A l’occasion de la Fête de la Musique, c’est avec plaisir – et émotion – que je vous présente le témoignage de Nathalie Valentine Legros, une amie journaliste et écrivain de l’Ile de la Réunion.
Catégorie : Mémoire
Regardez bien le banc au bas de ce paragraphe. Vous y voyez Marie-Claire Séguin, un des fidèles “arrimeurs” du festival, un des artistes attentifs à la nouvelle génération venue “apprendre” à Petite-Vallée.
Envisagez-vous de vous y asseoir à un moment ou un autre entre le 27 juin et le 5 juillet ? Si oui, vous faites partie des privilégiés qui vivront le 32ème Festival en chanson de Petite-Vallée avec son artiste passeur Vincent Vallières.
L’auteur-compositeur-interprète québécois a d’ailleurs profité des FrancoFolies de Montréal pour présenter cet événement majeur de la chanson québécoise organisé cette année sous le thème «Ok on part”.
Oui, amis de la chanson et anciens lecteurs de Chorus, voici déjà 10 ans, ce 26 août 2013, que l’ami Marc Robine a rejoint “le paradis des musiciens”.
A travers divers articles de www.planetefrancophone.fr, nous avons découvert la vitalité et la diversité de la chanson franco-ontarienne. Cette réalité artistique si peu connue au Québec et en Acadie est devenue une raison de vivre de Pierrette et Guy Madore.
Rencontre avec un incroyable couple qui voue un amour sans faille aux talents francophones de sa province, au point d’en être devenu de (très) fervents archivistes !
Oui, il s’appelait Jean-Yves Vincent …
Voici déjà un an, le 4 juillet 2012, il s’en est allé subitement, à 67 ans, victime d’une crise cardiaque. Journaliste, auteur-compositeur-interprète, amoureux de la langue française, Jean-Yves Vincent a retrouvé Félix Leclerc, Georges Brassens, Serge Gainsbourg, …
Autant de figures majeures parmi tant d’autres de la chanson qu’il aimait chanter en public, lors de divers festivals en France, ou dans un contexte amical, chez lui dans la grande maison de Marcoussis, en région parisienne.
Hé oui, voici déjà un an, dans la nuit du 15 au 16 juin 2012 à 71 ans, que Momo s’en est allé, abandonnant sa chère «Passerelle Francophone» érigée au fil des ans avec Françoise.
En ce premier anniversaire de sa disparition, je vous partage une pensée fraternelle envers Momo, ainsi qu’une photo prise à sa demande en novembre 2004, durant la FrancoFête en Acadie.
Nous marchions tous deux vers le Capitol de Moncton pour découvrir de nouvelles vitrines musicales. Cigarette aux lèvres, il m’a demandé de le photographier devant cette affiche synonyme d’interdiction !
Si le cœur vous en dit, découvrez ou relisez le long article sur l’incroyable trajectoire sans frontières de Momo paru sur francomag.com et réactualisé sur www.planetefrancophone.fr.
Et vive la chanson francophone d’Amérique du Nord ! Son cœur continue plus que jamais à battre, notamment au rythme des festivals de Tadoussac et Petite-Vallée.
Allez Momo, on ne t’oublie pas, tu le sais bien.
Albert Weber
La presse musicale écrite se raréfie de plus en plus, comme le souligne avec lucidité Robin Rigaut dans le numéro 90 de la revue Vinyl, “Musique hors bizness” en présentant les revues Je Chante et Koid’9. Sans oublier FrancoFans, «bimestriel indépendant de la chanson francophone actuelle», autre publication incontournable de cette presse écrite en danger.
Ajoutons-y, dans une pagination plus modeste que les titres précédents, RécréAction. «La défense de la chanson et des musiques du monde » : c’est le sous-titre de ce trimestriel, également nom d’une association présidée par Emmanuel Ronseaux, à l’origine de spectacles organisés à Paris et en banlieue pour «aider les artistes peu connus ».
Rémo Gary, Mimi Pary, Jacques Douai, Philippe Guillard, Jean-Claude Darnal, … sont mis en valeur dans le numéro 67 de Récréation (avril-mai-juin 2013). Parmi les réacteurs bénévoles de ce trimestriel figurent Michel Kemper (créateur du site nosenchanteurs.eu qui vient de franchir le cap du million de connexions , et Frantz-Minh Raimbourg (frantz-minh.raimbourg@wanadoo.fr), auteur de nombreux articles sur la chanson francophone d’Amérique du Nord.
Avant de braquer nos projecteur sur deux titres majeurs de la presse musicale sensible à la chanson d’expression française – Vinyl et FrancoFans – embarquement immédiat dans l’univers de RécréAction. Voici un article paru en janvier 2010 sur le webmagazine francomag.com créé par Jean-Michel Tambourré
” Drôle de titre pour un trimestriel de la chanson d’expression française … Son 53ème numéro joue – comme toujours – la carte d’une presse musicale militante. Il est publié sous l’égide d’une association du même nom ayant son siège à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne. Défense de la chanson, des chants et des musiques du musique : autour de ces repères, RécréACTION s’est donné pour mission d’aider les artistes peu connus en leur offrant la possibilité de se produire devant un public.
Oui, revenons-en au titre de cette publication imprimée en noir et blanc et envoyée dans sa version couleurs aux abonnés disposant d’une messagerie. Un titre aux allures de cours de récréation, non ? Et pour cause car l’association qui en assure la gestion a germé en milieu scolaire, comme le raconte le président fondateur Guy Samson dans le fameux numéro 50 avec sa une illustrée par un trombinoscope de l’équipe (voir ci-dessus).
Car avant de voir le jour officiellement en décembre 1994 l’association avait entamé depuis plusieurs années une sorte d’avant-première. “C’était l’époque où un professeur invitait – non sans entraves diverses – des chanteurs-poètes – dont certains compteront parmi nos premiers membres d’honneur – à fin d‘illustration et de compléments à ses cours. Jusqu’au jour où une collègue (éphémère vice-présidente) l’aide à concrétiser ces prémices ».
« Nous étions en milieu scolaire : ainsi naquit RécréACTION et – peu avant son gala de baptême d’avril 1995 – parut sur 4 pages A 3 notre nouvelle gazette du même nom. Quelques années se sont écoulées. De nombreux spectacles à Fontenay et en de petits lieux franciliens ont marqué les toutes premières ; si nous avons dû ; hélas, ralentir cette activité, le journal n’a cessé – nous dit-on – de s’améliorer tant dans la forme que dans le fond et ‘épaisseur, malgré nos petits moyens de bénévoles».
