Bien que la présence de la communauté francophone en Ontario remonte à 400 ans, l’expression “Franco-Ontariens” est récente. En effet, à force d’être sans cesse qualifiés de Québécois par les Ontariens anglophones, les “Canadiens français” de cette province ont décidé de prendre les choses en main. De prendre leurs distances face à la culture québécoise. Quitte à affirmer une identité bien spécifique marquée – entre autres symboles forts – par la création d’un drapeau ! Explications.
Avant d’en revenir à la chanson franco-ontarienne, quelques points de repère linguistiques s’imposent. Il est vrai que le réveil d’une chanson francophone enracinée dans l’Ontario d’hier et d’aujourd’hui a largement contribué au besoin et à l’envie d’affirmation d’une identité propre.
Aussi les “Canadiens français” de l’Ontario se sont redéfinis en tant que Franco-Ontariens, se reconnaissant avec fierté dans “Notre Place”, chanson considérée comme “l’hymne national franco-ontarien” et signée Paul Demers et François Dubé. A découvrir ci-dessous chanté par Paul Demers, Robert Paquet et le groupe Hart Rouge de la Saskatchewan.
Ces considérations linguistiques sont plus importantes qu’il n’y paraît, car dans la francophonie ontarienne – et notamment dans sa chanson – il est des mots qui prennent qui prennent un sens particulier, différent de celui du contexte québécois.
“Ontario : chronique d’une survie annoncée”
“Ontario : chronique d’une survie annoncée” : c’est le titre d’un article de trois pages parues en 1996 dans la revue québécoise Chansons, hélas disparue, et dont le rédacteur en chef était un certain Alain Chartrand : oui l’actuel directeur de Coup de Coeur Francophone !
Ce coup de projecteur sur l’Ontario est en fait une des pièces maîtresses d’un formidable dossier de 19 pages sur la chanson dans la francophonie canadienne. Il y est notamment question de l’Acadie (“Complicité souhaitée”), du Manitoba (“Espace musical”), de la Saskatchewan (“Plaine effervescence”), de l’Alberta (“Fragile), de la Colombie-Britannique (“La chanson a une ville”).
Dans les pages sur l’Ontario, le journaliste Dominique Denis, alors chroniqueur dans divers médias (Express de Toronto, CJBC, Radio Canada) évoque avec précision cette “Question d’adjectifs” selon l’expression d’un encadré de son dossier.
“Dans l’usage courant, les francophones se désignent par l’appellation on ne peut plus logique de franco-ontarien. Mais depuis les années 70, qui ont vu l’éveil d’une identité tout à fait distincte du cadre de référence québécois, l’adjectif ontarois semble avoir la cote chez les éléments les plus militants de la communauté, sans toutefois faire l’unanimité auprès de la population dans son ensemble. Cela dit, c’est le terme choisi par plusieurs, dont Maurice Lamothe qui a signé, avec “La chanson populaire ontaroise -1970-1990″ la plus importante référence écrite sur le sujet”.
Et le journaliste de donner un peu plus loin un exemple des plus révélateurs de l’évolution de la langue française : “Dans sa chanson Le Grand six-pieds écrite en 1961, l’auteur-compositeur-interprète Claude Gauthier chante “Je suis de nationalité canadienne-française”. A partir de 1965 il chante “québécoise française” et à partir de 1979 “Je suis de nationalité québécoise”.
L’exemple de ce changement de vocabulaire chez un artiste québécois fait écho à l’évolution du français en Ontario. Précisément dans ce besoin d’affirmer une identité aux contours précis (franco-ontarien) et non plus “canadienne française”, une expression également vécue – au Québec – par Claude Gauthier : ses 50 ans de carrière en disent long sur son engagement permanent en faveur de la langue française. Après 150 concerts en trois ans avec ses complices du spectacle “La boîte en chansons”, Il vient d’ailleurs de sortir un nouvel album de 12 chansons originales intitulé tout simplement “50 ans plus loin” (Les Disques de la tribu).
