“Une limonade ? “, c’est le nom du 3ème album du Morand Cajun Band.
51 minutes et trois secondes à savourer sans modération même si ces chansons ne sont pas souvent diffusées sur les ondes et que le groupe fondé en 1994 est plus que jamais invisible sur le petit écran.
Coup de projecteur sur un album anti-morosité qui vous (re)donne ne sourire, et vous donne envie de danser de de chanter. D’être heureux sur des rythmes enracinés dans une attachante Louisiane et offerts par le MCB dans une réjouissante décontraction.
SURTOUT PAS DE COPIÉ-COLLÉ DE LA MUSIQUE DE LOUISIANE
“Un quatuor qui ne s’embarrasse pas des conventions en ne cherchant pas à faire du copié/collé de la musique de nos cousins de Louisiane, mais en y mettant tout leurs bagages musicaux et leurs sensibilités qu’ils trimballent depuis longtemps”.
Signée Roger Morand, cette présentation en dit long sur l’esprit qui règne sur scène en coulisses dans ce groupe offrant une musique entièrement acoustique puisée dans un large registre d’airs cajun et créole, zydeco,
S’y ajoute un zeste de musique acadienne et country, et une pincée de rock comme en témoigne un titre caché glissé malicieusement dans cet enregistrement : le genre de titre qui vous met d’aplomb dès le matin, pour que vous ayez eu un réveil quelque peut difficile !
Ce nouvel album a largement de quoi ravir “les amateurs de blues que ceux des planchers de danses cajun, zydeco, rock ou country… On y retrouve des two step, jitterbug, côtoyant des one step, line dance, polka, baisse bas et même biguine”.
“BELLES CHANSONS TANTÔT BRAILLARDES OU MÉLANCOLIQUES”
Pour ceux qui ne sont pas de redoutables spécialistes des rythmes de la Louisiane, normal qu’ils aient un peu de mal à s’y retrouver dans les divers genres musicaux mis en relief au fil des titres.
Mais pas de panique ! La pochette met en valeur chaque titre avec une brève explication mêlant références historiques et repères musicaux, précisions sur le créateur et sur l’impact de la chanson au moment de sa sortie.
Ces précisions sont d’autant plus précieuses qu’elles témoignent de la vaste diversité des sources d’inspiration des quatre compères. Mais soyons francs : on peut très bien se laisser emporter par l’ambiance de l’album sans nécessairement s’accrocher à ces informations.
Car il faut bien affirmer haut et fort une évidence : “Une limonade ?” ne s’adresse pas à l’esprit, à l’intellect, mais au corps. Bref à l’envie et au besoin de s’abandonner à l’ambiance de ces “belles chansons tantôt braillardes ou mélancoliques, tranches de vie, d’amour et de dérision”.
A la une de Trad Magazine, mars-avril 2015
CLIN D’ŒIL A CLIFTON CHÉNIER
En somme du “vrai french Cajun blues boogie & Zydeco quoi !” selon Roger Morand, créateur du groupe. Un sacré passionné de musique qui apprend l’accordéon chromatique à l’âge de 6 ans avant de s’intéresser durant son adolescence au mélodéon : deux des instruments qu’il joue au sein du MCB qui a subi plus d’un changement dans sa déjà longue histoire de plus de 20 ans.
Aujourd’hui le groupe comprend aussi Guy Vasseur aux percussions, Patrick Plouchart (violons, chant et choeurs) et Jean-Marie Ferrat (guitares, basses, choeurs) qui a également enregistré et produit l’album aux arrangements signés Roger Morand.
Mention spéciale, au fil des refrains de “La limonade ?” au “Bon temps rouler” créé en 1967 par Clifton Chenier (1925-1987).
D’où une évidente passerelle entre ce 3ème CD et le précédent album du MCB, “Marcher Plancher” : un clin d’œil à ce pionnier de la renaissance d’une certaine Louisiane francophone, influencé à la fois par le blues et le jazz et inoubliable musicien de zydeco. L’impressionnante discographie de cet inventif pionnier en dit long sur le parcours de ce créateur assurément cher à Roger Morand.
S’il est évident que le Morand Cajun Band célèbre avec talent la Louisiane, notons que le groupe s’est également forgé une belle réputation dans un registre plus folk, notamment avec l’animation de bals avec danses traditionnelles (mazurka, polka, danses en ligne et en cercle, etc
C’est au Théâtre de la Choucrouterie créé en 1984 par Roger Siffer à Strasbourg qu’Isabelle Grussenmeyer a présenté dimanche 14 mai “Ich bin do” (“Je suis là”) son 4ème album solo.
Retour sur cet événement marqué par une intense prestation de l’auteure-compositrice-interprète accompagnée par quatre efficaces musiciens.
S’en est suivie une séance de dédicace animée par une artiste visiblement très heureuse de présenter son nouvel opus de 38 minutes et 50 secondes réparties en 11 chansons.
Une vraie complicité sur scène et dans la vie aussi
“PAS DU FOLKLORIQUE MAIS DES MUSIQUES ACTUELLES”
Premier constat : “Le titre “Ich bin do” veut dire pleines de choses ! C’est aussi pour dire que le dialecte est bien vivant ! Et qu’il existe ! “explique la chanteuse.
Non à la nostalgie, oui à la chanson pleine d’entrain, joyeuse, audacieuse, qui donne envie de chanter, d’avoir du plaisir. Et aussi de se poser des questions De bon sens, voire de tirer une très inquiète sonnette d’alarme sur la non-reconnaissance, l’indifférence, voire le mépris et le rejet suscité par un artiste soucieux de créer dans sa langue natale.
Ainsi pourrait-on résumer en quelques phrases la démarche artistique d’une des rares chanteuses alsaciennes qui continue à défendre sa langue natale sur des accents résolument modernes.
“Des textes avec des notes d’humour, une touche de poésie une invitation à transformer le quotidien en rêve” explique Isabelle Grussenmeyer.
“Franchement, c’est toujours difficile de caser ma musique dans un style, un genre musical. “Ich pàss nit guet in e Käschtel nin” ! Mais ça reste toujours des chansons en alsacien pour les grands, …et pour les petits. Et ce n’est pas folklorique, ce sont des musiques actuelles”.
Bien sûr qu’en cette époque de mondialisation effrénée il est vital de continuer à créer, à chanter dans sa langue natale. Mais la langue ne doit surtout pas être l’unique atout d’une démarche artistique.
Il est essentiel que l’inspiration soit elle aussi au rendez-vous. Pas pour offrir de nouvelles versions de refrains alsaciens qu’on aurait envie de dépoussiérer mais bel et bien dans l’affirmation d’un répertoire enraciné dans des réalités actuelles.
Après Morjerot en 2002 et Hin un her en 2007, voici donc le 3ème album autoproduit d’Isabelle Grussenmeyer. S’y ajoute Sunnebluem (2004) “Sunnebluem” sur des textes de Conrad Winter et musiques de son fils Jean-Philippe.
Avec obstination, Isabelle Grussenmeyer trace sa voie de “Liedermacherin” (“faiseuses de chansons”): “Je me définis souvent par ce mot, c’est comme Songwriter en anglais, ça résume en un mot : auteur-compositeur-interprète“.
A l’aise sur scène …
ÉVIDENTE AISANCE SCÉNIQUE
Pour bien mettre en valeur son envie et son besoin de parler et de chanter en alsacien, l’artiste s’est entourée à la Choucrouterie de quatre talentueux musiciens : Adrien Geschickt (contrebasse), Jean Bernhardt (batterie, percussions), Kalévi Uibo aux guitares et Thomas Etterlé (claviers, cuillères, kazou). Et aussi au thérémine qui intrigue toujours le public : un des plus anciens instruments de musique électronique.
Créé en 1919 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen connu sous le nom de Léon Theremin, il se compose d’un boîtier électronique équipé de deux antennes, l’instrument a la particularité de produire de la musique sans être touché par l’instrumentiste.
Histoire de mieux faire comprendre son fonctionnement, la chanteuse cherchera une spectatrice dans la salle pour qu’elle en joue devant le public !
1ère leçon de thérémine pour Huguette, une des spectatrices de la Choucrouterie
SURMONTER LE TRAC ET ÊTRE (TRÈS) HEUREUSE FACE AU PUBLIC
Cette pause dans le spectacle, c’est aussi tout un symbole. Celui d’une artiste bien à l’aise sur scène, évoluant entre ses musiciens, s’avançant dans le public pour chercher un(e) volontaire pour jouer du thérémine.
Une fois surmontées les premières minutes du début de son spectacle entamé dans un certain stress, Isabelle s’en donne à cœur joie, expressive autant dans ses intonations que sa gestuelle : une réelle aisance qui aura eu raison de l’obsédant trac
De quoi lui inspirer une de mes chansons préférées de “Ich bin do” : “De Bühnedatteri” exprime avec humour et réalisme les divers symptômes qui s’emparent d’elle avant d’affronter le public.
Pris sur le vif, au moment des rappels …
“SPINNERLIED” : CLIN D’ŒIL À RENÉ ÉGLÈS
En plus des titres de son nouvel album, elle aura, ici et là, glissé des refrains plus anciens de son répertoire forgé au fil des années. Sa discographie est marquée par trois albums solo pour adultes), plusieurs participations à des compilations sans oublier quatre albums pour enfants en duo avec Jean-Pierre Albrecht et un livre-CD avec Gérard Dalton (et toujours Jean-Pierre Albrecht, également co-auteur de “Ich bin do”).