Petits moyens ? L’expression se confirme en découvrant cette publication de 24 pages qui pourrait aisément passer pour un simple bulletin de liaison entre adhérents de l’association si son contenu n’en était pas aussi fourni !
Si la chanson d’expression française ou les chants et musiques du monde vous passionnent, venez nous rejoindre en tant que bénévole de l’association
Qui dit presse militante sous-entend bénévolat, et donc moyens réduits, comme le rappelle Guy Samson, qui a pris la relève de trois autres présidents : Patrice Pallier, Guy Henin, Marie-Paule Bonné.
“Si la chanson d’expression française ou les chants et musiques du monde vous passionnent, venez nous rejoindre en tant que bénévole de l’association. Une association où vous pouvez développer vos propres talents. Que ce soit au niveau de l’interview, de l’écriture d’articles, de la prospection d’artistes, des relations publiques, du secrétariat, de la mise en page informatisée…les domaines d’intérêt ne manquent pas. Sans oublier les tâches plus humbles et non moins nécessaires”.
L’ouverture d’un site sur myspace créé et animé par Marc Ribas (recreaction.marc@orange.fr)a donné un nouvel élan à la manière de traiter l’information artistique et permet de garder le contact avec les artistes et autres passionnés de la chanson d’expression francophone.
S’il est vrai que si une belle place est accordée aux artistes établis dans l’hexagone, nombre de passerelles sont lancées dans chaque numéro en direction de l’espace francophone : chroniques de CD, compte-rendu de festivals, entretiens, coup de projecteur sur une réalité précise telle la chanson jeune public au Québec (numéro 30, juillet 2003).
L’opportunité de se faire connaitre d’un grand nombre de professionnels qui viennent au festival régulièrement et de développer leur carrière d’une façon importante
Interceltique de Lorient, Déferlantes Francophones de Capbreton et Nuits Acadiennes à Paris ont – après chaque édition – bénéficié de commentaires dans cette publication dont la rédaction en chef est assurée par Frantz-Minh Raimbourg (frantz-minh.raimbourg@wanadoo.fr.
Dans le numéro 46 (janvier 2008), l’accent est mis sur le rôle des Déferlantes Francophones de Capbreton dans la promotion de la chanson acadienne et québécoise en France. D’où l’analyse de son créateur, Maurice Segall :
«Avant que le festival existe, il y avait très peu d’artistes acadiens connus en France. On pouvait citer Edith Butler, et Marie-Jo Thério dans une moindre mesure. Des groupes comme Vishten ou Grand Dérangement ont fait leurs premiers concerts en France à Capbreton.
Cela leur a donné l’opportunité de se faire connaitre d’un grand nombre de professionnels qui viennent au festival régulièrement et de développer leur carrière d’une façon importante. Mais je pourrais citer plusieurs dizaines d’autres d’artistes et je pense à un groupe québécois comme Mes Aïeux qui est venu aux Déferlantes l’année dernière pour la première fois. Ils ont eu un tel succès qu’ils sont revenus faire une tournée en France et cela a eu des répercussions jusqu’au Québec tant au niveau de la scène que du disque ».
Interrogé sur l’évolution de la chanson francophone d’outre-Atlantique depuis une dizaine d’années, Maurice Segall met en évidence des réalités toujours d’actualité : «C’est une évolution en sens contradictoire. Malheureusement, et j’espère que cela va changer, la chanson acadienne malgré sa diversité ne se renouvelle pas assez. Ceux qui marchent bien là-bas sont ceux que nous connaissons maintenant en France : Roland Gauvin, Fayo, Visthen, … Par ailleurs, je constate que la nouvelle scène québécoise, des artistes comme Yann Perreau, Bori, Chloé Sainte-Marie, Mes Aïeux commencent à être enfin entendus en France ».
D’où sa conclusion :’La chanson tient une place immense aussi bien en Acadie qu’au Québec. Il y a des artistes que j’aimerai faire venir depuis de nombreuses années mais j’ai plus de demandes que de possibilités. J’essaye d’établir une programmation cohérente : c’est un travail de longue haleine ».
Interview à deux voix avec les auteurs-compositeurs-interprètes acadiens Fayo et Roland Gauvin
Certes artistes ont eu à plusieurs reprises les faveurs de RécréACTION, les auteurs-compositeurs-interprètes acadiens Mario LeBlanc alias Fayo et Roland Gauvin, avec présentation dans le numéro 40 (janvier 2006) de leurs CD respectifs “La fiève des fèves” et “Traces de bons vivants» parus en 2005.
Et rebelote de manière bien plus approfondie comme dans le numéro 47 (avril 2008) avec les propos recueillis par Patrick Plouchart et Frantz-Minh Raimbourg aux Déferlantes de Capbreton en juillet 2007. Place à un entretien croisé de quatre pages où les deux créateurs ont non seulement évoqué leur parcours personnel mais réagi l’un par rapport à l’autre.
Et Fayo d’expliquer qu’il a toujours été passionné par l’histoire de l’Acadie. “Je voyage beaucoup dans ce pays. Je ne joue pas du violon, mais j’ai écouté beaucoup de musiques acadiennes, même à une époque où cela se faisait moins que maintenant. Par cet intérêt, moins inspiration existe, elle ne s’entend pas forcément dans la musique mais si tu écoutes bien les paroles, les référence à son pays, à son histoire, à ses pratiques sont bien là. Je sais aussi que je ne peux pas rester ancré seulement dans cette tradition parce que si j’arrive en France ou au Québec, j’ai besoin que le public me comprenne».
Et de son côté Roland Gauvin exprimer ses repères musicaux : « A l’époque de 1755, nous avions quelques pièces anciennes modernisées, mais le reste était du folk, du rock, de la country. C’est après que ma passion pour les musiques traditionnelles s’est développée, surtout la complainte. C’est une forme musicale qui n’est pas tellement jouée. Visthen, Dominique Dupuis et d’autres groupes acadiens comme Grand Dérangement n’en font pas. Ces chansons existent, et je les ressens comme mes propres pièces. (…)
J’aimerai dire à Fayo que notre relation ressemble à celle que j’avais avec mon ami Gérald LeBlanc, qui est décédé en 2005. On ne se voyait parfois pas pendant des années et quand d on se retrouvait, c’était comme si la conversation était d’hier. C’est de l’amitié.
