A travers divers articles de www.planetefrancophone.fr, nous avons découvert la vitalité et la diversité de la chanson franco-ontarienne. Cette réalité artistique si peu connue au Québec et en Acadie est devenue une raison de vivre de Pierrette et Guy Madore.
Rencontre avec un incroyable couple qui voue un amour sans faille aux talents francophones de sa province, au point d’en être devenu de (très) fervents archivistes !
Bien que la présence de la communauté francophone en Ontario remonte à 400 ans, l’expression “Franco-Ontariens” est récente. En effet, à force d’être sans cesse qualifiés de Québécois par les Ontariens anglophones, les “Canadiens français” de cette province ont décidé de prendre les choses en main. De prendre leurs distances face à la culture québécoise. Quitte à affirmer une identité bien spécifique marquée – entre autres symboles forts – par la création d’un drapeau ! Explications.
Avant d’en revenirà la chanson franco-ontarienne, quelques points de repère linguistiques s’imposent. Il est vrai que le réveil d’une chanson francophone enracinée dans l’Ontario d’hier et d’aujourd’hui a largement contribué au besoin et à l’envie d’affirmation d’une identité propre.
Aussi les “Canadiens français” de l’Ontario se sont redéfinis en tant que Franco-Ontariens, se reconnaissant avec fierté dans “Notre Place”, chanson considérée comme “l’hymne national franco-ontarien” et signée Paul Demers et François Dubé. A découvrir ci-dessous chanté par Paul Demers, Robert Paquet et le groupe Hart Rouge de la Saskatchewan.
Ces considérations linguistiques sont plus importantes qu’il n’y paraît, car dans la francophonie ontarienne – et notamment dans sa chanson – il est des mots qui prennent qui prennent un sens particulier, différent de celui du contexte québécois.
“Ontario : chronique d’une survie annoncée”
“Ontario : chronique d’une survie annoncée” : c’est le titre d’un article de trois pages parues en 1996 dans la revue québécoise Chansons, hélas disparue, et dont le rédacteur en chef était un certain Alain Chartrand : oui l’actuel directeur de Coup de Coeur Francophone !
Ce coup de projecteur sur l’Ontario est en fait une des pièces maîtresses d’un formidable dossier de 19 pages sur la chanson dans la francophonie canadienne. Il y est notamment question de l’Acadie (“Complicité souhaitée”), du Manitoba (“Espace musical”), de la Saskatchewan (“Plaine effervescence”), de l’Alberta (“Fragile), de la Colombie-Britannique (“La chanson a une ville”).
Dans les pages sur l’Ontario, le journaliste Dominique Denis, alors chroniqueur dans divers médias (Express de Toronto, CJBC, Radio Canada) évoque avec précision cette “Question d’adjectifs” selon l’expression d’un encadré de son dossier.
“Dans l’usage courant, les francophones se désignent par l’appellation on ne peut plus logique de franco-ontarien. Mais depuis les années 70, qui ont vu l’éveil d’une identité tout à fait distincte du cadre de référence québécois, l’adjectif ontarois semble avoir la cote chez les éléments les plus militants de la communauté, sans toutefois faire l’unanimité auprès de la population dans son ensemble. Cela dit, c’est le terme choisi par plusieurs, dont Maurice Lamothe qui a signé, avec “La chanson populaire ontaroise -1970-1990″ la plus importante référence écrite sur le sujet”.
Et le journaliste de donner un peu plus loin un exemple des plus révélateurs de l’évolution de la langue française : “Dans sa chanson Le Grand six-pieds écrite en 1961, l’auteur-compositeur-interprète Claude Gauthier chante “Je suis de nationalité canadienne-française”. A partir de 1965 il chante “québécoise française” et à partir de 1979 “Je suis de nationalité québécoise”.
L’exemple de ce changement de vocabulaire chez un artiste québécois fait écho à l’évolution du français en Ontario. Précisément dans ce besoin d’affirmer une identité aux contours précis (franco-ontarien) et non plus “canadienne française”, une expression également vécue – au Québec – par Claude Gauthier : ses 50 ans de carrière en disent long sur son engagement permanent en faveur de la langue française. Après 150 concerts en trois ans avec ses complices du spectacle “La boîte en chansons”, Il vient d’ailleurs de sortir un nouvel album de 12 chansons originales intitulé tout simplement “50 ans plus loin” (Les Disques de la tribu).
Cette constance sans faille de Claude Gauthier à chanter en français témoigne d’une formidable longévité artistique et militante… qui rappelle avec force le parcours de plusieurs figures majeures de la chanson franco-ontarienne tels Paul Demers, Robert Paquette ou Marcel Aymar pour ne citer qu’eux.
C’est dire aussi combien l’emploi du mot juste est important au coeur de la francophonie d’Amérique du Nord, que ce soit au Québec, en Ontario ou ailleurs comme en Acadie par exemple ! D’autant plus qu’à l’exception des talents de la Belle Province, absolument les autres artistes francophones vivent dans un contexte minoritaire où le bilinguisme est de mise, dans la vie quotidienne. Une évidence qu’il est bon de rappeler notamment auprès des médias français pour lesquels un artiste d’Amérique du Nord chantant en français est “automatiquement” québécois.
Samedi 23 mars, devant l’Auditorium Fraser pour la 40ème Nuit sur l’Etang : deux bénévoles de l’Association canadienne-française de l’Ontario du Grand Sudbury. L’ACFO se présente comme le “distributeur officiel du drapeau franco-ontarien”
“A cheval entre deux cultures, tiraillés entre l’engagement et le reniement, coincés entre le poids démographique du Canada anglais et l’indifférence du Québec”
Aujourd’hui, en Ontario, le qualificatif “Franco-Ontarien” a pris le dessus sur le terme “Ontarois”. Bien que ce terme existe depuis quelques décennies, c’est plus souvent la génération francophone la plus jeune qui utilise le terme de “Franco-Ontarien” pour se définir. Mais il semble que les générations plus âgées utilisent encore le terme de Canadiens français … Une expression que le producteur parisien Jacques Canetti avait d’ailleurs largement utilisée au début des années 50 en faisant connaître Félix Leclerc en France !
“En conclusion, un mot sur la langue, principal baromètre de la santé de toute société qui vit en milieu minoritaire. Les rapports qu’entretiennent les artistes de l’Ontario français (et la société franco-ontarienne dans son ensemble) avec leur langue sont, on le devine, complexes : à cheval entre deux cultures, tiraillés entre l’engagement et le reniement, coincés entre le poids démographique du Canada anglais et l’indifférence du Québec, les Franco-Ontariens doivent composer avec cet outil que l’auteur-compositeur et dramaturge Jean-Marc Dalpé qualifie de “langue dyslexique”, “avec des mots qui manquent”, outil qui se trouve, de façon permanente, en proie à l’érosion”.
Publiée en 1996 dans la revue québécoise “Chansons”, cette analyse de Dominique Denis, prend – évidemment – un nouveau relief quand on la met en parallèle avec l’actuelle situation de la langue française au Canada.
La ville de Sudbury vit au rythme d’un bilinguisme qui se reflète de plus en plus dans les textes de la nouvelle génération d’artistes franco-ontariens. Deux exemples parmi d’autres de ce bilinguisme avec les photos ci-dessus d’une boulangerie et ci-dessous d’un centre pour jeunes
Ecrire en français “à la face du monde”, au coeur de Sudbury, notamment sur les murs de la cité !
Plus de 6,9 % des francophones du Canada résident en Ontario, soit 532 865 en 2006 et et 561 155 en 2011
Au fait, comment se porte actuellement le français au Canada ? Aujourd’hui, l’utilisation de la langue française y subit un lent et inévitable déclin selon le rapport de Statistique Canada d’octobre 2012. Ce rapport repose sur le recensement de 2011 : 30,1 % des Canadiens sont capables de soutenir une conversation en français contre 30,7 % lors du dernier recensement, en 2006.
Selon Statistique Canada, environ 10 millions de personnes au Canada affirment être en mesure de soutenir une conversation en français contre 9,6 millions lors du dernier recensement.Mais cette légère augmentation est “absorbée” par la progression de l’anglais ainsi que d’autres langues parlées au Canada comme le mandarin dont l’utilisation a grimpé de 51 % au Canada depuis 2006.
Et l’Ontario ? Toujours selon Statistique Canada, la proportion de francophones par rapport au reste de la population reste donc la même qu’il y a cinq ans. Les données de 2011 indiquent aussi que près de 7 % des francophones du Canada résident en Ontario, soit 532 865 en 2006 et 561 155 en 2011 !