Cette constance sans faille de Claude Gauthier à chanter en français témoigne d’une formidable longévité artistique et militante… qui rappelle avec force le parcours de plusieurs figures majeures de la chanson franco-ontarienne tels Paul Demers, Robert Paquette ou Marcel Aymar pour ne citer qu’eux.
C’est dire aussi combien l’emploi du mot juste est important au coeur de la francophonie d’Amérique du Nord, que ce soit au Québec, en Ontario ou ailleurs comme en Acadie par exemple ! D’autant plus qu’à l’exception des talents de la Belle Province, absolument les autres artistes francophones vivent dans un contexte minoritaire où le bilinguisme est de mise, dans la vie quotidienne. Une évidence qu’il est bon de rappeler notamment auprès des médias français pour lesquels un artiste d’Amérique du Nord chantant en français est “automatiquement” québécois.
Samedi 23 mars, devant l’Auditorium Fraser pour la 40ème Nuit sur l’Etang : deux bénévoles de l’Association canadienne-française de l’Ontario du Grand Sudbury. L’ACFO se présente comme le “distributeur officiel du drapeau franco-ontarien”
“A cheval entre deux cultures, tiraillés entre l’engagement et le reniement, coincés entre le poids démographique du Canada anglais et l’indifférence du Québec”
Aujourd’hui, en Ontario, le qualificatif “Franco-Ontarien” a pris le dessus sur le terme “Ontarois”. Bien que ce terme existe depuis quelques décennies, c’est plus souvent la génération francophone la plus jeune qui utilise le terme de “Franco-Ontarien” pour se définir. Mais il semble que les générations plus âgées utilisent encore le terme de Canadiens français … Une expression que le producteur parisien Jacques Canetti avait d’ailleurs largement utilisée au début des années 50 en faisant connaître Félix Leclerc en France !
“En conclusion, un mot sur la langue, principal baromètre de la santé de toute société qui vit en milieu minoritaire. Les rapports qu’entretiennent les artistes de l’Ontario français (et la société franco-ontarienne dans son ensemble) avec leur langue sont, on le devine, complexes : à cheval entre deux cultures, tiraillés entre l’engagement et le reniement, coincés entre le poids démographique du Canada anglais et l’indifférence du Québec, les Franco-Ontariens doivent composer avec cet outil que l’auteur-compositeur et dramaturge Jean-Marc Dalpé qualifie de “langue dyslexique”, “avec des mots qui manquent”, outil qui se trouve, de façon permanente, en proie à l’érosion”.
Publiée en 1996 dans la revue québécoise “Chansons”, cette analyse de Dominique Denis, prend – évidemment – un nouveau relief quand on la met en parallèle avec l’actuelle situation de la langue française au Canada.
La ville de Sudbury vit au rythme d’un bilinguisme qui se reflète de plus en plus dans les textes de la nouvelle génération d’artistes franco-ontariens. Deux exemples parmi d’autres de ce bilinguisme avec les photos ci-dessus d’une boulangerie et ci-dessous d’un centre pour jeunes
Ecrire en français “à la face du monde”, au coeur de Sudbury, notamment sur les murs de la cité !
Plus de 6,9 % des francophones du Canada résident en Ontario, soit 532 865 en 2006 et et 561 155 en 2011
Au fait, comment se porte actuellement le français au Canada ? Aujourd’hui, l’utilisation de la langue française y subit un lent et inévitable déclin selon le rapport de Statistique Canada d’octobre 2012. Ce rapport repose sur le recensement de 2011 : 30,1 % des Canadiens sont capables de soutenir une conversation en français contre 30,7 % lors du dernier recensement, en 2006.
Selon Statistique Canada, environ 10 millions de personnes au Canada affirment être en mesure de soutenir une conversation en français contre 9,6 millions lors du dernier recensement. Mais cette légère augmentation est “absorbée” par la progression de l’anglais ainsi que d’autres langues parlées au Canada comme le mandarin dont l’utilisation a grimpé de 51 % au Canada depuis 2006.