Selon son site, il existe neuf albums pour tout public ! Et on peut y ajouter les CD produits par l’OLCA (Office pour la langue et la culture d’Alsace) pour les enfants : une compilation pour les carnets de santé, une autre pour les écoles.
Isabelle Grussenmeyer chante ses compositions et aussi divers auteurs alsaciens tels Conrad Winter, Henri Mertz, Emma Muller. Sans oublier René Egles, Gustave Stoskopf (“Spinnerlied”), Jean-Pierre Albrecht, surtout pour le répertoire enfant … et aussi Germain Muller, dans le projet “Barabli Hit”, et Roland Engel pour “Gospel Gsang”.
Après un premier rappel, c’est d’ailleurs avec “Spinnerlied” qu’elle termine seule à la guitare son lancement d’album. Assurément un superbe clin d’oeil à ses débuts discographiques …. puisqu’elle a enregistré en 1996 ce poème de Gustave Stosskopf mis en musique par René Egles.
En l’occurrence sa première expérience en studio, pour la compilation “Lieder fer’s Herz” (“Chansons pour le cœur”) produite par l’association Liederbrunne. Plus d’un artiste de cette compilation a depuis longtemps cessé de chanter, mais pas la femme en rouge, sans doute sa couleur fétiche sur scène. Mais pas elle …
PREMIÈRE SCÈNE A 11 ANS
Il est vrai qu’elle se passionne pour l’alsacien depuis son jeune âge.
D’où cette anecdote bien connue de ceux qui s’intéressent à la carrière d’Isabelle Grussenmeyer. En 1990, elle a 11 ans et apprécie tant un concert de René Eglès à Ingwiller qu’elle va voir l’artiste durant l’entracte en lui lançant : “Tu sais, moi aussi j’aime chanter en alsacien !”.
Imaginez la surprise de René Eglès, une des figures majeures de la chanson alsacien dont il fut un des pionniers dans les années 70. Il la prend au mot et la fait monter sur scène.
Ce seront ses premiers pas suivis peu de temps après par une invitation à chanter au Palais des Congrès de Strasbourg, un lieu dont Isabelle ignore alors tout. Une fois sur place elle se rendra compte de l’importance de cette vaste salle où elle sera applaudie aux côtés de son mentor.
Retenu par un concert prévu de longue date, René Eglès n’aura hélas pas pu être présent à la Choucrouterie le 14 mai. Et c’est bien dommage. En effet, il aurait apprécié l’épanouie personnalité de la chanteuse : une femme aussi déterminée que talentueuse. Finie la jeune fille timide, réservée, qui chantait à l’ombre du célèbre “troubadour alsacien”.
11 CHANSONS POUR RACONTER LA VIE
Depuis sa plus tendre enfance, elle a toujours aimé chanter ! D’abord des comptines alsaciennes avec son arrière-grand-mère et ensuite diverses chansons au sein d’une chorale.
A 38 ans, maman de deux filles, Isabelle Grussenmeyer est une femme épanouie. Jonglant toujours entre répertoire pour adultes et chansons pour jeune public, elle avance à son rythme. Et de plus en plus à l’affut d’un monde en perpétuelle (r)évolution.
Aucun titre de “Ich bin do” ne ressemble à l’autre, chacun met en évidence un constat, une réalité, une évidence. Du vécu aussi pour l’album débute par des cris de bébé … qui ont également résonné ce jour-là à la Choucrouterie. Avec cette chanson sur les premiers pas d’un enfant, elle se dévoile encore un peu plus sur scène, notamment accompagnée par le thérémine.
Tour à tour enjouée et sérieuse, Isabelle Grussenmeyer passe en revue quantité de tranches de vie et de constats qui s’envolent parfois bien au-delà de son Alsace natale tel “Klimablues” , un blues enraciné dans des préoccupations écologiques.
ENVIE D’UN DUO AVEC ALDEBERT
Isabelle Grussenmeyer se sent “proche des artistes comme Aldebert. J’aime son style, sa façon d’écrire pour les grands et les petits, ses musiques parfois très dynamiques, parfois plus douces“.
Enregistrer un jour avec lui ? “Bien sûr ! Et pourquoi pas même en alsacien, il aime travailler avec d’autres artistes et même d’autres langues, c’est peut-être un rêve réalisable !”.
Et parmi ses autres repères ? “Bien sûr René Egles, et Jean-Pierre Albrecht, dans la famille des Liedermacher” répond-t-elle, précisant aussitôt qu’elle n’est pas du tout fermée à la chanson d’expression française.
Bien au contraire : “Oui, ça m’est déjà arrivé d’écrire des chansons en français, mais peu, entre autres, la chanson “Ensemble nous voyageons autour du monde”, c’est l’adaptation de “Mit’nander han mr de Kehr vun de Walt gemacht” sur l’album “Morjerot”. Une strophe y est “parlée” en français par Jean-Pierre Albrecht”.
“NE M’ENFERMEZ SURTOUT PAS DANS UN TIROIR MUSICAL “
Jazz, folk, rock, pop, électro ? Impossible pour la chanteuse de s’enfermer dans un seul univers.
Et c’est en jonglant avec entrain entre divers espaces musicaux en ponctuant ses mélodies de diverses ruptures de rythmes : ““Nous avons souhaité mettre des musiques aux couleurs latines, dynamiques, mais aussi d’autres pour rêver … et pour sourire !
Je ne sais pas trop dire ce que c’est, mais je sais bien ce que ce n’est pas : ce n’est pas de la musique folklorique, ni rap, ni punk, ni hard rock, ni classique, …. . C’est plutôt pop, folk, latin, voir jazzy et touches d’electro, c’est léger, joyeux, rêveur.. avec des notes d’humour. Des chansons en alsacien avec les couleurs du soleil ! De la musique du monde, version en alsacien ?!”.
Attention, , ne croyez surtout pas que l’album “Ich bin do” soit réservé aux Alsaciens maîtrisant leur langue à la perfection. Certes, il s’adresse aux dialectophones et germanophones mais – pour selon l’artiste – “il interpelle aussi les jeunes générations et tous ceux qui ne connaissent pas encore la langue et qui sont attirés par les sonorités actuelles de la musique”.
Enregistrement et mixage ont été assurés au studio Dub & Sound par Patrick Wetterer, et en plus des musiciens venus à la Choucrouterie, notons aussi la participation sur cet opus de Julien Grayer (guitares), Jean-René Mourot (accordéon et trompette) Marion Schmitt (flûte traversière).
“PERSONNE N’EST PROPHÈTE EN SON PAYS”
Outre la chanson sur le trac, mention spéciale à deux autres titres de “Ich bin do”.
D’abord “Waje de Litt” (à cause des gens) : elle se glisse dans la peau d’une femme toujours obsédée par ce que pensent les autres et dont la manière de s’habiller et de se comporter sont adoptées en fonction de la pression sociale.
Jusqu’au jour où Trudel fait exploser sa peur et s’affiche avec une liberté qui, évidemment, suscite une avalanche de commérages. Cette chanson devrait faire l’objet d’un clip tant elle reflète la vie de trop de personnes, non ?
Et bien sûr, il y a “Kenner isch Prophet in sim Lànd” : autre chanson qui pourrait donner lieu à un clip tant il est plus que jamais d’actualité dans une Alsace où langue et culture régionale sont plus que jamais en danger. Et où un artiste chantant dans sa langue natale a bien du mal à sortir d’un certain ghetto médiatique.
Andréas Ottmayer en pleine action : ce seront les seuls images du concert
UN RÉALISATEUR VENU DE STUTTGART POUR FILMER LE CONCERT
Nul n’est prophète en son pays ?
En regardant Isabelle Grussenmeyer chanter ce titre, une évidence s’est imposée pour moi à la Choucrouterie : ce concert a été filmé par Andréas Ottmayer, réalisateur allemand venu spécialement de Stuttgart !
Hé oui, aucune prise de vue du spectacle n’a été effectuée par un cinéaste d’Alsace ou d’ailleurs en France.
Ce professionnel allemand d’une trentaine d’années se passionne pour l’identité alsacienne. D’où “Schmierwurst & baguette” (saucisse à tartiner et baguette), son documentaire sur la musique, le dialecte et la culture en Alsace. Soit 50 minutes ponctuées par plusieurs interventions d’artistes entre témoignages et chansons dont Isabelle Grussenmeyer, Jean-Pierre Albrecht, Roger Siffer, Serge Rieger, le groupe Les Hopla Guys, etc.
Jean-Pierre Albrecht et Gérard Dalton
Gérard Dalton face à la caméra d’Andréas Ottmayer après le concert
OTTMAYER, ALBRECHT, DALTON, SCHLEEF, LORBER ET LES AUTRES …
“D’après les réservations, la salle devait être complète jusqu’à la dernière place. Mais finalement, plusieurs personnes qui avaient réservé ne sont pas venues, m’explique Isabelle Grussenmeyer en précisant : “Oui, heureusement qu’Andreas est venu, lui s’est proposé de filmer, et je suis bien contente qu’il restera une trace !”.
