Coordinateur général et artistique pour la deuxième année de la Nuit sur l’Etang – et donc de l’inoubliable 40ème édition marquée par un concert de plus de 4 heures et demi – Joël Lauzon fait partie de ces militants francophones sensible au “nouveau paysage musical franco-ontarien”.
“Si on veut que notre culture reste vivante, il faut la nourrir, travailler pour elle”
Ce Franco-Ontarien suit de près la cohabitation entre pionniers de la musique francophone et talents de la relève : d’où le concert historique synonyme de “belles retrouvailles pour les artistes et le public. Cela fait 40 ans que ça existe, et ça continue !
On a beau dire : il faut célébrer notre identité en tant que francophone de l’Ontario … mais personne ne va le faire pour nous ! Si on veut que notre culture reste vivante, il faut la nourrir, travailler pour elle. Et créer des produits artistiques et culturels ! On ne peut pas rester sur ce qui a été créé il y a 40 ans sinon on se retrouvera avec une culture anorexique. Le monde change, et nos artistes et groupes aussi.
Partout dans le monde, les francophones ont des repères communs, c’est sûr ! Mais il est important d’avoir des œuvres qui parlent de chez nous, de ce qui est plus prêt, de notre vie, de ce qui parle à notre cœur ! ».
Vue partielle de l’exposition historique consacrée à la Nuit sur l’Etang des débuts à 2013
Un des documents présentés au Salon des Anciens, Université Laurentienne de Sudbury pour célébrer les 40 ans de la Nuit sur l’Etang
« Ca vaut la peine de parler français en public, on ne doit pas avoir honte de le faire ! »
Et Joël d’insister sur un des aspects essentiels de la 40ème Nuit sur l’Etang : “Nous avons aussi mis en valeur beaucoup de textes de poètes de Sudbury qui parlent du rock, de l’étang, de notre vie de tous les jours aussi. C’est ce qui nous entoure, là où on habite … des valeurs qui nous habitent”.
Originaire de “Hearst à 650 km vers le nord”, Joël Lauzon a grandit dans un environnement” à 98 % francophone. Je n’ai pas subi de sentiment d’isolation culturelle comme d’autres Franco-Ontariens. Ici Sudbury, nous avons une culture francophone très vivante. 25 % de la population parlent le français … certains le parlent moins.
Pour eux, c’est une langue seconde, car ils parlent le français en famille mais pas en public. On est en train de changer cette situation, car ça vaut la peine de parler français en public, on ne doit pas avoir honte de le faire !”.
Une affirmation d’autant plus vitale pour la jeunesse franco-ontarienne qu’elle évolue au quotidien dans un environnement très souvent anglophone. D’où la nécessité d’événements populaires comme le souligne par ailleurs Pierre Paul Mongeon, président du conseil d’administration des Concerts La Nuit sur l’Etang : “La nuit sur l’Etang est depuis très longtemps un lieu de rassemblement par excellence pour la communauté franco-ontarienne. Une fois à toutes les douze lunes, les Franco-Ontariens se réunissent pour chanter, danser et célébrer leur existence. la Nuit est un rituel à la culture francophone dans tous ses aspects”.
“Des amis se réunissaient pour veiller, on faisait de la musique, on lisait des poèmes, on avait du plaisir”
Voici une vue extérieure de la Fromagerie Elgin de Sudbury : un espace artistique et culturel accueillant nombre d’événements notamment autour de la prise de parole et de la poésie.
Un hommage aux écrivains de l’Ontario français y a été rendu vendredi 22 mars sous l’appellation «Or»é»alité» : en fait il s’agit du titre d’un recueil de poésie de Robert Dickson paru durant les premières années des Editions Prise de parole et de la “révolution sereine” franco-ontarienne.
Et n’oublions pas que parler français en public aura toujours été une priorité pour les Franco-Ontariens. En témoigne entre autres fut aussi, dès ses origines, un des paris de la mythique “Cuisine de la Poésie” !
Comme évoqué avec force détails dans le programme de la 40ème Nuit sur l’Etang, “la cuisine d’antan, c’était deux grands-prêtres, Robert Dickson et Pierre Germain, autour de qui ont gravité, le temps d’une cuisine (ou deux ou trois) Denis Saint-Jules, Robert Paquette, André Paiement, Paulette Légère, Daisy DeBolt, Jean-Marc Dalpé, Patrice Desbiens, Michèle Vallières…
Et comme le souligne une présentation signée Ephrem Laliberté, “des amis se réunissaient pour veiller, on faisait de la musique, on lisait des poèmes, on avait du plaisir. De là à la première représentation publique, il n’y avait qu’un pas, et la cuisine s’est manifesté pour a première fois à la Nuit sur l’Etang en mars 1975″.