Et l’Ontario ? Toujours selon Statistique Canada, la proportion de francophones par rapport au reste de la population reste donc la même qu’il y a cinq ans. Les données de 2011 indiquent aussi que près de 7 % des francophones du Canada résident en Ontario, soit 532 865 en 2006 et 561 155 en 2011 !
Ces chiffres correspondent au pourcentage suivant de francophones par rapport au reste de la population de l’Ontario : 4,4 % en 2006 et 4,4% en 2011 : 4,4 % . C’est dire l’importance d’une langue vivante, d’une culture pour laquelle des artistes créent des chansons dans lesquelles se retrouvent les Franco-Ontariens. En témoigne aussi le symbole du drapeau franco-ontarien !“
Un des supports de l’identité franco-ontarienne : la presse écrite, entre informations et commentaires, au rythme de la vie quotidienne. Ici un panneau de couleur verte – comme le drapeau – présenté dans le hall de l’Auditorium Fraser pour la 40ème Nuit de l’Etang
Deux exemples parmi d’autres de la presse francophone en Ontario
Outre le petit écran, et notamment la chaîne de télévision publique TFO, voici un autre support indispensable pour la communauté franco-ontarienne : un réseau de stations de radio bénéficiant de relais dans diverses régions de l’Ontario
Le drapeau franco-ontarien a été dévoilé pour la première fois le 25 septembre 1975 à l’Université de Sudbury
Le drapeau franco-ontarien se compose de deux bandes verticales de couleurs différentes. La première bande verte comporte un lys blanc au milieu de la bande. La deuxième bande blanche a un trille vert en son milieu.
Sur l’emblème, le vert représente l’été et le blanc symbolise l’hiver. Ensemble, les deux couleurs représentent la diversité du climat de l’Ontario. Le lys évoque la francophonie mondiale, tandis que le trille est l’emblème floral de l’Ontario. Trille qui a aussi inspiré le nom du fameux Gala des prix Trille Or évoqué dans plusieurs autres articles de ce site !
Selon le site de la FESFO – Fédération de la jeunesse franco-ontarienne – des étudiants de l’Université Laurentienne de Sudbury (Jacqueline England, Michel Dupuis, Don Obonsawin et Yves Tassé) sont à l’origine de la création du drapeau franco-ontarien, sous la direction du professeur et historien Gaétan Gervais.
“Le drapeau franco-ontarien a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 au mât devant l’Université Laurentienne par l’étudiant Michel Dupuis. Il faut dire qu’il n’est pas surprenant que le drapeau franco-ontarien soit issu de Sudbury et du mouvement étudiant de cette époque. On venait de vivre la “Révolution tranquille” où les Canadiens-Français du Québec sont devenus des “Québécois”. On a donc développé une nouvelle identité de “Franco-Ontariens!”.
C’est aussi une époque où l’animation culturelle bouillonnait partout en province et surtout à Sudbury : création de La Nuit sur l’étang par les étudiantes et étudiants de l’Université Laurentienne en 1973, création de la maison d’édition Prise de Parole, création du Théâtre du Nouvel-Ontario en 1970, manifestations étudiantes animées à Sturgeon Falls en 1971 pour obtenir une école secondaire de langue française, création de la pièce “Moé j’viens du Nord!” d’André Paiement, arrivée de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario (CANO) et de Robert Paquette qui clamait “Moi j’suis fier d’être Franco-Ontarien!”, début de la création de la FESFO dont la première assemblée “officielle” s’est déroulée à Sudbury”.
Toujours selon la FESFO, “les jeunes avaient besoin plus que jamais d’un symbole pour afficher leur fierté… Il nous fallait un drapeau ! Le drapeau franco-ontarien ne fut adopté officiellement qu’en 1977 par l’Association canadienne-française de l’Ontario. Le drapeau original a été cousu à la main par Jacqueline England, et Gaétan Gervais le conserve précieusement chez-lui dans l’intention le refaire flotter un jour au mât de notre future université franco-ontarienne !”.
