Bien qu’elle soit connue en qualité d’auteure-compositrice-interprète, il serait réducteur de qualifier Caroline Desbiens de chanteuse.
Qualifions plutôt cette fille et petite-fille de capitaine sur le Saint-Laurent de femme qui chante. Car ses paroles et ses musiques s’aventurent bien au-delà d’une succession de chansons proposées au gré des festivals et des concerts des deux bords de l’Atlantique.
Rencontre avec une femme de cœur et de caractère, attachée à son Isle-aux-Coudres natale et son Québec (souverain) et engagée en faveur d’une expressive chanson québécoise pleine de (bon) sens.
“L’arbre a 100 ans” : Félix Leclerc plus que jamais d’actualité
C’est évident. Celle qu’on surnomme souvent La Marsouine ne laisse guère indifférent. Et que de chemin parcouru depuis ce Premier Prix de la chanson francophone remporté en 1995 à Saint-Malo. Cité où l’insulaire de Charlevoix offrira à nouveau ses poésies chantées le 21 juin 2014 sur la “Scène Québec offerte à la Belle Province dans le cadre du 30e anniversaire de la Maison du Québec … à Saint-Malo !
“Saint-Laurent”, “Innu”, “Tout droit”, “Bateau fou”, “Le Brouillard” : autant de chansons aux titres évocateurs qui forgent son nouvel album “Je suis un fleuve”. Sans oublier, évidement, “L’arbre a 100 ans”, tendre et émouvant hommage à Félix Leclerc qui aurait été centenaire cette année.
Une chanson-hymne, un manifeste poétique et réaliste dont l’interprétation, ce dimanche 8 juin, au Festival de Pully-Lavaux à l’heure du Québec aura fait figure d’événement.
Voir ici la vidéo tournée par Claire Martin
Patriote de l’année 2013
Avant “J’habite un fleuve”, Caroline Desbiens avait offert au public deux autres albums : “Sortir de l’Eau” en 2004 et “Fleuve-moi” en 2012 ainsi qu’un coffret CD-Dvd : “Chansons sur Toiles” en 2009.
“L’arbre a 100 ans”, nouvelle chanson en l’honneur du créateur de “Notre Sentier” illustre avec justesse le parcours de cette artiste qui ne joue pas un personnage.
Sans langue de bois et avec talent, elle défend avec énergie une certaine idée du Québec. Un engagement qui ne se limite pas à des propos sans lendemain mais révèle de profondes convictions.
D’où sa nomination de Patriote de l’année 2013 par la Société des Québécois et Québécoises de la Capitale Nationale : titre assurément symbolique, et cependant des plus significatifs car la vie et l’œuvre de la Marsouine sont intimement liées.
Pas étonnant que son répertoire s’enracine dans des chansons teintées d’Histoire du Québec et d’attachement à l’Isle-aux-Coudres, de tranches de vie et de bouffées d’espoirs vers des lendemains meilleurs, voire souverains.
Le parcours public et privé de Caroline Desbiens ne se résume surtout pas à des paroles et des actions mises en évidence juste sous les feux des projecteurs.
Avec le guitariste-arrangeur Simon Pedneault
La femme qui chante, et celle qui a des convictions se rejoignent avec détermination en nombre de circonstances.
D’où, par exemple, cette soirée du 15 mars 2013, au Château Frontenac à Québec, lors des 17ème rencontres biannuelles des chefs de gouvernements québécois et français.
Un événement ainsi relaté par son agente Claire Martin dans un communiqué daté du 18 mars 2013.
“Caroline Desbiens était, vendredi soir dernier, l’artiste invitée choisie par la Première Ministre du Québec Madame Pauline Marois lors du banquet officiel donné au Château Frontenac en l’honneur du Premier Ministre français Jean-Marc Ayrault et de son épouse. Des chansons du terroir québécois servies dans un style actuel et unique par une artiste de l’Isle-aux-Coudres, une fille de capitaine, voilà ce que Madame Marois avait en tête pour gâter ses prestigieux convives.
Ayant eu carte blanche de la Première Ministre dans le choix des chansons, l’artiste de l’Isle- aux-Coudres, a tout de suite séduit avec un enchaînement remarquable de quelques unes des grandes chansons québécoises.
Mais ce qui a le plus touché le Premier Ministre français fut lorsqu’elle lui a dédié une interprétation de sa chanson ‘Pilote’ lui précisant qu’elle l’avait choisie en raison des origines nantaises de celui-ci, une région baignée par la Loire où les pilotes sont installés depuis longtemps et font un travail remarquable.
