Début mars 2015 sera enfin disponible -L’Eden est un bazar”, 3ème enregistrement de l’auteur-compositrice-interprète interprète Janie Renée. Rencontre avec une attachante artiste franco-ontarienne à la fois fragile et sûre d’elle, aux textes inspirés mis en valeur par des mélodies inédites enracinées dans sa passion du jazz, mais pas que …
Oui, après le CD Les Valises (12 chansons originales) lancé en Octobre 2012, puis le single “Comme un Blues Tattoo” sorti en janvier 2015, Janie Renée se lance dans une nouvelle aventure qui n’est pas seulement artistique.
LE DÉFI DES PRODUCTIONS DE L’INCONVENTIONNELLE
Premier constat : il en faut du courage, de l’audace, de la persévérance pour s’aventurer dans un registre synonyme d’exigence. S’il est vrai que la musique nourrit Janie Renée depuis son enfance, pas évident du tout de s’affirmer en Ontario, voire au-delà dans le jazz francophone.
Mais il n’y a pas là de quoi la décourager, et c’est sous son label des Productions de l’Inconventionnelle/ Les Disques Mme – qu’elle a sorti ses trois opus bénéficiant de la distribution de l’APCM : l‘Association des professionnels de la chanson et de la musique, une des structures majeures de la chanson francophone en Ontario.
Et je dirai même vitale pour les talents francophones de cette vaste province du Canada (deux fois la France! ) ne demandant qu’à s’épanouir. D’où ce qualificatif de “fragile” employé à dessein, car Janie Renée a évidemment pris elle-même les choses en main pour créer et s’affirmer.
Son entreprise Les Productions de l’Inconventionnelle figure parmi la dizaine d’entreprises franco-ontaroises mobilisées autour de l’IPIMFO : l’Initiative de promotion internationale de la musique francophone de l’Ontario dont les initiatives ont constitué un des temps forts du récent Contact Ontarois accueilli par Ottawa du 13 au 16 janvier 2016.
Ces repères me semblaient importants à évoquer, pour bien situer le contexte dans lequel évolue cette artiste francophone dans une province canadienne à majorité anglophone. Il aurait été évidemment bien plus facile pour sa carrière de “chanter en anglais” en reprenant les incontournables standards.
“LA VÉRITÉ, C’EST QUE J’ÉCRIS DES CHANSONS DEPUIS MON ENFANCE”
Mais voilà, Janie Renée Myner (qui a retenu ses deux prénoms en guise de pseudonyme) est têtue et chante en français ses propres chansons. Allez savoir pourquoi se compliquer ainsi la vie ! Assurément une question d’identité franco-ontarienne, d’amour pour la langue française tout simplement.
Une langue qui l’incite aux confidences suivantes : “Telle une alchimiste, je concocte des potions multiples, tirées de mon quotidien, de mes mémoires et de ma vie. La vérité, c’est que j’écris des chansons depuis mon enfance. En plus de saupoudrer d’humour les situations loufoques dont je suis témoin, je traduis mes humeurs, mes pensées et je les accompagne de musique. J’affectionne particulièrement le blues et le jazz. Alors ne vous surprenez pas de lire ou d’écouter des textes mordants, parfois comiques, parfois sérieux– ce sont toutes des facettes de moi”.
Janie Renée n’est ni Québécoise ni Acadienne, que ce soit bien clair. Et elle revendique haut et fort ses origines : “Je tient mes racines de l’Est-Ontarien, plus précisément de St-Eugène, un petit coin de l’Ontario français qui vivote allègrement, loin des pressions des villes et qui résonne toujours au diapason de la terre et des saisons”.
Sa trajectoire artistique, elle la place résolument hors des autoroutes rectilignes et des recettes à appliquer à tout prix. Chez elle, un évident besoin d’authenticité va de pair avec l’envie de chanter la vie, les petits soucis, les déchirures (“Loin de toi, loin de moi”, les situations qui prêtent à sourire, les comportements qui donnent à réfléchir aussi.
Car au-delà des mots qui font mouche, comme ses délirantes “Mémés Versace”, elle sait s’y prendre pour émouvoir et faire rire.
D’où ces 12 chansons dont elle a signé tous les textes et la majorité des musiques aussi, exception faite de “L’embuscade” (avec Didier Lozano); “Ma biguine” (avec Ronald Tulle). Et Léo Laroche qui cosigne le texte de “La semeuse d’histoires”.
Quand on prend vraiment le temps d’écouter “L’Eden est un bazar”, on est agréablement surpris tant par le fond que la forme. A commencer par le soin apporté à l’enregistrement. S’il est vrai que les arrangements des cuivres signés Mark Ferguson occupent une place essentielle sur cet opus, Janie Renée s’est entourée d’une sacrée brochette de musiciens.
Leur nombre et leur diversité témoignent du défi relevé par cet album aux multiples sonorités : guitares (Louis Trudel); contrebasse (Jean-François Martel); batterie (Magella Cormier” ); percussions (Joanna Peters); piano (Michel Ferrari); trombone (Mark Ferguson); trompette (Nicholas Dyson); saxo et clarinette (Mike Tremblay).
