Oui, il s’appelait Jean-Yves Vincent …

Voici déjà un an, le 4 juillet 2012, il s’en est allé subitement, à 67 ans, victime d’une crise cardiaque. Journaliste, auteur-compositeur-interprète, amoureux de la langue française, Jean-Yves Vincent a retrouvé Félix Leclerc, Georges Brassens, Serge Gainsbourg, …

Autant de figures majeures parmi tant d’autres de la chanson qu’il aimait chanter en public, lors de divers festivals en France, ou dans un contexte amical, chez lui dans la grande maison de Marcoussis, en région parisienne.

JY VINCENT PARIS GENERATION BRASSENS 094 GROS PLAN

Jean-Yves Vincent avait aussi été membre de l’Association des auteurs et compositeurs d’Alsace

Durant des années, sa voix grave et chaude aura résonné sur France-Info, lors des courses hippiques commentées en direct.  Mais ce journaliste de l’Agence France-Presse était évidemment bien plus qu’une voix radiophonique cantonnée dans un registre journalistique précis !

Au cœur de la vallée de Villé, en Alsace

C’est au début des années 90 que nos routes s’étaient croisées, dans cette Alsace qui l’avait tant marqué durant ses vacances d’enfance. Et plus précisément dans la vallée de Villé lors d’une séance de dédicace d’un roman historique publié sous l’égide des Editions Pierron de Sarreguemines, hélas disparues à présent.

L’Alsace aura été durant toute sa vie un incontournable repère, entre publications de sagas enracinées dans la mouvementée histoire régionale, et séjours hélas pas aussi fréquents qu’il l’aurait souhaité, avec sa chère Sylvie.

Et dans leur grande maison accueillante, entre verdure et arbres, à Marcoussis, Jean-Yves et Sylvie auront toujours entretenu cet amour d’une Alsace si éloignée des clichés touristiques.

JY VINCENT 4 LIVRES

L’histoire mouvementée de l’Alsace, source d’inspiration d’une passionnante saga historique

En témoignent une impressionnante série d’ouvrages de plusieurs centaines de pages à chaque fois, et toujours aux Editions Pierron de Sarreguemines (hélas aujourd’hui disparues, victimes d’une implacable concentration d’entreprises) : “Le Passage du Climont”, “Manfred Wilderhof”, “Les serres de l’aigle”, “Les nuages et les ombres”, etc.

JY VINCENT ORGUE DE BARBARIE

La passion de l’écriture et des destins des héros anonymes

Puis, au gré de son imagination il s’était aventuré dans d’autres univers romanesques du côté du phare d’Ar-Men, du “Renard des Eteules”, de “L’Orgue de Barbarie” sans oublier “Les Petits Carreaux“, un p’tit bijou de poèmes et chansons paru en juillet 2000 aux Editions Pierron.

Il y donnait libre cours à sa rage d’écrire et de chanter en affirmant sur la 4ème de couverture : “Plus de trente ans de journalisme qui n’ont pas écorné, affaibli le moins du monde, une passion tout à fait débridée pour la littérature, l’histoire, le théâtre, la poésie, la musique et par voie de conséquences « la belle chanson”.

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Au fil des ans, Jean-Yves avait aussi développé une passion pour le château du Haut-Koenigsbourg, au coeur de l’Alsace, non loin de Sélestat et du Val de Villé de son enfance. Il en collectionnait les ouvrages, et les articles de la presse régionale que je lui envoyais régulièrement.

Et comme il me l’avait confié, il avait savouré l’intrigue de Sherlock Holmes imaginée par Jacques Fortier – écrivain et journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace- avec ce château en guise de décor.

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Aux Journées Georges Brassens d’octobre 2009, Jean-Yves Vincent a proposé un concert passant en revue nombre de grands noms de la chanson française et francophone

“Il aimait partager sa passion pour les poètes en général et Georges Brassens en particulier”

Parmi les diverses réactions suscitées par sa disparition, relevons entre autres celle de Georges Boulard, créateur et directeur du festival de la chanson de Vaison-la Romaine.