Ces chiffres correspondent au pourcentage suivant de francophones par rapport au reste de la population de l’Ontario : 4,4 % en 2006 et 4,4% en 2011 : 4,4 % . C’est dire l’importance d’une langue vivante, d’une culture pour laquelle des artistes créent des chansons dans lesquelles se retrouvent les Franco-Ontariens. En témoigne aussi le symbole du drapeau franco-ontarien !“
Un des supports de l’identité franco-ontarienne : la presse écrite, entre informations et commentaires, au rythme de la vie quotidienne. Ici un panneau de couleur verte – comme le drapeau – présenté dans le hall de l’Auditorium Fraser pour la 40ème Nuit de l’Etang
Deux exemples parmi d’autres de la presse francophone en Ontario
Outre le petit écran, et notamment la chaîne de télévision publique TFO, voici un autre support indispensable pour la communauté franco-ontarienne : un réseau de stations de radio bénéficiant de relais dans diverses régions de l’Ontario
Le drapeau franco-ontarien a été dévoilé pour la première fois le 25 septembre 1975 à l’Université de Sudbury
Le drapeau franco-ontarien se compose de deux bandes verticales de couleurs différentes. La première bande verte comporte un lys blanc au milieu de la bande. La deuxième bande blanche a un trille vert en son milieu.
Sur l’emblème, le vert représente l’été et le blanc symbolise l’hiver. Ensemble, les deux couleurs représentent la diversité du climat de l’Ontario. Le lys évoque la francophonie mondiale, tandis que le trille est l’emblème floral de l’Ontario. Trille qui a aussi inspiré le nom du fameux Gala des prix Trille Or évoqué dans plusieurs autres articles de ce site !
Selon le site de la FESFO – Fédération de la jeunesse franco-ontarienne – des étudiants de l’Université Laurentienne de Sudbury (Jacqueline England, Michel Dupuis, Don Obonsawin et Yves Tassé) sont à l’origine de la création du drapeau franco-ontarien, sous la direction du professeur et historien Gaétan Gervais.
“Le drapeau franco-ontarien a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 au mât devant l’Université Laurentienne par l’étudiant Michel Dupuis. Il faut dire qu’il n’est pas surprenant que le drapeau franco-ontarien soit issu de Sudbury et du mouvement étudiant de cette époque. On venait de vivre la “Révolution tranquille” où les Canadiens-Français du Québec sont devenus des “Québécois”. On a donc développé une nouvelle identité de “Franco-Ontariens!”.
C’est aussi une époque où l’animation culturelle bouillonnait partout en province et surtout à Sudbury : création de La Nuit sur l’étang par les étudiantes et étudiants de l’Université Laurentienne en 1973, création de la maison d’édition Prise de Parole, création du Théâtre du Nouvel-Ontario en 1970, manifestations étudiantes animées à Sturgeon Falls en 1971 pour obtenir une école secondaire de langue française, création de la pièce “Moé j’viens du Nord!” d’André Paiement, arrivée de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario (CANO) et de Robert Paquette qui clamait “Moi j’suis fier d’être Franco-Ontarien!”, début de la création de la FESFO dont la première assemblée “officielle” s’est déroulée à Sudbury”.
Toujours selon la FESFO, “les jeunes avaient besoin plus que jamais d’un symbole pour afficher leur fierté… Il nous fallait un drapeau ! Le drapeau franco-ontarien ne fut adopté officiellement qu’en 1977 par l’Association canadienne-française de l’Ontario. Le drapeau original a été cousu à la main par Jacqueline England, et Gaétan Gervais le conserve précieusement chez-lui dans l’intention le refaire flotter un jour au mât de notre future université franco-ontarienne !”.
Le drapeau franco-ontarien est le dénominateur commun de tous les rassemblements de la francophonie en Ontario. Et il flotte entre autres devant le Collège Boréal de Sudbury : un établissement francophone, situé non loin de l’université bilingue La Laurentienne. Toujours cette fameuse cohabitation de deux langues notamment évoquées par Natalie Bernardin, directrice générale de l’APCM dans un autre article de notre site.
Collège Boréal : au rythme des préoccupations de la jeunesse franco-ontarienne …
Le drapeau franco-ontarien a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 au mât devant l’Université Laurentienne
Le Collège Boréal de Sudbury : bien plus qu’un établissement d’enseignement !
Fondé en 1995, le Collège Boréal est le seul collège communautaire de langue française dans le Nord de l’Ontario, à Sudbury : soit plus de six heures de route d’Ottawa !
A vrai dire il ne s’agit pas d’un collège selon le système scolaire de France, mais d’un impressionnant établissement offrantplus de 60 programmes d’études post-secondaires en français. S’y ajoutent aussi nombre de services destinés aussi bien aux élèves qu’au grand public.
En le visitant d’étage en étage durant la fameuse Nuit Emergente du 22 mars dernier, une évidence s’imposait : cette vaste structure immobilière est tout autant un établissement à vocation pédagogique qu’un carrefour artistique et culturel. D’où diverses salles de spectacles, lieux de rencontres, sites d’exposition permanentes et temporaires, etc.
Une des expositions permanentes du Collège Boréal à Sudbury
Centre Louis-Riel : “un espace d’accueil, de soutien et d’échanges” au coeur du Collège Boréal
Situé au coeur du Collège Boréal, le Centre Louis-Riel se présente comme “un milieu d’accueil axé sur la culture et la réussite”
A noter aussi que le Collège Boréal bénéficie d’un lieu vraiment pas comme les autres !
On y trouve en effet un Centre de ressources de la Nation des Métis avec une incroyable gamme de services pour les étudiants autochtones et métis. Ce centre porte le nom de Louis-Riel, considéré comme le fondateur du Manitoba. Le romancier français Alain Dubos a d’ailleurs consacré un excellent roman, “Rivières Rouges” à cette figure incontournable de l’Histoire.
Le Centre Louis-Riel illustre avec brio et tout au long de l’année l’expression “Fierté Autochtone” avec force initiatives enracinées suscitées par ses membres et/ou les autres étudiants du Collège Boréal. L’organisation de concerts permet aussi de développer cette fierté identitaire, à laquelle les prestations d’artistes tels Florent Vollant ou Elisapie Isaac apportent un incontestable plus, tant par leur talent que leur notoriété dans l’espace francophone.
Une des nombreuses initiatives organisées par le Centre Louis-Riel, à Sudbury
A gauche Michel Benac, un des piliers de la relève franco-ontarienne (groupe Swing, maison de production LAFAB), photographié au festival montréalais Coup de Cœur Francophone en novembre 2012 en compagnie d’Albert Weber (www.planetefrancophone.fr), Guy Zwinger (Radio Caraïbes Nancy) et Jean-François Laffitte (directeur-adjoint de Voix du Sud)
Festival Franco-Ontarien : à l’écoute des autres francophonies
Aujourd’hui plus que jamais la communauté francophone d’Ontario a besoin de talents à la hauteur de la richesse de son identité, et aussi d’événements synonymes de rencontre et de retrouvailles. De festivités durant lesquels le terme de francophonie prend un sens particulier, à la fois reflet de la réalité franco-ontarienne mais aussi ouverture sur de talents francophones venus d’ailleurs. C’est le pari relevé par les organisateurs du Festival franco-ontarien qui vont commémorer à leur manière les 400 ans de présence francophone en Ontario, et particulièrement le passage de Champlain sur la rivière des Outaouais en juin 1613 !
Et c’est Michel Bénac – chanteur du groupe franco-ontarien Swing – qui a été mandaté pour réunir plusieurs icônes artistiques, histoire de “brasser la baraque” lors de la soirée d’ouverture du Festival franco-ontarien, le 13 juin.
Outre le groupe de Michel Bénac, les “400 ans de party de cuisine” réuniront sur scène La Bottine souriante, ainsi que les artistes Anodajay et Koriass. Yves Lambert se joindra à cette soirée, un des temps forts du 38ème Festival franco-ontarien organisé du 13 au 15 juin 2013 au parc Major’s Hill à Ottawa.
Gala des Prix Trille Or 2013. Michel Lalonde (membre fondateur du groupe Garolou) entouré d’Anique Granger et Alexis Normand. Assurément une photo-symbole de cette chanson francophone dont la vitalité s’affirme avec force d’une génération à l’autre
Des pionniers aux talents actuels : le coeur d’une francophonie inventive et militante
Pandaléon, Lanorme, Patrick Wright et ses Gauchistes, Marie-Claire et les Hula-Hoops, Mastic, Konflit, Medhi Cayenne Club, Robert Paquette, Jean-Marc Lalonde, Christian Berthiaume, Daniel Bédard, Michel Lalonde, François Lemieux, Jean-Marc Dalpé, Yves Doyon, AkoufèN, Michel Lalonde, Michel Benac, Akeem Ouellet, Deux Saisons, Andrea Lindsay, Garolou, Damien Robitaille, Deux Saisons, En Bref, Le Paysagiste, Gabrielle Goulet, En Bref, Swing, Tricia Foster, Le Diable aux Corsets, CANO, François Dubé, ZPN, Yao, Stef Paquette, Amélie et les Singes Bleus, Le R, Les Chiclettes, et bien sûr Paul Demer et Marcel Aymar, … et la liste n’est (évidemment ! ) pas exhaustive !
