“TOI QUE LE HASARD … ” : EMBARQUEMENT SANS HÉSITATION AVEC SOHAM

Bon, soyons francs. Il est très frustrant de rédiger une chronique sur le nouvel enregistrement du duo Soham formé par Christian Laborde et Dalila Azzouz-Laborde. Sans Bernard Revel, je serai passé à côté de cet opus que je vous recommande vivement pour l’intensité de ses textes et la sensation de bien-être suscitée par les arrangements.  

 

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“Et dans l’ombre dense, comme un flambeau, cultivons l’art de la question !”

Ca fait un moment que j’ai reçu cet album, l’ai écouté à plusieurs fois, ai même échangé au téléphone avec Christian et là, au moment de vous en parler enfin, une évidence s’impose : oui à quoi bon en dire du bien alors qu’il passe sous les radars de la “grande presse”, des médias écrits et audio-visuels ? Sans oublier les réseaux sociaux aux millions de consommateurs. Je préfère ce mot plutôt que celui de “followers” qui me hérisse chaque fois que je l’entends ou le lis !

Car ici il n’est pas question de consommation mais d’art et d’artiste, et je dirai aussi – et surtout – d’artisanat. Car s’il est bien un mot qui s’impose c’est celui d’artisanat. Et c’est d’ailleurs ainsi que Christian Laborde qualifie l’aventure artistique menée à bien depuis plus de trois décennies avec celle qui partage aussi sa vie.

“Merci à vous, tisseurs, de liens éclaireurs de sentiers, compagnes et compagnons fidèles de nos voyages artistiques, merci pour chaque instant partagé, d’hier à demain, merci de faire vibrer nos chemins de vos présences lumineuses. Et dans l’ombre dense, comme un flambeau, cultivons l’art de la question ! Un immense merci à nos familles, toujours présentes” relève-t-on dans la pochette de cet opus dédié à Gigi. 

Enregistré dans leur studio, dans leur village, cet album ne se résume pas à une complicité entre Dalila (chants et chœurs) et Christian (guitares, guitalele, résonnateur, bouzouki, programmation et arrangements) . C’est un efficace travail d’équipe avec Camille LaBorde (percussions-batterie), Pierre Savary (claviers, basse, percussions et arrangements) et le flutiste Bernard Salles.

D’où cet album de 12 titres  tout en délicatesse, en subtiles nuances, avec une émotion palpable tant dans la voix que la manière dont les musiciens la mettent en valeur.  Dalila est à l’origine de la plupart des textes, parfois en solo, et pour certains titres avec François Ayres, Jean-Pierre Lacombe, André Calvet, Martine Amaudruz, Hélène Cadou ainsi que Marcel Cassoudebat dont une citation a inspiré le titre de l’album : “Comme une éternité suspendue, l’éphémère souriant naît toujours d’un hasard amoureux…” 

Quant aux musiques, elles sont, elles aussi, synonymes de complicité entre Dalila Azzouz-Laborde, Christian Laborde, François Ayres, Jean-Pierre Lacombe, Hervé Dessaux et Martine Caplanne. Mais méfiez-vous ! Ici pas de u prêt-à-consommer, de la bouffe industrielle mais de la haute gastronomie qui se regarde  avec l’élégante pochette et ses textes de chansons et se laisse savourer, titre après titre, comme je l’ai fait à plusieurs reprises avant de prendre (enfin) le temps de vous en parler.

Oh je vous rassure, Christian et Dalila ne sont pas d’illustres inconnus. Leur dossier de presse s’enracine dans tant de concerts et de festivals, de rencontres et de complicités en studio et sur scène, et évidemment de premières parties où Francis  Cabrel, Alain Souchon, Alain Chamfort, Dick Annegarn, Graeme Allwright ne sont que quelques repères parmi bien d’autres  ! 

Le nouvel album « Toi que le hasard »
Photo Natalia Pont

 

 Sortir du silence, de la marginalité

Alors pourquoi avoir parlé de frustration au début de ce texte ? 

