Emergente, Collège Boréal de Sudbury

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 879

Dernières minutes du concert de la 40ème Nuit sur L’Etang lors d’un final repris par tous les artistes, toutes générations confondues, face à un auditoire enthousiaste

“Nos artistes ont des défis à relever même avant de chanter la première note !”

Qu’en est-il alors du besoin de ces artistes franco-ontariens de ce frotter à d’autre publics loin de leur cercle d’auditeurs convaincus comme ce fut le cas pour l’efficace Stef Paquette, un des artistes majeurs de la francophonie de l’Ontario ?

“C’est ce que veut l’APCM ! Développer des marchés pas toujours faciles, pas seulement en Ontario. Il faut dire aussi que les gens ont souvent des préjugés quand ils entendent un accent autre que l’accent québécois ou européen : ils pensent tout de suite que c’est un artiste anglophone… mais non !

Nos artistes ont des défis à relever même avant de chanter la première note ! Nos artistes peuvent être un pont entre la franco-ontarie et l’Europe ! C’est aussi le rôle du nouveau site de l’APCM : faire connaître nos talents hors de leur région d’origine, les aider”.

Vaste programme assurément pour les francophones engagés au sein de l’APCM mais aussi de nombreuses autres structures au service d’une langue française sans doute déroutante pour qui n’a jamais quitté la France. Une langue tellement vivante employée par tant de Franco-Ontariens plus engagés que jamais pour célébrer avec entrain leur langue, leur culture, leur identité.

PF NATALIE BERNARDINNatalie Bernardin, directrice générale de l’APCM depuis 2011 : la fierté de l’identité franco-ontarienne au service d’une création artistique et culturelle encore trop peu connue hors de ses frontières, tant au Québec qu’en France, évidemment

ONTARIO/ CHANSON FRANCOPHONE : INNOVER, RESISTER, CELEBRER

Folk, hip-hop, rap, jazz, blues, rock, métal, pop, traditionnel, instrumental, alternatif, chanson, instrumental, etc. Si vous réduisez l’expression musicale franco-ontarienne à une seule facette, vous serez (agréablement) surpris par la diversité qui s’affiche avec de plus en plus d’audace dans cette province du Canada.

Cette étonnante diversité s’enraciné dans la création des pionniers historiques mis à l’honneur lors d’un concert de près de 4 heures et demie, samedi 23 mars, à l’occasion de la 40ème Nuit sur l’Etang organisé à l’Auditorium Fraser de l’Université Laurentienne à Sudbury : Robert Paquette, Marcel Aymar, François Lemieux, Jean-Marc Dalpé, Paul Demers, Jean-Marc Lalonde, Yves Doyon, etc.

PF OTTAWA PLACE FRANCOPHONIE

Ottawa, place de la Francophonie, à deux pas des locaux de l’APCM, l’association des professionnels de la chanson et de la musique

Le symbole d’une dynamique génération de créateurs émergents ou confirmés

Nous reviendrons dans un autre article avec force photos sur cette inoubliable soirée de 4 heures et demie à laquelle un public de tous âges a répondu présent : un auditoire fier de proclamer son identité franco-ontarienne; applaudissant à tout rompre ceux qui ont osé s’aventurer sur des voies artistiques différentes de celles de la chanson québécoise. Et cela même si nombre de passerelles artistiques existent évidemment entre l’Ontario et le Québec, comme l’aura rappelé l’animateur Eric Robitaille, chaleureux militant d’une francophonie nourrie de ses jeunes années au Québec et désormais enracinée à la cause franco-ontarienne.

Mais avant de nous attarder sur cet événement historique au sens  fort du terme – tant cette soirée aura été synonyme  de “véritable audio-encyclopédie vivante de la chanson franco-ontarienne – arrêtons-un à présent sur cette fameuse relève qui éclabousse avec brio les genres musicaux en Ontario : le symbole d’une dynamique  génération de créateurs émergents ou confirmés qui ne demandent qu’à affirmer, aussi bien face à des publics franco-ontariens qu’au-delà de la province natale.

D’où l’intérêt d’événements tels que le Gala des Prix Trille Or et l’Autre Gala organisés les 20 et 21 mars 2013 au Centre des Arts Shenkman, à Orléans, localité située non loin d’Ottawa : des événements mis en relief dans d’autres articles de ce site.