Impossible de cerner en un seul article la formidable diversité de talents qui s’affirment depuis plusieurs décennies dans la création artistique franco-ontarienne ! Et aujourd’hui plus que jamais la nouvelle génération d’artistes et de groupes- notamment dans le rock et la chanson – avance avec détermination sur les traces de ses glorieux aînés.
D’où ces affirmations parus dans la revue québécoise Chansons en 1996 et qui situent les talents de 2013 dans une intéressante perspective historique : «De toutes parts, on s’entend pour attribuer à Brasse Camarade le mérite d’avoir servi de déclencheur à ce renouveau, par le biais d’un rock élémentaire mais d’une indéniable efficacité.
En effet, le trio sudburois, composé des frères François et Pierre Lamoureux et du batteur Tim Rideout, s’est donné pour objectif d’investir au maximum ce circuit fermé et restreint, vertes, mais exceptionnellement réceptif (surtout au niveau des écoles) à un rock francophone de souche.Peu à peu, Brasse Camarade a su s’implanter dans le milieu québécois, entreprenant même d’infiltrer le marché européen, ce qui n’est aucunement en contradiction avec sa volonté d’afficher ouvertement ses racines”.
Et Dominique Denis de citerPierre Lamoureux : “On représente le rock franco-ontarien, et c’est pour nous un engagement envers la jeunesse. Quand on a commencé, on était très conscient que personne en Ontario ne faisait ce qu’on faisait”.
Même constat au sujet des indispensables pionniers de la chanson, sous la signature de Maurice Lamothe dans son incroyable ouvrage de 391 pages sur la “chanson populaire ontaroise” (1994, Le Nordir-Triptyque) :
“Loin de n’avoir été qu’un feu de paille sans lendemain, l’émergence des carrières de Robert Paquette, CANO et Garolou dans le champ de la chanson durant les années 70 a permis d’alimenter un discours sur le développement d’un champ culturel distinct en Ontario français, pavant ainsi la voie à une 2ème génération d’artistes de la chanson, dont les succès seront cette fois intimement liés à un réseau ontarois”.
Et l’universitaire Maurice Lamothe de préciser :” Il est clair que la Nuit de l’Etang, qui, au départ, se voulait un lieu de diffusion des arts de la scène – aussi multidisciplinaire que le voulait la philosophie de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario -, a été la première à amorcer le processus de reconnaissance du champ culturel ontarois en accordant aux chansonniers plus de place sur ses planches afin de médiatiser ainsi sa distinction“.
Le groupe Brasse Camarade en 1990. Photo parue sur le site du CRICF d’Ottawa, le Centre de recherche en civilisation canadienne-française
Pris sur le vif lors du 7ème Gala des Prix Trille Or à Ottawa : Tricia Foster dans les bras de Mehdi Hamdad. Une nouvelle génération d’artistes franco-ontariens est en train de s’affirmer, en toute décontraction tant dans ses textes bilingues que sa manière de vivre !
Un nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique : 45 millions de dollars, étalé sur trois ans et instauré en 2013-2014
C’est évident, la chanson franco-ontarienne n’a pas fini de faire parler d’elle ! Bien au contraire, comme en atteste une (bonne) nouvelle repérée sur le site de Radio Canada (1er mai 2013). En effet, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la création d’un nouveau fonds pour promouvoir la musique ontarienne au pays et à l’étranger.
“Le nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique est un programme de subventions, doté de 45 millions de dollars, étalé sur trois ans, qui sera instauré en 2013-2014.
Selon le gouvernement, l’objectif est de faire de la province un chef de file dans le domaine de l’enregistrement et des spectacles musicaux. Il souhaite appuyer la production de nouveaux produits numériques et d’enregistrement et la distribution d’oeuvres musicales”.
Le groupe Garolou au début des années 80. Photo publiée sur le site www.progquebec.com consacré au rock québécois
Le groupe CANO en juin 2011. Photo du site http://francopresse.ca (Actualités francophones canadiennes) à l’occasion d’un article pour un ultime concert du groupe à La Nouvelle Scène à Ottawa
“Toute tentative de cerner l’époque nous renvoie immanquablement à une sainte trinité – Robert Paquette, Garolou et CANO”
Que de chemin parcouru entre le nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique de 2013 et le temps des pionniers d’il y a 40 ans !
La nécessité vitale d’une chanson franco-ontarienne a bénéficié au fil des ans d’une explosion de talents et d’une mise en place d’indispensables organismes.
D’où ce coup d’œil dans le rétroviseur signé Dominique Denis (revue Chansons, 1996) : «Si les avis divergent sur ce que serait le véritable cœur de la francophonie en Ontario – Sudbury pour les uns, l’Outaouais pour les autres – une chose ne fait aucun doute : la chanson francophone est née dans le Nord (et du Nord) à l’aube des années 70 dans le cadre favorable qu’offraient notamment l’Université Laurentienne et la grande kermesse septentrionale qu’est La Nuit sur l’Etang, institution créée en 1973 à Sudbury.
Toute tentative de cerner l’époque nous renvoie immanquablement à une sainte trinité – Robert Paquette, Garolou et CANO (excroissance chansonnière de la Coopérative artistique du Nord de l’Ontario) – qui furent parmi les premiers à rêver, développer et surtout chanter l’idée d’une spécificité franco-ontarienne »
Entre ces affiches des Nuits de l’Etang d’antan (ci-dessus) et la relève incarnée par le jeune slameur Joël -Denis Groulx (ci-dessous) : des décennies d’initiatives au service d’une francophonie ontarienne plus dynamique que jamais …
Sudbury, 24 mars. Joël-Denis Groulx présente son poème-slam au Brunch des Fruits de la Nuit
“Tu dois saisir cette opportunité quand elle s’offre dans une avalanche de joie, de gloire et de positivité”
En guise de conclusion à ce long article – évidemment non exhaustif loin s’en faut ! – sur la francophonie ontarienne, donnons la parole à Joël-Denis Groulx : un des participants de l’atelier animé par Mehdi Hamdad dans le cadre des Chantiers de la Nuit tenus dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 mars à Sudbury.
Organisée dans la foulée du fameux concert de plus de 4h30 à l’Auditorium Fraser à Sudbury, cetteinitiative bénéficiait de plusieurs partenaires : le Centre franco-ontarien de folklore, le Contact interculturel francophone de Sudbury, les Editions Prise de parole et la Galerie du Nouvel-Ontario.
Et parmi les jeunes créateurs ayant pris une part active aux cinq ateliers de création artistique intensive se trouvait justement Joël-Denis Groulx, auteur d’un «Poème Slam».
Mehdi Hamdad entouré des jeunes de son atelier de création entre slam et poésie
Avant de découvrir ce texte rédigé en pleine nuit, laissons à ce jeune créateur franco-ontarien le temps de se présenter : “Je suis née en 1997 à Scarborough, Ontario. Je suis également franco ontarien et bilingue, je parle et écrit les deux langues officielles, l’anglais et le français. Je suis un étudiant de la 10e année qui fréquente présentement à l’École Secondaire Publique Renaissance.
Ma ville est située au centre du Bouclier Canadien tout près de la 49e parallèle.De plus, je suis fier aux succès de ma part dans des Cadets royaux de l’Aviation Canadienne. Placer au troisième rang/ Corporal de section. Je m’intéresse aux sports ainsi qu’à la mécanique, la maintenance et aux opérations aérienne”.
Voici à présent le texte créé par Joël-Denis Groulx et présenté dimanche 24 mars, lors du Bruch des Fruits de la Nuit avec un maître de cérémonie nommé Mehdi Hamdad, à la fois décontracté et professionnel comme à l’accoutumée.
De quoi mettre à l’aise Joël-Denis et ses amis pour partager au public toutes générations confondues le résultat de leurs cogitations nocturnes : un indiscutable temps fort de cette mise en commun de talents francophones, symbole d’une nouvelle génération en pleine effervescence.
Fais-le, connais-le.
C’est à toi, pour une raison.
Car c’est ton choix, ta décision, ton concept mental de tentation qui alimente une addiction.
Pour cette approche qu’on traite de rêve.
Mais en tout, en réalité, elle garnit ton identité qui rejet ta confidentialité.
Aux familles, aux ami(e)s, même au monde entier.
Qu’as- tu à cacher, de qui, de quoi… Laisse-toi donc aller, il n’y a pas de tort.
Ne lâches pas, ces moments y seront jusqu’à ta mort.
Par contre cette fois, tu n’as qu’un coup, une fois, une chance à maîtriser tous tes options qui viennent vers ton bout d’crayon.
Tu as l’opportunité de convaincre, d’y conquérir, d’y aller le prendre en tes mains.
N’attend pas car elle arrive à la fin d’un couloir obscure, sombre et seul d’un égout.