“La Complainte du Phoque est la 3ème ou 4ème chanson que j’ai écrite dans ma vie. Alors commencer sa carrière avec ce cadeau, c’est formidable !”
Prendre le temps de faire connaissance, c’est l’une des constantes de la rédaction de RécréACTION.
En témoigne par exemple l’entretien réalisé par Guylène Merien dans le numéro 37 (avril 2005) : Daniel LeBlanc s’évoque notamment les débuts de Grand Dérangement, son expérience de violoniste avant la formation de ce groupe de Nouvelle-Ecosse, du rôle du parolier Michel Thibault, le professeur de français et d’art dramatique, et de ses influences : « J’ai grandi avec la musique country et le bluegrass ; la musique traditionnelle aussi avec banjo, violon et mandoline, de la musique acadienne là où j’ai grandi. On y jouait beaucoup de violon ».
Au rayon des regrets, mentionnons une mise en pages souvent austère, voire dépourvue de photos pour certains articles de fond …
Ainsi cette intéressante conversation de près de trois pages avec le Québécois Michel Rivard.
Il s’y exprime entre autres sur sa chanson la plus connue : « Je ne peux pas en vouloir à ceux qui ne connaissent que cette chanson-là, et qui m’en parlent parce qu’ils l’aiment. Je serais le dernier des prétentieux de dire «arrêtez de me parler de cette chanson, je n’en ai rien à faire ; La Complainte du Phoque est la 3ème ou 4ème chanson que j’ai écrite dans ma vie. Alors commencer sa carrière avec ce cadeau, c’est formidable ! »
Et le fait qu’elle ait été reprise par Félix Leclerc lui inspire la réflexion suiante : ‘Ce fut à la fois une grande tape amicale sur l’épaule et très surprenant. En même temps je me suis dit que, quelque part, il avait reconnu son influence, parce que des fables animales, Félix en fait plusieurs. S’il a accepté de reprendre celle-là, ça doit être qu’il a vu en moi son élève ».
On en apprend aussi de belles sur la difficulté d’un artiste québécois de renom à trouver des interlocuteurs fiables pour développer sa carrière discographique sur le long terme : « Je n’ai jamais été chanceux avec mes maisons de disques : soit elles n’étaient pas assez intéressées, ou alors elles l’étaient et puis elles faisaient faillite».
“J’étais peut-être le seul à ne pas avoir envie de devenir populaire”
«Pour beaucoup la chanson québécoise se résume aux glorieux ainés (Félix Leclerc Gilles Vigneault, Robert Charlebois), ou doux parfum des « seventies » (Beau Dommage, Harmonium, Diane Dufresne), à quelques belles voix championnes du marketing (Céline Dion, Isabelle Boulay, Natasha Saint-Pierre, Garou) et à .. Linda Lemay.
C’est oublier les Michel Rivard, Richard Seguin, Daniel Belanger, Kevin Parent, Stephen Faulkner, Jean Leloup et autre Eric Lapointe qui remplissent les salles de « la Belle Province » avec des œuvres fortes et originales ». Et puis … il ya Edgar Bori, auteur de quatre disques et d’une compilation. Son dernier disque (Changer d’air) sort enfin en France ».
Ainsi s’exprimait Franz-Minh Raimbourg dans le numéro 32 (janvier 2004) : un état des lieux qui aurait évidemment besoin d’être réactualisé étant donné l’émergence de tant de nouveaux talents … voire rectifié puisque Natasha Saint-Pierre n’est pas québécoise mais acadienne.
Mais n’empêche que ces phrases révèlent bien l’esprit dans lequel écrivent les bénévoles de RécréACTION, avec le souci de placer l’artiste dans un contexte global, histoire de mieux comprendre sa trajectoire publique voire personnelle.
Bori est décidément source d’inspiration pour le rédacteur en chef de RécréACTION ! Dans le numéro suivant d’avril 2004 paraît un long entretien de trois pages. En toute spontanéité, Edgar Bori se dévoile, lui qui n’avait pas l’intention de devenir chanteur jusqu’à la trentaine. Un instructif dialogue qui revient notamment sur ses débuts sur scène, sur la manière dont s’est formé le fameux trio se produisant en ombre chinoise … jusqu’à la rupture au bout de cinq ans, synonyme de début d’une carrière solo.
«J’étais peut-être le seul à ne pas avoir envie de devenir populaire. Les autres ont commencé à souffrir de cet anonymat volontaire et du manque de contrats qui va avec. Lorsqu’on choisit l’anonymat, la route est plus longue. Mes anciens compagnons continuent leur chemin artistique. Je ne les remercierai jamais assez parce qu’ils m’ont aidé à apprivoiser la scène, ils m’ont ouvert des « portes extraordinaires ».
Et Bori de conclure la conversation sur une note d’espoir : « Les gens ont faim d’une culture faite d’humanité. La chanson à texte revient, retrouve certaines lettres de noblesse, même si on est dans un monde où « l’olympisme vocal » a pris le dessus. Les gens sortent moins pour écouter les chanteurs. Il faut continuer à se battre avec les artisans, ceux qui mettent l’humain au premier plan. Je crois qu’il y a toute une machine à remettre en marche».
De quoi stimuler la motivation de la rédaction de RécréAction, visiblement déterminée à continuer coûte que coûte, à se » battre avec les artisans ».
Raison de plus pour aider cette association soutenue par une trentaine de membres d’honneur. En l’occurrence des artistes parmi lesquels on retrouve Gilbert Lafaille, Marc Ogeret, Véronique Pestel, Julos Beaucarne, Claire, Chantal Grimm, Idir, Eric Guilleton,Isabelle Mayereau, Louis Capart, Marie-Josée Vilar, etc. En somme une certaine idée de la chanson d’expression française”.
Infos complémentaires sur “Asso RécréAction” via Facebook
Une vieille K7 audio retrouvée au fond d’un tiroir. Touche « PLAY ». La voix de Siven Chinien s’élève en un chant révolutionnaire : « Solda Lalit Militan ». Maloya et sonorités indiennes. « Kant mèm kanon pou dansé, kant mèm fizi pou shanté, konbien siklone pou vini, pa lèss nou la tèt alé baissé, solda Lalit militan, sèr nou les reins nou marshé »… Evènement : un double CD du regretté Siven Chinien, « Solda Lalit – Paradi Lanfer », a été réédité fin septembre 2012 à Maurice.