PF OTTAWA PETERSON

Près du Centre nationale des arts, clin d’oeil au pianiste de jazz Oscar Peterson né à Montréal et décédé  à Mississauga , Ontario.

D’autres coups de projecteurs ont été donnés au cours de ces journées artistiques en faveur d’une chanson franco-ontarienne des plus efficaces, dans des registres qui dépassent bien souvent le contexte identitaire pour célébrer sans hésitation des thèmes plus généraux, plus universels.

Ce constat, il aura éclaté avec vigueur au cours des vitrines musicales d’artistes membres de l’APCM, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique : une initiative bénéficiant de l’appui financier de Musication et du programme vitrines musicales.

“Des nouveaux projets musicaux qui n’ont pas encore été vus en vitrine à Contact Ontarois mais qui pourraient être en vitrines aux événements contacts de 2013-2014″ selon la directrice de l’APCM, Nathalie Bernardin. Place en l’occurrence à une artiste du Saskatchewan (Alexis Normand) et trois de l’Ontario (YAO ; Louis-Philippe Robillard et Konflit).

Ces quatre vitrines ont confirmé de surprenantes sources d’inspiration tant sur le fond que la forme chez les artistes et groupes qui se sont produits au Centre National des Arts, un des haut-lieux de l’expression artistique et culturelle d’Ottawa. Une bâtisse impressionnante tant par sa programmation que la multiplicité de ses équipements avec, en guise de clin d’œil aux promeneurs, une statue d’Oscar Peterson située à quelques pas de l’entrée principale de l’édifice, à quelques enjambées du Parlement du Canada.

PF OTTAWA AFFICHE ARIANE BIS

Ottawa, le Centre national des arts avec annonce d’un concert de la chanteuse québécoise Ariane Moffatt

Sans nous embarquer dans de longues considérations sur le répertoire des quatre vitrines, quelques précisions s’imposent sur l’esprit dans lequel se sont déroulées ces vitrines.

INNOVER, RESISTER, CELEBRER sont sans doute les termes qui définissent le mieux ces quatre talents : en l’occurrence innover dans de nouvelles voies artistiques ; résister à l’environnement anglophone omniprésent mais aussi célébrer une identité francophone sans se replier dans un ghetto culturel.

Alexis Normand : attachante nouvelle voix du Saskatchewan

PF ALEXIS NORMAND GOOGLE

Un premier album de dix titres à découvrir, reflet d’une nouvelle voix francophone du Saskatchewan

Entre innovation, résistance et célébration : c’est ainsi que s’affirme la jeune Alexis Normand, auteure-compositrice-interprète originaire du Saskatchewan. Elle s’aventure dans un registre francophone tout en nuances, à l’instar de Mirador, album de dix titres lancé en début d’année.

Cet opus représente en fait une des facettes d’une efficace collaboration menée à bien avec Fortier, une artiste visuelle fransaskoise : une complicité également déclinée en une série de tableaux et un spectacle. D’où cet album intéressant à plus d’un titre. Ici pas d’effets spéciaux ou spectaculaires pour retenir l’attention de l’auditeur, mais une ambiance toute en nuances dès la première chanson “Quand il pleut”.

“Un folk chaleureux et atmosphérique dans lequel un groove entraînant et une voix suave s’installent. Sa poésie simple et sincère, empreinte d’émotions discrètes nous révèle une sensibilité touchante” …  Au-delà de cette auto-présentation, une évidence s’impose : sous une apparente timidité, cette jeune artiste s’affirme avec brio dès que l’occasion se présente, face à un public qui ne demande qu’à se laisser séduire par l’ambiance jazz-folk distillée par cette artiste attachante et déterminée sous ses airs réservées. Une détermination que le public aura pu apprécier au cours de sa vitrine musicale.

YAO : le poids des mots, le métissage des rythmes

PF VIT CERCLE YAO

Yao, cousin d’Abd-al-Malik : un album en vue pour l’automne 2013

Autre registre avec l’extraverti YAO. Sans se lancer dans des comparaisons teintées de flagornerie, il suffit de fermer les yeux pour marcher – avec assurance – sur les traces d’un certain Abd-al-Malik au niveau du phrasé, de l’intonation, de certains thèmes aussi.