Là où le temps s’écoule, tombe, cale au fond et de tout cela, la pression se louche.
Tu dois saisir cette opportunité quand elle s’offre dans une avalanche de joie, de gloire et de positivité.
Qui t’avancera dans ta vie. Et après tout, ça s’adonne, fier, d’où t’y rend, fier d’où tu y es…
Fais-le, connais-le.
C’est ta vie, c’est ton choix.
A la fin, c’est à toi, illumines, brilles, exprimes-toi! …
Joël-Denis Groulx, Timmins, Ontario
Dimanche 24 mars, Sudbury. Photo souvenir des participants et animateurs des ateliers de création artistique des Chantiers de la Nuit. La relève franco-ontarienne est sur la bonne voix/voie !
Coordinateur général et artistique pour la deuxième année de la Nuit sur l’Etang – et donc de l’inoubliable 40ème édition marquée par un concert de plus de 4 heures et demi – Joël Lauzon fait partie de ces militants francophones sensible au “nouveau paysage musical franco-ontarien”.
“Si on veut que notre culture reste vivante, il faut la nourrir, travailler pour elle”
Ce Franco-Ontarien suit de près la cohabitation entre pionniers de la musique francophone et talents de la relève : d’où le concert historique synonyme de “belles retrouvailles pour les artistes et le public. Cela fait 40 ans que ça existe, et ça continue !
On a beau dire : il faut célébrer notre identité en tant que francophone de l’Ontario … mais personne ne va le faire pour nous ! Si on veut que notre culture reste vivante, il faut la nourrir, travailler pour elle. Et créer des produits artistiques et culturels ! On ne peut pas rester sur ce qui a été créé il y a 40 ans sinon on se retrouvera avec une culture anorexique. Le monde change, et nos artistes et groupes aussi.
Partout dans le monde, les francophones ont des repères communs, c’est sûr ! Mais il est important d’avoir des œuvres qui parlent de chez nous, de ce qui est plus prêt, de notre vie, de ce qui parle à notre cœur ! ».
Vue partielle de l’exposition historique consacrée à la Nuit sur l’Etang des débuts à 2013
Un des documents présentés au Salon des Anciens, Université Laurentienne de Sudbury pour célébrer les 40 ans de la Nuit sur l’Etang
« Ca vaut la peine de parler français en public, on ne doit pas avoir honte de le faire ! »
Et Joël d’insister sur un des aspects essentiels de la 40ème Nuit sur l’Etang : “Nous avons aussi mis en valeur beaucoup de textes de poètes de Sudbury qui parlent du rock, de l’étang, de notre vie de tous les jours aussi. C’est ce qui nous entoure, là où on habite … des valeurs qui nous habitent”.
Originaire de “Hearst à 650 km vers le nord”, Joël Lauzon a grandit dans un environnement” à 98 % francophone. Je n’ai pas subi de sentiment d’isolation culturelle comme d’autres Franco-Ontariens. Ici Sudbury, nous avons une culture francophone très vivante. 25 % de la population parlent le français … certains le parlent moins.
Pour eux, c’est une langue seconde, car ils parlent le français en famille mais pas en public. On est en train de changer cette situation, car ça vaut la peine de parler français en public, on ne doit pas avoir honte de le faire !”.
Une affirmation d’autant plus vitale pour la jeunesse franco-ontarienne qu’elle évolue au quotidien dans un environnement très souvent anglophone. D’où la nécessité d’événements populaires comme le souligne par ailleurs Pierre Paul Mongeon, président du conseil d’administration des Concerts La Nuit sur l’Etang : “La nuit sur l’Etang est depuis très longtemps un lieu de rassemblement par excellence pour la communauté franco-ontarienne. Une fois à toutes les douze lunes, les Franco-Ontariens se réunissent pour chanter, danser et célébrer leur existence. la Nuit est un rituel à la culture francophone dans tous ses aspects”.
“Des amis se réunissaient pour veiller, on faisait de la musique, on lisait des poèmes, on avait du plaisir”
Voici une vue extérieure de la Fromagerie Elgin de Sudbury : un espace artistique et culturel accueillant nombre d’événements notamment autour de la prise de parole et de la poésie.
Un hommage aux écrivains de l’Ontario français y a été rendu vendredi 22 mars sous l’appellation «Or»é»alité» : en fait il s’agit du titre d’un recueil de poésie de Robert Dickson paru durant les premières années des Editions Prise de parole et de la “révolution sereine” franco-ontarienne.
Et n’oublions pas que parler français en public aura toujours été une priorité pour les Franco-Ontariens. En témoigne entre autres fut aussi, dès ses origines, un des paris de la mythique “Cuisine de la Poésie” !
Comme évoqué avec force détails dans le programme de la 40ème Nuit sur l’Etang, “la cuisine d’antan, c’était deux grands-prêtres, Robert Dickson et Pierre Germain, autour de qui ont gravité, le temps d’une cuisine (ou deux ou trois) Denis Saint-Jules, Robert Paquette, André Paiement, Paulette Légère, Daisy DeBolt, Jean-Marc Dalpé, Patrice Desbiens, Michèle Vallières…
Et comme le souligne une présentation signée Ephrem Laliberté, “des amis se réunissaient pour veiller, on faisait de la musique, on lisait des poèmes, on avait du plaisir. De là à la première représentation publique, il n’y avait qu’un pas, et la cuisine s’est manifesté pour a première fois à la Nuit sur l’Etang en mars 1975″.
Quoi de plus normal donc que pour les 40 ans de la Nuit sur l’Etang la poésie se soit, une nouvelle fois, retrouvée au coeur de l’actualité : une chaleureuse “Cuisine de la Poésie” proposée dans l’esprit de la Première Nuit sur l’Etang de mars 1975 !
L’initiative a donc été reconduite en mars 2013 grâce à la collaboration entre les Editions Prise de parole, le Salon du Livre du Grand Sudbury et l’Université Laurentienne, sous la direction artistique de Miriam Cusson secondée par plusieurs musiciens – Shawn Arseneau, Christian Berthiaume et Simon Jutras du groupe Konflit – et une poignée de poètes et interprètes d’hier et d’aujourd’hui. En l’occurrence Daniel Aubin, Marcel Aymar, Thierry Bissonnette, Jean-Marc Dalpé, France Huot, Sonia Lamontagne, Raphaël Bissonnette et Guylaine Tousignant.
Quelques-uns des nombreux documents historiques présentés par les Editions Prise de parole avant la 40ème Nuit sur l’Etang à Sudbury
Au fil des ans, Les Editions Prise de parole ont pris une place incontournable dans la vie culturelle franco-ontarienne, comme le souligne Denise Truax, sa directrice générale dans un long texte titré “Ce qui n’est pas exprimé n’existe pas”. Il s’agit en fait du “mot d’ordre” inscrit par Fernand Dorais (1928-2003) dans la préface de “Lignes Signes”: le premier livre paru chez cet éditeur en avril 1973.
Dès ce premier ouvrage s’est affirmée la volonté de s’exprimer à la fois individuellement et collectivement. En effet ce premier recueil de Prise de Parole a vu le jour dans la foulée d’un atelier de création littéraire regroupant quatre jeunes poètes : Gaston Tremblay, Denis Saint-Jules, Placide Gaboury et Jean Lalonde.
“Prise de parole affirmait sa volonté d’appuyer une littérature d’ici, à la fois moderne et enracinée. L’ici de l’époque, c’était l’Ontario français, et plus précisément le Nouvel-Ontario” explique Denise Truax. Au gré des publications, poésie et théâtre ont fait une belle place au roman et aux recueils de nouvelles, puis aux essais et aux études.
Quant au rythme de parution, il est passé de deux ou trois ouvrages par an à une quinzaine ! “Les auteurs du Nord, à force de côtoyer ceux des autres régions de l’Ontario, puis de l’Acadie et de l’Ouest, ont créé des liens solides, des amitiés durables”. Autant de repères qui se sont exprimés avec intensité tout au long de la 40ème Nuit sur l’Etang.
Samedi 23 mars, Sudbury. “Cuisine de la poésie” avec les pionniers Jean-Marc Dalpé et Marcel Aymar – des voix fortes au service de la communauté franco-ontarienne – sous le regard d’Eric Robitaille, de Radio-Canada, animateur de la soirée
Omniprésente au cours du spectacle de plus de 4h30 à l’Auditorium Fraser de l’Université Laurentienne, la poésie a été célébrée avec force interventions de créateurs de tous âges, notamment Daniel Aubin ci-dessus et François Lemieux ci-dessous
La Nuit Emergente, reflet d’une relève qui n’a pas fini de surprendre les passionnés de chanson franco-ontarienne
Enthousiaste et optimiste, Joël Lauzon l’est incontestablement en évoquant la culture francophone dans son cher Ontario, affichant notamment un vif intérêt pour les paroles, les textes, le cinéma.
