Il est toujours réducteur, voire déplacé, d’apposer une indécollable étiquette sur un artiste qui a eu la chance de toucher un très large public avec une poignée de chansons.

Comme si le temps et surtout la mémoire collective étaient définitivement et irrémédiablement figés dans un passé que l’on a évidemment tendance à embellir.

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“SOUVENIRS, ATTENTION DANGER”

Ce sont sans doute les premières réflexions venues à l’esprit dimanche 28 avril dans la belle salle de l’EcRhin à Gambsheim, cité alsacienne mitoyenne du Rhin.

Une demi-douzaine de titres surgit spontanément en pensant à Nicolas Peyrac et ces souvenirs sont indéniablement liées à deux repères : un concert en première partie de Serge Lama, en 1976 au Palais des Congrès et de la Musique à Strasbourg, durant mes années d’étudiant au Centre universitaire de journalisme, et puis une formidable émission de radio animée par Bernard Vitry durant une heure en direct, dans un studio de la Place du Barachois à Saint-Denis de la Réunion en 1981.

Et c’est là que réside évidemment le danger : celui de vouloir s’en tenir, voire se réfugier dans le plaisir que l’on éprouvera en retrouvant les premiers succès de Peyrac.

 “Souvenirs attention danger” chantait Serge Lama … D’où l’importance de ne surtout pas se complaire dans un registre passéiste du genre “ah la chanson française c’était mieux avant, et les chansons c’était autre chose que ce qu’on entend ou qu’on écoute la radio … “

Le double concert de Gambsheim entre jeune artiste et talent confirmé offre une percutante réponse aux grincheux bloqués sur leurs tubes d’antan. Et cela d’autant plus que Nicolas Peyrac s’affirme aujourd’hui comme un auteur-compositeur-interprète plus que jamais passionné par l’écriture, comme il l’a si bien évoqué – avec conviction, voire émotion – en paroles et en musiques.

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 Ah… je me disais bien que Nicolas Peyrac n’est pas homme à se complaire dans le passé. A s’accrocher sans cesser à ces paroles et ces musiques qui ont séduit la France, et la vaste francophonie qu’il connait d’autant mieux pour avoir vécu une quinzaine d’années à Montréal, jusqu’en 1986, avant de s’établir en Bretagne.

Le rendez-vous proposé par Fréquence Verte était clair, et pas de doute sur “a règle du jeu”.

Ici pas de concert rétro à l’instar des fameuses tournées remplissant les Zéniths avec un bataillon d’artistes passés à la postérité pour un seul tube qu’ils chanteront jusqu’à leur dernier souffle.

A l’EcRhin, pas de “cirque Barnum” avec Peyrac !

Et j’emploie cette expression à dessein car il s’agit précisément des termes utilisés par l’extraverti dCookie Dingler – créateur de “Femme Libérée” – lors de ses deux récentes soirées “Carte Blanche” offertes avec une dizaine de musiciens et dans des registres fort variés au PréO d’Oberhausbergen.

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“ACOUSTIQUES IMPROVISÉES” EN TOUTE DÉCONTRACTION

“Les Acoustiques Improvisées de Nicolas Peyrac” : c’est donc le concept dans leque est très à l’aise cet attachant auteur-compositeur-interprète qui a conquis près de 200 personnes enthousiastes, un dimanche en fin d’après-midi.

Assurément un sacré pari lancé par Pascal Frank, directeur des programmes d’une radio spécialisée dans la chanson d’expression française, qu’elle provienne de l’Hexagone, du Québec ou d’ailleurs. 

Une guitare, une voix, et une chaise pour offrir un concert de près d’une heure et demie marqué par de nombreuses, très nombreuses et si belles surprises … je veux dire des chansons inconnues du grand public.

Pourquoi pareille ignorance ? Tout simplement car les nouvelles chansons de Peyrac sont oubliées, ignorées, rejetées par les désormais incontournables et dictatoriales play-lists de ceux qui font la pluie et le beau temps des radios commerciales et hélas également trop souvent de celles du service public.

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“Suffit que tu oses” : c’est le titre du dernier album de Nicolas Peyrac qui n’a pas pu en assurer l’indispensable promotion, à cause de problèmes de santé qui l’ont obligé à fréquenter les blouses blanches et non pas les studios radios et les plateaux de télé.

C’était l’an dernier, et rien ne dit que ces chansons ne bénéficieront pas d’une seconde vie, d’une seconde chance dans le cadre d’un nouvel enregistrement, d’une nouvelle sortie.

C’est du moins une des perspectives évoquées par le chanteur durant ce concert guitare-voix entre refrains chantés et anecdotes partagées avec lucidité et bon sens. Et un regard teinté de recul face à son parcours artistique entre périodes de sur-médiatisation et années de silence.

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BIENVENUE CHEZ GUY BÉART ET HENRI SALVADOR

L’irrrésistible besoin de refuser les étiquettes, Nicolas Peyrac en a aussi parlé en évoquant la réductrice image publique de Guy Béart et Henri Salvador dont il a repris à chaque fois une chanson.