- Siven Chinien et l’un de ses fils. Jaquette de la K7 audio, éditée à La Réunion au début des années 80, par Alain Gili, label « Médiatèk Océan Indien ».
Ile Maurice. Nitin Chinien, animateur radio et chanteur engagé, suit les traces d’un père charismatique. En 2012, à 31 ans, Nitin collectionne les dates anniversaire : 33 ans de séga angazé à Lil Moris, 23 ans de carrière (il démarre à 8 ans) et, surtout, la commémoration de la mort de son père, Siven, il y a 18 ans.
Pour marquer ces rendez-vous avec l’histoire, la sortie d’un double CD de Siven Chinien, « Solda Lalit – Paradi Lanfer », est prévue fin septembre. Un album inédit de Nitin Chinien (Maloya-malogae, Séga AngazE, Dancehall, Reggae n Slam) pour fin octobre. Et en décembre à Maurice : Mega Concert Live « avek tou ban ansyen é nouvo santèr Séga AngazE de Lil Moris é La Réunyon ».
En restituant le mythique « Solda Lalit Militan » de son regretté père, Nitin Chinien — à qui l’on doit une version très dansante du « Tine Blouz » de Danyèl Waro — ravive, à notre mémoire, les luttes d’une île Maurice qui accède à l’indépendance en 1968. Mais surtout, il remet au goût du jour un texte fondateur de la résistance au cœur de l’océan Indien.
Hymne révolutionnaire
Les « années de braise », décennies 60 et 70. Profondes mutations à Lil Moris : indépendance, violences politiques, grèves, répression, tensions interraciales, chômage… Des étudiants, dont Paul Bérenger, créent le Mouvement Militant Mauricien (MMM), selon les principes d’unité nationale et de justice sociale. Le concept de « mauricianisme » voit le jour. Les militants culturels se mobilisent autour d’un genre inédit : le « Santé angazé » (chanson engagée) et considèrent la musique comme un outil de combat. Solèy Ruz, Grup Kiltirel Morisien, Fangurin, Kler de linn, Fler kanne, Grup Latanier… Les groupes fleurissent dans ce grand mouvement. Siven Chinien est de ceux-là.
Le 1er juin 1994, l’océan Indien perd un de ses grands artistes engagés, auteur-compositeur, chanteur, activiste militant : Siven Chinien, père du mythique « Solda Lalit Militan », hymne révolutionnaire entonné lors des meetings. Son engagement lui vaut 11 mois de prison…
18 ans après sa mort, il nous revient enfin à l’occasion de la sortie de ce double CD attendu par bien des connaisseurs et qui mérite la plus large audience.
Militantisme, solidarité, revendication identitaire, hommage aux anciens… Autant de thèmes déclinés avec force dans les paroles de « Solda Lalit Militan ».
Article paru sur le site partenaire www.7lameslamer.net/
C’est dans la nuit du 15 au 16 juin 2012 qu’est décédé Maurice Segall, incontestable et attachant pionnier de la promotion de la chanson francophone d’Amérique du Nord en France. Il avait 71 ans.
Hommage lui a été rendu à plusieurs reprise durant la FrancoFête en Acadie en novembre dernier 2012. L’idée d’un “Prix Maurice Segall” destiné à encourager la relève artistique francophone y a même été lancée par l’auteur de cet article : une piste de réflexion émise après avoir pris la parole pour évoquer la mémoire de Maurice Segall face aux délégués internationaux, aux côtés de René Légère, président de la Société nationale de l’Acadie (SNA) à la salle Empress à Moncton, Nouveau-Brunswick.
René Légère aura été un des Acadiens qui a connu Maurice Segall dès la première édition des Déferlantes Francophones de Capbreton, en juillet 1998. D’où son émouvant témoignage livré en juin 2012 dans un communiqué de presse de la SNA.
“Étant tombé amoureux de la culture acadienne, Maurice Segall a été, au milieu des années 90, l’un des premiers à ouvrir la porte de la France aux artistes acadiens. C’est par la voix des Déferlantes francophones de Capbreton, dans le sud-ouest de la France, que Monsieur Segall a voulu offrir une grande vitrine aux artistes acadiens et au reste de la francophonie canadienne.
Depuis la première édition des Déferlantes francophones en 1998, il a permis à des dizaines d’artistes acadiens tels que Suroît, Joseph Edgar, Ronald Bourgeois, Grand Dérangement et Marie-Jo Thério, de présenter leurs créations au public français, et ce, sur de nombreuses scènes françaises.
Maurice Segall a été un grand ambassadeur de la culture acadienne en France. Il a permis à l’Acadie de se faire voir et de se faire entendre aux quatre coins de la France », déclare le président de la Société Nationale de l’Acadie, René Légère, qui a eu la chance de travailler étroitement avec Monsieur Segall dans l’organisation de la toute première édition des Déferlantes francophones en 1998.
Les implications de Monsieur Segall ne se limitent pas non plus qu’aux Déferlantes francophones. Son travail de sensibilisation au marché artistique acadien s’est étendu à toute l’Europe. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à lui que l’Acadie occupe une place de choix dans plusieurs grands événements, dont le Festival Interceltique de Lorient. Ce qui est remarquable avec Maurice, c’est que tout ce travail, il ne le faisait pas pour lui ou pour faire avancer sa carrière, mais il le faisait bien pour l’Acadie”.
En attendant que l’idée d’un Prix Maurice Segall axé sur la relève de la chanson francophone d’Amérique du Nord fasse son bonhomme de chemin, revenons sur le destin sans frontières de cet amoureux de la francophonie avec cet article (réactualisé) e publié une première fois le 12 mars 2010 sur le site www.francomag.com.
Cet article a paru à l’occasion de la première édition du festival AAh ! Les Déferlantes ! accueilli du 12 au 18 mars 2010 à Portes-Lès-Valence, au Train-Théâtre dirigé depuis 2004 par Luc Sotiras. De quoi donner envie de partir à l’aventure en compagnie de Maurice Segall. Sans doute un des professionnels français les plus reconnus pour ses initiatives en faveur de la francophonie d’Amérique du Nord.