En somme tout ce qui permet de célébrer la langue française, quitte à faire le grand écart entre son admiration pour le répertoire de Charles Aznavour et les délirantes parodies de Michael Young : “J’adore le côté ludique du français. J’aime aussi découvrir de nouveaux talents comme ceux qui ont été programmés pour la Nuit Emergente, même s’ils n’ont pas encore tous des albums … mais ils se sont aussi connaître par la scène. Je les trouve fantastique”.
Et Joël Lauzon de parler, avec une passion des plus communicatives, de ces artistes et groupes qui ont assuré le succès de la Nuit Emergente au Collège Boréal sur quatre scènes différentes : Boite Noire; Au pied du Rocher; Scène APCM, Scène BRBR.
Autant de lieux où ont pu s’exprimer en toute spontanéité Mastik; Mehdi Hamdad ; Marie-Claire et les Hula-Hoops ainsi que Patrick Wright et les Gauchistes. Chacun d’entre eux s’est produit à deux reprises au cours de la soirée, puisque tous les concerts avaient lieu au même moment.
Patrick Wright et les Gauchistes : une nouvelle manière d’affirmer son identité franco-ontarienne, en rythme et avec conviction
Débordante de talent et d’énergie, la chanteuse du groupe LANORME
Nouvelle voix dans la francophonie ontarienne, Marie-Claire Cronier. La gagnante de l’édition 2012 d’Ontario Pop évolue avec aisance entre chanson et rock en compagnie de ses chers complices musicaux, Les Hula-Hoops
Pandaléon : un groupe franco-ontarien souvent comparé au groupe québécois Karkwa. A découvrir pour son propre répertoire et non pour cette élogieuse comparaison qui colle à la peau des trois artistes
Pandaléon : un groupe-phare de la relève franco-ontarienne
Vu de France, il est difficile d’imaginer l’extraordinaire diversité de talents qui se sont produits sur pas moins de quatre scènes différentes… sans oublier la grande de spectacle (toujours au Collège Boréal !) où se sont succédés trois groupes phares : LANORME, Konflit et Pandaléon.
Ah Pandaléon … Un groupe bénéficiant d’un soutien sans faille de Sophie Berriard (Réseau Ontario), à l’origine d’une rencontre entre les trois membres du groupe et www.planetefrancophone.fr. Un soutien affiché avec tout autant d’enthousiasme par Joël Lauzon. Selon lui, bien que cette formation ait souvent été comparée au groupe québécois Karkwa, on ne peut pas pour autant s’en tenir à cette image, si élogieuse soit-elle pour les trois jeunes Franco-Ontariens ! « En fait, ils sont plus que ça ! On ne peut pas dire qu’ils sont « les Karkwa franco-ontarien » Ils ont leur propre identité, et leurs textes sont magnifiques ».
Discussion à bâtons rompus avec le groupe Pandaléon en prévision d’un article (Photo Sophie Berriault)
Et Joël Lauzon de préciser : « Avec la Nuit Emergente et la rétrospective des 40 ans de chansons pour la Nuit sur l’Etang, on a des artistes et des groupes qui sont sur le point d’exploser maintenant.
Dans l’Auditorium Fraser, on avait aussi des anglophones et des francophiles : ils ne parlent pas vraiment français mais en apprécient la sonorité des mots. Cela veut dire qu’on a été vraiment été capable de toucher un public élargi ! La poésie, la musicalité des mots, les émotions qui sont véhiculées : ce soir-là, pour les 40 ans de la Nuit sur l’Etang n’’importe qui de n’importe quelle langue ou culture aurait pu ressentir de telles émotions”.
Et on a vraiment hâte d’exporter ces produits musicaux. Hâte de propager la musique franco-ontarienne partout, au Québec, au Canada français, et pourquoi pas en France aussi ? Nous sommes prêts !” conclut Joël Lauzon, sans un enthousiasme qui n’a rien d’artificiel.
Bien, noté Joël ! Alors avis aux amateurs de chansons francophones d’Amérique du Nord en quête de nouveaux talents. Les convictions affichées par Joël Lauzon en disent long sur une réalité musicale qui mérite – sans aucun doute – être enfin mieux connue et appréciée hors des frontières de l’Ontario.
La multiplicité des sites consacrés aux artistes et aux talents franco-ontariens ne peut que donner envie, à des INTERNAUTES CURIEUX ET AUDACIEUX, de se transformer en explorateurs avisés face à cette francophonie ontarienne synonyme de talents à volonté.
En présentant nombre de documents et créations liés aux 40 ans de la Nuit sur l’Etang, les organisateurs ont permis au public de mesurer le chemin parcouru depuis le temps des pionniers, que ce soit avec le livre de Maurice Lamothe (ci-dessus) ou des programmes d’éditions antérieures (ci-dessous). Une approche historique qui confère d’autant d’impact à la 40ème édition dont la coordination générale et artistique a été assurée par Joël Lauzon
Parler de la chanson franco-ontarienne, et plus globalement de l’identité franco-ontarienne, c’est s’embarquer dans un voyage de longue haleine. Découvrir un univers pratiquement inconnu en France, et encore trop peu connu au Québec.
Les quelques jours passés à Ottawa et Sudbury m’auront tout juste permis d’effleurer une réalité francophone, sous l’angle de d’événements artistiques et culturels qui ne représentent – il faut en être bien conscient – qu’une très faible partie d’une réalité à la fois attachante et complexe, paradoxale et cependant plus vivante que jamais.
A travers la 7ème édition du Gala des Prix Trille Or à Ottawa et la 40ème Nuit sur l’Etang à Sudbury, une évidence s’est affirmée d’emblée : ici la francophonie n’est pas un concept abstrait et austère réservé à quelques intellectuels en quête de crédibilité voire de notoriété. Ici la francophonie éclate avec une telle intensité qu’il peut paraître maladroit, voire déplacé, de l’évoquer seulement à travers le miroir tant partiel que et partial des deux événements, autant celui d’Ottawa que de Sudbury.
D’où l’importance de bénéficier sur place de personnes-ressources tels Mathieu Joanisse (voir article sur ce site) et d’autres militants francophones rencontrés en Ontario, comme Joël Lauzon, Marcel Aymar, Paul Demers, etc. dont il sera question par ailleurs sur www.planetefrancophone.fr .
Autant de militants parmi tant d’autres impliqués – réellement et quotidiennement – au cœur de cette francophonie qui n’en finit pas de surprendre ceux qui la découvrent, notamment à travers l’impressionnante relève musicale déjà évoquée dans d’autres articles sur ce site.
Novembre 2012, FrancoFête en Acadie : Natalie Bernadin au stand de l’APCM
Une des personnes-clés de cette francophonie aux allures de feu d’artifice artistique et culturel, c’est justement Natalie Bernadin : depuis 2011 elle assure la direction générale de l’APCM, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique.
Certes nous nous étions croisés plus d’une fois lors de divers événements aussi bien au Québec qu’en Acadie : Coup de Cœur Francophone, Bourse Rideau, FrancoFête, etc. Et si durant nos brefs échanges je me doutais bien de la vitalité de cette fameuse francophonie ontarienne, je n’imaginais absolument pas qu’elle puisse s’affirmer avec autant d’éclat.
Sudbury 22 mars 2013, 40ème Nuit de l’Etang. Un méga-concert rétrospectif de plus de quatre heures axés sur les 40 ans éditions de la Nuit sur l’Etang avec participation d’artistes d’hier et d’aujourd’hui.
“Le Gala des Prix Trille Or demeure la plus importante vitrine musicale de la francophonie canadienne hors Québec”
Avant d’évoquer les temps forts de l’entretien réalisé avec Natalie Bernadin une fois revenu d’Ottawa et Sudbury, arrêtons-nous tout d’abord sur plusieurs de ses citations. Elles sont extraites du programme du fameux Gala des Prix Trille Or. Et elles résument avec justesse – et bon sens – non seulement le rôle de l’APCM mais aussi une autre évidence : les manifestations musicales et grand public organisées fin mars aussi bien à Ottawa qu’à Sudbury ne sont pas des feux de paille, ni des événements sans véritables racines identitaires.
Oui, il faut le dire haut et fort : ces événements musicaux constituent une des facettes les plus visibles et les plus spectaculaires de la francophonie ontarienne. Laquelle n’a assurément pas fini de surprendre ceux qui s’intéressent à la chanson francophone en Amérique du Nord.
Laissons à présent la parole à Natalie Bernardin : “Depuis bien avant la création du Gala, l’APCM a mis en place sa chaîne artistique qui demeure la pierre angulaire de toutes ses activités : du festival en milieu scolaire : “Quand ça nous chante” (attirant plus de 400 jeunes apprentis artistes à l’échelle de la province pour des formations, des premières expériences de scène et des spectacles professionnels) en passant par Ontario POP (une semaine de formation consacrée à propulser des artistes émergents dans le marché professionnel en leur offrant un encadrement, une formation et une plateforme pour se faire découvrir) ou encore les multiples services offerts aux membres.