C’est dans la chanson “D’Adam et d’Eve” qu”il faut déceler l’origine du titre de l’album : l’artiste est bien décidée à “rester Eve” dans ce texte aux accents oniriques, où “le piège, c’est le refus de garder les yeux clos”. Donc “L’Eden est un bazar” avec ses sous-entendus, ses situations vécues en songe, ses “jeux d’ombres” et ses “fresques de vertu”.
Certaines chansons pourraient tout à fait inspirer un clip des plus expressif, comme “La goguette du Chat Noir”, “Le diner solitaire” ou bien “Les Mémés Versace” , ces “vieilles greluches en mission”qui ont passé l’âge des diètes” décrites de manière très expressive sur un rythme de tango.
ENTRE CHANSON, JAZZ, SAMBA, BIGUINE … ET TANGO
Pas étonnant donc qu’elle qualifie de “jazz hybride” le registre dans lequel elle s’épanouit.
Remarquée en juin 2014 au Festival en chanson de Petite-Vallée alors qu’elle participait aux Rencontres qui chantent, Janie Renée se situe vraiment à part dans la chanson franco-ontarienne.
Et impossible de l’enfermer dans un seul registre : un des atouts de cet opus, c’est justement de ne pas s’en tenir au jazz, mais se laisser porter aussi par d’autres couleurs musicales. Et de s’aventurer aussi notamment du côté de la samba et des rythmes antillais avec “Ma biguine” et “Don Quichotte”. Sans parler du dernier titre, ” Tout Simplement” : un duo avec le chanteur-musicien martiniquais Tony Chasseur .
Surprenante escapade ?
Pas vraiment puisque Janie Renée a effectué en Martinique une résidence d’artiste axée sur la polyrythmie avec deux maitres percussionnistes, en septembre et octobre 2015. D’où plusieurs concerts donnés dans ce département français d’outre-mer, avant de séjourner à Paris dans le cadre du MAMA (Marché des musiques actuelles) avec la délégation de l’IPIMFO.
Ces dernières années, elle a ainsi participé à diverses délégations de l’IPIMFO, loin de son Ontario natal, dont le Womex (World Music Expo) à Budapest en octobre 2015 et les BIS (Biennales internationales du spectacle) en janvier 2016 à Nantes.
“RESSEMBLANCES NOTABLES ENTRE ARTISTES DES ANTILLES ET CEUX DE LA FRANCOPHONIE CANADIENNE HORS QUÉBEC”
Cette indispensable ouverture d’esprit sur des événements professionnels s’avère primordiale pour elle, tant comme artiste évoluant entre chanson, jazz et musiques du monde que créatrice des Productions de l’Inconventionnelle.
Et de se rendre (hélas) compte que les mêmes obstacles sont à surmonter, qu’on vive en Ontario ou en Martinique. D’où ce constat sur dans son expérience antillaise, au contact des artistes antillais :
“Que ce soit des diatribes sur les « étiquettes » qu’on impose aux artistes, sur un constat du manque de développement de nos industries musicales respectives, bref….y’a des ressemblances notables entre les artistes d’ici et ceux de la francophonie canadienne hors Québec. On est largement auto-produits, on a les mêmes embuches à la commercialisation, les mêmes réactions face au streaming et à la disponibilité des produits artistiques de façon non-règlementée (et surtout peu payantes) sur le web…. Cette réalité là, elle nous colle à la peau”.
En attendant l’ouverture de son nouveau site, je vous incite à retrouver cette attachante artiste franco-ontarienne sur internet, notamment au gré de ses vidéos de concerts.
Histoire d’aller bien au-delà de la pochette du nouveau CD qui n’exprime pas avec justesse les diverses facettes de sa personnalité. Un album aux 12 chansons ORIGINALES au sens fort du terme à savourer sans modération.
Albert Weber
Photos Claude Brazeau (CD et portrait)
Photos Johanne Boisvert (chapeau)
Mars 2016
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J’ai dû
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D’adam et d’Ève
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Don Quichotte
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Mon Jazz à Moi
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L’Embuscade
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Loin de Toi, Loin de Moi
Comme un Blues Tattoo
Janvier 2015
8. Les Mémés Versace
9. Ma Biguine
10. La Semeuse d’Histoires 11. Le Diner Solitaire
12. Tout Simplement (Bonus Track– Duo avec Tony Chasseur)
DISCOGRAPHIE
L’Éden est un Bazar
Mars 2016
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J’ai dû
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D’adam et d’Ève
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Don Quichotte
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Mon Jazz à Moi
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L’Embuscade
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La Goguette du Chat Noir
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Loin de Toi, Loin de Moi
Comme un Blues Tattoo
Janvier 2015
8. Les Mémés Versace
9. Ma Biguine
10. La Semeuse d’Histoires 11. Le Diner Solitaire
12. Tout Simplement (Bonus Track– Duo avec Tony Chasseur)
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L’Embusca