C’est simple, un tel album est sans doute trop ciselé pour “le grand public” … Trop fignolé sur le fond et la forme, loin des omniprésentes musiques urbaines… Un album sans label national ni attaché de presse synonyme de médiatisation .. et sans ami bien placé dans “les grands médias” … loin des titres pour les play-lists de France-Inter ou ailleurs. 

Dans un tel conteste, comment espérer une chronique ailleurs que dans la presse spécialisée ? La chance est bien rare dans ce milieu … 

Oui évidemment il y a les réseaux sociaux et l’obsession du buzz pour quitter (momentanément) l’anonymat … mais c’est pas le genre de la maison. Pas du tout ! Prenez donc le temps de découvrir le teaser de 1mn30 repéré sur sa chaine Youtube réunissant 854 abonnés et ça vous une idée de cet album. 

 “Tout ici est douceur dans l’interprétation, souvent dans les textes, telle une marque de fabrique de Soham” note Michel Kemper sur le site Noschanteurs, le quotidien de la chanson, en présentant ce “délectable album dont les douze titres tiennent au hasard de l’existence, relatés ici comme on le ferait sur un journal de bord, consignant tant des chroniques vécues ou non, des émotions, colère, impressions …”.

Pour le duo lot-et-garonnais, “Toi que le hasard …” n’est pas marqué par l’obsession d’un tube ou d’une reconnaissance nationale… D’accord… mais n’empêche que s’il y avait encore d’authentiques connaisseurs de la chanson française – José Artur, Serge Levaillant, Philippe Meyer , Jean-Louis Foulquier, Thierry Lecamp pour n’en citer que quelques-uns – un tel album aurait ses chances de sortir du silence, de la marginalité …. 

Quant à Christian Laborde, il reste lui-même, c’est-à-dire un seigneur de la six-cordes qui a côtoyé (voire collaboré avec) les plus grands (comme Marcel Dadi), et qui forme par ailleurs avec l’irrésistible Dalila la brune – l’une des plus belles voix actuelles – l’excellent duo Soham créé en 1992″ écrivait Fred Hidalgo  dans cet article . Cette citation me va droit au cœur avec ma chanson préférée de ce CD. 

 Je parle de “Le ballon rouge”  : un regard aussi poétique que lucide d’Allain Leprest. Oui l’inoubliable Allain rencontré pour la première fois chez Fred Hidalgo, lors d’une soirée de juin, avec ses fameuses rencontres d’artistes dans la maison des créateurs de “Paroles et Musiques” et de “Chorus, les Cahiers de la Chanson”. Ça se passait près de Dreux et j’ai le souvenir d’une joute oratoire en poésie et chanson au cœur de la nuit entre Allain Leprest et Jehan, debout face-à-face dans le salon ! Quel regret de ne pas avoir enregistré cet échange fraternel entre deux figures marquantes d’une chanson ignorée des “grands médias”… 

Soham

Comme si l’on voulait que le temps s’arrête 

En fait , chaque chanson a des allures de tranche de vie, avec ses zones d’ombres et de lumières, avec des paroles à fleur de peau qui vous émeuvent, vous transportent ailleurs.Vous donnent envie de ré-écouter encore une fois cet album comme si l’on voulait que le temps s’arrête.

Mais attention, Christian et Dalila ne vivent pas dans une bulle ou sur je ne sais quelle planète déconnectée de la vraie vie. Comme me l’a raconté Christian Laborde lors de notre échange téléphone, Soham a aussi une autre corde à son arc.

Et pasn’importe laquelle : tous deux sont démonstrateurs de la célèbre marque C.F Martin & Co . Oui je parle de “la fabrique des instruments reconnus comme les plus prestigieux au monde. L’entreprise a innové au profit de techniques dont certaines sont devenues des références dans l’industrie de la guitare. La marque doit également son succès à l’excellence de sa lutherie, reconnue par les plus grands noms de la musique” .

“On finira peut-être par se voir un de ces jours en Alsace à l’occasion d’une de ces démonstrations !” m’a-t-i lancé durant notre discussion. Oui, pourquoi pas ? Et même allons encore un peu plus loin : imaginons un concert réunissant le duo Soham et Bernard Revel !

L’avenir appartient aux artisans inspirés et audacieux.

Affaire à suivre. 

Albert Weber 

 Numérisation

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