En juillet 2009 disparaissait la revue “Chorus les cahiers de la chanson”, laissant un grand vide auprès de celles et ceux qui depuis des années suivaient de (très) près l’actualité de la chanson francophone. Ici et là ont surgi des blogs et webmagazines lancés par d’anciens membres de la rédaction de ce trimestriel. Histoire de reprendre le flambeau d’une autre manière, via internet. D’où cet article paru le 21 décembre 2010 sur le site www.francomag.com
Et voici que trois journalistes de l’équipe créée et animée par Fred Hidalgo publient chacun un livre de référence. D’où ce coup de projecteur destiné à mettre en évidence trois ouvrages très différents tant sur la forme que le fond, et cependant unis par une passion commune : la chanson.
Embarquement immédiat avec Michel Kemper (“Les vies liées de Lavilliers”, Flammarion) ; Daniel Pantchenko, (“Jean Ferrat. Je ne chante pas pour passer le temps”, Fayard) ; Michel Trihoreau auteur de deux ouvrages : “La chanson de proximité. Caveaux, cabarets et autres petits lieux” , Editions de L’Harmattan, et “Rencontres”, Editions du Petit Véhicule, un recueil de nouvelles enracinées dans le répertoire de Georges Brassens.
Commençons par Les vies liées de Lavilliers, une décapante bio signée Michel Kemper, originaire de Saint-Etienne comme le chanteur. Avec en guise d’introduction,une question lancée à l’intéressé par la Québécoise Monique Giroux lors d’un entretien le 9 janvier 2005 au micro de Radio-Canada.
” Bernard Lavilliers, on a dit des tas de choses sur votre parcours, sur ce que vous aviez fait. Et j’ai envie, pendant que je vous ai devant moi, de vous demander le vrai du faux. On a dit que vous aviez été fugueur, pensionnaire d’une maison de correction, tourneur, comédien, boxeur, camionneur, patron de boites de nuit, directeur d’une école de variétés … on a dit beaucoup de choses, dites-moi tout “.
Et le chanteur d’affirmer : “C’est simple, j’ai cinquante-huit ans donc j’ai fait tout ça, successivement. Et des fois en même temps. Donc j’ai plusieurs vies à la fois, ce qui fait qu’effectivement, parfois quand je compte, j’ai l’impression d’avoir déjà deux à trois fois plus que mon âge. J’ai souvent fait deux métiers parallèles, oui. Et je trouve que c’est intéressant parce que la création se trouve justement à l’intersection des deux, souvent”.
Cet accord tombera à l’eau début octobre 2006 par décision de celui qui est né en octobre 1946 à Saint-Etienne : “C’est là qu’est né aussi le mystère Lavilliers, soigneusement entretenu tant par l’artiste que par le cercle familial. Là également que réside l’auteur de ces lignes”.
“Un des personnages les plus captivants que la chanson ait jamais enfanté”
Ce livre, c’est l’étonnante histoire de Bernard Ouillon devenu Bernard Lavilliers. Et Michel Kemper d’expliquer ainsi la démarche qui a guidé la rédaction de cette biographie : “Toujours avec infiniment de respect envers l’artiste et l’ensemble des témoins, jamais pour le plaisir d’écorner une légende. Dans l’objectif unique de mieux comprendre une œuvre majeure que la légende a nourri à l’envie”.
Au terme de plusieurs années d’entretiens, de lectures, d’écoutes répétées de son répertoire, d’informations vérifiées à multiples reprises auprès de plusieurs interlocuteurs, Kemper brosse ici le fascinant portrait “d’un des personnages les plus captivants que la chanson ait jamais enfanté” selon son expression.
Au fil des chapitres, on marche fidèlement dans les pas de Lavilliers, depuis l’enfance. Et on découvre notamment ses dix années de vaches enragées dans le 5ème arrondissement parisien et les petits lieux de la rue Mouffetard avant que la carrière ne décolle enfin.
Le Stéphanois ; Les poètes ; Paris, redingote de plomb ; La manche ; Arrêt sur image ; Entrée des artistes ; Etat d’urgence ; Outremer ; Mémoires particulières; Les mains d’or ; A suivre : en dix chapitres, Kemper se livre à une étonnante radiographie de la vie de Lavilliers, dont nombre de chansons témoigne justement de ce destin hors du commun. Oui, un destin assurément hors-du-commun où tout n’est pas à prendre au pied de la lettre dans la vie de l’artiste, entre France et Amérique Latine, entre affirmations et faits.