Le drapeau franco-ontarien est le dénominateur commun de tous les rassemblements de la francophonie en Ontario. Et il flotte entre autres devant le Collège Boréal de Sudbury : un établissement francophone, situé non loin de l’université bilingue La Laurentienne. Toujours cette fameuse cohabitation de deux langues notamment évoquées par Natalie Bernardin, directrice générale de l’APCM dans un autre article de notre site.
Collège Boréal : au rythme des préoccupations de la jeunesse franco-ontarienne …
Le drapeau franco-ontarien a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 au mât devant l’Université Laurentienne
Le Collège Boréal de Sudbury : bien plus qu’un établissement d’enseignement !
Fondé en 1995, le Collège Boréal est le seul collège communautaire de langue française dans le Nord de l’Ontario, à Sudbury : soit plus de six heures de route d’Ottawa !
A vrai dire il ne s’agit pas d’un collège selon le système scolaire de France, mais d’un impressionnant établissement offrant plus de 60 programmes d’études post-secondaires en français. S’y ajoutent aussi nombre de services destinés aussi bien aux élèves qu’au grand public.
En le visitant d’étage en étage durant la fameuse Nuit Emergente du 22 mars dernier, une évidence s’imposait : cette vaste structure immobilière est tout autant un établissement à vocation pédagogique qu’un carrefour artistique et culturel. D’où diverses salles de spectacles, lieux de rencontres, sites d’exposition permanentes et temporaires, etc.
Une des expositions permanentes du Collège Boréal à Sudbury
Centre Louis-Riel : “un espace d’accueil, de soutien et d’échanges” au coeur du Collège Boréal
Situé au coeur du Collège Boréal, le Centre Louis-Riel se présente comme “un milieu d’accueil axé sur la culture et la réussite”
A noter aussi que le Collège Boréal bénéficie d’un lieu vraiment pas comme les autres !
On y trouve en effet un Centre de ressources de la Nation des Métis avec une incroyable gamme de services pour les étudiants autochtones et métis. Ce centre porte le nom de Louis-Riel, considéré comme le fondateur du Manitoba. Le romancier français Alain Dubos a d’ailleurs consacré un excellent roman, “Rivières Rouges” à cette figure incontournable de l’Histoire.
Le Centre Louis-Riel illustre avec brio et tout au long de l’année l’expression “Fierté Autochtone” avec force initiatives enracinées suscitées par ses membres et/ou les autres étudiants du Collège Boréal. L’organisation de concerts permet aussi de développer cette fierté identitaire, à laquelle les prestations d’artistes tels Florent Vollant ou Elisapie Isaac apportent un incontestable plus, tant par leur talent que leur notoriété dans l’espace francophone.
Une des nombreuses initiatives organisées par le Centre Louis-Riel, à Sudbury
A gauche Michel Benac, un des piliers de la relève franco-ontarienne (groupe Swing, maison de production LAFAB), photographié au festival montréalais Coup de Cœur Francophone en novembre 2012 en compagnie d’Albert Weber (www.planetefrancophone.fr), Guy Zwinger (Radio Caraïbes Nancy) et Jean-François Laffitte (directeur-adjoint de Voix du Sud)
Festival Franco-Ontarien : à l’écoute des autres francophonies
Aujourd’hui plus que jamais la communauté francophone d’Ontario a besoin de talents à la hauteur de la richesse de son identité, et aussi d’événements synonymes de rencontre et de retrouvailles. De festivités durant lesquels le terme de francophonie prend un sens particulier, à la fois reflet de la réalité franco-ontarienne mais aussi ouverture sur de talents francophones venus d’ailleurs. C’est le pari relevé par les organisateurs du Festival franco-ontarien qui vont commémorer à leur manière les 400 ans de présence francophone en Ontario, et particulièrement le passage de Champlain sur la rivière des Outaouais en juin 1613 !