A part Jean-Pierre Albrecht, co-auteur des textes et Gérard Dalton, aucun autre artiste d’Alsace n’était présent à la Choucrouterie pour le lancement de cet album. Ces deux auteurs-compositeurs-interprètes sont des complices de longue date ‘Isabelle Grussenmeyer sur plusieurs albums et spectacles pour enfants.
Soulignons aussi l’absence des caméra de “Rund Um”, l’émission alsacienne de France 3 Alsace… Un reportage avait été convenu mais il y a eu désistement de leur part deux jours avant le concert. D’où l’importance – au risque de me répéter – des prises de vues réalisées par Andréas Ottmayer. Hé oui, nul n’est prophète …
Andréas Ottamyer, Jacques Schleef et Jean-Marie Lorber
Le lancement de cet album aura aussi été l’occasion de retrouvailles avec des Alsaciens sensibles à l’identité et l’avenir de leur terre natale.
Et surtout qui l’affichent sous diverses formes d’action tels le président du Centre culturel alsacien Jean-Marie Woerhling, également directeur de publication de “Land Sproch”, Les Cahiers du Bilinguisme, et président de Culture et Bilinguisme d’Alsace et de Moselle …
… Jean-Marie Lorber, créateur de l’association Liederbrunne et candidat du parti Unser Land (Notre Pays) aux législatives aux élections de juin … et Jacques Schleef, créateur du Festival Summerlied et fondateur du Club Perspectives Alsaciennes. Ce concert lui aura permis de distribuer des exemplaires du journal gratuit de 12 pages réalisé par le CPA.
Distribution du journal du Club Perspectives Alsace par Jacques Schleef
“J’AI PROFITÉ DE CE MOMENT SUR SCÈNE AVEC MES MUSICIENS”
C’est certain, ce concert a été un défi pour la chanteuse et ses proches. Il a fallu préparer tout l’aspect matériel, artistique, mais aussi médiatique… même si peu d’artistes, de médias ainsi que de producteurs (pourtant invités nominativement par TRÜDEL Production) se sont déplacés.
“J’étais contente, j’ai profité de ce moment sur scène avec tous mes musiciens” confie l’énergique chanteuse en précisant au sujet de TRÜDEL Production : “‘C’est une association qui a à coeur de soutenir les projets artistiques autour de la langue et la culture régionale”.
Reste au final une évidence : ce concert aura été synonyme d’authentique réussite.
Idem pour l’album soutenu entre aides et subventions à hauteur de 65% par divers partenaires associations : Liederbrunne, et Culture et Bilinguisme, Région Grand Est; OLCA (Office pour la langue et la culture d’Alsace).
“Ce sont des soutiens financiers ou bien des aides logistiques (comme la diffusion via le site Liedebrunne). Effectivement, je n’ai pas de maison de disque, Le Liederbrunne est distributeur et un soutien financier et logistique. Pour Culture et Bilinguisme intervient en tant qu’aide logistique administrative”.
En somme un CD qui confirme – tout simplement – de l’incontestable et réjouissante vitalité d’une chanson alsacienne qui ne demande qu’à être MIEUX mise en valeur. Et pas seulement en Alsace.
Soirée des plus réjouissantes samedi 10 juin à Sélestat pour qui s’intéresse à la chanson alsacienne.
Culture et identité ont si souvent méprisées par la France et l’Allemagne qui ont tenté de la mettre au pas, voire de l’étouffer définitivement au gré d’une tragique Histoire enraciné dans de perpétuelles tentatives d’assimilation forcée.
D’où l’importance d’un tel événement artistique. Car il contredit avec professionnalisme les oiseaux de mauvaise augure (et de mauvaise foi) qui se complaisent à ringardiser et à sous-estimer la détermination de ceux qui chantent en alsacien.
Gaël Siffert
UN CONCOURS LANCÉ PAR L’OLCA ET RADIO BLEU ELSASS
Gaël Sieffert est donc lauréat de la 1ère édition du concours D’Stimme (les voix) accueillie aux Tanzmatten, le complexe culturel et festif de Sélestat.
Lancé en novembre dernier par L’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA) et France Bleu Elsass, ce concours aura suscité une quarantaine de 40 candidatures en provenance de toutes générations.
S’en est suivie une sélection de 10 artistes ou duo : André BAUMERT, Katia CRIQUI, Maxime KUHM, Tatiana HENIUS, Luc LEMENU, Gaël SIEFFERT, Joseph SPINALI, Gilbert TROENDLE, Christophe VOLTZ, Lucie et Valentin ZAEPPFEL
La finale aura été marquée par des adaptations alsaciennes de divers tubes (Claude Nougaro, Léonard Cohen, Claude François, Creedence Clearwater Revival, Secret Garden, etc) interprétés par trois de quatre finalistes : Lucie et Valentin Zaepffel (2ème) ; Tatiana Henius (3ème) et Maxime Kuhm (4ème).
Lucie et Valentin Zaeppfel au micro de Pierre NussTatiana HeniusMaxime Kuhm, 13 ans
AVEC MATSKAT, LEOPOLDINE HH ET CATHIE BERNECKER
Présentée en alsacien (et en toute décontraction) par Pierre Nuss, une des voix de la radio coorganisatrice, la finale aura également mis en relief trois artistes dont l’expérience dépasse leur Alsace natale : MatsKat , Léopoldine HH et Cathie Bernecker.
D’où plusieurs chansons proposées par ces trois complices avec notamment des nouvelles versions de refrains traditionnels d’Alsace …
… efficacement accompagnés par le groupe Di Mauro Swing ainsi que les musiciens Christian Clua, Jessy Heilig, Jean-François Untrau, Franck Reinhard, Grégory Ott et Matthieu Zirn.
Une soirée marquée par nombre de projections présentant finalistes, musiciens et chacune des chansons offertes au public venu en force à ce grand concert gratuit Les quatre finalistes entourés par Matskat, Léopoldine HH et Cathie Bernecker
CHALEUREUX CLIN D’ŒIL AU FESTIVAL SUMMERLIED
A noter aussi la chaleureuse allusion lancée par Matskat au festival Summerlied fondé en 1997 par Jacques Schleef , juste avant que ne résonnent “Wilde Stimme”, chanson composée spécialement pour LA CRÉATION de l’édition 2014.
Le Festival Summerlied – représenté à la finale de Sélestat par sa directrice Agnès Lohr- invitera Gaël Sieffert, gagnant du concours d’Stimme, à se produire lors de sa prochaine édition en août 2018.
A vrai dire, le résultat du concours met en relief non pas un mais deux créateurs d’Alsace !
La finale a été gagnée avec les chansons “Atmosphère” et “Hin un Här” : paroles de Christophe Voltz et musiques de Gaël Sieffert. Deux créateurs mobilisés en faveur de diverses initiatives communes. En fait, au départ, Gaël accompagne Christophe à la guitare lors des one-man-show ‘s “Ich Bekum a Aff” crées par ce dernier.
Ce spectacle, je l’ai découvert (et apprécié) début mai au Petit Thépatre d’Epfig dirigé par Christian Rauch, directeur d’une salle de 50 places qui mérite assurément d’être mieux connue.
Gaël Sieffert et les autres artistes régionaux à Astaffort avec leurs formateurs et Francis Cabrel, créateur de Voix du Sud. (Photo du site de VDS)
QUAND ALSACE, PAYS BASQUE, CORSE, BRETAGNE, CORSE, OCCITANIE, ILE DE LA RÉUNION CRÉENT ENSEMBLE A ASTAFFORT
En 2013, les deux compères se lancent dans un nouveau projet de création musicale basée sur l’alsacien.
VOSTOK PROJECTest né, et participe la même année à un atelier à Voix du Sud, aux fameuses Rencontres d’Astaffort créées par Francis Cabrel : une intense semaine de rencontre avec d’autres artistes pour composer des chansons dans un temps imparti.
Cet atelier conforte Sieffert et Voltz à continuer sur cette voie, encouragés par Voix du Sud. Et VOSTOK PROJECT prend peu à peu son envol en poursuivant son objectif : diffuser le plus largement possible ses créations originales en alsacien.
A l’été 2016 les deux compères sont à nouveau invités par l’équipe de Voix du Sud sous l’égide du festival Summerlied pour participer à la création “La nuit d’encontre”. Une sacrée aventure synonyme de rencontre de diverses cultures : Alsace (Gaël Sieffert); Pays Basque (Philippe de Ezcurra); Bretagne (Rozenn Talec); Corse (Diana Salicetti); Occitanie (Coralie Nazabal) Ile de la Réunion (Mathias Vienne alias Tias).
Il en résultera un spectacle réalisé en dix jours à Astaffort et présenté à quatre reprises, dont une fois au festival d’Ohlungen en août 2016.
Une aventure sans lendemain ?
Gaël Sieffert et Christophe Voltz espèrent bien que non ! Suite à cette expérience, ils ont envie de présenter “VOSTOK PROJECT” dans d’autres contrées.
Pas de doute, la balle est dans le camp des décideurs …
Pierre Nuss, une des voix de Radio Bleu Elsass
“C’EST CHIC DE PARLER ALSACIEN”
En guise de conclusion à la finale D’Stimme samedi 10 juin à Sélestat une évidence s’impose : “C’est chic de parler alsacien” !
C’est le constat lancé après la proclamation des résultats par l’animateur de la soirée, Pierre Nuss, une des voix de Radio Bleu Elsass.
Un cri du cœur et un percutant clin d’œil plein de bon sens et de fierté … à la célèbre expression “C’est chic de parler français” ayant fleuri avec force en Alsace au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, au détriment de la langue et de la culture régionales menacées d’étouffement.
D’Stimme ? Un concours à renouveler sans aucun doute l’année prochaine …
… mais en proposant si possible deux catégories : une pour les versions alsaciennes de chansons connues et l’autre pour des titres originaux, au sens fort du terme.
Depuis samedi 17 juin 2017, le groupe scolaire (maternelle et primaire) de ce village alsacien porte le nom de René Egles, un des auteurs-compositeurs-interprètes majeurs de la chanson alsacienne et un de ses obstinés pionniers.
Retour sur une cérémonie aux multiples facettes entre discours officiels, chansons reprises par des écoliers d’hier et d’aujourd’hui, expo photos d’antan, déjeuner préparé par l’US Gumbrechtshoffen et par les parents d’élèves, animation par l’Harmonie Municipale.
René Egles chantant entre les écoliers d’hier et d’aujourd’hui avec au premier plan Yann Schaller, actuel directeur de l’écoleRené Egles et Jean-Pierre Neusch (veste bleue), l’ancien directeur d’école et une partie des anciens écoliers de Gumbrechtshoffen
UNE LONGUE HISTOIRE AVEC LES ÉCOLIERS DE GUMBRECHTSHOFFEN
C’est la première fois en Alsace qu’une école ou un groupe scolaire porte le nom d’un chanteur alsacien vivant.
Une initiative qui rappelle l’inauguration en octobre 2004 de l’école André Weckmann de Roeschwoog, alors organisée en présence du poète et romancier alsacien ainsi que de René Eglès.
D’où l’importance du symbole mis en évidence à Gumbrechtshoffen par nombre d’interventions parlées (élus, ancien et actuel directeur d’école) et chantées avec l’active participation des actuels écoliers de ce groupe scolaire mais aussi d’une chorale d’anciens élèves reformés pour la circonstance.
Le dessinateur Raymond Piela, créateur de tant de pochettes d’albums et de couvertures de livres. Ici avec le chanteur Roland Engel durant la cérémonie.
Dessin Raymond Piela
Hé ou, si cette école porte aujourd’hui le nom d’Egles, c’est qu’une longue histoire unit le village alsacien et le chanteur.
A partir de la fin des années 70, cet ancien instituteur a passé une bonne partie de sa vie à circuler dans toute l’Alsace, guitare à la main, pour valoriser sa langue et sa culture natales.
En résulte une bonne cinquantaine de comptines enregistrées sur 33 tours avec la complicité d’écoliers de Niederbronn, Hochfelden et Gumbrechtshoffen : une période également marquée par nombre de concerts et émissions télévisées avec les enfants.
Ah oui c’était moi, quand je chantais avec René Egles !René Egles venu en famille pour cet événement
“ICH BIN A KLEINER MUSKANT” : TOUTE UNE ÉPOQUE !
L’exposition de photos présentées samedi 17 juin a ravivé bien des souvenirs chez les anciens écoliers.
Ils sont venus en grand nombre à l’inauguration de l’école, et leurs téléphones portables ont été bien utiles pour photographier des clichés pris voici plus de 30 ans avec le chanteur.
Même émouvant plongeon dans le passé lors de la projection d’extraits de “Ich bin ein kleiner Musikant”, l’émission télé réalisée avec les écoliers …
S’y sont ajoutées plusieurs minutes d’une vidéo réalisée voici quelques semaines avec des écoliers d’aujourd’hui : un clin d’œil plein d’humour et de rythme présenté à René Eglès en présence de Yann Schaller, actuel directeur de l’école.
Il est vrai que René Eglès est revenu à plusieurs reprises à Gumbrechtshoffen ces derniers mois pour préparer la fête organisée samedi 17 juin. D’où notamment ce panneau de photos de la “préparation du baptême de l’école”.
Le dévoilement de la fameuse plaque a réservé une surprise ! La corde tirée par René Egles s’est cassée et …
… et il a fallu une canne à pêche pour décrocher le voile recouvrant l’inscription ! Sous l’œil attentif de nombre d’élus alsaciens …Avec des écoliers portant le tee-shirt illustré par le dessin de Raymond Piela
« Aujourd’hui, notre école est aussi ton école, depuis 1985 nous entretenons une relation forte, j’espère que tu continueras à venir de temps en temps nous rendre visite ».
Relatés par Jeannot Jeannot Schamber, correspondant des Dernières Nouvelles d’Alsace (23 juin 2017) ces propos du maire Fernand Feig en disent long sur les liens tissés entre le village et cet artiste chanté par des générations d’Alsaciens de tous âges.
Car il ne faudrait surtout pas réduire René Egles à son parcours de “chanteur pour enfants”.
Il est bel et bien un des artistes majeurs d’Alsace célébré comme il se doit ce fameux samedi par les écoliers et anciens écoliers … qui, dans l’après-midi, lui ont rendu hommage entre sketchs, chansons et lectures de textes.
Anecdotes et confidences se côtoient dans ce livre bilingue (français/alsacien) “né dans l’obscurité de mes insomnies” : des “petites histoires, poèmes et textes de chansons qui j’espère vous feront rêver, voyager”.
Extrait de “Do un Dert”, journal de l’OLCA (mars 2006)Cature d’écran de l’émission “Vous avez dit : Alsacien ? “, 3 décembre 1982 sur FR3 Alsace avec divers invités dont les chanteurs Roger Siffer et Sylvie Reff
“PAVANE POUR UNE LANGUE DÉFUNTE” : TOUJOURS D’ACTUALITÉ
Une des chansons les plus expressives de René Egles, celle qui évoque sans doute le mieux son engagement et ses inquiétudes en faveur de sa langue natale, c’est “Pavane pour une langue défunte”.
A découvrir ICI sur le site de l’INA … durant les 5 premières minutes à visionner gratuitement de cette émission diffusée le 3 décembre 1982. Ses paroles dénoncent en français la disparition de l’alsacien, mais aussi du breton et de l’occitan.
Oui, nombre de chansons d’Egles célèbrent l’urgence de la préservation de l’alsacien. Et cette préoccupation, il l’exprime avec une intense richesse de vocabulaire aux accents souvent poétiques, avec le souci du mot précis, de l’expression qui fera mouche.
D’où, par exemple, l’hymne composé pour l’événement “Friehjohr fer unseri Sproch” (Printemps pour notre langue”) renouvelé chaque année via nombre d’événements artistiques et cultures en Alsace.
Avec la participation de l’Harmonie du village
“DES FRÉMISSEMENTS QU’ON SURVEILLE POUR LES VALORISER”
Drôle de question ? Lors de l’assemblée générale de l’OLCA (Office pour la langue et la culture d’Alsace) elle a été posée par … René Eglès !
“Je ne connais personne qui écoute cette radio sur internet” a-t-il tout simplement déclaré quand l’assistance a été invitée à s’exprimer.
Le déménagement de France Bleu Elsass des ondes moyennes vers internet et son réel impact auprès du grand public font toujours débat. Du moins chez ceux qui sont sensibles à la promotion de la chanson alsacienne.
Le “pavé dans la mare” jeté avec bon sens et sans hésitation par René Egles a évidemment suscité une réponse immédiate du directeur Hervé de Haro, le directeur de France Bleu Amsace et France Bleu Elsass présent à l’assemblée générale de l’OLCA.
Selon Christine Zimmer (Dernières Nouvelles d’Alsace, 24 juin 2017), il “estime qu’il est en train de se passer quelque chose (sans crier victoire), qu’il y a là des étapes nouvelles à franchir et qu’il y a là des frémissements qu’on surveille pour les valoriser”.
Réponse convaincante ?
Il en ressort tout au moins par déduction qu’il n’y pas/plus de place pour une “radio alsacienne” sur les ondes moyennes et encore moins sur la bande FM en Alsace. Certes, les multiples rediffusions sonores avec ou sans vidéo sont assurément bien en valeur sur le site de France Bleu Elsass.
Mais peuvent-elles efficacement “remplacer” une station de radio comme il en existe tant sur la bande FM ? J’en doute fort …
En tout cas bravo à Rneé Egles d’avoir “mis les pieds dans le plat” durant l’assemblée générale de l’OLCA.
Et saluons à juste titre la décision de la mairie de Gumbrechtshoffen d’honorer ainsi un chanteur alsacien DE SON VIVANT.
ASSURÉMENT UN SYMBOLE FORT plus efficace, à long terme, que le bouquet de rassurantes déclarations officielles prononcées en ce jour de fête devant le “groupe scolaire René Egles”.
Et ce symbole évoqué avec enthousiasme par le maire Fernand Feig s’inscrit dans la suite logique des initiatives de Pierre Deyon, Recteur de l’Académie de Strasbourg (1981-91). C’est lui qui avait donné à René Egles l’indispensable feu vert pour intervenir en parles et en musique en milieu scolaire.
Un appréciable soutien qui aura largement fait connaître cet auteur-compositeur-interprète alsacien, un des efficaces pionniers d’une chanson alsacienne … qui n’a ASSURÉMENT pas dit son dernier mot.
Loin de là.
Fraternelles retrouvailles entre René Egles et Roland Engel
Michel Giacometti, Michel Boutet, Marianne Masson, Jofroi : coup de projecteur sur quatre talents invités les 11 et 12 août 2017 à St Cirgues en Montagne.
Retour sur la 4ème édition d’un événement d’une authentique intensité aussi artistique qu’amicale que j’ai eu la chance de vivre entre concerts et salon du livre en Ardèche.
Ici pas d’esbroufe de chanteurs (plus ou moins) connus et encore moins d’attaché de presse aussi survolté qu’obsédé par les indispensables “retombées médiatiques”.
Juste des hommes et des femmes qui chantent dans un environnement de toute beauté loin de l’agitation urbaine. Au cœur d’une nature ardéchoise qui vous donne envie d’être heureux et de savourer les quatre concerts organisés par Jacky et Chantal Petit sous l’égide de l’association Mots en Liberté.
Marlène Bouvier (émission DE RIMES ET DE NOTES, Radio Libertaire) et Monique Haillant dont l’association REMONTER LA RIVIÈRE fait vivre l’œuvre de Bernard Haillant Avec Jofroi et Francesca Solleville, marraine du Festival de St Cirgues en Montagne
“NOUS SOMMES QUELQUES-UNS, UN GROUPE DE RÉSISTANCE”
C’est évident : à Saint-Cirgue en montagne, on ne vient pas (surtout pas !) pour frimer, pour se montrer mais pour apprécier une chanson qui a du CŒUR ET DU CARACTÈRE.
D’ailleurs le premier soir, avant le concert de Michel Giacometti accompagné par Patrick Pernet, Jacky Petit a remis les pendules à l’heure. Avec sourire et détermination.
“Quand pour la 4ème année consécutive, ce festival de chanson se déroule se déroule dans ce petit village de l’Ardèche presque introuvable mais tellement vivant, que cette chanson que nous aimons tant retenti dans cette salle avec des artistes qui tous se sont rendus disponibles pour être là, ce plaisir est infini et j’espère contagieux.
Nous sommes quelques-uns, un groupe de résistance, à faire connaître la chanson que certains appellent à textes, cette culture tellement ignorée des médias et des technocrates ministériels.
Mais ils ont certainement raison, cette chanson est trop belle pour eux.
Cette chanson existe bien, présente partout. Elle bouge et fait bouger les consciences. Contrairement à ce que voudraient les esprits chagrins ou intéressés, la jeune est bien présente durant les concerts”.
Chantal Petit, Jofroi, Marianne Masson, Michel Boutet, Michel Giacometti, Patrick Pernet et Jacky Petit
Et c’est vrai qu’il faut une sacrée dose de courage (d’inconscience ?) pour se lancer pour la 4ème année consécutive dans un tel festival.
Bienvenue dans un village de l’Ardèche du Nord dont la démographie baisse d’année en année.
“En ce moment on frôle les 150 habitants, on en a encore perdu une dizaine l’hiver dernier” : les indications fournies par la réceptionniste de l’hôtel en disent long sur la vie par ici.
Et ne comptez pas sur les transports en commun pour arriver ici. Voiture ou covoiturage sont indispensables pour arriver à St Cirgues. On y accède au bout d’une sinueuse route à lacets qui me rappelle l’étroite route menant à Cilaos, à l’Ile de la Réunion. Donc patience et prudence de rigueur durant 45 minutes, au départ d’Aubenas.
Pas étonnant donc que Jacky Petit ait chaleureusement remercié le maire Eric Lespinasse “car depuis le début il nous a apporté son aide et aussi Gilbert et Marie, membres du Comité des Fêtes sans qui rien n’aurait été possible”.
Anne-Marie Hénin, Jofroi et Jacky Petit
HOMMAGE A BARBARA WELDENS : “JE NE VEUX PAS DE TON AMOUR”
En ce vendredi 11 août, premier soir du festival, c’est dans un impressionnant silence que résonne la voix de Barbara Weldens : “Je ne veux pas de ton amour”.
Un choix de Jacky Petit qui vient tout juste d’évoquer sa disparition : “Barbara était promise à une très belle carrière et avait reçu de nombreux prix. Cette magnifique chanteuse de 35 ans, décédée sur scène, frappée par le destin lors du festival Léo Ferré à Gourdon dans le Lot.
Nous avons une pensée pour sa famille, sa fille, son compagnon, ses parents et aussi pour les organisateurs de ce festival qui depuis des années se battent pour faire vivre la chanson”.
Michel Giacometti et Patrick Pernet
SEMAL, MIE, PACCOUD … AVEC MICHEL GIACOMETTI
Et c’est Michel Giacometti qui ouvre le festival.
Michel qui ? Hé oui, un illustre inconnu dont la présence sur internet n’est visiblement pas des plus percutantes, mais pas de quoi freiner l’association Mots en liberté dans son élan de programmation.
Car cet auteur-compositeur-interprète a l’art d’évoquer avec force nuances des choses de la vie qui nous touchent, notamment “Petite chanson orpheline” et et surtout “Les coteaux de Bry” dont je regrette qu’elle ne soit disponible nulle part à l’écoute.
Amateur, Giacometti l’est sans aucun doute. Pas du tout question pour lui de “devenir chanteur”, du moins dans une perspective de “carrière” comme on peut l’entendre. Il aime raconter et se raconter, reconnaissant que la scène n’est pas indispensable à son épanouissement personnel et artistique.
Sur les six titres offerts avec le discret et efficace Patrick Pernet aux claviers, plusieurs n’étaient d’ailleurs pas de lui. L’occasion de mettre en valeur des chansons d’Eric Mie (“Le dernier tour”), Claude Semal (“La balade du passant”), Christian Paccoud (“Les souliers vernis”) …
S’y ajoute une chanson suédoise de Cornélis Vreswijk” dont la traduction française et les arrangements sont signés Giacomietti : “La balade de Jean-Frédérick et de la belle Cécilia Lind”. Chanson originale à retrouver sur youtube : Balladen om fredrik åkare och cecilia lind.
Les deux Michel: Boutet et Giacometti devant des toiles de Louis de Grandmaison Michel Boutet
MICHEL BOUTET : “DES HISTOIRES QUI AURAIENT PU EXISTER”
En cette époque où il semble bien que le “grand public” ne soit plus attiré que par des artistes encensés dans les “grands médias”, il est infiniment heureux qu’une centaine de personne OSE (encore !) venir dans un petit village ardéchois pour prendre tout simplement le temps d’y apprécier des auteurs-compositeurs-interprètes d’une telle qualité.
C’est du moins ce que je me dis dit durant la seconde partie de la soirée assurée par Michel Boutet avec l’intelligence et la finesse, l’humour et la décontraction qui le caractérisent.
“Nambou” ; “Boulevard de monte-à-regret” ; “Dans la Basse Nantes” ; “Jean-Guy Douceur” ; “Mayence” ; “Putain de maréchal” ; “Papier tu-mouche” : “La Valse du dernier bateau”; “Le silence du fleuve”, etc : très à l’aise sur scène, Boutet n’enchaîne pas les titres comme s’il avait un train à prendre.
Avec lui on sourit, on rit, on voyage en chansons mais aussi en anecdotes distillées entre deux titres.
Du genre raconter des histoires vraies qui auraient pu exister ! Étrange formule développée avec force paroles et musiques par Michel Boutet dans la version solo du spectacle “La ballade de Jean-Guy Douceur” proposée ce soir-là à St Cirgues.
Et quand il s’embarque dans une histoire aussi inattendue que surréaliste où il est question de Nouvelle-Calédonie et de Jofroi, pas de doute : on a affaire à un drôle d’oiseau de passage ! Avec en prime “Les garde-barrières”, chanson offerte en duo avec Jofroi.
Les deux compères s’en donnent à cœur joie, bien au-delà d’une complicité de circonstance. On ressent une authentique fraternité entre eux, et ça fait du bien.
Jofroi et Michel Boutet
UNE HEURE ET DEMIE SUR LA TERRE DE JOFROI
Cette fraternité, elle éclatera tout aussi intensément le lendemain soir lorsque Jofroi invitera Michel Boutet à le rejoindre sur scène pour une superbe version d’une de ses chansons les plus connues : “Si ce n’était manque d’amour”.
Sans aucun doute un des temps forts du spectacle d’une heure et demie de Jofroi débuté par “Que dirait le vide”.
Seul face à une belle centaine de personnes attentives, guitare à la main, Jofroi proposera une vingtaine de titres dont deux rappels (“La Marie-Tzigane”; “En l’an deux mille, l’humanité” … entrecoupés par une bonne demie-douzaine de monologues dont “Le fil rouge”, “Amstrong” … et celui qui m’a peut-être touché le plus : “L’homme qui voulait peindre la mer”.
Jofroi
“CABIAC SUR TERRE” : UNE HISTOIRE D’HUMAINS, TOUT SIMPLEMENT
A vrai dire Jofroi ne chante pas, il vit ses chansons (et ses monologues) avec une intensité à fleur de peau.
Si est vrai que “Cabiac sur terre” s’impose comme un des titres-repères de son répertoire, nombre d’autres de ses chansons vous prennent, elles aussi, par les sentiments. Ou plutôt par un sentiment bien précis. Une évidence qui s’impose avec une force tranquille résumée en une phrase, un titre : “Bonjour les humains”.
Terre, Terrien, Humain, Humanité : des mots des réalités incontournables dans la vie et dans l’œuvre de cet auteur-compositeur-interprète qui vous parle de poésie avec des mots directs, sans baratin ni mièvrerie comme dans “Habiter la terre”, une de ses nouvelles chansons présentées à St Cirgues.
Jofroi
Marianne Masson
MARIANNE MASSON OU L’HYMNE À L’AMOUR POUR SA FILLE MARGOT
Les choix artistiques du Festival de St Cirgues en Montagne reposent sur des créateurs qui savent nous émouvoir. Nous faire réfléchir et nous faire rire aussi. Et surtout sans se prendre la tête et sans jouer aux artistes incompris car ignorés, oubliés, voire méprisés par les accros de l’audimat et des courbes d’audience.
Alors quand vous découvrez Marianne Masson en 1ère partie de Jofroi, pas d’hésitation possible. Vous êtes touché autant par ce qu’expriment ses chansons que ce qu’elle vous partage de son existence, entre tranches de vie, sensations, émotions offertes entre lucidité et joie de vivre.
En huit chansons extraites de ses deux albums (“Margot les mots”, “Sur la route de Ravilloles”) et du 3ème prêt à sortir, Marianne Masson s’affirme sur scène comme elle est dans la vie : naturelle et entière, spontanée et émouvante aussi.
Mention spéciale à la chanson dédiée à sa fille autiste, Margot, venue avec elle dans ce festival. Certes un moment d’émotion palpable sur scène et dans la salle (où sa fille est alors assise), mais aussi un hymne à l’amour, au respect de l’autre surtout quand il est différent.
Ici pas de “chanson composée sur un thème qui peut retenir l’attention” mais un regard tellement maternel et intensément réaliste en même temps. A découvrir SANS TARDER sur cette vidéo
Patrick Pernet et Marianne Masson
AVEC LA COMPLICITÉ DE PATRICK PERNET
Une fois de plus, Patrick Pernet est aux claviers, et sa complicité avec la chanteuse se laisse savourer sans aucune retenue. D’autant plus que le musicien est incontournable sur les deux premiers albums de Marianne Masson : arrangements, enregistrements, mixage, programmation et claviers.
Depuis 2005, cette auteure-compositrice-interprète participe aux créations collectives de l’atelier “comédie chanson” de la MJC Village de Créteil sous l’égide d’une association. Un 3ème album de 13 titres inédites aux textes et mélodies signées Marianne Masson est d’ailleurs en vue !
“Tous les enregistrements sont prêts, le maquettiste est à pied- d’œuvre et le fabricant de CD trépigne déjà d’impatience et de plaisir à le réaliser. Il paraîtra début novembre” explique-t-elle sur le bulletin de souscription.
SALON DU LIVRE : ALAIN, RÉMI, BERNARD ET LES AUTRES
Rémi Le Bret ; près de 25 ans d’amitié avec Allain Leprest et un livre de témoignage et de photos prises de 1987 à 2011 Alain Callès me montre un carnet de son journal de bord rédigé chaque jour durant sa “bataille contre le cancer”
Bernard Prou : un ouvrage au titre improbable vendu à plus de 6 000 exemplaires à compte d’auteur !
Au-delà des deux soirées de concerts, le festival a aussi fait a part belle au livre le dimanche 13 août.
L’occasion de retrouver les artistes appréciés les 11 et 12 août …
… et également de beaux échanges sans langue de bois avec plusieurs d’auteurs tels Alain Callès (Journal 2016 Ma vie et ma bataille contre le cancer); Rémi Le Bret (Allain Leprest Un chemin de tempête); Bernard Prou (Alexis Vassikov ou La vie tumultueuse du fils de Maupassant).
Avec Noël Gros et Jofroi (Photo Michel Boutet)Jofroi, Anne-Marie Hénin, Monique Haillant et Jacky Petit au Salon du Livre du festival agrémenté d’une exposition de peinture de Louis de GrandmaisonNoël Gros et Monique Haillant
MONIQUE HAILLANT, NOËL GROS : L’AMITIÉ EN CHANSONS
Et puis ce festival de St Cirgues en Montagne aura aussi été marqué par de chaleureuses retrouvailles avec Monique Haillant dont l’association REMONTER LA RIVIÈRE met en valeur l’œuvre de son mari décédé, le chanteur Bernard Haillant …
… et avec Noël Gros, connu au début des années 80 comme auteur-compositeur-interprète à l’ile de la Réunion où il assura la 1ère partie de Mama Béa au Théâtre de Champ-Fleuri.
Novembre 1985. Avec Bobby Antoir, Bernard Vitry, Noël Gros et Graeme Allwright. Photo Jean-Yves Kee-Soon
L’occasion aussi d’évoquer le souvenir de l’association MASCAREIGNES dont les président et vice-président étaient Bernard Vitry et Noël Gros.
Pourquoi cette association créée en novembre 1985 durant une tournée réunionnaise de Graeme Allwright qui en fut le parrain ?
“Il s’agissait de créer sur place un festival de chanson qui permette à la fois de promouvoir les musiques de l’océan Indien et d’accueillir à la Réunion des chanteurs francophones” explique Fred Hidalgo qui en fut un des membres fondateurs au nom de PAROLES ET MUSIQUE.
Certes, le projet de “Festival de la Chanson Vivante” organisé en collaboration avec Paroles et Musique n’a hélas pas eu lieu mais l’amitié a survécu et …
… avec elle la passion d’une CHANSON VIVANTE offerte sans retenue et avec talent à St Cirgues en Montagne par Michel Boutet et Jofroi Cabiac, Marianne Masson et Michel Giacometti.
Chantal Petit et Monique Haillant (Photo collection M. Haillant)
JACKY ET CHANTAL PETIT : L’AVENTURE CONTINUE DANS L’YONNE
Et pas question pour Jacky et Chantal Petit de s’en tenir à cette 4ème édition : “Dès notre retour dans l’ Yonne, on s’y est remis en prévoyant un concert de Christian Paccoud”.
Hé oui, pour Chantal et Jacky Petit l’aventure continue de plus belle : “On peut se retrouver en Puisaye, à Moutiers en Puisaye avec l’ association l’ Anart Scène!”
Envie d’en savoir plus sur les initiatives entre concerts et salons du livre de ce couple de passionnés ? Un détour s’impose sur le site de leur association … dont le nom est à lui seul tout un programme !
Un peu plus d’une heure de concert sans temps mort, une quinzaine de titres et surtout une belle évidence.
Celle d’avoir assisté vendredi 29 septembre 2017 à une grande première : la convaincante “métamorphose” de Christel Kern. Explications.
UNE INTENSE PRÉSENCE SCÉNIQUE AVEC UN RÉPERTOIRE RÉALISTE
C’est à l’Espace Culturel de Souffelweyersheim, à un quart d’heure de voiture de Strasbourg, qu’a eu lieu ce concert qui, à bien y réfléchir, prend des allures de nouvelle étape dans la vie de la chanteuse , en attendant la sortie de son nouvel album prévu en 2018.
L’artiste assurément bien connue pour ses prestations scéniques enrichies de divers accessoires roses (chapeau, boa, etc) a cédé la place à une chanteuse infiniment plus sobre. Plus intense aussi car justement débarrassée de toute cette éclatante et affriolante apparence qui masquait sa voix, sa gestuelle. Et dissimulait inévitablement l’aisance scénique d’une artiste qui raconte la vie, sa vie, la vie des autres avec des mots bien à elle, entre décontraction et émotion, humour et gravité … au point qu’après certaines chansons le public a marqué un bref silence – histoire d’encaisser l’intensité ce qu’il venait d’écouter – avant d’applaudir…
Oui, ce spectacle aura pris ce vendredi soir à Souffelweyersheim des allures de véritable grande première.
Et sa captation permettra sans aucun doute à celles et ceux qui n’ont pas été présents de bien se rendre compte de cette fameuse métamorphose provoquée par celui qui a remis en question sa “personnalité publique” : l’auteur et metteur en scène Lionel Courtot.
CONCERT D’UNE QUINZAINE DE TITRES EN CINQ PARTIES
Sur la quinzaine de titres du concert dédié à sa mère, seulement deux ont été offerts par Christel Kern chantant dans sa fameuse “tenue rose”.
C’est largement suffisant pour confirmer ce changement de cap qui, sans mettre entre parenthèses la personnalité extravertie de l’artiste, permet cependant de l’apprécier autrement. Plus sobrement sans aucun doute.
Plus authentiquement aussi … d’autant plus que ce spectacle a été découpé en cinq parties sans que le public ne se rende compte. Du moins pas de manière démonstrative du genre “maintenant je vais vous chanter une chanson triste … un refrain joyeux … une mélodie entraînante” “.
Rien de tout cela dans les brèves interventions de la chanteuse entre les divers titres qui se sont enchaînés de la sorte : Rencontre avec le personnage; Rencontre avec le public et la musique; Début de l’âge adulte et le réveil des sens ; L’émotion, les fractures, les blessures; L’épanouissement, la liberté, la réussite.
RÉCITAL EN CRESCENDO AVEC JÉRÔME WOLF ET MICHEL OTT
En somme un concert en crescendo débuté par “Ma souris sourit” et achevé en apothéose avec “Disque d’or” et “Un peu pas comme comme les autres” Juste avant un rappel marqué par “Ma vie en rose” repris par le public qui ne s’est pas privé de montrer sa satisfaction.
Autre point non négligeable : Christel Kern ne se contente pas d’interpréter les chansons mises en musique par Oliver Schmidt, Luke Arno, Grégory Ott, Jérôme Richard, Murta Oztürk, Clément Dague.
En effet TOUS les textes sont d’elle, ce qui donne à ce tour de chant des accents autobiographiques pour qui sait lire entre les lignes, et qui connait un peu le parcours personnel et artistique de Christel Kern.
Mention très spécialiste aux deux complices de Christel Kern : le contrebassiste Jérôme Wolf et le pianiste Michel Ott. D’où un trio des plus convaincants avec deux musiciens et une chanteuse sans percussions ni autre instrument.
De quoi donner envie de retrouver Christel Kern dans ce répertoire réaliste sur d’autres scènes régionales – voire nationales – d’autant plus qu’elle était entourée à l’Espace Culturel des 7 Arpents par une poignée d’efficaces professionnels tels l’ingénieur du son Antony Bedez et Daniel Kipper aux lumières.
En écoutant “A.O.C”, le nouvel album de Xavier Merlet, une évidence s’impose : méfiez-vous de Xavier Merlet, c’est un drôle d’oiseau … de passage qu’on ne peut pas/plus oublier.
Le genre d’auteur-compositeur-interprète dont les chansons vous touchent car elles sont hélas terriblement authentiques et actuelles. Mais ici pas de refrain pour coller à l’air du temps, ni de texte à faire mouche parce que c’est à la mode. Explications.
Cinq ans …. oui il aura fallu attendre aussi longtemps pour découvrir les nouvelles chansons de Xavier Merlet, conseillé artistiquement par Laëtitia Chenoir.
Et il de la suite dans les idées, le bougre ! Une talentueuse obstination l’incite au fil des ans et des albums à tracer un profond sillon… Son inspiration nourrie des constats de la drôle de société dans laquelle nous (sur)vivons s’enrichit des impressions et réactions de l’artiste-observateur de son époque.
Étrange époque où intolérance, rejet de l’autre, méfiance, racisme semblent devenir les nouveaux repères. Mais attention ! Xavier Merlet n’est pas du tout un “chanteur à messages” qui vous plombe le moral.
Ici on jongle avec bonheur entre humour, autodérision, jeux de mots, et aussi un amour inconditionnel pour la langue française qui permet évidemment des écarts quand l’heure est grave comme dans “Le Gromo”: “Si tu vois un jour/ Ta liberté se perdre/ Je t’autorise, amour/ A dire “Bordel de merde”.
“NOUS SERIONS DONC UN PAYS DE FESSES BLANCHES”
Prenez par exemple “Variété Française”, une des 13 chansons de cet album mise en ligne au printemps dernier avant les élections présidentielles : un clip aussi dépouillé par ses images que percutant par ses paroles ! Mais pas du tout du genre harangueur à monter sur les tribunes et les barricades.
D’où un texte faussement décontracté, sur une mélodie aux accents de balade dont le destinataire est explicitement désigné : “Cette chanson Marine, elle est à toi/ Toi qui ne soufflera pas sur les braises/ De crainte que le feu de l’Auvergnat/ Se mette à réchauffer la soudanaise“.
Dans un autre style musical s’impose évidemment le titre éponyme de ce CD. La chanson “A.O.C” est un p’tit bijou avec son refrain échappé de l’univers d’un Brassens survitaminé qui n’a pas la langue dans sa poche. Au point de se décrire (et de décrire la France) sous tous les angles avec entrain et sans pudeur : “Nous serions donc un pays de fesses blanches/ Et nous prions tous le dimanche/ Mais pour aller au fion des choses/ Notez qu’nos trous du cul sont roses”.
Chaque chanson de cet opus est ciselé d’une façon particulière, et si certains thèmes sont récurrents, il n’y a jamais de répétition dans la manière de s’exprimer sans langue de bois comme dans “Un peu de tout ça” quand la vie à deux se transforme en impasse : “Mais au final après vingt ans/Certes, on se supporte, on s’entend.Et on s’emporte pour un rien/ Moi je ne veux pas faire semblant/ Je pense que tu devrais foutre le camp”.
Quant à “Ouille”, c’est un constat d’une évidente lucidité : “Tu dis à l’envi sans répit tu dis qu’ils veulent tous venir ici”. Alors comment réagir face à ces infos qui bousculent nos relations sociales? “Je sens que tout ça part en couille/Que si on en parle on se brouille/ Entre amis, entre bons voisins”…
Offert en guitares-voix, “A.O.C” est l’album d’un convaincant Terrien qui se fout des frontières, ou plutôt des étiquettes et des drapeaux comme dans “J’ai pas peur” ou bien sa “Chanson en 120 minutes” confrontée à “la chaleur du feu de l’opinion/Des sondages crieurs/ Des mensonges du Front/ du Manque de lecteurs/ Des résumés bidon”.
Xavier Merlet et son complice Marc Brébion (guitares, chœurs arrangements) Photos Cie Zany Corneto
“IL FAUT ALLUMER LA PLANÈTE PLUTÔT QUE LE TÉLÉVISEUR”
Reste ma chanson préférée de l’album “A.O.C” : “La recette du bonheur” avec son texte qui fait du bien sur un entrainant refrain qui monte en crescendo … “Quand l’Autre me prend dans ses bras/Je vois la vie -ensemble – en rose/Et je lui dis : posons-nous là/ Il faut que toi et moi on ose/ Chanter partout et à tue-tête/Que l’essentiel semble être ailleurs/Qu’il faut allumer la planète/Plutôt que le téléviseur”.
“Je n’adulterai pas” (2002); “Du point d’vue d’la mouette” (2005); “Clacfric Land” (2009) et “La théorie du gentil” (2012) : plusieurs des précédents albums de Xavier Merlet ont été mis en évidence dans le trimestriel “Chorus, les cahiers de la chanson” ainsi qu’un portrait né de ma rencontre avec Xavier Merlet en octobre 2005, après son concert à l’Essaïon à Paris vécu avec un voisin nommé Pierre Barouh.
Avec ce nouvel album, Xavier Merlet s’affirme plus que jamais fidèle à lui-même. A ses passions et ses convictions qui refusent l’hypocrisie. En 43 minutes et 28 secondes, ses nouvelles chansons sont non seulement très agréables à ÉCOUTER pour l’apparente légèreté qui s’en dégage, mais aussi à ENTENDRE pour qui a envie de prendre le temps d’en savourer le contenu.
D’où le titre d’ “éclatant clair-obscur” accolé à cet article … car ce nouvel album a des allures de puzzle aux multiples nuances. Et une fois assemblées, elles vous offrent le portrait d’un auteur-compositeur-interprète poussé par l’envie et le besoin de chanter tout haut ce que trop de gens disent tout bas.
“A.O.C” est assurément un excellent cru à découvrir, à partager, et à consommer sans modération.
Une heure ou presque en compagnie de Pierre Etaix, ça vous tente ?
C’est en effet l’invitation lancée par deux compères qui proposent jusqu’à ce samedi 14 octobre inclus un attachant et surprenant voyage dans l’univers d’un créateur absolument impossible à enfermer dans un seul talent : auteur, clown, dessinateur, illusionniste, jongleur … et évidemment aussi cinéaste.
Embarquement immédiat pour le TAPS Laiterie (Théâtre actuel et public de Strasbourg) dans un spectacle mis en scène par François Small avec face au public un seul comédien : Frédéric Solunto.
Le décor de Gérard Puel a été réalisé par Olivier Benoit
“L’éternité est une interminable histoire qui n’a ni queue ni tête” : cette citation d’Etaix est sans doute le déclic ayant réuni François Small et Frédéric Solunto pour mener à bien cette étonnante aventure artistique.
Se laisser surprendre par les textes de Pierre Etaix (1928-2016) : c’est dans cet état d’esprit que je me suis rendu au TAPS ne connaissant – il faut bien l’avouer – pas grand chose des écrits de celui qui fut notamment engagé comme assistant, gagman et dessinateur par Jacques Tati pour le film “Mon oncle”. Mais si cet épisode de la vie d’Etaix est sans doute un des plus connus, n’oublions surtout pas le magicien des mots qu’il fut. Et là croyez-moi on est servi par un feu d’artifices de phrases, de répliques, de bons mots auquel Frédéric Solunto offre une réjouissante jeunesse.
“L’action se déroule entre la loge de Yoyo et le tournage du “Soupirant. Nous passons du noir et blanc à la couleur, du rire à l’émotion, du silence intérieur aux bruits extérieurs” indique le metteur en scène François Small.
En effet, le spectacle s’affirme sur deux espaces qui s’enchaînent régulièrement, entre ce que voit le public et ce qu’il entend seulement lorsque le comédien disparait et que résonnent sons et dialogues.
Pas étonnant que François Small s’affirme comme un inconditionnel de Pierre Etaix. Il est également connu en Alsace (voire ailleurs!) pour son personnage du clown Smol. Quant Frédéric Solunto auquel on doit la conception et le jeu de ce spectacle, son parcours artistique s’enracine par ailleurs également dans nombre de mises en scène.
Mention spéciale à la bande-son. Elle met en valeur avec humour et de manière inattendue quantité de gestes de la vie quotidienne … qui prennent ici un relief particulier ! Un intense travail d’équipe car en plus de l’univers sonore signé Olivier Fuchs, l’attention des spectateurs est également captée par les jeux de lumière de Sébastien Small.
A voir pour se laisser surprendre par cette “Carte Blanche” offerte pour la rentrée au TAPS. Le genre de spectacle qui aurait évidemment gagné à être présenté en d’autres lieux que Strasbourg.
“Frémeaux et Associés” vient d’éditer une “Anthologie du patrimoine musical alsacien” consacrée aux “musiques folkloriques et régionales” de la période 1953-2015.
Déclinée sous la forme d’un coffret de deux CD, cette initiative est signée Jean-Baptiste Mersiol, auteur-compositeur-interprète, arrangeur, ingénieur du son et créateur du Label Akoufène.
Coup de projecteur sur cette grande première également mise en valeur dans l’imposant catalogue du “dernier label phonographique indépendant français”.
“DES ORCHESTRES FOLKLORIQUES DE RENOM” …
Premier constat : les amateurs de musiques et voix d’Alsace pourront découvrir pas moins de 44 titres.
“Le premier disque rassemble les principaux thèmes traditionnels alsaciens exécutés par les orchestres folkloriques de renom qui ont connu une carrière alsacienne riche et qui ont bénéficié d’une portée nationale, voire internationale” explique Jean-Baptiste Mersiol, précisant avoir “volontairement gardé les titres français proposés par les maisons de disques autrefois sur les pochettes originales et cela sans doute pour des raisons commerciales”.
En piste pour 24 titres soit 64 minutes et 35 secondes offertes par une pognée de formations ayant marqué leur époque : Les Cigognes d’Alsace; Charly Schaff; Fischer Kappel; Les Joyeux Strasbourgeois; Groupe Folklorique de Hochfelden et en bonus le Groupe Obermodern.
Assurément de quoi faire découvrir aux auditeurs une petite partie d’un vaste pan de la musique mise en relief par tant de groupes à travers l’Alsace depuis tant de décennies.
… ET DES VOIX HISTORIQUES DE LA CHANSON ALSACIENNE
Quant au second CD, il rassemble 20 titres, soit 74 minutes et 53 secondes chantées par des voix fort connues par ceux qui s’intéressent à la chanson alsacienne : Mario Hirlé; Germain Muller; Roger Siffer, René Eglès, Roland Engel; Dédé Flick; Huguette Dreikhaus et le groupe Les Copines (Sarah Eddy, Véronique Gayot et Severine K ; Patrick Breitel; Aloyse & Dynamo; Paul Glaeser, ainsi que les Bredelers & Mr Bretzel.
On trouve ici plusieurs “titres historiques” présentées par des voix historiques de la chanson en Alsace tels Roger Siffer, Roland Engel, René Eglès … ainsi que les inoubliables Mario Hirlé et Germain Muller dont les créations sous l’égide du “Barabli” ont été déterminantes pour le renouveau de la langue et de l’identité alsaciennes après la Seconde Guerre Mondiale.
Mention spéciale pour les deux chansons aux paroles et aux musiques de Jean-Marie Friedrich enregistrées sur un 45 Tours devenu introuvable par René Eglès avec le talentueux Henri Muller aux arrangements et à la direction artistique.
EN ATTENDANT UN 2ÈME COFFRET SUR LA CHANSON ALSACIENNE …
Mais il est tout à fait évident qu’on ne peut pas résumer l’extrême diversité de la chanson alsacienne sur un seul CD de près de 75 minutes.
Les artistes et groupes retenus par Jean-Baptiste Mersiol mettent en relief une (petite) poignée de talents qui ont, à juste titre, leur place sur un tel album mais ne représentent pas – loin de là – un échantillon des plus représentatifs de cette fameuse chanson alsacienne.
Pas question d’entrer ici dans une énumération des artistes et des groupes qui auraient mérité de figurer sur un tel album. Il y en existe tant !
Et c’est là justement que réside le délicat défi relevé par Jean-Baptiste Mersiol, par ailleurs membre de la direction artistique de “Frémeaux& Associés”, en sélectionnant une poignée de voix dont certaines enregistrées sous son Label Akoufene.
A propos de “Tapis rouge”, Jean-Baptiste Mersiol précise que “ce sketch en français est long d’une quinzaine de minutes mais résulte à lui seul le genre d’humour que l’on aime pratiquer en Alsace” .
Bon d’accord … mais à mon sens ce sketch et celui qui le précède “Le répondeur des pompiers”) n’ont pas leur place sur cet album consacré au patrimoine musical. Et la présence de chansons d’autres artistes alsaciens aurait été préférable.
Ce coffret est vraiment une grande première du côté de chez Frémeaux & Associés. Et Patrick Frémeaux de préciser : “Cette musique a été un support de création inestimable pour faire vivre cette langue, son sens si particulier du mot, de son humour et de sa poésie”.
Reste une évidence : ce coffret mérite une écoute attentive pour apprécier des voix d’hier et d’aujourd’hui …
… en attendant de retrouver un de ces jours chez Frémeaux & Associés un 2ème coffret. C’est-à-dire la suite logique de cette “anthologie du patrimoine musical alsacien” à poursuivre avec Jean-Baptiste Mersiol en faveur d’autres artistes et de groupes d’Alsace.
La 6ème édition des Hopl’Awards s’est déroulée samedi 21 octobre à la Cité de la Musique et de la Danse à Strasbourg sous l’égide du mensuel COZE, “l’agenda culturel alsacien”.
Chaleureuses félicitations à Gaël Sieffert ET Christophe Voltz dont le Vostok Project est lauréat dans la catégorie USS’M ELSASS.
Cette catégorie était présentée par COZE en collaboration avec l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA) dont la directrice Isabelle Schoffper a pris la parole lors de la remise de ce prix marquée par l’interprétation de trois chansons en alsacien (paroles Christophe Voltz, musiques Gaël Sieffert) …
… par celui qui est aussi le lauréat de la première édition du concours D’Stimme (Les Voix) lancé par France Bleu Elsass et L’OLCA.
Quelques réflexions s’imposent à l’issue de cette 6ème édition présentée par Julien Lafargue, directeur de publication de COZE et Pierre Nuss, animateur de Radio Bleu Elsass.
Je regrette que Christophe Voltz, parolier et complice de longue date de Gaël Sieffert, n’ait pas été invité à venir sur scène lors de la remise de ce prix attribué non pas à Gaël Siffert (comme mentionné encore aujourd’hui sur le site de COZE) mais bel et bien au VOSTOCK PROJET. Une absence toute aussi flagrante en découvrant la grande photo projetée en toile de fond sur la scène et montrant Gaël avec un de ses musiciens et non pas avec Christophe Voltz.
CRÉATION D’UNE CATÉGORIE “CHANSON ALSACIENNE” ?
Autre réflexion : comment départager trois finalistes aux expressions artistiques tellement différentes ?
Les trois finalistes annoncés étaient en effet Gaël Siffert, Gilles Chavanel/École de Cabaret Cactus et et le Théâtre du Lichtenberg !
Pour y voir un peu plus clair dans le prochaine édition de cette initiative lancée par Coze et soutenue par l’OLCA, ne serait-il pas préférable d’envisager une catégorie regroupant des finalistes de la chanson alsacienne ?
Encore faut-il évidemment que chaque année soient mis sur le marché plusieurs albums susceptibles de figurer dans une telle cérémonie…
Et pourquoi ne pas créer aussi une catégorie mettant à l’honneur des artistes d’Alsace dont le parcours mérite d’être mis en évidence dans le cadre d’une telle cérémonie au ton décontracté ? La liste est assurément (très) longue …
Signalons aussi la présence de Léopoldine HH parmi les trois finalistes de la catégorie « Groupe/artiste solo de l’année» en compagnie des Garçons Trottoirs et de Ork qui l’a emporté …
… et de Christel Kern, directrice artistique du festival Claire e Nuit qui s’est retrouvé parmi les trois finalistes de l’événement culturel de l’année avec Pelpass Festival et la lauréat Au grès du jazz.
Et en guise de conclusion un regret de taille : l’absence de reconnaissance envers Isabelle Grussemeyer dont le nouveau CD ICH BIN DO est hélas passé totalement inaperçu dans cette remise de prix.
PALMARÈS OFFICIEL DE L’ÉDITION 2017
Cette cérémonie officielle a réuni 500 personnes. En voici le palmarès officiel des Hopl’Awards 2017 paru sur le site de COZE.