Ici tout a été vérifié, recoupé, lu et relu avec une extrême rigueur dans cette bio aux nombreuses anecdotes qui en disent long sur le chanteur doté d’une imagination débordante tant pour la présentation des étapes successives de sa vie publique et personnelle que les textes de ses chansons.
Le chapitre “Mémoires particulières” est particulièrement instructif. Et Kemper d’expliquer : “Or, si l’ensemble de sa production – qu’on peut sans mal qualifier d’œuvre – est du pur Lavilliers, force est de constater au sein de celle-ci nombre de réminiscences, de ressemblances orphelines de toutes sources, voire de reconstructions… “.
“Lavilliers est de ceux qui savent exister par eux-mêmes, sans jamais s’inscrire dans ces moules réducteurs et destructeurs, qui font quelques disques et puis s’en vont”
“Les vies liées de Lavilliers” mérite une lecture approfondie, même si l’on n’est pas (pas encore) familier de l’œuvre de celui que l’auteur qualifie d’ »institution nationale, un grand parmi les grands” : “Lavilliers est de ceux qui savent exister par eux-mêmes, sans jamais s’inscrire dans ces moules réducteurs et destructeurs, qui font quelques disques et puis s’en vont. Il ne ressemble à nul autre qu’à lui-même.
Ce qu’il a créé est unique, certes nourri d’influences parfois revendiquées, parfois tues, d’emprunts clamés tout haut ou dissimulés sans vergogne, assuré qu’il est peut-être en son for intérieur d’en avoir été le géniteur. Mais unique, ça oui. Il s’est mis au monde lui-même, se jurant un beau jour de créer un genre de chanson qui lui soit propre – il a réussi – et de l’illustrer par une légende aussi colorée que possible – il l’a fait”.
Et cet hommage signé Michel Kemper a le mérite de resituer Lavilliers à sa vraie place, celle d’un artiste incontournable dans la chanson d’expression française : “Il a rêvé une vie qu’il s’est ensuite appliqué à traduire dans les faits, fidèlement, rejoignant en cela la fine et belle équipe d’aventuriers-artistes, de bourlingueurs-écrivains, les Rimbaud et autres Cendrars, parmi lesquels il mérite sans nul doute d’occuper une juste et belle place”.
Dans la liste des remerciements d’une page et demie l’on trouve notamment “Fred et Mauricette Hidalgo qui ont encouragé ce projet depuis le début et apporté, le moment venu, leurs regards et conseils avisés”. En somme une passionnante plongée dans les coulisses d’un artiste des plus talentueux, dont on cerne ici mieux les zones d’ombres et de lumière. Avec en prime une discographie et une bibliographie ainsi qu’un index des titres de chansons citées.
“On porte son enfance toute sa vie. Je ne suis pas un cas unique, mais cette période a été très dramatique pour ma famille, pour moi et pour la France aussi”
Seconde bio, celle de Daniel Pantchenko, autre pilier de la rédaction de feu Chorus auteur d’une récente biographie UNIQUE EN SON GENRE et des plus détaillées sur Anne Sylvestre dont nous parlerons ultérieurement.
En attendant, place à un ouvrage de référence, de 572 pages :” Jean Ferrat Je ne chante pas pour passer le temps”. Pour comprendre la genèse de ce livre, les circonstances dans lesquelles il a vu le jour, une série de précisions s’impose. Et elles sont offertes avec force détails sur le blog du créateur de Chorus, Fred Hidalgo. Lequel avait en effet depuis des années le projet d’écrire un ouvrage de référence sur Jean Ferrat : le projet sera finalement abandonné, et le flambeau transmis à Daniel Pantchenko.
Intitulé “Jean Ferrat, “la” bio” !”, ce long texte de Fred Hidalgo est illustré d’une photo (également publiée ici) de Francis Vernhet montrant Jean Ferrat en compagnie de Fred et Mauricette Hidalgo et Daniel Pantchenko. Les confidences de Fred Hidalgo constituent un indispensable témoignage : à lire afin de mieux cerner les origines et l’histoire de cette biographie unique à bien des égards. Texte à lire sur le blog Sicavouschante
Oui une bio unique à commencer par les premières années du petit Jean Tennebaum. D’où cet aveu de l’artiste reproduit par Pantchenko : « On porte son enfance toute sa vie. Je ne suis pas un cas unique, mais cette période a été très dramatique pour ma famille, pour moi et pour la France aussi. Il y a une partie de moi qui est devenue adulte très vite. Le racisme, le nazisme, je les ai découverts à onze ans. Je ne savais pas que mon père était juif ».