Et c’est Michel Bénac – chanteur du groupe franco-ontarien Swing – qui a été mandaté pour réunir plusieurs icônes artistiques, histoire de “brasser la baraque” lors de la soirée d’ouverture du Festival franco-ontarien, le 13 juin.
Outre le groupe de Michel Bénac, les “400 ans de party de cuisine” réuniront sur scène La Bottine souriante, ainsi que les artistes Anodajay et Koriass. Yves Lambert se joindra à cette soirée, un des temps forts du 38ème Festival franco-ontarien organisé du 13 au 15 juin 2013 au parc Major’s Hill à Ottawa.
Gala des Prix Trille Or 2013. Michel Lalonde (membre fondateur du groupe Garolou) entouré d’Anique Granger et Alexis Normand. Assurément une photo-symbole de cette chanson francophone dont la vitalité s’affirme avec force d’une génération à l’autre
Des pionniers aux talents actuels : le coeur d’une francophonie inventive et militante
Pandaléon, Lanorme, Patrick Wright et ses Gauchistes, Marie-Claire et les Hula-Hoops, Mastic, Konflit, Medhi Cayenne Club, Robert Paquette, Jean-Marc Lalonde, Christian Berthiaume, Daniel Bédard, Michel Lalonde, François Lemieux, Jean-Marc Dalpé, Yves Doyon, AkoufèN, Michel Lalonde, Michel Benac, Akeem Ouellet, Deux Saisons, Andrea Lindsay, Garolou, Damien Robitaille, Deux Saisons, En Bref, Le Paysagiste, Gabrielle Goulet, En Bref, Swing, Tricia Foster, Le Diable aux Corsets, CANO, François Dubé, ZPN, Yao, Stef Paquette, Amélie et les Singes Bleus, Le R, Les Chiclettes, et bien sûr Paul Demer et Marcel Aymar, … et la liste n’est (évidemment ! ) pas exhaustive !
Impossible de cerner en un seul article la formidable diversité de talents qui s’affirment depuis plusieurs décennies dans la création artistique franco-ontarienne ! Et aujourd’hui plus que jamais la nouvelle génération d’artistes et de groupes- notamment dans le rock et la chanson – avance avec détermination sur les traces de ses glorieux aînés.
D’où ces affirmations parus dans la revue québécoise Chansons en 1996 et qui situent les talents de 2013 dans une intéressante perspective historique : «De toutes parts, on s’entend pour attribuer à Brasse Camarade le mérite d’avoir servi de déclencheur à ce renouveau, par le biais d’un rock élémentaire mais d’une indéniable efficacité.
En effet, le trio sudburois, composé des frères François et Pierre Lamoureux et du batteur Tim Rideout, s’est donné pour objectif d’investir au maximum ce circuit fermé et restreint, vertes, mais exceptionnellement réceptif (surtout au niveau des écoles) à un rock francophone de souche. Peu à peu, Brasse Camarade a su s’implanter dans le milieu québécois, entreprenant même d’infiltrer le marché européen, ce qui n’est aucunement en contradiction avec sa volonté d’afficher ouvertement ses racines”.
Et Dominique Denis de citer Pierre Lamoureux : “On représente le rock franco-ontarien, et c’est pour nous un engagement envers la jeunesse. Quand on a commencé, on était très conscient que personne en Ontario ne faisait ce qu’on faisait”.
Même constat au sujet des indispensables pionniers de la chanson, sous la signature de Maurice Lamothe dans son incroyable ouvrage de 391 pages sur la “chanson populaire ontaroise” (1994, Le Nordir-Triptyque) :
“Loin de n’avoir été qu’un feu de paille sans lendemain, l’émergence des carrières de Robert Paquette, CANO et Garolou dans le champ de la chanson durant les années 70 a permis d’alimenter un discours sur le développement d’un champ culturel distinct en Ontario français, pavant ainsi la voie à une 2ème génération d’artistes de la chanson, dont les succès seront cette fois intimement liés à un réseau ontarois”.