Une attention qui l’a visiblement touché puisqu’il a spontanément initié une ovation, rapidement suivie par son hôte et les quelques 150 autres invités présents.
Pour répandre la magie de sa poésie chantée, l’artiste qu’on appelle aussi la Marsouine, était accompagnée de son fidèle complice, le guitariste-arrangeur Simon Pedneault.
Cette soirée venait clôturer la 17e des rencontres bi-annuelles des chefs de gouvernements québécois et français, et c’est avec la voix «fleuve» de la Marsouine que notre Première Ministre a souhaité le faire !
En regard de la réaction vibrante de ses invités de marque, elle ne peut que se réjouir de son choix !”.
Clin d’œil à la trilogie du poète-cinéaste Pierre Perreault
Palme dans la catégorie Prix du jury au festival de Pully en 2012 pour son “Fleuve moi”, elle y avait alors présenté trois spectacles, dont un hommage à Claude Léveillée.
Ambassadrice du Québec à travers ses chansons, Caroline Desbiens s’est forgé au fil des ans un fidèle public sensible à ses refrains authentiques. Pas étonnant que chacun de ses passages au Festival de Pully-Lavaux à l’heure du Québec confirme la place tout à fait à part occupée par la Marsouine dans la vie musicale québécoise.
De quoi continuer à naviguer plus que jamais sur son cher Saint-Laurent, au propre comme au figuré ! Et les six titres de “J’habite un fleuve” illustrent avec brio sa démarche militante et artistique. Cet album, elle l’a réalisé avec son complice à la création Simon Pedneault : en l’occurrence le deuxième de sa trilogie dédiée au Fleuve, avec un F capital comme elle aime l’écrire.
Ce nouvel album est aussi un clin d’œil à la trilogie du poète-cinéaste Pierre Perreault comme le rappelle Claire Martin.
“Caroline est venue au monde alors que Pierre Perrault tournait cette trilogie à l’Isle-aux-Coudres. Il hébergeait chez ses parents lors de ses séjours pour tournage.
Elle a été baignée dans cet univers et en est devenue la porteuse de mémoire. Je considère que ces deux artistes sont intimement liés dans leur création, leur poésie, leur authenticité, leur talent, leur lien puissant au fleuve, au Québec et à leurs racines ».
Au fil des ans elle a partagé son talent parfois avec nombre de référence de la chanson québécoise, dont Claude Léveillée, Robert Charlebois, Daniel Lavoie, Jean-Pierre Ferland, Michel Rivard, Daniel Bélanger, etc.
Se voyant offrir le premier rôle dans la Tragédie musicale “Jean-sans-nom” signé Charlebois et mise en scène par Robert Lepage lors du « Printemps du Québec » en France en 1999, son parcours s’est par la suite enraciné dans nombre de déplacements à travers l’Europe francophone.
Cette carrière souvent éloignée (géographiquement) de son cher Québec, l‘incite à distiller une musique folk- actuelle qui elle, ne s’est jamais éloignée de l’essence qui habite son art : partager la précieuse mémoire de son peuple et poser sur elle un regard moderne puis la souffler sur le temps “Pour la suite du Monde”.
C’est évident, Caroline Desbiens est habitée par l’héritage laissé par son ami Pierre Perrault, cinéaste écrivain et réalisateur de la célèbre Trilogie de l’Isle-aux-Coudres.
Avec son cœur enraciné dans le terroir charlevoisien, et son regard tourné vers l’horizon via une francophone des plus actives, Caroline Desbiens continue plus que jamais sa route avec son “complice marsouin” le guitariste arrangeur Simon Pedneault. Pas étonnant que son nouveau spectacle soit synonyme d’innovations au sens fort du terme.
Escale à l’Auberge du Capitaine sur l’Isle-aux-Coudres
“En descendant le Saint-Laurent un morceau de terre est tombé
Une isle qu’un jour de septembre on nomma l’Isle-aux-Coudriers
Entre le ciel et la mer là où l’on sent l’odeur des vents
Où les couleurs virent à l’envers, mon isle et ses gens
Mon isle et ses gens
La petite sœur de l’Isle d’Orléans”
En descendant le Saint-Laurent
(Paroles et musiques Caroline Desbiens, CD-livre Chansons sur toiles)
Oui, comment parler de la Marsouine sans faire escale à l’Auberge du capitaine, sur l’Isle-aux-Coudres évidemment ? Une île qui aura inspiré nombre de ses refrains, dont le spectacle et sa chanson thème « Mon premier jour » présentée le 31 juillet 2010: une chanson écrite et dédiée au 475ème anniversaire de l’Isle-aux-Coudres, sa terre natale.