Enfin c’est le Gala des prix Trille Or qui permet à l’APCM de souligner l’excellence artistique de ses membres et de faire rayonner leur talent. (…)
L’APCM est très heureuse de pouvoir renouveler son partenariat avec Radio-Canada non seulement dans notre région, mais également partout dans l’Ouest, ce qui permet au Gala d’être vu à travers le pays. Le Gala demeure la plus importante vitrine musicale de la francophonie canadienne hors Québec”.
“Nous restons à l’affût des développements afin de demeurer compétitifs et actuels par rapport à l’industrie”
Et la directrice générale de l’APCM de préciser ainsi sa pensée, dans la perspective d’une industrie musicale en pleine évolution, voire révolution : “Avec de nouveaux services qui se sont développés à l’APCM pour répondre aux besoins de l’industrie et plus précisément aux besoins des artistes, l’association se doit d’agir avec leadership et avec anticipation pour affronter les défis de demain.
Grâce à un soutien de la part de nos partenaires financiers, tant le Conseil des Arts de l’Ontario que Patrimoine canadien et bien d’autres, nous restons à l’affût des développements afin de demeurer compétitifs et actuels par rapport à l’industrie”.
Difficile de résumer en quelques mots le rôle de Paul Demers, artisan de la première heure pour le réveil de la chanson franco-ontarienne. Auteur de “l’hymne national officieux” cher aux francophones de l’Ontario, cet artiste n’a enregistré que trois albums en 30 ans, dont “Encore une fois” sorti en 2011. Un des artistes majeurs d’une francophonie … assurément sans frontières puisque cet auteur-compositeur-interprète est d’origine québécoise
“Nous avons toute une culture très riche et très active dans les provinces à l’extérieur du Québec, une autre francophonie, une autre réalité quotidienne”
Quelques jours après le gala des prix Trille Or 2013, Natalie Bernadin estimait que cet événement aura été “le plus grand et le plus beau gala depuis les débuts en 2001. Cette 7ème édition a vraiment surpassé toutes les autres.
Depuis plusieurs années le Gala des prix Trille Or avait lieu dans l’auditorium d’une école secondaire. Et là on a réussi à le faire entrer dans un centre des arts professionnels : un lieu très inspirant ! Et l’accueil des professionnels a vraiment rehaussé la qualité, l’organisation et la logistique du spectacle de gala”.
Nul doute que les conditions dans lesquelles s’est déroulé l’édition 2013 aura permis selon Natalie Bernardin de “mieux légitimer le prix et les artistes”.
Un constat d’autant plus important selon elle que l’Ontario, ce n’est pas le Québec. Une lapalissade ? Sans doute mais il faut le dire et le répéter haut et fort, à l’instar de Natalie Bernardin : “Il y a une francophone très active hors du Québec. Nous avons toute une culture très riche et très active dans les provinces à l’extérieur du Québec, une autre francophonie, une autre réalité quotidienne.
Nous sommes entourés de communautés anglophones, de télés et de radios anglophones … et nos artistes continuent à vivre et créer en français ! Nos accents sont différents de ceux du Québec. Au Manitoba et Ontario ca fait quand même 400 ans que des francophones vivent sur place ! Ca ne date pas d’hier, ce ne sont pas des gens qui viennent d’immigrer !”.
Impossible d’envisager une soirée rétrospective de la créativité franco-ontarienne de ces quatre décennies sans Jean-Marc Dalpé et Marcel Aymar. Deux personnalités majeures entre chanson et poésie. Un des temps forts du concert de 4h30 de la 40ème Nuit sur l’Etang
“N’oublions pas que l’Ontario possède la plus grosse communauté francophone hors Québec”
D’où selon Natalie Bernadin l’importance de cette fameuse “chanson d’expression française : une locomotive pour que l’identité ne se perde pas : c’est notre première locomotive ! Nous avons une identité, une Histoire, un vécu … nous voulons transmettre langue … et rien de plus accrocheur que la chanson pour transmettre nos richesses … et aussi être en contact avec d’autres communautés linguistiques.
Je pense aussi aux apprenants français de nos communautés anglophones : ils trouvent que les francophones sont très cool et veulent en faire partie et comprendre ce qi s’y passe. N’oublions pas que l’Ontario possède la plus grosse communauté francophone hors Québec. Et nous avons aussi une incroyable diversité d’expression musicale qui est assez récente”.
Robert Paquette et ses amis artistes durant le concert de la 40ème Nuit sur l’Etang : un final de toute beauté, tant par l’émotion des chanteurs réunis sur scène que la réaction d’un public de tous âges debout proclamant avec fierté ses racines franco-ontariennes
Nuit Emergente au Collège Boréal, Sudbury. Une guitare, une voix et une indéniable maîtrise de l’espace et du public. Medhi Hamdad retient l’attention dès les premières notes.
Des pionniers à la relève : l’affirmation d’une identité franco-ontarienne aux multiples facettes musicales
Et Natalie Bernardin de se lancer dans d’enthousiastes propos sur la “musique francophone en Ontario. Bien sûr, on pense aux pionniers : Robert Paquette, le groupe Cano, Paul Demers, et tant d’autres. On aussi à la pop, avec toujours le fil francophone … et dans les dernières années l’affirmation d’un rock alternatif. Et aussi plus récemment d’une musique hip hop qui prend de la place … sans parler des chansons pour enfants aussi : il n’y en a pas que pour les adultes, mais pour tous les âges et tous les goûts !”.
Et la directrice générale de l’APCM de préciser sa pensée au sujet des “artistes hip hop qui ne trouvent pas toujours un public à la hauteur de leur talent. Ils ne sont pas nés en Ontario, et font partie de la vague d’immigration qui ne date pas d’hier : mais ils s’affirment enfin.
Le milieu hip hop est en général assez homogène … je dirai underground … pas vraiment branché dans le milieu associatif. Il n’y pas beaucoup de ses artistes impliqués à l’APCM … enfin pas jusqu’a présent !
Mais là dernièrement je vois avec plaisir que des ponts se construisent enfin entre le milieu hop hip et le milieu associatif. Ces artistes parlent de l’APCM et y découvrent une valeur ajoutée : c’est une famille plus large que le milieu hip-hop hop … on l’a bien vu au Cercle SOCAN avec la présence de Le R associé à cette soirée.
C’est très prometteur ! Entendre Yves Doyon parler d’une collaboration sur son prochain album avec un tel artiste hip-hop ça fait du bien. Il y a aussi davantage de mixages des genres musicaux entre les membres de l’APCM. Oui je suis optimiste : c’est spectaculaire de voir et de vivre toutes ces rencontres !”.
Décontracté et talentueux, Yves Doyon : figure marquante d’En Bref, groupe-phare des années 90 très à l’aise aussi bien durant le Cercle de la SOCAN à Ottawa qu’au concert des 40 ans de la Nuit sur l’Etang à Sudbury. L’annonce d’un nouvel album suscite un incontestable intérêt des francophones de l’Ontario face à cet artiste inclassable et touche-à-tout au sens positif du terme
Marie-Chantale Labbé Jacques et Xavier Forget (Centre National des Arts d’Ottawa) en compagnie d’artistes de la nouvelle génération d’artistes francophones: la Manitobaine Mariejosé et le chanteur franco-canadien Abel Maxwel
“Oui, c’est un acte de résistance que de continuer de chanter en français”
S’impose alors avec force la notion de “passerelles musicales” chère à Natalie Bernardin sensible au métissage musical.
Et la directrice de l’APCM de mentionner la vitrine du chanteur Yao accompagné de violonistes. Ici pas de rap ou de slam ou de hip hop pur et dur mais “des envies de rencontres, d’échanges aussi comme Yao entre musique classiques et hip hop ! Rien de plus fort pour agrandir le public, chercher le public de l’autre, toucher d’autres gens sensibles à d’autres genres musicaux. Ca change des marchés musicaux très fragmentés. La francophonie a besoin de grandir son audience, de multiplier ses fans !”.
Durant notre entretien je cite à Natalie Bernardin une phrase extraite du superbe livre de Robert Thérien consacré à Beau Dommage : “Tellement on s’aimait” (VLB Editeur, 2009). Page 94 de cet ouvrage de référence sur ce groupe québécois, l’auteur évoque une de leur tournée passant par “Sudbury, une enclave francophone d’environ 100 000 habitants qui lutte constamment pour sa survie linguistique”.
Pour Natalie Bernardin, cette expression revêt aujourd’hui plus que jamais un sens tout à fait particulier. Et plus conforme à la réalité que jamais. Car à Ottawa et Sudbury – pour ne citer que ces ceux repères géographiques franco-ontariens parmi d’autres – il est évident que le terme “acte de résistance” est conforme à la situation actuelle: “Oui, c’est un acte de résistance que de continuer de chanter en français. Et je suis très motivé par cela. Pour moi, ce n’est pas seulement un geste artistique mais aussi un geste politique”.