Qu’il est frustrant pour un artiste – et aussi pour un public en quête de nouveaux refrains  – de toujours s’en tenir à un ou deux tubes alors qu’un parcours est si souvent synonyme de création. En témoigne aussi le destin de Donovan, un artiste majeur pour Peyrac qui a parlé de son influence sur son inspiration ….

Ce (si compréhensible) refus de se laisser enfermer dans une seule chanson à succès me rappelle le concert de Michel Rivard à Capbreton, lors des inoubliables Déferlantes Francophones créées par Maurice et Françoise Segall. Le chanteur québécois est en effet connu en France pour “La complainte du phoque en Alaska” rendue célèbre par le groupe Beau Dommage dont il fut une des figures marquantes.

“Bon, je sais que vous l’attendez ! Alors je vais vous la chantez sans tarder, et puis ce sera fait. Et vous serez plus attentif aux autres chansons” avait lancé Rivard au public avant d’interpréter le fameux tube…

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BESOIN ET ENVIE D’ÉCRIRE

Le besoin et l’envie d’écrire aura été le fil rouge de ces Acoustiques offertes par Peyrac au gré de nombre de concerts, ici et là  à travers la France comme ce fut le cas en Lorraine à Boulange, lieu du concert précédant celui de Gambsheim.

Aujourd’hui, à quelques mois de ses 70 ans, Nicolas Peyrac cultive une évidente sagesse. Un art de vivre, de continuer à composer et à chanter pour les autres avec un unique souci : rendre heureux celles et ceux qui prennent le temps de le rencontrer et surtout de le (re)découvrir.

Car il s’agit bien de redécouverte quand on savoure chacune des chansons d’hier et d’aujourd’hui durant ces “acoustiques improvisées” semées d’anecdotes, de commentaires, de vérités lancées en toute décontraction. Parce que ça fait du bien d’écouter s’exprimer en toute liberté un artiste sur son parcours d’homme autant que sur sa trajectoire artistique.

UN SENS DE LA FORMULE QUI FAIT MOUCHE

Certes, comme il le raconte à Gambsheim, il ne boude pas son plaisir quand, durant son hospitalisation, Nolwen Leroy remet à la une de l’actualité artistique une de ses chansons les plus marquantes. Celle qui l’a fait sortir de l’anonymat en 1974 : : “So Far Away From L.A”.

A retrouver ICI dans une version en direct offerte dans l’émission Le Grand Studio de RTL et filmée en studio.

Ce concert, c’est tout simplement celui d’un ami que l’on retrouve en toute simplicité. Sans baratin, avec un timbre de voix que l’on reconnait d’emblée.

Reste un regret que je n’ai pas eu la présence d’esprit de partager à Nicolas Peyrac durant notre bref échange : celui de ne pas avoir mis à son répertoire la chanson sur Marylin Monroe, assurément un de mes titres préférés. Et aussi “Je pars” … que je pensais retrouver en fin de concert à Gambsheim…

Certes les années ont passé, mais l’artiste est demeuré égal à lui-même. Ni très extraverti ni très expressif, toujours un peu sur sa réserve. Avec un sens du détail, de la formule qui fait mouche. Un comportement sans doute motivé par l’envie de retenir l’attention des spectateurs bien plus par le verbe que la gestuelle.

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SURTOUT NE PAS LAISSER S’ENVOLER LA MÉLODIE DE “ET MON PÈRE”

Ici et là, comme pour “Le vin me soule”, Peyrac met le public à contribution. Histoire de ne pas se contenter de chanter mais aussi de susciter une certaine interaction.

En replaçant ses chansons – autant celles d’hier que ses plus récentes – dans le contexte de leur création, il offre un éclairage des plus instructifs à ceux qui ont envie d’en savoir plus sur la naissance de tel ou tel titre.

Et l’on imagine très facilement l’étudiant en médecine marchant d’un pas alerte dans la rue, avec en tête une mélodie qu’il ne fallait surtout pas laisser s’échapper. Donc surtout ne parler à personne et n’être interrompu par personne et rentrer précipitamment chez lui pour composer la musique de “Et mon père”, le 2ème tube sorti en 1975.

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Face au public debout et enthousiaste

 

RESTER DIGNE TOUT EN ÉTANT POPULAIRE

La dernière chanson du concert offre un superbe résumé de la carrière de Nicolas Peyrac, avec quantité d’allusions à ses chansons, à sa vie.

Si vous n’avez pas eu la chance de vous trouver à l’EcRhin, prenez donc le temps de retrouver l’artiste entre chansons et confidences sur France 3 Bretagne. 

C’était en décembre 2017, juste avant le lancement du nouvel album qui sera si compromis pour raisons de santé : une émission comme je les aime, quand on prend le temps de respecter son interlocuteur en lui donnant l’occasion de s’exprimer sur divers sujets liés ou non à ses chansons.

Près d’une heure entrecoupée de plusieurs séquences sur lesquelles il intervient, et toujours un repère qui aura toujours guidé son parcours depuis ses premiers pas de la célébrité :  “Rester digne tout en étant populaire”.