Et chaque été Caroline Desbiens reçoit dans cette auberge familiale de nombreux artistes venant chanter pour une trentaine d’invités privilégiés qui y soupent.
Assurément une belle expérience tant artistique qu’humaine, car ces soirées – comme celle vécue voici quelques années avec le duo Alcaz – n’ont rien à voir avec un concert au sens classique du terme. Ces rendez-vous musicaux s’inscrivent dans la lignée de l’histoire et l’état d’esprit de la créatrice de la chanson « Charlevoix d’amour ».
Être ainsi reçu par une artiste aussi authentique, dans son auberge, dans un cadre plus que grandiose inscrit dans l’histoire du fleuve et des créateurs tels Pierre Perreault, voir Caroline pousser la note avec les meilleurs artistes du Québec, de la francophonie et aussi du monde maritime … sans aucun doute un grand moment d’émotion.
“Tu incarnes pour moi le pays survivant”
Impossible de raconter Caroline Desbiens sans évoquer ses parents aujourd’hui décédés. Ils furent l’âme de l’Auberge du Capitaine et leur fille en tient aujourd’hui le gouvernail, naviguant avec méthode et entrain entre ces responsabilités et ses initiatives musicales.
Et c’est avec pudeur, en termes chargés symboles et de souvenirs, que tous deux sont remerciés dans le livret de «Chansons sur toiles ». Parues en 2009 avant leur décès, ces phrases revêtent aujourd’hui une signification encore plus intense.
“Merci maman pour ta belle culture musicale, ta bienveillance, ton intuition et tout ce qu’une maman fait pour sa fille en toutes circonstances. Rien ne remplace une maman”.
“Merci papa pour ton enseignement, ta droiture et ta compréhension, ton écoute et le respect que tu as pour mon art… Merci pour la noble culture ancestrale qui nourrit si bien les créateurs ! Tu incarnes pour moi le pays survivant !”
Avec la complicité de Claire Martin
Aujourd’hui plus que jamais, La Marsouine au rire contagieux avance à son rythme, au gré de ses envies et de ses besoins. Et avec l’efficace complicité tissée avec Claire Martin, créatrice en 2011 de son agence de spectacle enracinée dans le “besoin de vendre quelque chose de noble, de construire avec l’humain”.
Claud Michaud, Gilles Belanger, Mario Brassard, les Brunettes, Laurentia ; Ginette Paradis, Claude Michel ; Banana Boat, Beltaine, Bourrasque Celtique, The Big River Band, Suroît, Arleen Thibault, Jimmy Rouleau, John Dipper et Claudine Arcand, Serge-André Jones, le Breuil, Fleuve-Espace Danse, etc : autant de talents œuvrant dans divers registres artistiques sous l’égide des Productions Claire Martin.
D’où ces confidences : “J’ai effectivement beaucoup de plaisir à travailler avec Caroline. Notre première rencontre a eu lieu en 2010 alors que j’étais responsable de la programmation de la Fête des chants de marins de Saint-Jean-Port-Joli.
Elle avait gentiment accepté d’être l’invité d’honneur de notre 12e édition et avait présenté son spectacle Chansons sur toiles en formation complète et également une magnifique conférence chantée sur l’œuvre de Pierre Perreault.
Tout un succès auprès de nos festivaliers québécois qui découvraient l’existence d’un tel trésor si près de chez eux! Les liens se sont tissés et depuis nous travaillons ensemble, il faut dire que je suis moi-même une fille de la Loire et de la mer alors les atomes étaient crochus comme on dit !”.
S’il est vrai que la Marsouine – qui mène une carrière dans la chanson depuis les années 1990 – est principalement connue en Europe, rien n’empêche évidement ses compatriotes d’avoir envie de mieux connaître cette … patriote de la chanson québécoise.
Fille et petite-fille de capitaines sur le Saint-Laurent, fière de ses racines insulaires, Caroline Desbiens sait bien qu’elle a raison. Raison de continuer à naviguer fidèle à ses convictions. A ses chansons qui projettent sur de vastes scènes ou des concerts intimes la région de Charlevoix et sa chère Isle-aux-Coudres au cœur de la francophonie.
Pour en savoir plus sur Caroline Desbiens
Texte Albert Weber
Photos Collection Caroline Desbiens