Un texte qui en dit long sur la place assumée au sein de ce festival en toute discrétion et avec une amitié sans failles.

Nous avons appris ce matin une bien triste nouvelle: la disparition de notre ami Jean-Yves Vincent qui, durant plusieurs années, avait participé à notre manifestation sans ménager sa peine tant il aimait partager avec les amoureux de la belle chanson sa passion pour les poètes en général et Georges Brassens en particulier. Jean-Yves était, par ailleurs, un écrivain de talent qui avait eu la gentillesse de m’offrir ses ouvrages que je lisais toujours avec grand intérêt. Il était ce qu’il est convenu d’appeler une ” belle plume”.

Il avait également recueilli les propos de René Iskin pour rédiger les souvenirs de celui qui fut le premier interprète des chansons de Georges Brassens sans un livre intitulé ” Dans un camp”.

Nous avons aujourd’hui une pensée particulière pour Sylvie, son épouse, qui l’accompagnait dans tous ses déplacements et qui a partagé avec nous tant de bons moments. Nul doute que là-haut, Jean-Yves n’ait retrouvé René, Emile, Georges … et que tous lui ont fait une petite place chez les gentils de l’au-delà. Paix à ton âme mon ami”.

Autre réaction, celle relevée sur le site de l’association ACE 15, support logistique des Journées Brassens de Paris : “Nous sommes au regret de vous informer du décès, mercredi dernier, de notre ami Jean-Yves Vincent : auteur, compositeur et interprète de Brassens, toujours fidèle de nos Journées Georges Brassens, dont il a contribué au lancement, en 1987. Nous penserons bien à lui lors de nos prochaines Journées, les 13 et 14 octobre. Nos condoléances accompagnent sa famille et ses proches”.

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Amicales retrouvailles aux Journées Brassens à Paris, en octobre 2009

L’infatigable passion d’une chanson d’expression française et sans frontières

Outre l’Alsace, l’autre grande passion de Jean-Yves aura évidemment été la chanson française ; une chanson qu’il aimait partager, guitare à la main, avec Sylvie dans leur accueillante demeure de Marcoussis près d’un feu de cheminée dont je me souviendrai toujours. Et aussi sur scène en offrant le répertoire de Brassens dans divers festivals, dont celui de Vaison-la Romaine et du Parc Brassens à Paris.

En 1987, Jean-Yves Vincent aura en effet contribué au lancement des Journées Georges Brassens organisées chaque octobre dans le parc Brassens, Paris 15ème.

D’où ces photos de concert illustrant l’article Elles ont été prises en plein air, en octobre 2009 alors qu’il célébrait non seulement les refrains de Tonton Georges mais aussi de nombre d’autres ambassadeurs d’une chanson française et québécoise authentique, vivante.

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10 chansons inédites sur un 33 Tours paru chez Tivoli Record en 1975

Auteur-compositeur à ses heures, il avait enregistré en 1975 un 33 tours éponyme de dix de ses propres chansons (Tivoli Record, référence 176 281) : “La mer c’est ton pays”, “Je chante pour une ombre”, “La petite place”, “Viva la vida”, etc.Sans oublier “Les jours et les jours” sur des paroles de Sylvie Fohr, Ce document sonore rarissime qui permet de plonger dans l’univers de ce ciseleur de mots dont la soif d’apprendre et de comprendre n’avait d’égale que la passion de chanter.

Puis en 2003, sous l’égide des “Oiseaux du Faubourg à Marcoussis“, autre initiative artistique destinée à ses proches : il rendait hommage en 19 titres à plusieurs grands noms de la chanson avec la complicité d’Olivier Weber et Philippe Paraire.

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Ce livre met en relief une partie de la vie de Brassens grâce à un témoignage amical et rigoureux

Sur les traces de René Iskin

En novembre 2005, sa passion pour Brassens l’incitait à publier aux Editions Carpentier un livre de souvenirs de René Iskin : “Dans un camp Basdorf”.