Ce voyage à travers le temps et l’espace sera illustré d’une sélection de photos et de documents de 1998 jusqu’à nos jours
Oui, remontons un peu dans le temps ! Ce voyage à travers le temps et l’espace sera illustré d’une sélection de photos prises depuis 1998 jusqu’à nos jours, voici quelques semaines durant la Bourse Rideau dans la ville de Québec. 1998, c’est-à-dire les premières Déferlantes Francophones de Capbreton où nos chemins se sont croisés pour la première fois. Un événement que je venais couvrir pour le trimestriel Chorus, les cahiers de la chanson.
La première fois que j’ai entendu parler de Maurice Segall, c’est en juin 1998, durant la réunion de rédaction trimestrielle de Chorus, au domicile de Mauricette et Fred Hidalgo. C’est lui – à la fois directeur de la publication et de la rédaction de Chorus – qui m’a mis sur la piste de Maurice. Il venait de recevoir un dossier de presse de sa part … Fred Hidalgo m’a parlé de celui qui n’était encore qu’un illustre inconnu alors que je posais une question au sujet d’une brève parue dans Chorus : une brève parmi des dizaines d’autres dans ce numéro qui faisait – comme chaque année à la même période – la part belle aux nombreux festivals organisés un peu partout en France, voire dans l’espace francophone.
Et voici que Chorus annonçait le lancement d’un nouveau festival à Capbreton (voir ci-contre) Et ce qui avait retenu mon attention dans le programme, c’est précisément le nom de l’auteur-compositeur-interprète acadien Ronald Bourgeois …Nous avions sympathisé près d’une année auparavant, en juillet 2007, sur l’archipel français de Saint-Pierre et Miquelon. Ronald s’y trouvait à l’occasion des premières Franco-Marines de SPM, festival organisé aussi bien à Saint-Pierre qu’à Miquelon, voire sur la toute proche Ile aux Marins par Henri et Marie-Andrée Lafitte. La perspective de retrouver Ronald m’emballait…
Et c’est ainsi que sur les conseils de Fred Hidalgo je téléphonais sans tarder à ce mystérieux Maurice Segall !. Lequel fut assurément très surpris par une telle démarche journalistique : Chorus s’intéressait à un festival n’ayant pas encore eu lieu ! Et voilà comment je suis arrivé à Capbreton pour une première édition accueillant plusieurs artistes et groupes qui ont – depuis ces Déferlantes 1998- souvent croisé ma route : Edith Butler, Grand Dérangement, Suroît, Grand Dérangement, etc.
Sans Luc Sotiras, la page des Déferlantes aurait sans doute été définitivement tournée après l’été 2008
“Or ce festival n’existait que parce qu’il avait une âme et qu’il tenait à garder son cap d’origine”
« Capbreton c’est fini mais le festival continue ! » : clairement annoncée, la volonté de continuer dans le même état d’esprit s’affiche sur la page d’accueil du site officiel de AAH ! Les Déferlantes ! En témoigne la qualité et la diversité des artistes et groupes programmés, fidèles à ce que l’on avait jusqu’à présent l’habitude de voir et d’écouter sur les scènes de Capbreton et de Pralognan-la-Vanoise.
Autre indice, le long texte signé conjointement par le directeur du Train-Théâtre et le directeur de Passerelle Francophone dans le programme du festival. Evoquant les Déferlantes Francophones de Capbreton et le décalage survenu au fil du temps entre sa mairie et Passerelle Francophone – nous y reviendrons ultérieurement – Luc Sotiras et Maurice Segall s’expliquent.
“Une parenté faite de silences, de regards, de gestes, de rires et de colères retenus, ceux qui se moquent ou qui s’amusent des mêmes choses que vous”
Au-delà de ces déclarations communes, un autre repère s’affirme dans la présentation d’AAH ! Les Déferlantes ! Il s’agit de Monique Giroux, connue à travers tout le Canada francophone pour ses émissions sur la chanson d’expression française diffusées en direct sur Radio Canada.
On l’a souvent vu à l’œuvre à Capbreton, que ce soit sur scène ou en coulisses, notamment en train de présenter les artistes chantant dans le cadre du tremplin ayant confirmé des talents tels queDamien Robitaille, de l’Ontario, ou Alexandra Hernandez, de Saint-Pierre et Miquelon. Et on l’a aussi vu sur la (très) grande scène de Capbreton lors de la dernière édition, en compagnie du député-maire Jean-Pierre Dufau et de Maurice Segall. Incontestable spécialiste de la chanson québécoise – et plus globalement francophone d’Amérique du Nord – Monique Giroux fait allusion à la manière dont elle « se sentait bien » à Capbreton.
Et la voici qui reprend un extrait d’un roman de Françoise Sagan, histoire d’illustrer son état d’esprit. Une manière de voir et de vivre qui insiste sur la parenté créée au fil des éditions des Francophones de Capbreton : « Une parenté faite de silences, de regards, de gestes, de rires et de colères retenus, ceux qui se moquent ou qui s’amusent des mêmes choses que vous. Contrairement à ce qui se dit, ce n’est pas pendant la jeunesse qu’on les rencontre le plus souvent, mais plus tard, quand l’ambition st remplacée par l’ambition de partager ».
Aux Nouvelles-Hébrides, Maurice Segall est un jeune coopérant fraichement sorti de Sciences Politiques à Paris
Et c’est justement cette carte du partage que Luc Sotiras et Maurice Segall ont décidé de jouer en ce mois de mars 2010. Une carte qui fait depuis plusieurs dizaines d’années partie du jeu de Maurice Segall : il l’a d’abord joué à des milliers de kilomètres de la France, aux Nouvelles-Hébrides, jeune coopérant fraichement sorti de Sciences Politiques à Paris. Cet archipel du Pacifique c’est un des premiers repères dont il m’a parlé en ce dimanche 14 février, dans l’autobus emmenant la délégation de professionnels européens de Montréal vers la ville de Québec, pour la Bourse Rideau.
Nous sommes assis tous les deux tout à fait à l’arrière du bus, près de plusieurs personnes qui parlent, rient, ou récupèrent d’une nuit plus courte que d’habitude. De l’autre côté de la vitre défile le paysage québécois entre nature et maisons isolées avec ici et là quelques bâtiments sortant de l’ordinaire, tel le célèbre hôtel-restaurant Madrid, en bordure de route, plus proche de Montréal que de Québec, avec ses reproductions d’animaux préhistoriques qui montent la garde juste devant l’aire de stationnement.
Ici dans l’autobus, nous sommes loin, Maurice et moi.Embarqués durant plus de 45 minutes dans un voyage à remonter le temps. Et il est bien loin le temps où Maurice Segall faisait ses premiers pas à l’Office franco-québécois de la jeunesse.