S’y affirme entre autres références le parti-pris d’un “message positif” synonyme de respect réciproque, de tolérance mutuelle, de besoin et d’envie de mieux comprendre l’autre, surtout s’il est différent. Un message dont l’impact sans assurément amplifié de par la complicité entre le chanteur et ses musiciens qui offrent une couleur tout à fait particulière aux textes : Olivier Philippe-Auguste (violon), Manon Gaudreau-Fess (flûte traversière), Ammayas Khidas (djembe, derbouka) et Peterson Altimo (guitare acoustique, basse).

Pas étonnant donc que Yao évolue avec aisance dans une poésie aux accents slam, avec ici et là des escapades du côté du blues et du jazz. Ses textes ont des allures d’instantanés de la vie ie telle qu’elle est, sans angélisme ni misérabilisme, où rien n’est impossible … mais où le soleil l’emporte sur les zones d’ombre. Autant de repères qui devraient être mis en évidence d’ici l’automne 2013 avec un deuxième album réalisé sous la houlette du producteur canadien Sonny Black.

Louis-Philippe Robillard : une voix, une guitare et de l’émotion

PF VIT CERCLE ROBILLARD

Un des artistes majeurs de la relève franco-ontarienne

Troisième vitrine musicale au Centre national des arts avec Louis-Philippe Robillard, autre artiste majeur de la nouvelle génération franco-ontarienne.

Ses  chansons à fleur de peau distillent une émotion perceptible avec cette volonté de retenir l’attention de l’auditoire avec juste une guitare et une voix. Un sacré défi aux accents minimalistes, surtout lorsqu’on chante juste après Yao et ses talentueux complices !

Dans la foulée de son fameux opus “Le café des oiseaux”, cet artiste se sera, une fois de plus, envolé dans un univers tantôt réaliste, tantôt onirique, où la forme est peut-être aussi importante que le fond. Un peu à l’image du Québécois Alexandre Desilets dont la voix devient instrument de musique.

L’ambiance distillée par ses chansons semble ici toute aussi importante que ses thèmes. Pourtant, au cours de cette vitrine assurée en solo par Louis-Philippe Robillard, le public est sans doute resté sur sa faim : précisément à cause des conditions minimales dans lesquelles l’artiste s’est produit avec conviction. Difficile de recréer tout seul sur scène l’atmosphère tant appréciée par le public découvrant son premier album : un opus récompensé par de nombreux prix de l’industrie musicale tant en Ontario qu’au Québec, avec ( conséquence logique – nombre de commentaires élogieux dans la presse francophone d’Amérique du Nord.

KONFLIT : efficaces pionniers aux accents rock

PF VIT CERCLE KONFLIT GROUPE

Sacrée complicité scénique entre les membres de Konflit

Dernière vitrine proposée au Centre national des Arts avec l’énergique groupe franco-ontarien Konflit. Une formation résolument située à des années-lumière des chansons de Louis-Philippe Robillard.

Place donc à un groupe formé de sacrés musiciens. Pionnier est assurément le terme qui définit le mieux cette fougueuse formation qui a marqué une génération de jeunes (et pourquoi pas moins jeunes aussi !) Franco-ontariens en quête de sons qui bougent. De refrains percutants et de rythmes qui vous donnent des fourmis dans les jambes.

Et quand on apprend qu’il s’agit d’un des uniques groupes francophones de l’Ontario dont les clips sont diffusés sur la station québécoise MusiquePlus, on peut se dire – sans hésitation – que ces talentueux fous de rock représentent une des composantes incontournables de la nouvelle vie musicale de cette province du Canada.

Difficile d’évoquer Konflit sans insister sur l’évidente complicité entre les musiciens/chanteurs très à l’aise sur scène, emportés avec enthousiasme par l’évident plaisir à jouer. A se faire plaisir aussi avec sans doute le regret – fort compréhensible par ailleurs – que le temps était décidément trop compté pour donner totalement libre cours à leurs capacités scéniques au cours de cette vitrine musicale.