“Par ses mots, sa musique, et sa voix d’humanité profonde, Jean Ferrat a toujours été le chanteur qui me touche le plus, avec lequel je me trouve en accord maximal, tant sur la forme que le fond”
Fouillée, méticuleuse jusqu’aux moindres détails, l’enquête de Daniel Pantchenko situe avec force références la vie et l’oeuvre de Jean Ferrat dans le contexte historique national et international.
Et il entre dans les détails du destin de Tenenbaum devenu chanteur en tant que “Jean Laroche”, pseudonyme qu’il aurait sans doute gardé si la SACEM ne l’avait prévenu qu’il existait déjà un artiste portant ces prénom et nom.
“Alors en regardant la carte de France, j’ai mis longtemps à me décider; j’avais trouv d’autres pseudonymes qui étaient aussi de vrais noms et je suis tombé par hasard sur Saint-Jean Cap Ferrat. Ca sonnait bien, c’était clair, c’était court”.
Cette bio fait aussi la part belle aux témoignages.Pas seulement celles du milieu artistique comme Dominique A, Akhenaton, ou son ami Allain Leprest, mais aussi nombre d’approches plus personnelles, voire intimes : fille, nièces, neveu, amis proches, etc. Et aussi les anciens maires d’Ivry et Antraigues, puisque “pendant un demi-siècle, Jean Ferrat aura habité, vécu, agi dans deux communes très différentes, entre lesquelles il aura servi parfois de passerelle”.
“Je ne chante pas pour passer le temps”», c’est le titre d’une chanson de Ferrat, et la retrouver ainsi sur la couverture témoigne du pari dans lequel s’est lancé le journaliste-écrivain. En témoignent aussi les pages consacrées au couple formé avec Christine Sèvres, aux amitiés avec Isabelle Aubret et Francesca Soleville par exemple.
Comprendre l’homme au-delà de l’oeuvre d’où émergent d’inoubliables titres tels Potemkine, La Montagne, Nuit et brouillard, Ma mome, etc : oui, un sacré défi a été relevé avec brio par Daniel Pantchenko. Un défi enraciné dans le constat suivant : “Par ses mots, sa musique, et sa voix d’humanité profonde, Jean Ferrat a toujours été le chanteur qui me touche le plus, avec lequel je me trouve en accord maximal, tant sur la forme que le fond”.
Autre atout de cet ouvrage, au-delà du regard porté sur cette existence entre enregistrements et scènes, engagements politiques et vie plus discrète en Ardèche : le recul pris par l’auteur dans les pages consacrées à l’après-Ferrat.Il y est question du raz-de marée suscité par l’annonce de sa disparition le 13 mars 2010 : “Du coup, entre sentiments authentiques et calculs d’arrière-boutique, les fleurs, les pleurs, les superlatifs déferlent de la presse écrite à Internet, et les personnalités en tout genre et de tout acabit y vont de leur petite phrase. Désormais tout le monde aime Ferrat. Entre quatre planches”.
Et grâce à l’enquête menée par Daniel Pantchenko, l’on apprend que Gérard Meys, son producteur, dispose de 45 chansons en réserve : “Je ne sais pas ce que je vais en faire (…). Je n’ai pas pu malheureusement le réaliser, mais j’avais l’intention de faire un disque spécial, un album “politique”.
“Toute la presse people voire trash avait bien compris qu’il y avait du cash à faire sur la dépouille encore fumante de celui qui ne leur avait encore jamais donné d’occasions réelles de l’exploiter à la une”
Autre information qui retiendra l’attention de ceux qui apprécient l’homme et l’œuvre : Gérard Meys a un projet audiovisuel, puisqu’il a filmé Ferrat durant sept ans.
“On n’a donné d’image à personne car à partir du moment où on avait tellement de problème avec la télévision, on a décidé d’être complètement indépendants, dès 1981. Même pour les émissions spéciales de Drucker, toutes les chansons sont à nous, en tant que producteur”.
Et Daniel Pantchenko de constater dans l’une des ses innombrables notes en fin de chapitre que “toute la presse people voire trash avait bien compris qu’il y avait du cash à faire sur la dépouille encore fumante de celui qui ne leur avait encore jamais donné d’occasions réelles de l’exploiter à la une”. A noter que ce sera la première fois dans l’histoire de la télévision française que seront diffusées en direct les obsèques d’un chanteur.