Et l’universitaire Maurice Lamothe de préciser :” Il est clair que la Nuit de l’Etang, qui, au départ, se voulait un lieu de diffusion des arts de la scène – aussi multidisciplinaire que le voulait la philosophie de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario -, a été la première à amorcer le processus de reconnaissance du champ culturel ontarois en accordant aux chansonniers plus de place sur ses planches afin de médiatiser ainsi sa distinction“.
Le groupe Brasse Camarade en 1990. Photo parue sur le site du CRICF d’Ottawa, le Centre de recherche en civilisation canadienne-française
Pris sur le vif lors du 7ème Gala des Prix Trille Or à Ottawa : Tricia Foster dans les bras de Mehdi Hamdad. Une nouvelle génération d’artistes franco-ontariens est en train de s’affirmer, en toute décontraction tant dans ses textes bilingues que sa manière de vivre !
Un nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique : 45 millions de dollars, étalé sur trois ans et instauré en 2013-2014
C’est évident, la chanson franco-ontarienne n’a pas fini de faire parler d’elle ! Bien au contraire, comme en atteste une (bonne) nouvelle repérée sur le site de Radio Canada (1er mai 2013). En effet, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la création d’un nouveau fonds pour promouvoir la musique ontarienne au pays et à l’étranger.
“Le nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique est un programme de subventions, doté de 45 millions de dollars, étalé sur trois ans, qui sera instauré en 2013-2014.
Selon le gouvernement, l’objectif est de faire de la province un chef de file dans le domaine de l’enregistrement et des spectacles musicaux. Il souhaite appuyer la production de nouveaux produits numériques et d’enregistrement et la distribution d’oeuvres musicales”.
Le groupe Garolou au début des années 80. Photo publiée sur le site www.progquebec.com consacré au rock québécois
Le groupe CANO en juin 2011. Photo du site http://francopresse.ca (Actualités francophones canadiennes) à l’occasion d’un article pour un ultime concert du groupe à La Nouvelle Scène à Ottawa
“Toute tentative de cerner l’époque nous renvoie immanquablement à une sainte trinité – Robert Paquette, Garolou et CANO”
Que de chemin parcouru entre le nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique de 2013 et le temps des pionniers d’il y a 40 ans !
La nécessité vitale d’une chanson franco-ontarienne a bénéficié au fil des ans d’une explosion de talents et d’une mise en place d’indispensables organismes.
D’où ce coup d’œil dans le rétroviseur signé Dominique Denis (revue Chansons, 1996) : «Si les avis divergent sur ce que serait le véritable cœur de la francophonie en Ontario – Sudbury pour les uns, l’Outaouais pour les autres – une chose ne fait aucun doute : la chanson francophone est née dans le Nord (et du Nord) à l’aube des années 70 dans le cadre favorable qu’offraient notamment l’Université Laurentienne et la grande kermesse septentrionale qu’est La Nuit sur l’Etang, institution créée en 1973 à Sudbury.
Toute tentative de cerner l’époque nous renvoie immanquablement à une sainte trinité – Robert Paquette, Garolou et CANO (excroissance chansonnière de la Coopérative artistique du Nord de l’Ontario) – qui furent parmi les premiers à rêver, développer et surtout chanter l’idée d’une spécificité franco-ontarienne »
Entre ces affiches des Nuits de l’Etang d’antan (ci-dessus) et la relève incarnée par le jeune slameur Joël -Denis Groulx (ci-dessous) : des décennies d’initiatives au service d’une francophonie ontarienne plus dynamique que jamais …
Sudbury, 24 mars. Joël-Denis Groulx présente son poème-slam au Brunch des Fruits de la Nuit
“Tu dois saisir cette opportunité quand elle s’offre dans une avalanche de joie, de gloire et de positivité”
En guise de conclusion à ce long article – évidemment non exhaustif loin s’en faut ! – sur la francophonie ontarienne, donnons la parole à Joël-Denis Groulx : un des participants de l’atelier animé par Mehdi Hamdad dans le cadre des Chantiers de la Nuit tenus dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 mars à Sudbury.
