Considéré à juste titre comme un des auteurs-compositeurs-interprètes majeurs de la francophonie nord-américaine, Ronald Bourgeois a enregistré un nouvel album après une (trop) longue période de silence.
Entre nouvelles chansons et refrains déjà connus, “Viens avec moi” marque une nouvelle étape dans la carrière de cet artisan aux textes poético-réalistes.
Coup de projecteur sur un créateur dont le répertoire ne peut évidemment se résumer avec l’expression “chanson acadienne”.
Enregistré en mai 2014 en public au Music Room de Halifax, cet album de 13 titres plus un bonus s’inscrit tout à fait dans la démarche de cet artiste originaire de Chéticamp, terre francophone de la presqu’ile du Cap-Breton en Nouvelle-Écosse.
Ronald Bourgeois a toujours eu le sens de la formule qui fait mouche et de la mélodie qui se retient, et que le public reprend volontiers en chœur.
“Viens avec moi” avec ses accents blues, folk et country se laisse savourer avec d’autant plus de plaisir que l’artiste a un sens inné du contact avec le public,. Et cela aussi bien en qualité de chanteur qu’organisateur en coulisses (directeur artistique du Congrès Mondial Acadien en 2004 avec Gerry Boudreau) … voire présentateur de concerts, comme ce fut entre autres le cas aux inoubliables Déferlantes Francophones de Capbreton, dans les Landes, sous l”égide du tout aussi inoubliable Maurice Segall.
Premiers pas de Ronald Bourgeois dans la musique à Chéticamp. Extrait du DVD “J’ai trouvé dans une chanson” réalisé par François Savoie et Edmonde Haché à l’initiative de Martine Girard (A l’infini Communication)
Plus de 300 titres dont une soixantaine reprise par d’autres voix
Les années ont passé, et Ronald Bourgeois n’a jamais quitté le milieu artistique, même s’il aura délaissé les studios durant nombre d’années. Sa discographie se résume à quelques albums : Amène le vent (1994); Le long retour (2001) et “Viens avec moi” en 2014.
S’y ajoute aussi “J’ai trouvé dans une chanson”, album hommage réalisé en 2008 par Patrice Boulliane (Blou) et Toby Gendron sous la houlette de Martine Girard (A l’infini Communication)
Soit 18 titres repris par Florent Vollant, Mario Pelchat, Daniel Lavoie, Swing, Jean-François Breau, Mathieu D’Astous et Ginette, La raquette à claquettes, Waylon Thibodeau, Lennie Gallant, etc. Autant de voix aux origines fort variées : Québec, Acadie, Saskatchewan, Italie, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Innu, Île-du-Prince-Édouard, Ontario, Abenakis, Alberta.
Au-delà de cette énumération une évidence s’impose : Ronald Bourgeois a marqué et continue de marquer la vie artistique francophone nord-américaine bien au-delà des chansons qu’il a lui-même enregistrées. On lui doit plus de 300 titres dont une bonne soixantaine enregistrées par d’autres voix et non des moins dans l’industrie musicale.
Autant de groupes et d’artistes parmi les plus importants de la francophonie nord-américaine, voire d’ailleurs dont Suroît, Blou, Lina Boudreau, Les Muses, George Belliveau, Paul Hébert, Hert Leblanc, Kenneth et Johnny, Daniel Leger, Folle Avoine (Hart Rouge), Gildor Roy (Québec), Patrick Verbeke (France), Roddie Romero (Louisiane), Monique Poirier, Ode à l’Acadie, Dani Daraîche, Swing, Amélie Hall et Annie Blanchard… et la liste n’est pas exhaustive.
Un chanteur francophone sans drapeau acadien ni violon
Cette efficace faculté d’adaptation à des artistes fort différents s’explique notamment par le fait que les compositions de Ronald Bourgeois ne sont pas acadiennes au sens strict du terme. Certes, certains de ses refrains s’enracinent très concrètement dans la tragique histoire du peuple acadien menacé de disparition par le génocide du Grand Dérangement, comme Joe LeBlanc.
Mais à bien écouter ses chansons, des plus anciennes aux plus récentes, cet artiste n’est pas un “chanteur acadien” mais bel et bien un artiste francophone, voire universel par ses thèmes.
De surcroît, ici pas de drapeau acadien brandi à tout bout de chant, ni d’omniprésent violon mais des guitares, des basses et des voix : elles suffisent largement pour colorer ce nouvel album d’une ambiance à la fois chaleureuse, décontractée et cependant très professionnelle tant dans la composition des chansons que son interprétation.
Pas de longue explication de texte dans ses concerts : les paroles de ses chansons se suffisent à elles-mêmes, et on peut les reprendre en chœur même si l’on n’est pas acadien… comme j’ai pu m’en rendre compte en maintes circonstances des deux côtés de l’Atlantique.
“Viens avec moi” : une talentueuse invitation à continuer à parler, à chanter, à vivre en français
Pas étonnant donc qu’Alizé Barth , son impresario- parisienne résidant actuellement en Nouvelle-Écosse, affirme avec conviction que cet artiste mérite d’être connu bien au-delà de son Acadie natale. D’où cet article destiné à inciter les amateurs de (bonne) chanson d’expression française à entrer sans hésitation dans l’univers de Ronald Bourgeois.
Sa manière de raconter les choses de la vie sans angélisme ni pessimisme nous interpelle car elle est authentique. Chaleureux sur scène comme dans la vie, Ronald Bourgeois n’est pas un chanteur, mais un homme qui chante. Une évidence ressentie dès notre première rencontre en juillet 1997 à Saint-Pierre et Miquelon durant le festival des Franco-Marines chères à Henri Lafitte.
Ici pas de personnage pour public en mal de sensations fortes ou de photos spectaculaire pour presse à ragots, mais un homme bien dans sa peau. Dans sa vie quotidienne entre Halifax et Chéticamp où le bilinguisme est une évidence, une nécessité.
Raison de plus pour apprécier à leur juste valeur des chansons française d’un créateur vivant sa francophonie dans un environnement (très) majoritairement anglophone.
Cet environnement n’est pas de nature à se laisser absorber par une autre culture, une autre langue. Bien au contraire ! Producteur de nombreuses émissions de télévision diffusées à travers le Canada (dont “Pour l’amour du country) Ronald Bourgeois n’a de cesse de mettre en valeur des artistes francophones et acadiens.
A l’heure où la langue française est de plus en plus en danger, voire menacée de disparition dans nombre de régions jusqu’alors à majorité francophones à travers le Canada, “Viens avec moi” est une talentueuse invitation à continuer à parler, à chanter, à vivre en français.
Alizé Barth www.meganovamusic.com
Ronald Bourgeois ICI
Texte et photos Albert WEBER
Madame samedi soir : un des 14 titres du nouvel album de Ronald Bourgeois