Quatre parties forgent ce livre, à commencer par un préambule de deux chapitres : Le crépuscule de l’aube ; Une Môme et deux enfants ». S’en suivent trois autres parties : Jean Tenenbaum, Jean Ferrat, d’Antraigues. Et à chaque fin de chapitre, l’on découvre plusieurs pages de notes : autant de coups de projecteurs sur tel ou tel détail auquel l’auteur apporte un complément d’information.
Cet ouvrage de référence bénéficie notamment d’une liste des chanteurs cités dans le texte avec mention des pages ; d’une exhaustive discographie dont le premier enregistrement remonte à 1958, et de la référence de plusieurs sites internet.
A l’instar de Michel Kemper à la fin de sa bio sur Lavilliers, Daniel Pantchenko adresse aussi des remerciements aux fondateurs de Chorus : “Enfin, pour leur confiance renouvelée, merci à Fred et Mauricette Hidalgo, qui savent combien nous partageons la même passion de la chanson depuis tant d’années”.
Le dimanche 26 décembre 2010, Jean Ferrat aurait eu 80 ans. D’où ces propos de Daniel Pantchenko transmis en ce 23 décembre 2010 : “On a eu envie de lui retourner la chanson de 1991 qu’il avait dédiée à un ami disparu : “Tu aurais pu vivre”… […] La biographie que je lui ai consacrée constitue d’ores et déjà ce que l’on appelle « un succès de librairie », puisqu’en à peine trois mois, elle va “tranquillement” vers ses 25 000 exemplaires vendus, la quasi-totalité des grands médias (en particulier les radios et télés du service public) n’ayant pas pourtant – encore ? – jugé utile d’en parler”.
“Pour y avoir rencontré des publics curieux, attentifs, interrogatifs et des artistes aguerris ou débutants, gens généreux ou sévères qui m’ont tant appris de ce métier, je suis heureux de voir un livre qui chante ces petites scènes et leurs actes”
Venons-en à présent au 3ème ouvrage de référence paru dans la collection Cabaret aux Editions L’Harmattan. Ici pas de bio mais un voyage dans le temps et dans l’espace en compagnie d’un guide hors-pair : Michel Trihoreau.
En 186 pages, il nous entraine dans les coulisses de la vie d’artiste. Là où les caméras et les photographes sont, la plupart temps, absents. Là où bat le cœur de tous ces talents émergents qui s’affirment dans des conditions pas toujours évidentes d’un point de vue technique. Sous le titre « La chanson de proximité. Caveaux, cabarets et autres petits lieux », Trihoreau n’y va pas quatre chemins.
La chanson il la connait depuis des années, il l’aime depuis des années, et ses articles et dossiers historiques parus dans Chorus témoignent d’une rigueur et d’une passion à toute épreuve. D’où le beau texte teinté d’amitié placé en début du livre, avant que le lecteur ne remonte les siècles jusqu’à l’époque des châteaux, des troubadours et des rois de France.
Oui, la préface signée Allain Leprest donne le ton du livre. Un ton fraternel qui donne envie de plonger avec l’auteur dans ce passé si riche en espaces de créations : “L’ami Michel vient ici vous parler avec force détails et chaleur de ces espaces qui ont vu naître, germer, croître des voix qui vous sont familières aujourd’hui. De ces creusets, ces trouées qu’il nous faut observer comme d’énormes terrains en friche. Pour y avoir rencontre des publics curieux, attentifs, interrogatifs et des artistes aguerris ou débutants, gens généreux ou sévères qui m’ont tant appris de ce métier, je suis heureux de voir un livre qui chante ces petites scènes et leurs actes”.
“La chanson s’adresse autant à l’intellect qu’à l’émotion. Elle doit être intelligible et avoir un sens”
Car Trihoreau ne se contente pas de retrouver la trace de tous ces petits lieux où ont poussé tant de talents qui ont, par la suite, rencontré le grand public. Il se livre aussi à nombre de réflexions et d’analyses sur l’essence même de la chanson.
“La chanson s’adresse autant à l’intellect qu’à l’émotion. Elle doit être intelligible et avoir un sens. Il ne s’agit pas de ranger les genres dans des tiroirs bien étiquetés, mais de trouver des repères, pour clarifier et tenter de définir quelques pistes de réflexion qui éviteront des querelles vaines.