Quoi de plus normal donc que pour les 40 ans de la Nuit sur l’Etang la poésie se soit, une nouvelle fois, retrouvée au coeur de l’actualité : une chaleureuse “Cuisine de la Poésie” proposée dans l’esprit de la Première Nuit sur l’Etang de mars 1975 !
L’initiative a donc été reconduite en mars 2013 grâce à la collaboration entre les Editions Prise de parole, le Salon du Livre du Grand Sudbury et l’Université Laurentienne, sous la direction artistique de Miriam Cusson secondée par plusieurs musiciens – Shawn Arseneau, Christian Berthiaume et Simon Jutras du groupe Konflit – et une poignée de poètes et interprètes d’hier et d’aujourd’hui. En l’occurrence Daniel Aubin, Marcel Aymar, Thierry Bissonnette, Jean-Marc Dalpé, France Huot, Sonia Lamontagne, Raphaël Bissonnette et Guylaine Tousignant.
Quelques-uns des nombreux documents historiques présentés par les Editions Prise de parole avant la 40ème Nuit sur l’Etang à Sudbury
Au fil des ans, Les Editions Prise de parole ont pris une place incontournable dans la vie culturelle franco-ontarienne, comme le souligne Denise Truax, sa directrice générale dans un long texte titré “Ce qui n’est pas exprimé n’existe pas”. Il s’agit en fait du “mot d’ordre” inscrit par Fernand Dorais (1928-2003) dans la préface de “Lignes Signes”: le premier livre paru chez cet éditeur en avril 1973.
Dès ce premier ouvrage s’est affirmée la volonté de s’exprimer à la fois individuellement et collectivement. En effet ce premier recueil de Prise de Parole a vu le jour dans la foulée d’un atelier de création littéraire regroupant quatre jeunes poètes : Gaston Tremblay, Denis Saint-Jules, Placide Gaboury et Jean Lalonde.
“Prise de parole affirmait sa volonté d’appuyer une littérature d’ici, à la fois moderne et enracinée. L’ici de l’époque, c’était l’Ontario français, et plus précisément le Nouvel-Ontario” explique Denise Truax. Au gré des publications, poésie et théâtre ont fait une belle place au roman et aux recueils de nouvelles, puis aux essais et aux études.
Quant au rythme de parution, il est passé de deux ou trois ouvrages par an à une quinzaine ! “Les auteurs du Nord, à force de côtoyer ceux des autres régions de l’Ontario, puis de l’Acadie et de l’Ouest, ont créé des liens solides, des amitiés durables”. Autant de repères qui se sont exprimés avec intensité tout au long de la 40ème Nuit sur l’Etang.
Samedi 23 mars, Sudbury. “Cuisine de la poésie” avec les pionniers Jean-Marc Dalpé et Marcel Aymar – des voix fortes au service de la communauté franco-ontarienne – sous le regard d’Eric Robitaille, de Radio-Canada, animateur de la soirée
Omniprésente au cours du spectacle de plus de 4h30 à l’Auditorium Fraser de l’Université Laurentienne, la poésie a été célébrée avec force interventions de créateurs de tous âges, notamment Daniel Aubin ci-dessus et François Lemieux ci-dessous
La Nuit Emergente, reflet d’une relève qui n’a pas fini de surprendre les passionnés de chanson franco-ontarienne
Enthousiaste et optimiste, Joël Lauzon l’est incontestablement en évoquant la culture francophone dans son cher Ontario, affichant notamment un vif intérêt pour les paroles, les textes, le cinéma.
En somme tout ce qui permet de célébrer la langue française, quitte à faire le grand écart entre son admiration pour le répertoire de Charles Aznavour et les délirantes parodies de Michael Young : “J’adore le côté ludique du français. J’aime aussi découvrir de nouveaux talents comme ceux qui ont été programmés pour la Nuit Emergente, même s’ils n’ont pas encore tous des albums … mais ils se sont aussi connaître par la scène. Je les trouve fantastique”.
Et Joël Lauzon de parler, avec une passion des plus communicatives, de ces artistes et groupes qui ont assuré le succès de la Nuit Emergente au Collège Boréal sur quatre scènes différentes : Boite Noire; Au pied du Rocher; Scène APCM, Scène BRBR.
Autant de lieux où ont pu s’exprimer en toute spontanéité Mastik; Mehdi Hamdad ; Marie-Claire et les Hula-Hoops ainsi que Patrick Wright et les Gauchistes. Chacun d’entre eux s’est produit à deux reprises au cours de la soirée, puisque tous les concerts avaient lieu au même moment.
Patrick Wright et les Gauchistes : une nouvelle manière d’affirmer son identité franco-ontarienne, en rythme et avec conviction
Débordante de talent et d’énergie, la chanteuse du groupe LANORME
Nouvelle voix dans la francophonie ontarienne, Marie-Claire Cronier. La gagnante de l’édition 2012 d’Ontario Pop évolue avec aisance entre chanson et rock en compagnie de ses chers complices musicaux, Les Hula-Hoops
Pandaléon : un groupe franco-ontarien souvent comparé au groupe québécois Karkwa. A découvrir pour son propre répertoire et non pour cette élogieuse comparaison qui colle à la peau des trois artistes
Pandaléon : un groupe-phare de la relève franco-ontarienne
Vu de France, il est difficile d’imaginer l’extraordinaire diversité de talents qui se sont produits sur pas moins de quatre scènes différentes… sans oublier la grande de spectacle (toujours au Collège Boréal !) où se sont succédés trois groupes phares : LANORME, Konflit et Pandaléon.
Ah Pandaléon … Un groupe bénéficiant d’un soutien sans faille de Sophie Berriard (Réseau Ontario), à l’origine d’une rencontre entre les trois membres du groupe et www.planetefrancophone.fr. Un soutien affiché avec tout autant d’enthousiasme par Joël Lauzon. Selon lui, bien que cette formation ait souvent été comparée au groupe québécois Karkwa, on ne peut pas pour autant s’en tenir à cette image, si élogieuse soit-elle pour les trois jeunes Franco-Ontariens ! « En fait, ils sont plus que ça ! On ne peut pas dire qu’ils sont « les Karkwa franco-ontarien » Ils ont leur propre identité, et leurs textes sont magnifiques ».
Discussion à bâtons rompus avec le groupe Pandaléon en prévision d’un article (Photo Sophie Berriault)
Et Joël Lauzon de préciser : « Avec la Nuit Emergente et la rétrospective des 40 ans de chansons pour la Nuit sur l’Etang, on a des artistes et des groupes qui sont sur le point d’exploser maintenant.
Dans l’Auditorium Fraser, on avait aussi des anglophones et des francophiles : ils ne parlent pas vraiment français mais en apprécient la sonorité des mots. Cela veut dire qu’on a été vraiment été capable de toucher un public élargi ! La poésie, la musicalité des mots, les émotions qui sont véhiculées : ce soir-là, pour les 40 ans de la Nuit sur l’Etang n’’importe qui de n’importe quelle langue ou culture aurait pu ressentir de telles émotions”.
Et on a vraiment hâte d’exporter ces produits musicaux. Hâte de propager la musique franco-ontarienne partout, au Québec, au Canada français, et pourquoi pas en France aussi ? Nous sommes prêts !” conclut Joël Lauzon, sans un enthousiasme qui n’a rien d’artificiel.
Bien, noté Joël ! Alors avis aux amateurs de chansons francophones d’Amérique du Nord en quête de nouveaux talents. Les convictions affichées par Joël Lauzon en disent long sur une réalité musicale qui mérite – sans aucun doute – être enfin mieux connue et appréciée hors des frontières de l’Ontario.
La multiplicité des sites consacrés aux artistes et aux talents franco-ontariens ne peut que donner envie, à des INTERNAUTES CURIEUX ET AUDACIEUX, de se transformer en explorateurs avisés face à cette francophonie ontarienne synonyme de talents à volonté.
En présentant nombre de documents et créations liés aux 40 ans de la Nuit sur l’Etang, les organisateurs ont permis au public de mesurer le chemin parcouru depuis le temps des pionniers, que ce soit avec le livre de Maurice Lamothe (ci-dessus) ou des programmes d’éditions antérieures (ci-dessous). Une approche historique qui confère d’autant d’impact à la 40ème édition dont la coordination générale et artistique a été assurée par Joël Lauzon