C’est évident ! “Le miel des Anges” suscite beaucoup de déception et de frustration. Et il a de quoi en écoutant à plusieurs reprises ce 7eme album de Viviane Cayol et Jean-Yves Liévaux. Quand on prend (vraiment) le temps de savourer chacune des 14 chansons, on en revient à chaque fois au même constat. Ou plutôt la même interrogation : pourquoi ?

 

ALCAZ carte postale

Oui, dites-moi pourquoi un tel album de 55 mn et 10 secondes AVEC DES CHANSONS MA-GNI-FI-QUES devrait passer inaperçu dans les “grands médias” ?
Pourquoi ce nouvel opus ne retiendrait-il pas l’attention  des radios et des télés qui nous inondent de tant de talents frelatés et de voix survitaminées aux OGM ?
Bon, avouez qu’il y a de quoi être déçu et frustré, non ? Car soyons francs : je croyais bien connaître Alcaz au gré des albums et des concerts applaudis en Alsace et ailleurs dans l’hexagone, sur les routes de la Francophonie également, l’Europe, l’Irlande, les États-Unis, au Canada jusque chez les Inuits, l’Acadie, le Québec… Aussi à Saint- Pierre et Miquelon, bref, autant de lieux où j’ai eu la chance de les voir à l’œuvre, sur scène et aussi dans la vraie vie, à la rencontre, à l’écoute de leurs publics et des gens de villes en villages.
D’où ce conseil d’ami : attention danger ! Méfiez-vous des idées reçues sur Alcaz .
Et fuyez sans tarder les clichés qui ont la vie dure. C’est évident … je  me suis … comment dire … pris une incontestable claque en découvrant le nouvel album de 14 titres. Faudra que vous changiez de logiciel car l’image du duo guitare-voix en prend un sacré coup. Et ça fait du bien !

 

ALCAZ Jaquette verso

 Avant de parler des chansons, un mot sur la pochette, l’habillage, les couleurs, bref l’atmosphère suscitée par le CD quand on l’a en main, quand on passe en revue les 12 pages du livret. Il y a  évidemment du Viviane Cayol là-dessous !
Car l’auteure-compositrice-interprète Marseillaise est aussi plasticienne, peintre inspirée et ses œuvres colorées habillent “Le Miel des Anges” avec douceur et éclat.
Cette démarche artistique, elle se situe dans la veine des quatre livres d’art “Haïku d’peinture” consacrés aux saisons : c’est-à-dire une histoire sans frontières, à deux, entre les Haïkus de Jean-Yves Liévaux et les peintures de Viviane Cayol, sans aprler des autres différents livres. Une ènième facette de ce duo à ne pas résumer à ses aventures en studio et sur scène. 
Alors n’ayons pas peur des mots. Cet opus est  une vraie révolution dans une discographie qui ne manque pourtant pas de p’tits chefs d’œuvre : choix des thèmes, arrangements, mixage et réalisation, complicité avec des musiciens de (grand) talent dont l’accordéoniste québécois Steve Normandin .
 
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Photo Véronique Marcel
Chaque titre pourrait faire l’objet d’un clip tant les sources d’inspiration et les genres musicaux sont diversifiées.  Certes, c’est toujours l’amour qui irrigue le nouveau répertoire d’Alcaz, mais avec une expression aux multiples repères. 
D’entrée, sur cette guitare phénoménale de Lucas Mannarino  on sent les grandes étendues, dans leurs voix le souffle intérieur, cette clarté qui se pose face à l’âme des hommes blessés.
Éclectique production, je vous le dis !
Prenez par exemple “J’adore ça” où dans la même chanson on passe du jazz manouche à une musique classique avec les violons de Robin Duchaussoy.
Prenez par exemple “J’adore ça” où dans la même chanson on passe du jazz manouche à une musique classique avec les violons de Robin Duchaussoy.
Plusieurs chansons sont marquées par des ruptures de rythme comme dans “Rouge” aux accents flamenco. Il y a vraiment de quoi être surpris par les audaces musicales de cet album comme avec “Ivres”, un titre marqué par l’intervention d’un “guitar héro” Théo Grozdanic qui s’en donne à cœur joie : ambiance planante sur texte intense “loin des cadres et des cadrans comme les enfants de Baudelaire ensemble”.
 Et “Le Miel des Anges” alors ?
Oui la chanson éponyme marquée –comme la plupart des titres– par des trouvailles linguistiques et des clins d’œil qui n’apparaissent pas à la 1ere écoute : “mes paradis au beurre”, “mes paradisparus”,  “emmielle-moi avec toi/tu vois je suis gelée/royale et possédée”.
Signées tour à tour par Viviane Cayol ou Jean-Yves Liévaux, les paroles et les musiques de cet opus en disent long sur la complicité entre les deux artistes, entre tendresse, poésie et taquineries comme dans “Oh baby oh !”. Et toujours, disséminées ici et là au gré des titres, quelques pincées d’humour qui font du bien et enrichissent ces chansons d’amour.
 
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Photo Christine Pascal
 
Quel lien entre “Les femmes du port”  avec ses “marins transis /repus de leurs diablesses” et “Idéal” qui s’affirme en crescendo à l’instar d’un hymne qu’on reprend en chœur ? 
Quelle passerelle entre “Accord parfait” où la voix de Viviane s’envole du côté de Jane Birkin et “Sweet love mi amor” avec sa Place des Arts (de Montréal) déserte et quelques brèves notes qui me font penser au “My Sweet Lord” de Georges Harrisson  ? 
Bonnes questions car justement il n’y en a pas ! Car un des atouts de ce CD aux allures de puzzle c’est justement offrir un feu d’artifice aux couleurs si variées.
Et n’oublions pas   – surprise de taille –  la superbe chanson “U Riposu da Liberta – Le repos de la Liberté” offert en français et en corse sur un texte  d’Eric Barre et accompagné par le groupe polyphonique Tavagna. Quand la Liberté prend la parole, il y a  de quoi s’inquiéter pour son avenir : “Je suis lasse de ne pouvoir chanter dans tous les coins du monde/les flammes après tout ne brûlent pas qu’ici”.
Ce chemin de traces, leur engagement plus que jamais pour la Paix Mondiale. « Tous Azimuts » d’une écriture poélitico-rock et leurs voix mêlées de sens… « A la saison des libellules on ouvrira le cœur de nos cellules »
S’y ajoute le bref titre “Complicité” écrit par Raoul Locatelli: oui celui qui a, en 2022, tiré sa révérence après avoir assuré la programmation  des Musicales de Bastia durant 34 ans !
Et la mer qui amène en douce le dernier titre, en toute sérénité « Et si tout simplement je te soufflais les mots que m’a soufflé le vent » vague spirit’ à l’Alcazienne.
Que vous dire de plus dans ce (trop long) texte pour vous donne envie de savourer “Le Miel des Anges” ?Il n’y a rien d’autre à ajouter.
Rendez-vous au soleil d’après.
Ah si une invitation : prenez le temps d’écouter cet album et donnez-moi en des nouvelles. Oh bien sûr, il y aura encore tant à dire sur chaque chanson, sur ces deux voix qui ont créé une efficace alchimie avec les musiciens dont le saxophoniste John Massa sur le titre éponyme ! De quoi attendre avec impatience un clip, voir plus.

Albert Weber

 

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Photo Christine Pascal