De multiples passages d’un genre à un autre sont possibles, l’essentiel est de savoir quel objectif est poursuivi. Est-on dans la culture ou dans le divertissement ? Pour avoir trop souvent opposé les deux genres, on a fini de façon démagogique ou intéressée, par évincer le premier. Sans nuance”.
“Dans cette période de profondes mutations, le support papier est en péril : il ne disparaitra pas, mais risque bien de fonctionner à deux vitesses”
Autre coup de projecteur, celui braqué sur la formule Chant’ Appart, en pays de Loire et bien au-delà aussi. A noter que la photo de la couverture met précisément en valeur cette manière de chanter dans un contexte où proximité et convivialité vont de pair.Et voilà comment l’on retrouve la chanteuse québécoise Fabiola Toupin face à un auditoire assis à quelques pas d’elle, debout à son micro.
“Aujourd’hui, considérer Chant’ Appart comme un simple festival serait une erreur par omission. C’est désormais un phénomène de société qui annonce des temps nouveaux dans le monde de la chanson. C’est un pari qui repose sur ce qu’il y a de meilleur dans l’humain : la convivialité, la citoyenneté, le dynamisme, la solidarité, la curiosité, la sensibilité, toutes ces qualités que certains croient en voie de disparition et qui ne demandent qu’à s’épanouir lorsque les circonstances le permettent. Tout ce qui fait le lien social que les politiques ne savent pas maintenir et que la communication d’entreprise détruit peu à peu”.
A propos de communication, Michel Trihoreau consacre aussi plusieurs pages aux médias qualifiés d’ “outils indispensables” : radios, télés, presse écrite, internet, etc.
“La presse est un outil essentiel pour permettre à la Chanson de se faire un connaître et s’exprimer. Malheureusement les journalistes de la presse quotidienne ne peuvent être des spécialistes de tout ce qu’ils traitent et doivent se contenter la plupart du temps de clichés rapides. Certaines revues musicales s’adressent en général à un public qui sait se satisfaire de la médiocrité. D’autres s’enferment dans une spécificité catégorielle autour d’un genre ou d’un instrument.
La chanson est victime de ces deux tendances, soit peopolisée, soit disséquée entre rock, folk, punk, reggae, guitare, accordéon et autres, jusqu’à l’apparition de la revue Chanson de Lucien Nicolas, dans les années 1970″.
Et Michel Trihoreau de consacrer une page au mensuel Paroles et Musique et au trimestriel Chorus nés respectivement à l’automne 1980 et en septembre 1992 et chaque victimes d’un “prédateur” selon son expression.
“Ayant eu la chance d’être de l’aventure de Paroles et Musique / Chorus, j’ai pu mesurer la formidable compétence de Fred et Mauricette Hidalgo et de l’ensemble de la rédaction travaillant de façon rigoureuse et pointue dans un domaine où il y a tant à faire”.
La disparition de ces revues et la création de divers blogs et webmagazines à l’initiative d’anciens journalistes de Chorus est-elle “une solution de rechange” ?” Selon l’auteur, “dans cette période de profondes mutations, le support papier est en péril : il ne disparaitra pas, mais risque bien de fonctionner à deux vitesses : ici, le jetable plus ou moins gratuit qui va à l’essentiel et s’adresse aux regards brefs par l’abondance d’images, et là le pavé, analytique et pointu, condamné malgré li à un élitisme marginal. Entre les deux pas de passerelle”.
“Remplacer le concert par une écoute devant l’écran relève de la plus pure consommation contradictoire avec l’approche active de l’artiste”
Certes – et Michel Trihoreau le reconnait volontiers – Internet bénéficie de nombreux atouts, à commencer par l’instantanéité et la proximité.
Comme si tout le monde se retrouvait sur le même plan d’égalité avec son site et ses infos mis en ligne et renouvelée en permanence : “C’est très démocratique : la star internationale côtoie sur la toile l’amateur passionné et lorsqu’on débarrasse l’essentiel des scories mégalomanes ou commerciales, on peut se faire une assez juste idée du travail de nombreux artistes”.
D’où son appel lancé en fin de texte en faveur d’une chanson vraiment vivante, “ouverte à toutes les inclinaisons que l’imagination peut inventer. Il y a toujours un bistrot avec un type et une guitare ; un coin de fête avec des paroles et de la musique audibles à l’écart du vacarme ; ou une affiche avec un inconnu dans une petite salle, ce soir ou demain. Vous ne connaissez pas ?
Prenez le risque, ça ne peut pas être pire que ce qu’on vous oblige à entendre et puis c’est vivant, c’est un être humain qui vous donne un peu de son âme. Et quand c’est bon, c’est un moment de magie qui vous fait penser au bonheur”.
