“Armand Geber , chanteur alsacien” : méfiez-vous de cette appellation, car elle est incomplète.
Rencontre avec un drôle d’oiseau. Un artiste aux refrains célébrant son Alsace natale mais aussi des versions alsaciennes de chansons connues et teintées de rock, blues, balades folk, country offerts avec son accent synonyme de fierté.
Et méfiez vous aussi quand vous lisez sur son site ou sur les sites de vente de musique la phrase suivante à propos de son nouveau CD “Blues Musik vum Elsass” : “Armand Geber revisite avec humour et tendresse les grandes et petites chansons qui vous replongeront dans les années 60-70″.
D’accord, c’est en partie vrai car cet artiste navigue depuis pas mal d’années entre scènes régionales et studios d’enregistrement. Mais pas seulement …
AVEC PASSION ET EN TOUTE SUBJECTIVITÉ
“UN CRÉNEAU ARTISTIQUE SYNONYME DE BONNE HUMEUR”
Près de dix ans après cet extrait d’un article parmi d’autres que je lui ai consacré dans les DNA, je dirai qu’Armand Geber est à la fois resté le même, plus que jamais à l’aise dans son registre qui n’engendre pas a mélancolie et en même temps il a affiné ses centres d’intérêt.
“BLUES MUSIK VUM ELSASS” ENTRE HUMOUR ET RÉALISME
Après son 1er CD, “La Licorne” sorti en 2010, voici son second opus. Les 12 titres de ce nouvel album “Blues Music vum Elsass” confirment l’évolution d’un artiste qui, sans renier certaines “ficelles” de son succès populaire, s’affirme aussi comme un nouvel observateur de la vie politique, culturelle et sociale de sa région.
Non, pas de panique, le chanteur établi à Marmoutier ne s’est pas transformé en Léo Ferré alsacien ou en François Béranger régional, voire régionaliste.
Si on prend VRAIMENT le temps d’écouter ses textes, il met les pieds dans le plat pour des réalités qui nous concernent tous à un moment où un autre, comme sa chanson “Glab Glab” :
“Ne crois surtout pas tout ce que tu lis en français dans les journaux, que tu entends chanter en anglais par la nouvelle vedette à la mode à la radio, que tu vois à la télé. Ne t’inquiètes pas, tu es manipulé et on se moque de toi toute la journée”.
Autre registre avec “Alsace rebelle” (paroles et musique Armand Geber) … Il y évoque en français et alsacien la fameuse dissolution de l’Alsace dans la région Grand Est : “Que notre Alsace est belle quand elle est en rébellion … elle ne veut pas de cette fusion … “.
Qu’il anime avec ses musiciens une soirée cabaret ponctuée de refrains alsaciens traditionnels comme à Wasselonne ou partage l’affiche avec Christine Fischbach à Marmoutier pour des soirées “Contes et chants alsaciens”, Armand Geber reste fidèle à lui-même : promouvoir la langue alsacienne … Et il célèbre avec entrain le vin d’Alsace sous forme de “Gewürtztraminer blues” et reprend sur fond de rock une chanson traditionnel alsacien repris par Roger Siffer sur un de ses premiers 33 tours.
AVEC L’EFFICACE PLUME D’YVES GRANDIDIER
Sensible à la vie de sa terre natale, Armand Geber n’en est pas moins nourri de chansons d’ailleurs …
A commencer par certains tubes français. Son nouvel album fait la part elle à à une sucette alsacienne (“D’ Schlutzer”) créée par Gainsbourg pour France Gall. Et son “Cookie Dingler Blues” est une adaptation musicale de la “Femme Libérée” écrite par Joëlle Kopf et rendue célèbre par un autre Alsacien.
Et le voilà qui reprend en alsacien et revisite “Sentimental Journey ” immortalisé par tant de voix talents (Platters, Ella Fitzgerald, Franck Sinatra, Amy Winehouse, Glenn Miller, Ringo Starr, Doris Day, Fats Domino, etc) … Juste avant de présenter ses versions alsaciennes de “You rascal you” (“Vieille Canaille”) et “de “Nobody knows you” (“Le millionnaire de Nino Ferrer).
Et il s’amuse également à détourner “Johnny Walker” du chanteur allemand Marius Müller Westerhagen pour un hymne à un célèbre apéritif alsacien dans “ L’Amer seidel .
Coup de chapeau au “Böbe Blues” dont Geber signe la musique sur un texte d’Yves Grandidier : un réaliste reflet d’une vie quotidienne synonyme de mal de vivre de misère :
“Je peux crier tant que je veux, personne ne s’inquiète… je me demande ce que je fais dans l’existence … j’ai le blues de celui dont on n’a rien à faire”. Sur fond de drogue, repli sur soi, bouteilles de plastiques vides…
“JE SUIS ALSACIEN ET M’EXPRIME DANS CETTE LANGUE COMME LE CORSE, LE BRETON OU L’OCCITAN DANS LA SIENNE”
“Un chanteur exotique” c’est ainsi qu’Armand Geber s’était défini, voici dix ans, en octobre 2006, dans un portait paru dans les DNA (Dimanche 15 Octobre 2006).
Et il me confiait : “Je suis Alsacien et je m’exprime dans cette langue, comme le Corse, le Breton ou l’Occitan dans la sienne” avant de me parler de la bonne cinquantaine de chansons françaises et anglo-saxonnes (Elvis Presley, Bob Dylan, Les Beatles, etc) servies “à la mode Geber” en prenant des libertés face au texte original : “Je tiens à une traduction la plus serrée possible au niveau du son »
Aujourd’hui, le chanteur originaire de Saverne a toujours eu envie et besoin de parler et de chanter dans sa langue maternelle.
Et le succès remporté dans sa région et en Allemagne l’incite évidement à continuer à chanter, à composer.
On le retrouve aussi dans diverses aventures artistiques comme cet album de l’association Liedebrunne présidée par Jean-Marie Lorber réunissant des talents d’âges variés tels Esther Hege, Denis Steffen, Jean-Marc Birry, etc. Des extraits des chansons sont à découvrir sur le site de cette association présentant “le catalogue en ligne de la chanson alsacienne”.
VERS MOINS DE REPRISES ET PLUS DE CHANSONS INÉDITES ?
Au terme d’une écoute des plus attentives de ce nouvel album soyons francs : il serait judicieux qu’Armand Geber s’éloigne davantage de ses reprises de tubes français et internationaux pour affirmer un répertoire plus personnel. Disons plus conforme encore à sa personnalité … quitte à travailler plus souvent avec des auteurs comme l’auteur, comédien, metteur en scène Yves Grandidier.
Armand Geber aurait sans doute à gagner en s’inspirant du parcours de Robert-Frank Jacobi, autre auteur-compositeur qui s’est d’abord fait connaître par des reprises réussies (Brel, Moustaki, Brassens, Ferrat, etc) avant de s’affirmer dans son propre répertoire.
Tout en parsemant ses récitals de versions alsaciennes de chansons connues, il devrait s’engager vers une voix plus personnelle.
De quoi réfléchir sur le prochain album ?
SITE DE L’ASSOCIATION D’LIEDERBRUNNE