Organisée dans la foulée du fameux concert de plus de 4h30 à l’Auditorium Fraser à Sudbury, cette initiative bénéficiait de plusieurs partenaires : le Centre franco-ontarien de folklore, le Contact interculturel francophone de Sudbury, les Editions Prise de parole et la Galerie du Nouvel-Ontario.
Et parmi les jeunes créateurs ayant pris une part active aux cinq ateliers de création artistique intensive se trouvait justement Joël-Denis Groulx, auteur d’un «Poème Slam».
Mehdi Hamdad entouré des jeunes de son atelier de création entre slam et poésie
Avant de découvrir ce texte rédigé en pleine nuit, laissons à ce jeune créateur franco-ontarien le temps de se présenter : “Je suis née en 1997 à Scarborough, Ontario. Je suis également franco ontarien et bilingue, je parle et écrit les deux langues officielles, l’anglais et le français. Je suis un étudiant de la 10e année qui fréquente présentement à l’École Secondaire Publique Renaissance.
Ma ville est située au centre du Bouclier Canadien tout près de la 49e parallèle. De plus, je suis fier aux succès de ma part dans des Cadets royaux de l’Aviation Canadienne. Placer au troisième rang/ Corporal de section. Je m’intéresse aux sports ainsi qu’à la mécanique, la maintenance et aux opérations aérienne”.
Voici à présent le texte créé par Joël-Denis Groulx et présenté dimanche 24 mars, lors du Bruch des Fruits de la Nuit avec un maître de cérémonie nommé Mehdi Hamdad, à la fois décontracté et professionnel comme à l’accoutumée.
De quoi mettre à l’aise Joël-Denis et ses amis pour partager au public toutes générations confondues le résultat de leurs cogitations nocturnes : un indiscutable temps fort de cette mise en commun de talents francophones, symbole d’une nouvelle génération en pleine effervescence.
Fais-le, connais-le.
C’est à toi, pour une raison.
Car c’est ton choix, ta décision, ton concept mental de tentation qui alimente une addiction.
Pour cette approche qu’on traite de rêve.
Mais en tout, en réalité, elle garnit ton identité qui rejet ta confidentialité.
Aux familles, aux ami(e)s, même au monde entier.
Qu’as- tu à cacher, de qui, de quoi… Laisse-toi donc aller, il n’y a pas de tort.
Ne lâches pas, ces moments y seront jusqu’à ta mort.
Par contre cette fois, tu n’as qu’un coup, une fois, une chance à maîtriser tous tes options qui viennent vers ton bout d’crayon.
Tu as l’opportunité de convaincre, d’y conquérir, d’y aller le prendre en tes mains.
N’attend pas car elle arrive à la fin d’un couloir obscure, sombre et seul d’un égout.
Là où le temps s’écoule, tombe, cale au fond et de tout cela, la pression se louche.
Tu dois saisir cette opportunité quand elle s’offre dans une avalanche de joie, de gloire et de positivité.
Qui t’avancera dans ta vie. Et après tout, ça s’adonne, fier, d’où t’y rend, fier d’où tu y es…
Fais-le, connais-le.
C’est ta vie, c’est ton choix.
A la fin, c’est à toi, illumines, brilles, exprimes-toi! …
Joël-Denis Groulx, Timmins, Ontario
Dimanche 24 mars, Sudbury. Photo souvenir des participants et animateurs des ateliers de création artistique des Chantiers de la Nuit. La relève franco-ontarienne est sur la bonne voix/voie !
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER