TRIBUNE LIBRE/ NORBERT GABRIEL : CHANTER LA LANGUE DE CHEZ NOUS ..

Bienvenue à NORBERT GABRIEL pour cette tribune Libre intitulée “CHANTER LA LANGUE DE CHEZ NOUS”.

Norbert Gabriel est un des co-fondateurs du blog du Doigt dans l’Oeil et membre de la rédaction du site de Michel Kemper, Nos enchanteurs, L’Autre Chanson : deux des sites mentionnés dans notre rubrique “En lien avec ..”

“La chanson est l’expression la plus authentiquement populaire. Le seul art qui soit resté près de ses sources. Un des rares où toutes les valeurs Qulturelles (avec un Q soit mises échec).

(…) Piaf et Brassens étaient aussi des parias de l’éducation. Tout comme Gershwin et Django Reinhardt. La pauvreté du bagage scolaire n’a jamais empêché qui que ce soit de chanter.

Un aphone inculte, par sa seule sensibilité, peut émouvoir. Mieux que la voix ou le cerveau les plus cultivés”.

PF MOUSTAKI  recadré

Ces lignes sont de Georges Moustaki, “Questions à la chanson 1973″. Elles sont d’une pertinence éternelle. Dans le débat qui revient régulièrement à la une des interrogations existentielles sur la chanson à texte, ou la chanson « pas à texte », on ergote sur le fait que la bonne chanson se doit d’être forcément dans la langue de chez nous. Qu’on soit bantou, auvergnat, alsacien, patagon ou brésilien, hors du langage natal, pas de salut. Peut-être. Ou peut-être pas.

Il y a parfois des mystères qui nous dépassent. Je connais assez bien quelqu’un qui a été élevé au bel canto, l’opéra à la TSF, ou dans l’atelier de mon grand-père, Luis Mariano ou Caruso dans la cuisine-salon-salle à manger, et qui un jour, vers 13-14 ans a découvert “Fleuve profond” une émission qui racontait le negro-spiritual, un choc émotionnel d’une intensité inouïe, c’était quelque chose que je ressentais comme si c’était en moi depuis toujours. Sans comprendre le sens des mots, je percevais bien le sens de la musique, et la force du propos.

Ce n’est pas pour autant que j’ai balancé à la poubelle Bécaud et “mes mains qui dessinent dans le soir la forme d’un espoir qui ressemble à ton corps” ou Brassens, Marie-Josée Neuville, ou Brel, ou Félix Leclerc, eux qui me parlaient avec

“cette langue belle à qui sait la défendre.
Elle offre les trésors de richesses infinies
Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre
Et la force qu’il faut pour vivre en harmonie”.

Il n’était plus question d’ergoter sur le bien-fondé de l’imparfait du subjonctif et des beautés de Ronsard ou Malherbe dans leur écriture, la chanson était devenue un formidable générateur d’émotions, portées par des voix, des voix venues de partout

C’est pas seulement ma voix qui chante
C’est l’autre voix, une foule de voix
Voix d’aujourd’hui ou d’autrefois
Des voix marrantes, ensoleillées
Désespérées, émerveillées
Voix déchirantes et brisées
Voix souriantes et affolées
Folles de douleur et de gaieté

et qu’elles chantent en slang, en argot, en russe ou en patois javanais, quand il y a une émotion qui passe, pas besoin de sous-titres.

C’est pourquoi, avec ma pile en vrac jamais rangée, à côté de la chaîne, avec Ferrat, Jacques Yvart, Elisabeth Wiener, Higelin, Pagani, Pauline Julien et Anne Sylvestre, Pierre Barouh, une partie de ceux qui sont là depuis plus de 20 ans, il y a aussi Melody Gardot, Madeleine Peyroux, Alela Diane, Vissotski, qui ne sont pas tout à fait francophones, mais qui me racontent des histoires. Comme Serge Utgé-Royo, dont tout le répertoire est inspiré d’une histoire, celle des exilés.

Et de tous les exilés finalement. Utgé-Royo m’a fait comprendre une chose que je n’avais pas vraiment cernée, c’est la qualité de son écriture dans une langue parfaitement maîtrisée qui crée cette addiction à cette forme de chanson qui raconte. Elle est “à texte”, bien sûr, mais ce n’est pas toujours suffisant. Il faut le fond et la perfection de la forme pour ne pas casser la magie par une rime hasardeuse, qui me ferait décrocher.

Il y a des interprètes ou auteurs qui essaient de me raconter des histoires, mais quand j’entends “le soleil-le dans le ciel-le, sur le port-re…” je peux pas. Et il y aussi “un mirador-re” pour achever le tableau. Bien que la voix soit belle, la mélodie réussie, ça ne passe…

Et je suis beaucoup plus touché par la voix de Léonard Cohen, celle de Billie Holiday, ou celle de Lou Doillon récemment, entendue en aveugle à la radio. Sans pré annonce, ni quoi que ce soit. Sans image glamour, la voix, l’expression vocale, quelque chose qui émeut, c’est tout. Le fait que ce soit en français, n’est pas une garantie d’extase textuelle. Sinon les rappeurs seraient en orgasme perpétuel avec leurs rimes appuyées et scandées en mode marteau piqueur.

Durant des années, “My gypsy wife” de Léonard Cohen m’a bouleversé sans que je n’aie jamais eu envie de chercher la traduction. Une fêlure dans la voix, un écho de violon.

Il est sûr que je suis souvent devant les scènes françaises, celles de Louis Ville, Agnès Debord, Valérie Mischler, Bernard Joyet, et celles et ceux des Lundis de la chanson, n’empêche que Chappel Hill m’a envoyé dans les nuages un peu comme The Doors ou Johnny Cash. Mais pas Presley … Sorry Elvis, t’as une belle voix mais ça ne me raconte pas grand chose.

Le travers qui se répand chez les néo french rockers babillant en anglais canada dry, est en effet préoccupant, c’est vide, c’est creux, c’est sans intérêt. Mais ça peut faire gigoter en buvant une bière, et en discutant avec les copains.

Aujourd’hui, tout le monde se fait un point d’honneur de reprendre les chansons de Leprest… Pourquoi pas ? Il n’y a pas tant de maîtres dans ce domaine, mais combien savent vraiment apporter quelque chose de neuf, de mieux que l’original ? Ce qui vaut aussi pour les adaptations qui émigrent, mais c’est un autre débat.

J’aime assez le parcours de Louis Ville, qui a fait du rock en anglais, et qui s’est mis à écrire en français pour être plus précis et riche dans ce qu’il voulait partager. “Cinémas, cinémas” c’est de la chanson qui raconte, qui a du sens et du son. Une chanson dont Pierre Dac aurait dit: “Pour bien comprendre les gens, le mieux est d’écouter ce qu’ils disent”. Bien sûr qu’on comprend mieux quand c’est la langue de chez nous.

Que ce soit une langue belle et riche, personne ne devrait contester ce fait Que la chanson soit un art populaire, c’est aussi une évidence. Mais la musique est aussi un langage universel, sans frontières, qui s’enrichit de métissages heureux, et qui s’appauvrit quand des néo-rockers babillent des insignifiances en anglais, parce que c’est tendance, et que ça se “dance”… Comme “La danse des canards”, c’est dansant, et français.

Mais il ne suffit pas non plus que ce soit en français pour avoir un label de qualité systématique. Genre vu dans “Nos Enchanteurs” qui ne serait qu’Only French, mais si on y chante plus souvent dans la trace de Jehan Rictus ou Gaston Couté, et leurs descendants que dans celle d’Eric Morena ou de Chantal Goya, ce serait dommage de se priver d’Elisabeth Caumont, cervantesque princesse Micomiconne qui explore avec bonheur les espaces ellingtoniens ou ceux de Chet Baker.

Et irait-on se priver aussi de Paco Ibanez ou Angélique Ionatos parce qu’ils ne chantent pas qu’en français ?

Peut-être que ça se discute, c’est un point de vue qu’on peut ne pas partager. Peut-être que c’est un crime de lèse majesté de saluer un album qui ne parle pas français.

Mais j’ai du mal à limiter mes enchantements au format hexagonal quand je peux avoir le monde entier à découvrir.

“Le monde ouvert à ma fenêtre… ” a toujours des airs balladins à découvrir, on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.

Norbert Gabriel

Tu me diras que j’ai tort ou raison,
Ça ne me fera pas changer de chanson,
Je te la donne comme elle est,
Tu pourras en faire ce qu’il te plaît.
Et pourtant dans le monde
D’autres voix me répondent
Et pourtant dans le monde…

Bande son

Pour le langage universel de la chanson, voici l’archétype de la réussite, avec images si on veut, ce serait dommage de se priver d’Elisabeth Masse, mais la première fois, c’était sans autres images que celle générées par la voix de Louis Ville …

http://video.mytaratata.com/video/iLyROoafzmlS.html

“The gypsy wife” avec commentaire de Leonard Cohen (From the record: Field Commander Cohen. Tour of 1979 (Sony Music ent. Columbia. 501225 2)

 Et la version studio, la première…

 Merci à Yves Duteil et Jacques Prévert pour “La langue de chez nous” et “Cri du coeur” et Georges Moustaki, “Et pourtant dans le monde”

 

ABITIBI-TEMISCAMINGUE/MATHIEU JOANISSE : D’OTTAWA A ROUYN-NORANDA

C’est confirmé. Mathieu Joanisse quitte l’Ontario pour l’Abitibi-Témiscamingue ! Oui, après la tenue du plus grand et plus important Gala des prix Trille Or à Ottawa, Ontario, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique a annoncé le départ de son directeur des événements artistiques. Rencontre avec ce professionnel de 35 ans prêt à relever de nouveaux défis en qualité de directeur général du Festival de Musique Émergente (FME) à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue.

C’est après avoir durant 5 ans assuré la réalisation des événements majeurs de la francophonie tels le Festival “Quand ça nous chante” (six éditions), Ontario POP (cinq éditions) et le Gala des prix Trille Or (trois éditions) que Mathieu retourne finalement à ses “premiers amours” !

En l’occurrence “l’heureux mariage de la musique émergente et la diffusion” selon Natalie Bernardin, directrice générale de l’APCM. “Nous sommes heureux d’avoir pu être un tremplin et une structure apportant de l’expérience pour nos artisans de l’industrie leur permettant de voler vers de nouveaux défis”.

Comme il l’explique avec conviction, c’est un vrai rêve qui se réalise pour Mathieu fortement influencé par ce festival de grande envergure : “Le FME a toujours été une inspiration pour moi et a fortement contribué à mon évolution en tant que directeur des événements artistiques au courant de mes cinq dernières années au sein de l’APCM.

J’ai participé aux 5 dernières éditions du FME. Je suis fier et surtout honoré de faire maintenant partie de cette équipe dynamique et pouvoir ainsi redonner au FME de mon expérience acquise depuis 10 ans dans le milieu de la scène culturelle canadienne”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 098

Mathieu Joanisse en compagnie d’un des pionniers de la chanson franco-ontarienne, Robert Paquette

“En chef de fil de l’industrie musicale, Mathieu apportera son positivisme, son expertise et sa main de maître à son nouveau poste”

Nul doute que Mathieu Joanisse apportera son expertise à un festival qui ne cesse de grandir et qui connaît d’année en année “un succès resplendissant”.

Avant d’arriver à l’APCM, Mathieu œuvrait au sein du Centre culturel Frontenac. Selon l’APCM, “il a su laisser son emprunt sur non seulement la communauté de Kingston mais la communauté franco-ontarienne entière par son leadership et son implication au sein de Réseau Ontario. En chef de fil de l’industrie musicale, Mathieu apportera son positivisme, son expertise et sa main de maître à son nouveau poste.

Pas surprenant donc que Natalie Bernardin affirme que « l’APCM sera désormais changée pour le meilleur après le passage de Mathieu au sein de l’équipe. Sa vision artistique et sa passion ont su rehausser les activités artistiques de l’association.

Sa personnalité et son dévouement laisseront un vide au sein de l’équipe et au sein de la communauté. L’équipe de l’APCM, son conseil d’administration et tous ses artistes membres souhaitent beaucoup de succès à Mathieu dans ses nouvelles fonctions. Mathieu quitte l’APCM la tête haute avec une grande fierté des accomplissements réalisés et passe le flambeau pour la continuité de l’évolution de la scène franco-canadienne”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 879

Samedi 23 mars, Auditorium Fraser, Université Laurentienne. Final de la 40ème Nuit sur l’Etang avec l’ensemble des artistes de la soirée

“Est-ce que les coupures, les abolitions de programmes et le contexte d’austérité économico-culturel diminuent notre soif pour l’art ? Non”

Directeur général des événements artistiques au sein de l’APCM, Mathieu Joanisse s’est exprimé sur la signification des Prix Trille Or, et plus globalement sur la chanson franco-ontarienne, dans un texte paru dans le programme de cette manifestation.

Ce texte cosigné avec Caroline Yergeau, la metteure en scène du 7ème Gala, en dit long sur les talents fleurissant en Ontario, et les défis auxquels ils sont confrontés. Avec pour commencer cette rafale de questions : “Est-ce que les coupures, les abolitions de programmes et le contexte d’austérité économico-culturel diminuent notre soif pour l’art ? Non. Est-ce que ca diminue notre enthousiasme créatif ? Encore moins”.

Selon Mathieu Joanisse et Caroline Yergeau, “le Gala des Prix Trille Or, c’est l’une des plus belles occasions de partage : partage entre l’Ontario et l’Ouest francophone, partage entre les artistes et leur public, partage d’une grande passion, partage d’une même scène par des talents musicaux…

Du talent, il y en a. de nouveaux noms émergent sur la scène musicale francophone et cheminent tranquillement. Les noms que l’on aime déjà continuent à offrir des albums et des spectacles de plus en plus riches et à rayonner ici et ailleurs. Nos artistes créent, se renouvellent et voyagent. Ils s’investissent afin que leurs œuvres, empreintes de toute leur unicité, deviennent des représentantes de notre culture.

Et c’est à nous de souligner aujourd’hui, de leur montrer notre appréciation et de souligner la place de choix qu’ils occupent dans nos vies.  Célébrons l’excellence de ceux qui accompagnent musicalement, en français, nos joies, nos peines, nos expériences extrêmes et notre petit train-train quotidien”.

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 021

Un outil de travail indispensable pour tout passionné de chanson francophone d’Amérique du Nord : réalisé par Mathieu Joanisse avec un assemblage numérique signé Denis Paquette, cette compilation met en évidence 19 chansons figurant autant d’albums enregistrés par des  artistes, duos ou groupes francophones hors Québec.

“APCM et Réseau Ontario : des structures indispensables”

Réalisé dans la foulée du fameux Gala des prix Trille Or à Ottawa et de la 40ème Nuit sur l’Etang avec un concert de 4h30 à Sudbury, notre conversation avec Mathieu a évidemment débuté sur le bilan de ces deux événements majeurs pour la communauté franco-ontarienne.

Certes, il y a la satisfaction d’avoir revu et applaudi des artistes bénéficiant d’une incroyable carrière depuis plus de 40 ans : Marcel Aymar, François Lemieux, Robert Paquette, Paul Demers, etc.

Pour Mathieu s’y ajoute aussi l’impact d’une formation telle que Cano dont la reformation, voici trois ans, lors des 20 ans de l’APCM, à l’occasion d’ “une année complète d’anniversaire marquée par de nombreux événements musicaux”. Avec entre autres la satisfaction de voir comment “la nouvelle génération franco-ontarienne tripait sur les chansons de ce groupe mythique, notamment sur des titres de neuf minutes plutôt rares sur les ondes radiophoniques” !

Pour Mathieu, l’évocation de la 40ème Nuit sur l’Etang, c’est comme si on tournait les pages d’un album photos qui comprend encore nombre d’espaces vierges à remplir avec plein de pages qui restent encore à écrire ! Evidemment, la chanson franco-ontarienne est différente de la chanson québécoise : une question de langue, de méthode d’écriture, de références à la vie quotidienne, etc.

“Ici on n’a pas le stress de l’industrie musicale. Nous avons des projets neufs, des projets qui viennent du cœur. Le jeune artiste ou le nouveau groupe savent que ce ne sera pas évident. Nous ne sommes pas à Montréal, avec un milieu artistique bien organisé qui n’existe pas ici. A ce jour en Ontario il y a encore peu de professionnels, comme Michel Benac avec LaFab”.

Et d’insister aussitôt sur le rôle de structures telles que l’APCM et Réseau Ontario : des repères incontournables pour ce militant d’une chanson française quo bénéficie désormais d’une réelle variété d’expression : “On a tant de diversité, tellement de produits à faire connaître avec les moyens qu’on a ! Nous avons aussi des ambitions pancanadiennes pour montrer ailleurs ce qui se fait en Ontario”.

Mathieu se lance alors dans une énumération de talents tels que les groupes Pandaléon et Mastik, la chanteuse Marie-Claire (“Super rafraîchissante”) et les Hula-Hoops, etc.

PF BOREAL MASTIK

Le groupe Mastik face au public, lors de la Nuit Emergente au Collège Boréal, Sudbury

“Nos groupes ont réussi à faire leur rock à eux”

“Les artistes prennent enfin leur place ici sans gêne comme on l’a vu avec AkoufèN à L’Autre Gala de l’APCM : il n’y a pas vraiment ce style de musique avant dans l’Ontario français. Oui, il y a de l’influence des bands de Montréal, mais nos groupes ont réussi à faire leur rock à eux avec une saveur métal comme AkoufèN par exemple. Les jeunes du secondaire reprennent des chansons de ces groupes ! Ca fait plaisir à voir et à entendre !”

Mathieu insiste aussi sur le travail d’artistes sans doute moins connus mais tout aussi importants … comme l’auront confirmé à de multiples reprises aussi bien les deux galas de l’APCM que la 40ème Nuit sur l’Etang. Et de parler entre autres du pianiste Nic Carey, directeur musical des deux galas. Avec lui pas de reprise de standards mais «”des créations, des duos, des surprises musicales” : un créateur efficacement entouré par des pointures nommées Kevin Daoust (guitare), Shawn Sayniuk (batterie), Marc-André Drouin) et des musiciens invités comme Bobby Lalonde et François Gravel … et aussi du trio a capella de la Nuit sur l’Etang : Leila Reguigui, Darquise Poulin et Chelsea Rooney.

Se glissent aussi dans notre conversation l’évocation du travail mené à bien par l’orchestre ayant accompagné les artistes sur la scène de l’Auditorium Fraser de l’Université Laurentienne à Sudbury : une formation composée de Daniel Bédard, Guy Coutu, Cory Lalonde, Dayv Poulin, et Don Reed.

Autant de noms qui représentent pour Mathieu Joanisse une des clés de l’impact de ces événements d’Ottawa et Sudbury. Avec un constat qui en dit long sur la manière de créer des artistes franco-ontariens : ici pas de musique sous cloche, pas de ghetto mais une façon de composer en lien direct avec d’autres influences musicales, comme le confirment par exemple les parcours de Tricia Foster ou Mehdi Hamdad. Des artistes à la fois audacieux musicalement et extravertis dans leurs relations humaines. “Ils vont devenir des références pour les nouveaux groupes, pour les nouveaux artistes, c’est sûr”.

PF BOREAL MEDHI OURS

Vendredi 22 mars, Collège Boréal, Sudbury; Mehdi Hamdad quelques minutes avant de monter sur scène pour la Nuit Emergente. 

L’importance pour la chanson franco-ontarienne d’avoir des têtes d’affiches dont la notoriété dépasse le cadre provincial

Alors qu’en est-il de l’importance pour la chanson franco-ontarienne d’avoir des têtes d’affiches dont la notoriété dépasse le cadre provincial ?

C’est évidemment indispensable selon Mathieu qui cite entre autres le parcours d’Andrea Lindsay assuré tant en solo qu’en compagnie de l’auteur-compositeur-interprète québécois Luc De Larochellière, ou encore Damien Robitaille. Lequel, après avoir participé à L’Autre Gala de l’APCM eu au Cercle des auteurs-compositeurs SOCAN à Ottawa remplissait quelques jours plus tard le Métropolis à Montréal (nous y reviendrons dans un autre article).

Mais, comme le reconnaît volontiers Mathieu, l’impact populaire de ces artistes connus hors de l’Ontario ne doit surtout pas faire oublier les autres talents. Eux aussi, entament – doucement mais sûrement – un parcours qui devrait les fait connaître hors de leur terre d’origine : “Tricia Foster, Konflit, Mehdi Cayenne Club, Pandaléon, Mastik et d’autres encore“.

En somme des parcours synonymes d’obstination, d’albums auto-produits, de recherches de bailleurs de fond, de débouchés commerciaux pour vendre les CD, de concerts à trouver, etc. “Il y a des shows un peu partout en Ontario. C’est le fun, on assume la musique franco, on n’en parle pas, on en joue tout simplement”.

Et si les artistes et groupes remportent un succès croissant en Ontario, la question de la gestion de la carrière fait partie de ces défis dont on parle peu en public. Et pourtant il s’agit de priorités selon Mathieu, qui a souvent donné des cours de gérance d’artiste en Ontario. Avec à la clé “des exemples concrets, des anecdotes précises, des histoires à ne pas faire. Et pour un groupe c’est encore plus compliqué quand il faut prendre des décisions, trouver de nouvelles orientations à accepter ensemble. Pas toujours facile de mettre en pratique la théorie… En plus en Ontario rares sont les artistes qui font ce métier à temps plein ! Il leur faut trouver un job … sauf quelques rares exceptions comme Damien Robitaille”.

PF ROBITAILLE FOULE DEBOUT

Montréal, Métropolis, 4 avril. Plus d’un millier de spectateurs enthousiastes pour Damien Robitaille accompagné par sept musiciens et Carolina, sa choriste et compagne colombienne

Un millier de vinyles et sept tables tournantes

Au fil de notre entretien, Mathieu Joanisse apparaît comme un professionnel totalement tourné vers la mise en valeur des talents individuels et collectifs… et en même temps cela ne l’empêche pas de cultiver se propres passions.

A commencer par celle du vinyle et aussi des tables tournantes à laquelle n’est pas étrangère Eric Auclair rencontré “voici six ou sept ans”. Aujourd’hui, avec un bon millier de vinyles et sept tables tournantes, Mathieu cultive une passion qu’il ne garde pas pour lui. Et pour cause puisqu’il devient, au gré des événements, un des deux Dj masqués qui font danser jusqu’au bout de la nuit tant de monde. Cette complicité partagée avec Christian Pelletier, elle éclate dans les soirées dansantes animée par le duo des DJ masqués !

“Le fun des soirées c’est qu’il n’y ait pas de demande spéciales et que gens dansent comme des fous sur ce qu’on leur passe ! On peut très bien s’amuser en dansant sur de la chanson et de la musique française et francophone … entre funk, yéyé, electro, rock et j’en passe ! La musique est bonne partout … mais on est capable de s’amuser en français … on aime ça … et on fait même danser des gens qui ne comprennent pas le français !”.

 

PF BOREAL DJ MASQUES

Mathieu Joanisse et Christian Pelletier, alias les DJ Masqués

De Led Zeppelin à André Gagnon via Chopin et Beethoven

Le temps est bien révolu où le jeune Mathieu tripait – “en fin de primaire et début de secondaire” – sur les musiques des années 70 signées Led Zeppelin, Pink Floyd, Janis Joplin, etc. Et à cette époque, comme il le dit si bien, “c’était moins le fun en français. Mes parents écoutaient juste de la variété française comme Michel Sardou. Et j’étais alors rebelle”.

Arrivé en secondaire 3, un sacré virage s’opère dans la vie de Mathieu. Place au classique, au piano ! Le voici qui compose, qui a le projet d’enregistrer aussi. “J’ai étudié l’opéra, j’ai été beaucoup touché par le grégorien. André Gagnon, je ne peux pas défendre tous les albums… mais je l’adore”.

Et d’évoquer son admiration envers la complicité musicale développée entre André Gagnon et Claude Leveillée mais aussi les œuvres de Chopin et Beethoven, autres compositeurs importants pour ce pianiste désormais tout aussi sensible aux “pianistes avec une touche, un support électro aujourd’hui”.

PF BOREAL MARIE CLAIRE

Marie-Claire Claire Cronier, une des voix majeures de la relève de la chanson franco-ontarienne évoquée par Mathieu Joanisse

 Après l’Ecole du Show-Busines, sur les routes avec Transakadie

Au terme d’études à l’Ecole du show business à Montréal – une période synonyme de tant d’échanges musicaux, de rencontres amicales et nouvelles découvertes artistiques – Mathieu Joanisse s’est lancé à 22 ans dans une aventure qui lui aura beaucoup appris. Une expérience qui lui aura bien ouvert les yeux sur la vraie vie d’artiste.

Il décroche un contrat de directeur de tournée pancanadienne dans la série “Rendez-vous de la francophonie” en se déplaçant de l’Ouest jusqu’au Nouveau-Brunswick le groupe Transakadie.

“J’ai dirigé la tournée, et monter en une semaine un cahier de tournée. Il n’y avait alors pas encore d’iphone. Ca a été une expérience formidable et tant de souvenirs ! Quand tu arrives à Régina, en Saskatchewan, et que 150 Francos dansent toute la soirée ça laisse des souvenirs : Surtout si la moitié ne connaissent pas le groupe … ca donne un coup dans la face … on ne nous avait pas tout expliqué à l’école ! Là j’ai vraiment mieux compris comment fonctionne le marché québécois mais aussi le marché d’ailleurs !”.

11ème Festival de musique émergente du 29 août au 1er septembre en Abitibi-Témiscamingue.

En attendant de vivre trois de ses rêves – voir sur scène les groupes Muse, Matmos, et Gros Méné – Mathieu est sur le point de franchir une nouvelle étape dans sa vie personnelle et professionnelle. Il va quitter l’Ontario pour une autre province du Canada et prendre début mai la direction du FME : le Festival de musique émergente organisé du 29 août au 1er septembre en Abitibi-Témiscamingue.

Composer des mélodies pour des artistes ? A ce jour le pianiste Mathieu Joanisse n’a pas encore franchi ce cap. «”Le timing sera la clé, j’y avais déjà pensé !”. Et on le croit bien volontiers quand on songe aux nouvelles responsabilités qui l’attendent du côté de Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue.

PF MATHIEU JOANISSEMathieu Joanisse, nouveau directeur général du Festival de Musique Émergente (FME) à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue (Photo APCM)