PF VIT CERCLE GROUPE DE 4

Quatre talents si différents pour le premier Cercle de la SOCAN en Ontario

1er Cercle de la SOCAN pour le 15eme anniversaire de Réseau Ontario

Reste au final le souvenir d’une série de vitrines musicales aux accents les plus diversifiés, à tous les sens du terme. Avec en guise de “dessert”, une soirée qui devrait laisser un sacré souvenir à celles et ceux qui ont eu la chance de la vivre ! . Et pour cause puisqu’il s’agissait d’un Cercle d’auteurs-compositeurs SOCAN : une grande première en terre francophone en Ontario !

Cet événement était présenté dans le cadre de son 15ème anniversaire par Réseau Ontario dirigé par Josée Vaillancourt en collaboration avec l’APCM, la SOCAN et le Centre national des Arts.

Au fait pourquoi un Cercle d’auteurs-compositeurs SOCAN ? Selon Réseau Ontario, “cette soirée a pour objectif de créer un moment de rencontres et d’échanges uniques entre les artistes qui, à tour de rôle, présenteront quelques compositions de leur cru. Ensemble ils échangeront sur leurs compositions et sur l’instant du moment, ils y contribueront artistiquement en joignant à l’interprétation des chansons.  Une soirée inusitée lors de laquelle le public assistera à un moment unique en étant témoin de la chimie qui unira les artistes sur scène”.

Derrière cette présentation que les esprits grincheux qualifieront d’idyllique, il est tout à fait évident que ce premier cercle d’auteurs-compositeurs SOCAN aura marqué le public à la fois silencieux durant les chansons et prises de paroles, et en même temps enthousiaste avec force applaudissements.

Ici par d’artiste tirant la couverture à lui mais une réelle complicité entre les quatre créateurs aux parcours pourtant si différents : Damien Robitaille, le Paysagiste (Davy Poulin), Yves Doyon, et Le R (pseudo d’un artiste né au Bénin, en Afrique de l’Ouest et désormais établi en Ontario.

PF VIT CERCLE GROUPE DE 5

Geneviève Toupin, Damien Robitaille, Yves Doyon, Le R et le Paysagiste (Davy Poulin)

Une animation signée Geneviève Toupin, Franco-Manitobaine

Il faut reconnaître que le bon sen pragmatique et la faculté d’adaptation de l’animatrice Geneviève Toupin auront  été des atouts majeurs dans la préparation et le bon déroulement de cette rencontre à quatre talents. Oi plutôt à cinq puisque la Franco-Manitobaine s’est transformée en pianiste au gré des chansons. De quoi surprendre agréablement le public, en attendant la sortie de son nouvel album francophone pour 2014.

Certes – et cela est tout à fait normal – le site de la SOCAN propose de cette soirée un compte-rendu des plus élogieux : “Une grande complicité régnait entre les auteurs-compositeurs-interprètes qui ont chacun interprété trois de leurs compositions, accompagnant aussi les autres avec un instrument ou en chantant. L’ambiance était décontractée et l’accent mis sur la création et l’origine des chansons. Le public a même eu droit à des primeurs. Ce premier Cercle organisé en Ontario fut donc un franc succès”.

PF VIT CERCLE DAMIEN YVES

Damien Robitaille et Yves Doyon, aussi décontractés sur scène que dans la vie

Le contenu de ce texte  de la SOCAN correspond vraiment à ce qui s’est passé ce soir là dans cet événement saluant le 15ème anniversaire de Réseau Ontario. Cette évidence, elle repose aussi bien sur les réactions de l’assistance que celles des cinq artistes.

Assurément une grande première qui ne demande qu’à être renouvelée au gré d’autres rendez-vous artistiques en Ontario : histoire de mettre en valeur d’autres talents. Non pas pour les confronter entre eux, mais pour susciter des passerelles musicales, voire de vraies complicités amicales entre des créateurs qui n’auraient peut-être jamais eu la (bonne) idée de se retrouver ensemble pour vivre des moments privilégiés en paroles et en musique.

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Les membres de la SOCAN ayant participé au premier Cercle des auteurs produit en Ontario. De gauche à droite Yves Doyon, Geneviève Toupin, Damien Robitaille, Le Paysagiste (alias Dayv Poulin) et Le R. (Photo Réseau Ontario)