 

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DEBORAH ELINA – JONATHAN GOYVAERTZ : LA TALENTUEUSE COMPLICITÉ 

Impossible de parler de ce concert sans évoquer la première partie assurée avec brio par Deborah Elina.

En une demi-douzaine de titres, elle aura su retenir l’attention d’un public qui ne connaissait rien d’elle. Des spectateurs attentifs qui n’ont pas ménagé leurs applaudissements.

Autant de chansons à fleur de peau, sans esbroufe, teintées d’amour. Un répertoire qui en dit long sur une vie sans doute bien moins lisse que ne le laisse supposer son sourire … Des refrains pour (se) raconter via une poésie du quotidien et des sentiments qui font chaud au cœur et/ou qui obligent à se remettre en question.

Deborah Elina a séduit le public sans en rajouter, sans se forcer à plaire. Juste une talentueuse simplicité mise en relief avec sensibilité par celui qu’elle appellera après ce concert “mon fidèle pianiste très applaudi ” :  Jonathan Goyvaertz. 

Le  nom de cet efficace musicien aura été hélas noyé par les applaudissements saluant la chanteuse qui gagnerait sans doute à s’affirmer un peu plus sur scène. Pas grave, car cette auteure-compositrice-interprète a tout d’une grande : l’inspiration, le timbre de voix, et surtout l’inspiration pleine de nuances qui irrigue son répertoire.

Encore faut-il que les médias la suivent dans son évolution et ne la résument pas à sa collaboration avec Marc Lavoine … ou au clip “Les Bruits du coeur” inspiré du milieu médical et dans lequel apparait le médecin-animateur télé Michel Cymes.

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Le 1er album a bénéficié d’une chronique détaillée sur le site de Claude Fèvre

 

“UN ALBUM PROFOND ET SÉDUISANT”

A Gambsheim, son tour de chant aura mis en relief les titres du CD “Les bruits du cœur”. Un premier album qui a incité Claude Fèvre au commentaire suivant sur son site “Chanter c’est lancer des balles”:

“Sans aucun doute Deborah Elina signe là un album profond, séduisant musicalement surtout si l’on songe à la plus jeune génération. Encore faudrait-il qu’il puisse l’atteindre ! Pour l’heure nous disons notre enthousiasme et notre impatience à découvrir ces chansons là en scène”.

 

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Photo parue sur la page Facebook de Pascal Frank

 

 “DEUX ARTISTES EN ADÉQUATION AVEC LA PROGRAMMATION DE FRÉQUENCE VERTE”

En somme mission accomplie pour cette grande première signée Pascal Frank, le directeur des programmes de Fréquence Verte : ” En proposant deux artistes sur scène avec Fréquence Verte, j’ai voulu être en adéquation avec notre programme radio. Créer la surprise avec des facettes parfois cachées d’un artiste reconnu Nicolas Peyrac Officiel, et proposer la découverte d’une jeune artiste pleine de talent Deborah Elina Perso .

Je suis ravi que dans l’article des Dernières Nouvelles d’Alsace tous deux soient mis en avant, que cette osmose ait été ressentie par P.K l’auteur de ce papier. Chacun dans ce spectacle a eu sa place, rien ne me pouvait me faire plus plaisir”.

Le prochain concert organisé par Pascal Frank sous l’éghide de Fréquence Verte est prévu le 19 octobre, tiujours à l’EcRhin de Gambsheim. Au programme la québécoise Diane Tell et … et une première partie assurée par un(e) artiste émergeant qui gagne assurément à être (re)connu.

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Dernières Nouvelles d’Alsace, 30 avril 2019

 

 TOUJOURS LE BESOIN D’ÊTRE ET NON DE PARAITRE

 

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Bref échange après le concert avec remise d’une copie de l’article paru en février dans Le Quotidien de la Réunion (Photo ANTOINE JACOB)

“Ah oui, j’avais vu cet article récemment paru sur Facebook” m’a-t-il lancé lors de notre bref échange, après le concert.

Cet article avait paru en février 1981 dans le supplément TV-Loisirs que j’avais alors créé au Quotidien de la Réunion. Et déjà à l’époque, au micro de Bernard Vitry et Claude Gruson, Nicolas Peyrac insistait sur cette pratique du matraquage d’une seule chanson au détriment des autres.

Un constat encore plus fracassant aujourd’hui … vu les nouvelles méthodes de médiatisation, l’importance des réseaux dit sociaux et l’incessante rotation d’une actualité qui se renouvelle sans cesse jour et nuit, notamment via les chaines d’infos permanentes.

Au fil des décennies, Nicolas Peyrac a vécu plusieurs vies entre plusieurs pays, plusieurs cultures. Reste une évidence : une authenticité nourrie du besoin d’être et non de paraître qui l’incite aujourd’hui plus que jamais à continuer à créer et à chanter alors que le système médiatique a totalement changé depuis les années 70.

Chapeau l’artiste !

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Février 1981, Quotidien de la Réunion

 

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TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

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