“Nous, on n’est pas des Québécoises. On est des Acadiennes ».
Le ton est donné dès le début du concert, en ce mardi 1er octobre, à la Maison pour Tous-Foyer Georges Brassens : haut-lieu de la chanson d’expression française dont la renommée dépasse largement la région de Beaucourt, dans le Grand Est de la France.
A quelques pas de là, le hall d’entrée de la salle est illustré de nombreuses affiches d’artistes des plus connus. Et ce soir, c’est aux Hay Babies d’apprivoiser sans aucune difficulté près de 250 personnes venues les applaudir.
Retour sur une inoubliable soirée où le cœur de l’Acadie a battu bien fort au cœur du Territoire de Belfort, non loin de l’Alsace.
Viviane, Katrine et Julie : décontractées sur scène comme dans la vie
Des “tounes” qui racontent la vie telle qu’elle est sans maquillages ni misérabilisme
Durant plus d’une heure et demie avec plusieurs rappels, Viviane Roy, Katrine Noël et Julie Aubé vont s’en donner à cœur joie pour le plus grand bonheur de ces spectateurs qui n’ont, pour la plupart d’entre eux, jamais mis les pieds en Acadie.
D’où la mise au point lancée d’emblée, en début de concert, par Julie Aubé.Et il est assurément bon de remettre les pendules à l’heure, d’autant plus que les puristes de la langue française en auront été pour leurs frais.
Car ici on chante comme on parle chez soi en famille ou entre amis. Et le chiac prend évidement toute sa place dans cet enchaînement de “tounes” qui racontent la vie telle qu’elle est sans maquillages ni misérabilisme. Et avec une perpétuelle valse entre langue française, chiac et termes anglais. En l’occurrence le reflet de la vie quotidienne au Nouveau-Brunswick tout simplement.
Vue partielle du public de la Maison pour Tous à Beaucourt
Chansons acadiennes aux thèmes universels
Qualifié par le programme de la Maison pour Tous de Beaucourt de “indie-folk canadien”, le répertoire des Hay Babies ne se résume pas à un fidèle reflet de la vie d’hier et d’aujourd’hui en Acadie. Car la plupart des thèmes mis en valeur par Julie (banjo), Katrine (ukulélé) et Viviane (guitare) ont une résonance universelle.
Chanter le destin de Neguac, c’est évoquer ce qui se passe aussi dans les campagnes françaises. Se souvenir de “Avant nous”, c’est plonger dans des réalités désormais enfouies sous l’omniprésente technologie.
Evoquer “le fil de téléphone”, c’est raconter la fragilité de tous les couples séparés par la distance et les fuseaux horaires. En rajouter dans le comportement de l’amoureuse “obsédée” par son chum, c’est décrire une réalité de la dépendance amoureuse qui a la vie dure sur tous les continents et toutes les latitudes …
Et on pourrait ainsi décortiquer une à une toutes les chansons de ces attachantes Hay Babies : elles cultivent avec brio l’art de dire des choses sérieuses d’une manière totalement décontractée. Et toujours avec un professionnalisme des plus confirmés.
Car un des atouts – et non des moindres - de ce trio acadien, c’est que les trois artistes ne jouent pas un personnage. Ici pas starlette en mal de reconnaissance, de chanteuse narcissique ou d’artiste mal dans sa peau. Elles sont sur scène comme en coulisses et comme dans la vie : naturelles, bien dans leur peau.
Et pour les avoir vu en pleine action dans diverses circonstances, des deux côtés de l’Atlantique, une évidence s’impose : leur gérante Carol Doucet a sans aucun doute l’art et la manière pour que cette formidable aventure artistique ne se limite surtout pas à un enchaînement de concerts d’un bord ou de l’autre de l’océan.
Carol Doucet et Luc Renaud, président de la Maison pour Tous de Beaucourt
Une partie des bénévoles mobilisés pour la préparation et le déroulement de la soirée : sans eux, une telle soirée aurait été impossible
Après les balances, Maurice, un des bénévoles, demande l’autorisation de prendre une photo-souvenir
Une identité acadienne jamais synonyme de ghetto
Complices dans leur quotidien comme sous les projecteurs, les Hay Babies évoluent avec bon sens entre le CŒUR et la RAISON.
Le cœur, c’est cette affirmation d’une identité acadienne qui n’est jamais synonyme de ghetto : une identité qui leur tient à cœur, à l’instar de leur grande amie Lisa Leblanc dont le bon sens va de pair avec un talent qui s’est affirmé sans tarder.
Et la raison, c’est une carrière dont le décollage n’a pas tardé. De quoi laisser rêveurs, voire envieux bien des artistes acadiens possédant tout autant d’inspiration mais ne bénéficiant pas de l’expérience et du réseau sans frontières de Carol Doucet.
Entre signatures de contrats et gestion de droits d’auteurs, entre tournées et préparation d’un nouvel album (des plus attendus !), les Hay Babies prouvent que la chanson acadienne n’a pas besoin de paillettes ou d’effets sonores spéciaux pour s’affirmer hors de son territoire d’origine. L’authenticité paie, à tous les sens du terme.
Berceuse acadienne face au public, sans instruments de musique
Et quand les trois amies reprennent a capella une berceuse acadienne, debout face au public des plus silencieux, on sent passer dans la salle une onde de bonheur. Un moment de grâce où le temps s’est arrêté, histoire de savourer chaque instant de ce chant d’antan qui nous replonge en enfance.
Et quand les trois amies reprennent avec leurs instruments la fameuse chanson de Mélanie, le public ne demeure pas silencieux : il répond spontanément à l’invitation et chante “Ils ont changé ma chanson”.
Encore un autre temps fort de ce concert, dernier d’une intense tournée qui aura mené les Hay Babies dans divers lieux entre le 21 septembre et le 1er octobre : Chaînon Manquant à Laval ; Les Trois Baudets à Pari ; spectacle à L’Irlandais à Limoges enregistré par France 3 ; concerts à Rilhac Rancon, Rochechouart et Bosmie l’Aiguille. Et pour finir en beauté à la Maison pour Tous –Foyer Georges Brassens à Beaucourt.
Et à chaque fois l’accueil du public français aura été à la hauteur des espérances. Et ce n’est pas fini, puisqu’il est question d’une nouvelle tournée au printemps en France et en Suisse.
Salut final après un ultime rappel
Amicales retrouvailles avant le dernier concert de la tournée d’automne en France
Ici pas de vitrine musicale pour professionnels mais un concert pour un public payant
C’est évident, on n’a pas fini d’entendre parler des Hay Babies, ni de leur entendre chanter non plus !
Et le fait d’avoir vu le trio acadien en pleine action au cœur de la France, loin des vitrines musicales où elles excellent par ailleurs, aura permis de constater que leurs chansons touchent vraiment le public.
En l’occurrence le vrai public, celui qui paie sa place, qui se laisse séduire par un accent inconnu, par des chansons dont il ne cerne pas toutes les nuances, mais qu’importe après tout : la magie demeure intacte.
Oui, le public a eu RAISON de venir passer une soirée dans cette salle qui a accueilli tant d’artistes. Et c’est indéniable : il a été touché au CŒUR à Beaucourt.
Conserver un souvenir du concert en achetant un CD pour le faire dédicacer
Et on s’applique pour dédicacer les affiches !
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
Compte-rendu du concert paru dans L’Est Républicain du 4 octobre 2013
Impressionnante programmation que celle de la Maison pour Tous de Beaucourt comme en témoignent ci-dessus et ci-dessous les affiches dédicacées par Graeme Allwright, Allain Leprest, François Béranger, Robert Charlebois