“J’ai subi comme une sorte de choc culturel en écoutant Lindberg, la chanson de Charlebois qui tournait à ce moment là assez régulièrement à la radio”
«Ca a débuté il y a pratiquement 41 ans jour pour jour en février 1969. Je ne connaissais absolument rien au Québec avant de rentrer à l’Office. Avant, j’ai subi comme une sorte de choc culturel en écoutant Lindberg, la chanson de Robert Charlebois qui tournait à ce moment là assez régulièrement à la radio. A mon arrivée dans les locaux de l’Office franco-québécois je pensais que je n’y passerai qu’un an avant d’aller voir ailleurs. Et j’y suis resté plus de 20 ans, en tombant progressant amoureux du Québec, des Québécois et des Québécoises. Et ils m’ont définitivement mordu ».
Et le voici qui se met à raconter « une anecdote qui peut-être va t’expliquer bien des choses. J’ai toujours été très nul en anglais et j’ai donc fait Sciences-Po. Mais j’ai du refaire une année car à l’oral d’anglais j’ai eu un demi point sur 20 alors que j’étais par ailleurs un élève très brillant. Donc j’ai voué comme une sorte de … non pas de haine … mais de blocage par rapport à l’anglais ».
“Quand je suis rentré à l’Office je ne connaissais pratiquement rien du Québec et j’ai appris l’Histoire et la façon dont la France a traité son ancienne colonie”
Au terme de ses études, il vivra pendant un an et demi aux Nouvelles-Hébrides, l’actuel Vanuatu. C’est alors un condominium franco-britannique. Maurice Segall s’y occupe du service information de la Résidence de France entre journal et station de radio. «J’ai ainsi travaillé sur un archipel constitué des minorités francophones, anglophones et le reste de la population parlait la langue vernaculaire. C’est vrai qu’i y avait déjà une sorte de combat entre guillemets entre la Résidence de France et britannique et ça a sans doute développé ce sentiment chez moi ! Je me suis plus intéressé aux relations internationales concernant la France… mais cela dit je ne m’étais à l’époque pas du tout passionné pour les relations avec le Québec ! Quand je suis rentré à l’Office je ne connaissais pratiquement rien du Québec et j’ai appris l’Histoire et la façon dont la France a traité entre guillemets son ancienne colonie ; elle l’a lâché… Puis ca a été la découverte de l’Acadie et du Grand Dérangement, mais beaucoup plus tard. Ca m’a passionné ! ».
En poste aux Nouvelles-Hébrides de septembre 1967 à décembre 68, le jeune coopérant y développe son goût du micro et de l’information.«Je m’occupais de la programmation d’une française, avec les bulletins d’informations … en fait de toute la programmation, et ça a développé chez moi le gout de la radio et du micro. Il y avait aussi un journal de quatre pages publié tous les quinze jours, et j’y mettais des annonces locales ».
Fin de l’expérience de coopérant aux Nouvelles-Hébrides, et le besoin de trouver rapidement un emploi en France
Ci-contre. Février 2000 : entrée de la péninsule de Cap-Breton, Nouvelle-Ecosse, en route vers Sydney pour les ECMA
Arrivent la fin de l’expérience de coopérant à l’autre bout du monde, aux Nouvelles-Hébrides, et le besoin de trouver rapidement un emploi en France. Une priorité car il allait se retrouver, en 1968, papa à 26 ans. Il contacte sans tarder un responsable des radios françaises d’outremer, en charge par la suite des stations régionales en France. En poste à Nouméa, ce professionnel des ondes l’avait entendu sur sa station des Nouvelles-Hébrides. Appréciant son travail, il avait suggéré à Maurice de faire appel à lui à son retour en France.
Et le voici qui propose à Maurice Segall un poste dans la Drôme, “mal payé et avec le besoin de quitter Paris et d’y déménager”. Pas de quoi l’emballer l’ancien coopérant pourtant en quête d’un emploi stade à trouver rapidement … Il décline donc cette offre, espérant trouver mieux. D’où sa démarche au bureau des anciens de Science Po où plusieurs emplois lui sont proposés. «On m’a aussi parlé de l’Office franco-québécois pour la jeunesse. Du genre : je vous le dis mais je ne sais pas vraiment ce que ça vaut … j’ai donc d’abord fait le tour des autres administrations : on y était très bien payé mais si c’est pour s’’emmerder souverainement …
Finalement il s’agissait du boulot le moins payé et situé pas trop loin de là où j’habitais : ça a donc été l’Office !» En acceptant ce poste, Maurice Segall vient de mettre le pied dans un univers auquel il sera désormais toujours fidèle : la francophonie d’Amérique du Nord.
« Ca fait maintenant 41 ans que je voyage entre la France et le Québec à raison, en moyenne, de trois déplacements par an, soit plus de 120 voyages”
Le voici devenu responsable des charters : il fallait les remplir au départ de Paris et Montréal et s’occuper de l’équipe d’accueil à Paris. Entré à l’OFQJ en février 1969, il découvre le Québec sous tous ses angles avec des déplacements réguliers de l’autre côté de l’Atlantique.
« Ca fait maintenant 41 ans que je voyage à raison, en moyenne, de trois déplacements par an, soit plus de 120 voyages. J’ai arrêté l’Office en mai 1989, à 47 ans. Je m’y emmerdais comme responsable des opérations spéciales : du genre affréter un paquebot ou m’occuper de l’année mondiale des radios communautaires ».
Et il y a aussi une autre raison qui l’incite à prendre ses distances. La secrétaire général de l’époque voulait que je réfléchisse à l’avenir de l’OFQJ. J’avais des idées pour que l’Office évolue. Tout le monde m’a félicité pour le rapport mais au bout d’un an je me suis rendu compte que n’avait bougé et n’allais pas bouger. Alors je leur ai dit : « je vous compte cher et je ne sers à rien ». Et j’ai négocié mon départ ».
“Je me suis payé un voyage au Québec pour faire le tour des différentes institutions : je me suis présenté, en expliquant mon expérience et mon envie de continuer à travailler avec le Québec”
Ce fameux rapport inutile lui aura cependant permis de rencontre beaucoup de monde. Mais de là à savoir de quoi allait se forger l’avenir professionnel ….