“C’est l’art subtil de Trihoreau de redonner vie et conscience à ces inconnus qui ont traversé un jour un poème en forme de chanson”
A noter enfin que Michel Trihoreau est aussi l’auteur de « renCONTrES » paru dans la collection « le Carré de l’imaginaire » aux Editions du Petit Véhicule. En l’occurrence un recueil – vraiment original – de 25 nouvelles dont tous les personnages sont authentiques.
Et l’auteur de préciser : “Seuls les noms, les lieux, les dates et les faits ont été changés. Tous se sont échappés des chansons de Georges Brassens. Celui-ci aimait trop la liberté pour ne pas autoriser ses personnages à s’évader (…) Je vous les confie. Apprenez à les reconnaître. Retrouvez dans leurs récits les chansons où ils sont nés.
Prenez garde, ils ne sont pas tous beaux, pauvres et sympathiques, ils sont comme vous et moi, ni meilleurs ni pires, la vie leur a donné leur lot de joies et de misères, inégales et injustes. Nourrissez-les de votre imagination afin qu’ils vivent longtemps et qu’ils aient encore beaucoup à raconter”.
En 87 pages, Michel Trihoreau donne libre cours à son imagination, chacune de ses nouvelles prenant des allures de passerelle vers une chanson de Tonton Georges : Brave Margot ; La maitresse d’école ; La fille à cent sous ; L’orage; Je suis un voyou; Hécatombe, La chasse aux papillons, etc.
“C’est l’art subtil de Trihoreau de redonner vie et conscience à ces inconnus qui ont traversé un jour un poème en forme de chanson, le petit joueur de flûte, Tonton Nestor, le pauvre Martin, Pénélope et bien d’autres… L’émotion nous assaille mais l’humour n’est pas loin ; C’est dans l’un de ces récits que l’on retrouve les amoureux des bancs publics devenu un vieux couple désuni “.
Cet extrait de la préface de Paul-René Di Nitto donne le ton de ce beau livre illustré par des dessins de Cathy Beauvallet, fondatrice d’une “Ecole de Communication Visuelle”.
Laissez tenter par les livres de Michel Kemper, Daniel Pantchenko et Michel Trihoreau !
Nous voici parvenus au terme de ce voyage au cœur d’une chanson mise en évidence par trois anciennes plumes de Chorus. L’esprit Chorus – entre information et commentaire, rigueur et précision – n’est pas mort ; ces quatre livres auraient sans aucun doute mérité un article spécifique pour chacun d’entre eux. Espérons que les coups de projecteurs braqués à tour de rôle sur chaque ouvrage vous donnera envie d’en savoir plus.
Et surtout n’hésitez pas à vous faire plaisir. A vous laisser tenter par les livres de Michel Kemper, Daniel Pantchenko et Michel Trihoreau.
Autant de p’tits trésors qui méritent d’être découverts, appréciés à leur juste valeur. En prenant tout votre temps pour flaner dans les coulisses du monde de la chanson : un univers fascinant et paradoxal qui ne se résume pas – loin s’en faut – aux émissions de variétés télévisées et aux tubes entendus (écoutés?) sur la bande FM. D’où le talent de ces trois auteurs qui ne se sont pas contentés des apparences, se lancant dans des aventures éditoriales de longue haleine.
Pour chacun d’entre eux, il aura fallu plusieurs années pour arriver au terme de son enquête. Voir de sa quête car consacrer autant de temps à un manuscrit, c’est évidemment signe d’obstination et de passion. Et cela mérite le respect.
Michel Kemper, Les vies liées de Lavilliers, Flammarion, 387 pages, 20 euros
Daniel Pantchenko, Jean Ferrat. Je ne chante pas pour passer le temps, Fayard, 568 pages, 20,90 euros
Michel Trihoreau, La chanson de proximité. Caveaux, cabarets et autres petits lieux, L’Harmattan, 186 pages, 18 euros
Michel Trihoreau et Cathy Beauvallet, Rencontres, Editions du Petit Véhicule, 88 pages, 18 euros.A découvrir aussi les trois auteurs sur internetb[Sites Internet ou blogs à visiter :
- Michel Kemper : Nos Enchanteurs
- Daniel Pantchenko :Pantchenko
… et son blog chansonsquetoutcela
- Michel Trihoreau : Chanson de Proximité et Rencontres avec Brassens
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