Cet ouvrage de 285 pages au sous-titre éloquent (“Georges Brassens et moi avions 22 ans”) bénéficie d’une préface signée Pierre Onténiente alias Gibraltar, décédé le 13 juin 2013.

Rappelons que Gibraltar aura été l’ami, homme de confiance, secrétaire et comptable. Ils se sont rencontrés en 1943 à Basdorf, en Allemagne dans une usine d’automobiles, où il était bibliothécaire. Tous deux avaient été réquisitionnés par le Service de travail obligatoire (STO). Un superbe ouvrage signé Jacques Vassal a d’ailleurs paru en 2006 aux Editions Fayard/Chorus : Brassens, le regard de Gibraltar”.

Leclerc, Brassens, Béart, Tachan, Nougaro, Ferrat

Infatigable militant d’une chanson authentique : rarement une telle expression aura si bien collé à la peau d’un de mes amis. Une chanson francophone avec une conviction obstinée et contagieuse, toujours guitare au poing, à commencer par Georges Brassens évidemment.
Mais Jean-Yves Vincent avait bien que la chanson française ne se résume pas au créateur des “Bancs publics”.

Il chantait également Jean Ferrat, Félix Leclerc, Claude Nougaro, Ricet Barrier, Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Jacques Debronckart, Jacques Brel, Guy Béart, Henri Tachan, Jehan Jonas, etc.

Autant d’ambassadeurs d’une langue française pour l’intégrité et le respect de laquelle Jean-Yves aura sans cesse combattu dans sa vie quotidienne, refusant avec vigueur tout anglicisme !

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Sur scène, regards croisés avec son fils Marc à la contrebasse

“Son apparente intransigeance n’était que le reflet de sa pureté”

Dans la revue des Amis de Georges (novembre-décembre 2012), Alain Wicker évoque la mémoire de Jean-Yves en ces termes qui définissent avec justesse l’intégrité du créateur de «La tramontane».

“C’est vrai que Jean-Yves ne concevait pas et ne faisait pas les choses à moitié. Doté d’une considérable sensibilité, tous les événements de la vie, grands ou petits, résonnaient en lui de façon démultipliée.

On pouvait le croire de caractère difficile si l’on éludait cette vulnérabilité sous-jacente que, me semble-t-il, il avait maîtrisé antérieurement et qui ne régressait pas au fil du temps. Son apparente intransigeance n’était que le reflet de sa pureté.

(..) Comme la plupart des artistes, Jean-Yves avait des rapports ambigus avec l’argent et il n’aimait pas en parler.

Il n’avait pas tort. Mais faisant sincèrement passer l’authenticité des relations avant les critères pécuniaires ou carriéristes, il collectionnait les déboires de par son idéalisme ou son refus de purger cette redoutable problématique.

Il est vraisemblable que, sans ce caractère absolu le succès aurait davantage tambouriné à sa porte et l’aurait sorti de sa demeure. D’ailleurs qu’est-ce que la réussite médiatique ? Certainement pas un label de la valeur des individus.

Il y a certainement eu des frôlements de destin entre l’authenticité de l’homme qui n’a rien voulu sacrifier et la notoriété. Cette dernière n’était pas inscrite dans les objectifs secrets de Jean-Yves.
Mais quel écrivain ! Quels textes dans ses romans marqués par les années de guerre ! Quel musicien ! Quel interprète ! Quelle voix !”

En guise de conclusion, je dirai que Car Jean-Yves aura toujours cultivé “un amour sans bornes pour la langue française“». Une expression pas du tout exagérée ! Bien au contraire car cet attachement indéfectible se manifestait aussi bien en paroles dans nos conversations que nos échanges de courriers et de courriels.. Oui, toujours le sens du mot précis et surtout dénué d’anglicisme.
Jean-Yves Vincent était “une belle personne”» comme on dit au Québec. Et il me manque.

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Très à l’aise sur scène, sous le kiosque du Parc Georges Brassens, à Paris, samedi 10 octobre 2009

TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

http://youtu.be/FjGY7pvQpC4