« Je n’en avais aucune idée. Je n’avais pas agi sur un coup de tête ; j’avais murement réfléchi un an à préparer cette décision. On en a parlé avec Françoise, on habitait encore à Paris, avec l’envie de continuer à travailler avec le Québec mais je ne savais pas sous quelle forme. Alors je me suis payé un voyage au Québec pour faire le tour des différentes institutions : je me suis présenté, en expliquant mon expérience et mon envie de continuer à travailler avec le Québec ».
La réponse arrive dans un premier temps de l’OFQJ (mais oui !) qui lui signe un contrat pour aider l’Office en contact avec les Francofolies de la Rochelle. “La chanson me passionne et j’ai été chargé de monter des opérations spéciales de la chanson québécoise aux Francofolies. « Quand j’ai quitté l’Office, je l’avais mis en relation avec les Francofolies de La Rochelle, ils ont continué à travailler avec moi, et ça m’a mis le pied à l’étrier pour monter ma boite !
“A Paris jamais je n’aurais pu monter de festival ! Le fait d’habiter en province ça a joué ! Sinon j’aurai continué à vivre de contrats sur Paris”
Puis toujours avec les Francofolies, le voici qui contacte un de ses amis, directeur général chez AGFA : “Un des gros partenaires des Francos, qui menaçait justement de quitter le festival car il n’avait plus de département son ». A la demande de Danièle Molko venue me voir pour que trouver une solution, Maurice Segall résout le problème. « Et c’est ainsi que ça s’est enchainé petit à petit vers ce qui m’intéressait, la chanson ».
D’où la création de Passerelle Francophone, une association loi 1901. “Au début j’ai hésité entre SARL ou association … Le statut associatif n’était pas contraignant ».
A la fin du contrat avec AGFA, l’une des étapes suivantes sera de travailler pour un festival monté dans Oise, « Québec-Oise » …
Et voici que sa femme Françoise lui parle de l’idée de déménager dans le sud-ouest : « Ca a bouleversé notre vie. On a retrouvé la maison familiale de Riscle où on n’allait que pour les vacances ; on adore cette maison ! Au début j’étais un peu sceptique vu que les hivers sont longs ! Je me suis dit qu’il va falloir beaucoup s‘aimer et on s’aime beaucoup !”.
Déménagement en 1992 : « A Paris jamais je n’aurais pu monter de festival ! Le fait d’habiter en province ça a joué ! Sinon j’aurai continué à vivre de contrats sur Paris ».
“Pierre Toussaint m’a lancé : “Je suis un amoureux de la Louisiane et vous du Québec”
Montréal-du-Gers sera dans les années 1994-95 la première opération sous le label Passerelle Francophone avec programmation québécoise mixte : entre artistes québécois avec groupes locaux. Une expérience de deux avec des artistes tels Plume Latraverse, Jim Corcorran, Fabienne Thibault, Laurence Jalbert, etc. Une belle manifestation menée à bien en partenariat avec Radio Canada qui travaillait jusqu’alors avec un festival de la chanson québécoise à Saint-Malo qui venait de s’arrêter ».
Puis, ce sera la préparation des Déferlantes Francophones de Capbreton, dans les Landes. « La première édition a eu lieu en 1998, après une année de préparation ».
Pourquoi cette commune au fait ? «Tout à fait par hasard ! Grâce à un ancien journaliste, Pierre Toussaint qui avait monté des grands rassemblements folk dans les années 70, était passionné par la musique cajun. Il m’a téléphone et demandé à me rencontrer après avoir lu un article sur moi dans La Dépêche du Midi qui avait couvert Montréal du Gers de façon étonnante ». Le courant passe vite entre les deux hommes. «Je suis un amoureux de la Louisiane et vous du Québec » lui lance M. Toussaint en le rencontrant chez lui, à Labelle dans la banlieue de Capbreton de l’autre côté d’Hossegor ».
Des contacts sont pris avec le maire de Capbreton, Jean-Pierre Dufaud, d’autant plus intéressé qu’il revient d’un voyage à Cap-Breton en Nouvelle-Ecosse. Et voici Pierre Toussaint et Maurice Segall mis en relation avec l’adjoint à la culture de Capbreton, Claude Eloi. Un élu sur lequel Maurice ne tarit pas d’éloges dans le bus qui s’éloigne de plus en plus de Montréal pour rejoindre la ville de Québec…
A noter qu’aux premières Déferlantes, Pierre Toussain était au rendez-vous avec ses musiciens du groupe Bonjour Louisiane pour un concert gratuit donné à deux reprises, samedi 29 et dimanche 30 août à la Capitainerie, à Capbreton. Voir ci-dessus la double page d’une partie du programme de l’édition 1998.
“J’ai découvert l’Acadie ! Je n’y avais jamais mis les pieds et j’ai été enthousiasmé par ce que j’ai vu et entendu”
Et entretemps, voici qu’arrive une invitation du Centre culturel canadien pour les ECMA (East Coast Musical Awards) organisées à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Simone Sucher, diretrice du Centre Culturel avait contacté divers professionnels. Et le seul à lui avoir répondu en 1997 aura été le professionnel établi à Riscle, dans le Gers.
« J’ai découvert l’Acadie ! Je n’y avais jamais mis les pieds et j’ai été enthousiasmé par ce que j’ai vu et entendu. Le séjour n’a pas été long mais très intense, et je suis rentré gonflé à bloc ».
Et si on faisait un festival pour tous les francophones d’Amérique du nord, des Cajuns aux Acadien et aux Québécois, C’est le challenge lancé à Claude Eloi. Budget bouclé, feu vert du député-maire et les Déferlantes sont lancées en été 1998 : «Ca a bien fonctionné même si n’avait pas beaucoup monde ! Mais ça a été un bon début ».
Impressionnante liste que celle de tous les talents venus des différentes communautés francophones du Canada, en plus évidemment des artistes et groupes québécois
Puis au fil des ans la délégation grandira aussi bien à la FrancoFête de Moncton qu’aux ECMA, avec Annie Benoit (L’Autre Distribution), Albert Weber pour la revue Chorus,avec le soutien de Gerry Boudreau, alors très engagé dans l’action artistique et culturelle de sa Nouvelle-Ecosse natale. Et la délégation ne cessera de prendre de l’importance au fil des éditions …
Et durant toutes ces années, les Déferlantes Francophones de Capbreton, et aussi celles plus hivernales à Pralognan-la-Vanoise bénéficieront de soutiens médiatiques sans failles, comme par exemple Patrick et Marion Plouchart qui en rendront compte dans Trad’ Magazine. Certes – et Maurice le reconnait volontiers – les deux premières années, Capbreton était considéré en grande partie comme une vitrine de l’Acadie. C’était la seule manifestation pour que la scène acadienne ait une visibilité.Et en plus tous les groupes étaient au début de leur carrière : Blou, Celtitude, Transakadi, Blou, Grand Dérangement, etc.