L’exubérant et infatigable Jean-Marc Lalonde (Deux Saisons), un des pionniers de la chanson franco-ontarienne
“Une nouvelle génération est arrivée, et elle vit dans une réalité bilingue à la fois française et anglaise”
Au cours de cet entretien s’affirme aussi une autre évidence pour Natalie Bernardin : le bilinguisme vécu au quotidien par les artistes franco-ontariens. Un fait culturel qui n’échappe pas à la nouvelle génération d’artistes tels Medhi Hamdad ou Tricia Foster.
“Une nouvelle génération est arrivée, et elle vit dans une réalité bilingue à la fois française et anglaise. Il n’y pas de demi-francophone ici ! Mais c’est leur réalité quotidienne et les artistes de la nouvelle génération ne se posent pas de questions : ils vivent dans un pays bilingue. C’est comme les artistes acadiens qui parlent et chantent en chiac, qui mettent des mots anglais dans leurs paroles. Ici on ne chante pas comme à Paris !”.
Revenant sur l’incroyable concert de plus de 4h30 qui aura fait vibrer une foule toutes générations confondues l’Auditorium Fraser, Université Laurentienne à Sudbury, Natalie Bernardien va au-delà de la satisfaction d’une soirée tellement symbolique pour les 40 ans de la Nuit sur l’Etang.
“4 heures et demie de concert avec des pionniers ! C’est formidable, mais aussi une nouvelle génération qui monte ! C’est le plus intéressant dans ce concert ? On a vu et applaudi les gens qui ont pavé le chemin et constaté que la relève est là. J’adore des artistes : ils sont nos voisins, nos amis, on a grandi avec eux”.
22 mars 2013. Vue partielle du public durant un des concerts de la Nuit Emergente, Collège Boréal de Sudbury
Dernières minutes du concert de la 40ème Nuit sur L’Etang lors d’un final repris par tous les artistes, toutes générations confondues, face à un auditoire enthousiaste
“Nos artistes ont des défis à relever même avant de chanter la première note !”
Qu’en est-il alors du besoin de ces artistes franco-ontariens de ce frotter à d’autre publics loin de leur cercle d’auditeurs convaincus comme ce fut le cas pour l’efficace Stef Paquette, un des artistes majeurs de la francophonie de l’Ontario ?
“C’est ce que veut l’APCM ! Développer des marchés pas toujours faciles, pas seulement en Ontario. Il faut dire aussi que les gens ont souvent des préjugés quand ils entendent un accent autre que l’accent québécois ou européen : ils pensent tout de suite que c’est un artiste anglophone… mais non !
Nos artistes ont des défis à relever même avant de chanter la première note ! Nos artistes peuvent être un pont entre la franco-ontarie et l’Europe ! C’est aussi le rôle du nouveau site de l’APCM : faire connaître nos talents hors de leur région d’origine, les aider”.
Vaste programme assurément pour les francophones engagés au sein de l’APCM mais aussi de nombreuses autres structures au service d’une langue française sans doute déroutante pour qui n’a jamais quitté la France. Une langue tellement vivante employée par tant de Franco-Ontariens plus engagés que jamais pour célébrer avec entrain leur langue, leur culture, leur identité.
Natalie Bernardin, directrice générale de l’APCM depuis 2011 : la fierté de l’identité franco-ontarienne au service d’une création artistique et culturelle encore trop peu connue hors de ses frontières, tant au Québec qu’en France, évidemment
Folk, hip-hop, rap, jazz, blues, rock, métal, pop, traditionnel, instrumental, alternatif, chanson, instrumental, etc. Si vous réduisez l’expression musicale franco-ontarienne à une seule facette, vous serez (agréablement) surpris par la diversité qui s’affiche avec de plus en plus d’audace dans cette province du Canada.
Cette étonnante diversité s’enraciné dans la création des pionniers historiques mis à l’honneur lors d’un concert de près de 4 heures et demie, samedi 23 mars, à l’occasion de la 40ème Nuit sur l’Etang organisé à l’Auditorium Fraser de l’Université Laurentienne à Sudbury : Robert Paquette, Marcel Aymar, François Lemieux, Jean-Marc Dalpé, Paul Demers, Jean-Marc Lalonde, Yves Doyon, etc.
Ottawa, place de la Francophonie, à deux pas des locaux de l’APCM, l’association des professionnels de la chanson et de la musique
Le symbole d’une dynamique génération de créateurs émergents ou confirmés
Nous reviendrons dans un autre article avec force photos sur cette inoubliable soirée de 4 heures et demie à laquelle un public de tous âges a répondu présent : un auditoire fier de proclamer son identité franco-ontarienne; applaudissant à tout rompre ceux qui ont osé s’aventurer sur des voies artistiques différentes de celles de la chanson québécoise. Et cela même si nombre de passerelles artistiques existent évidemment entre l’Ontario et le Québec, comme l’aura rappelé l’animateur Eric Robitaille, chaleureux militant d’une francophonie nourrie de ses jeunes années au Québec et désormais enracinée à la cause franco-ontarienne.
Mais avant de nous attarder sur cet événement historique au sens fort du terme – tant cette soirée aura été synonyme de “véritable audio-encyclopédie vivante de la chanson franco-ontarienne – arrêtons-un à présent sur cette fameuse relève qui éclabousse avec brio les genres musicaux en Ontario : le symbole d’une dynamique génération de créateurs émergents ou confirmés qui ne demandent qu’à affirmer, aussi bien face à des publics franco-ontariens qu’au-delà de la province natale.
D’où l’intérêt d’événements tels que le Gala des Prix Trille Or et l’Autre Gala organisés les 20 et 21 mars 2013 au Centre des Arts Shenkman, à Orléans, localité située non loin d’Ottawa : des événements mis en relief dans d’autres articles de ce site.
Près du Centre nationale des arts, clin d’oeil au pianiste de jazz Oscar Peterson né à Montréal et décédé à Mississauga , Ontario.
D’autres coups de projecteurs ont été donnés au cours de ces journées artistiques en faveur d’une chanson franco-ontarienne des plus efficaces, dans des registres qui dépassent bien souvent le contexte identitaire pour célébrer sans hésitation des thèmes plus généraux, plus universels.
Ce constat, il aura éclaté avec vigueur au cours des vitrines musicales d’artistes membres de l’APCM, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique : une initiative bénéficiant de l’appui financier de Musication et du programme vitrines musicales.
“Des nouveaux projets musicaux qui n’ont pas encore été vus en vitrine à Contact Ontarois mais qui pourraient être en vitrines aux événements contacts de 2013-2014″ selon la directrice de l’APCM, Nathalie Bernardin. Place en l’occurrence à une artiste du Saskatchewan (Alexis Normand) et trois de l’Ontario (YAO ; Louis-Philippe Robillard et Konflit).
Ces quatre vitrines ont confirmé de surprenantes sources d’inspiration tant sur le fond que la forme chez les artistes et groupes qui se sont produits au Centre National des Arts, un des haut-lieux de l’expression artistique et culturelle d’Ottawa. Une bâtisse impressionnante tant par sa programmation que la multiplicité de ses équipements avec, en guise de clin d’œil aux promeneurs, une statue d’Oscar Peterson située à quelques pas de l’entrée principale de l’édifice, à quelques enjambées du Parlement du Canada.
Ottawa, le Centre national des arts avec annonce d’un concert de la chanteuse québécoise Ariane Moffatt
Sans nous embarquer dans de longues considérations sur le répertoire des quatre vitrines, quelques précisions s’imposent sur l’esprit dans lequel se sont déroulées ces vitrines.
INNOVER, RESISTER, CELEBRER sont sans doute les termes qui définissent le mieux ces quatre talents : en l’occurrence innover dans de nouvelles voies artistiques ; résister à l’environnement anglophone omniprésent mais aussi célébrer une identité francophone sans se replier dans un ghetto culturel.
Alexis Normand : attachante nouvelle voix du Saskatchewan
Un premier album de dix titres à découvrir, reflet d’une nouvelle voix francophone du Saskatchewan
Entre innovation, résistance et célébration : c’est ainsi que s’affirme la jeune Alexis Normand, auteure-compositrice-interprète originaire du Saskatchewan. Elle s’aventure dans un registre francophone tout en nuances, à l’instar de Mirador, album de dix titres lancé en début d’année.
Cet opus représente en fait une des facettes d’une efficace collaboration menée à bien avec Fortier, une artiste visuelle fransaskoise : une complicité également déclinée en une série de tableaux et un spectacle. D’où cet album intéressant à plus d’un titre. Ici pas d’effets spéciaux ou spectaculaires pour retenir l’attention de l’auditeur, mais une ambiance toute en nuances dès la première chanson “Quand il pleut”.