D’où ce constat : «Tout le monde a commencé à Capbreton même si m’a posé de problèmes avec nos amis québécois. Ils ne voyaient que le Québec » Il lui faudra donc jongler dans les partenariats et les financements. Car vue de la France, l’Acadie ressemble à un bloc uni, alors que l’on se rend vite compte sur place qu’il s’git d’un puzzle dont chaque morceau doit être pris en considération, notamment dans la programmation …
“Les nouveaux responsables ne partageaient ni notre passion ni notre intérêt, notre militantisme pour la francophonie”
Les Déferlantes Francophones de Capbreton mettront aussi en valeur des écrivains, des cinéastes, des photographes, etc. « On n’a pas seulement eu des chanteurs et des groupes, mais aussi des poètes comme Gérald LeBlanc, Herménégilde Chiasson » ajoute encore Maurice Segall avant de s’interroger sur un sujet lui tenant très à cœur : le problème du renouvellement artistique en Acadie.
Alors pourquoi ça s’est arrêté en 2008 à Capbreton après toutes ces éditions ?
“Globalement je garde un excellent souvenir de ces Déferlantes. Et le sentiment d’avoir donné leur chance à des groupes et artistes. On a été des pionniers, des défricheurs”
Et qu’en est-il de la programmation de pointures de la chanson française comme Jacques Higelin en 2007 ou Cali en 2008 ? Des artistes qui n’avaient pas grnd chose à voir avec la chanson francophone d’Amérique du Nord …
« Ce n’était pas mon désir mais j’assume ma responsabilité. J’ai dit oui, j’étais aussi pris par la folie de grandeurs ! Avec la configuration de la dernière édition j’ai trouvé enfin ca ressemblait à un festival avec Tr Yann, Cali et les autres … une très belle scène avec en plus un petit village … on aurait pu conserver tout ça, mais ce n’était plus ce même côté familial, avec service d’ordre : insupportable, ce qu’on ne voulait pas”.
Et Maurice Segall de se souvenir : « Higelin a mangé sous la tente … Cali était prêt après le concert faire la fête sous la tente mais on n’était pas en mesure d’assurer de le ramener à l’hôtel »
Et évoquant des personnes telles que son frère Jean-Michel, ou Catherine Todorivitch, ou pour la dernière année Christian Sercomanens pour la coordination des transports – pour ne citer qu’eux – il ajoute « : Il faut dire aussi que j’ai été très bien secondé ! Non, je n’ai pas de regrets. Le lieu était magique. On a fait notre temps. Globalement je garde un excellent souvenir de toutes ces Déferlantes. Et le sentiment d’avoir donné leur chance à tant de groupes et artistes. On a été des pionniers, des défricheurs ».
“A Pralognan-la-Vanoise, ça a démarré encore plus fort qu’à Capbreton avec la patinoire pleine à craquer pour Swing”
Exit donc Pralognan-la-Vanoise où ont été organisées quatre éditions des Déferlantes Francophones Hivernales. A l’instar du coup de fil de Pierre Toussaint qui a tout déclenché pour Capbreton, un autre contact servira de déclic pour ce village au cœur de la montagne. « Ca a i-contrede manière conviviale, encore une et une affaire de rencontre. J’ai suivi les conseils d’un professionnel de France bleu Gascogne qui avait une maison en Savoie et m’a dit de m’intéresser à Pralognan. Alors que je n’aime pas la neige, ni la raclette…
J’ai mis du temps à accepter. On y est allé, on a eu un bon accueil du maire et du responsable du tourisme, Patrick Mehidi. Ca a bien cliqué entre nous. Et ça a démarré encore plus fort qu’à Capbreton avec la patinoire pleine à craquer pour Swing. On a aussi eu de la chanson à texte avec Chloé Sainte-Marie, Louise Forestier, et tant d’autres encore. J’ai toujours aimé faire des mélanges de styles ».
Présent et avenir se sont conjugués à Portes-lès-Valence pour Maurice Segall plus que jamais passionné par la chanson francophone
Présent et avenir se sont conjugués en 2010 désormais à Portes-lès-Valence pour Maurice Segall alors plus que jamais passionné par la chanson francophone d’Amérique du Nord. Et pas seulement par elle ! Souvenirs souvenirs … Voici que ce Lion ascendant Lion se souvient des deux premiers disques achetés : Guy Béart et Serge Gainsbourg, « Le poinçonneur des Lilas, le disque avec la pochette rouge ».
La jeunesse de Maurice Segall a également été nourrie de Brassens, Ferré et Ferrat et – “sous l’influence de mes frères branchés rock” – par les Beatles. « Il n’y avait alors pas de Québécois qui passait à la radio, sauf Aglaé, une chanteuse québécoise aujourd’hui bien oubliée !
Au rayon des coups de cœur personnels, que retient Maurice dans l’incroyable diversité d’artistes francophones rencontres au fil de tous ces festivals organisés ou auxquels il a pris part des deux côtés de « la Grande Mare « ? Plusieurs noms surgissent spontanément , tels Plume Latraverse, Daniel Boucher, Jim Corcorran, Marie-Jo Thério et d’autres encore…
“On continue Passerelle Francophone, Françoise et moi”
« On est heureux de se voir. C’est ce qui est en train de se passer avec Moran et Catherine Major. Pas des gens avec des carrières toutes tracées, avec juste l’envie de faire carrière, non » explique-t-il, en glissant aussi en mentionnant également Elisapie Isaac. A 67 ans et demi, le directeur artistique d’AAH ! Les Déferlantes n’a pas l’intention d’arrêter : “On continue Passerelle Francophone, Françoise et moi ».
Ce sera (presque) le mot de fin, au terme de cet étonnant retour vers le passé dans lequel nous avons embarqué tous les deux, alors que l’autobus continue à se rapprocher de la ville de Québec.de la Bourse Rideau. Encore un de ces événements artistiques où, une fois de plus, Maurice Segall sera sollicité – très sollicité même – en vue de la programmation du festival de 2001, voire déjà 2012.