“Un folk chaleureux et atmosphérique dans lequel un groove entraînant et une voix suave s’installent. Sa poésie simple et sincère, empreinte d’émotions discrètes nous révèle une sensibilité touchante” … Au-delà de cette auto-présentation, une évidence s’impose : sous une apparente timidité, cette jeune artiste s’affirme avec brio dès que l’occasion se présente, face à un public qui ne demande qu’à se laisser séduire par l’ambiance jazz-folk distillée par cette artiste attachante et déterminée sous ses airs réservées. Une détermination que le public aura pu apprécier au cours de sa vitrine musicale.
YAO : le poids des mots, le métissage des rythmes
Yao, cousin d’Abd-al-Malik : un album en vue pour l’automne 2013
Autre registre avec l’extraverti YAO. Sans se lancer dans des comparaisons teintées de flagornerie, il suffit de fermer les yeux pour marcher – avec assurance – sur les traces d’un certain Abd-al-Malik au niveau du phrasé, de l’intonation, de certains thèmes aussi.
S’y affirme entre autres références le parti-pris d’un “message positif” synonyme de respect réciproque, de tolérance mutuelle, de besoin et d’envie de mieux comprendre l’autre, surtout s’il est différent. Un message dont l’impact sans assurément amplifié de par la complicité entre le chanteur et ses musiciens qui offrent une couleur tout à fait particulière aux textes : Olivier Philippe-Auguste (violon), Manon Gaudreau-Fess (flûte traversière), Ammayas Khidas (djembe, derbouka) et Peterson Altimo (guitare acoustique, basse).
Pas étonnant donc que Yao évolue avec aisance dans une poésie aux accents slam, avec ici et là des escapades du côté du blues et du jazz. Ses textes ont des allures d’instantanés de la vie ie telle qu’elle est, sans angélisme ni misérabilisme, où rien n’est impossible … mais où le soleil l’emporte sur les zones d’ombre. Autant de repères qui devraient être mis en évidence d’ici l’automne 2013 avec un deuxième album réalisé sous la houlette du producteur canadien Sonny Black.
Louis-Philippe Robillard : une voix, une guitare et de l’émotion
Un des artistes majeurs de la relève franco-ontarienne
Troisième vitrine musicale au Centre national des arts avec Louis-Philippe Robillard, autre artiste majeur de la nouvelle génération franco-ontarienne.
Ses chansons à fleur de peau distillent une émotion perceptible avec cette volonté de retenir l’attention de l’auditoire avec juste une guitare et une voix. Un sacré défi aux accents minimalistes, surtout lorsqu’on chante juste après Yao et ses talentueux complices !
Dans la foulée de son fameux opus “Le café des oiseaux”, cet artiste se sera, une fois de plus, envolé dans un univers tantôt réaliste, tantôt onirique, où la forme est peut-être aussi importante que le fond. Un peu à l’image du Québécois Alexandre Desilets dont la voix devient instrument de musique.
L’ambiance distillée par ses chansons semble ici toute aussi importante que ses thèmes. Pourtant, au cours de cette vitrine assurée en solo par Louis-Philippe Robillard, le public est sans doute resté sur sa faim : précisément à cause des conditions minimales dans lesquelles l’artiste s’est produit avec conviction. Difficile de recréer tout seul sur scène l’atmosphère tant appréciée par le public découvrant son premier album : un opus récompensé par de nombreux prix de l’industrie musicale tant en Ontario qu’au Québec, avec ( conséquence logique – nombre de commentaires élogieux dans la presse francophone d’Amérique du Nord.
KONFLIT : efficaces pionniers aux accents rock
Sacrée complicité scénique entre les membres de Konflit
Dernière vitrine proposée au Centre national des Arts avec l’énergique groupe franco-ontarien Konflit. Une formation résolument située à des années-lumière des chansons de Louis-Philippe Robillard.
Place donc à un groupe formé de sacrés musiciens. Pionnier est assurément le terme qui définit le mieux cette fougueuse formation qui a marqué une génération de jeunes (et pourquoi pas moins jeunes aussi !) Franco-ontariens en quête de sons qui bougent. De refrains percutants et de rythmes qui vous donnent des fourmis dans les jambes.
Et quand on apprend qu’il s’agit d’un des uniques groupes francophones de l’Ontario dont les clips sont diffusés sur la station québécoise MusiquePlus, on peut se dire – sans hésitation – que ces talentueux fous de rock représentent une des composantes incontournables de la nouvelle vie musicale de cette province du Canada.
Difficile d’évoquer Konflit sans insister sur l’évidente complicité entre les musiciens/chanteurs très à l’aise sur scène, emportés avec enthousiasme par l’évident plaisir à jouer. A se faire plaisir aussi avec sans doute le regret – fort compréhensible par ailleurs – que le temps était décidément trop compté pour donner totalement libre cours à leurs capacités scéniques au cours de cette vitrine musicale.
Quatre talents si différents pour le premier Cercle de la SOCAN en Ontario
1er Cercle de la SOCAN pour le 15eme anniversaire de Réseau Ontario
Reste au final le souvenir d’une série de vitrines musicales aux accents les plus diversifiés, à tous les sens du terme. Avec en guise de “dessert”, une soirée qui devrait laisser un sacré souvenir à celles et ceux qui ont eu la chance de la vivre ! . Et pour cause puisqu’il s’agissait d’un Cercle d’auteurs-compositeurs SOCAN : une grande première en terre francophone en Ontario !
Cet événement était présenté dans le cadre de son 15ème anniversaire par Réseau Ontario dirigé par Josée Vaillancourt en collaboration avec l’APCM, la SOCAN et le Centre national des Arts.
Au fait pourquoi un Cercle d’auteurs-compositeurs SOCAN ? Selon Réseau Ontario, “cette soirée a pour objectif de créer un moment de rencontres et d’échanges uniques entre les artistes qui, à tour de rôle, présenteront quelques compositions de leur cru. Ensemble ils échangeront sur leurs compositions et sur l’instant du moment, ils y contribueront artistiquement en joignant à l’interprétation des chansons. Une soirée inusitée lors de laquelle le public assistera à un moment unique en étant témoin de la chimie qui unira les artistes sur scène”.
Derrière cette présentation que les esprits grincheux qualifieront d’idyllique, il est tout à fait évident que ce premier cercle d’auteurs-compositeurs SOCAN aura marqué le public à la fois silencieux durant les chansons et prises de paroles, et en même temps enthousiaste avec force applaudissements.
Ici par d’artiste tirant la couverture à lui mais une réelle complicité entre les quatre créateurs aux parcours pourtant si différents : Damien Robitaille, le Paysagiste (Davy Poulin), Yves Doyon, et Le R (pseudo d’un artiste né au Bénin, en Afrique de l’Ouest et désormais établi en Ontario.
Geneviève Toupin, Damien Robitaille, Yves Doyon, Le R et le Paysagiste (Davy Poulin)
Une animation signée Geneviève Toupin, Franco-Manitobaine
Il faut reconnaître que le bon sen pragmatique et la faculté d’adaptation de l’animatrice Geneviève Toupin auront été des atouts majeurs dans la préparation et le bon déroulement de cette rencontre à quatre talents. Oi plutôt à cinq puisque la Franco-Manitobaine s’est transformée en pianiste au gré des chansons. De quoi surprendre agréablement le public, en attendant la sortie de son nouvel album francophone pour 2014.
Certes – et cela est tout à fait normal – le site de la SOCAN propose de cette soirée un compte-rendu des plus élogieux : “Une grande complicité régnait entre les auteurs-compositeurs-interprètes qui ont chacun interprété trois de leurs compositions, accompagnant aussi les autres avec un instrument ou en chantant. L’ambiance était décontractée et l’accent mis sur la création et l’origine des chansons. Le public a même eu droit à des primeurs. Ce premier Cercle organisé en Ontario fut donc un franc succès”.
Damien Robitaille et Yves Doyon, aussi décontractés sur scène que dans la vie
Le contenu de ce texte de la SOCAN correspond vraiment à ce qui s’est passé ce soir là dans cet événement saluant le 15ème anniversaire de Réseau Ontario. Cette évidence, elle repose aussi bien sur les réactions de l’assistance que celles des cinq artistes.
Assurément une grande première qui ne demande qu’à être renouvelée au gré d’autres rendez-vous artistiques en Ontario : histoire de mettre en valeur d’autres talents. Non pas pour les confronter entre eux, mais pour susciter des passerelles musicales, voire de vraies complicités amicales entre des créateurs qui n’auraient peut-être jamais eu la (bonne) idée de se retrouver ensemble pour vivre des moments privilégiés en paroles et en musique.
Les membres de la SOCAN ayant participé au premier Cercle des auteurs produit en Ontario. De gauche à droite Yves Doyon, Geneviève Toupin, Damien Robitaille, Le Paysagiste (alias Dayv Poulin) et Le R. (Photo Réseau Ontario)