Un premier album, c’est évidemment une étape essentielle pour un artiste. Et d’autant plus pour Colombe Barsacq qui aura mis plusieurs années de franchir le pas, alors que son parcours s’enracine dans nombre d’initiatives individuelles et collectives marquées, entre autres, par des spectacles chantsignés.
Oui je parle des spectacles mettant en valeur la langue des signes, comme en témoigne le parcours de cette artiste formée aux arts de l’acteur, du clown et du chant.
D’où une initiation à différentes approches de la voix comme en témoigne son expérience développée avec force références sur le site du spectacle vivant en français et langue des signes française.
PIONNIÈRE D’UNE “PASSERELLE ENTRE DEUX MONDES, CELUI DU SILENCE ET CELUI DE LA MUSIQUE”
Durant plusieurs années, au sein d’International Visual Theater (direction Emmanuelle Laborit), elle a œuvré avec détermination, pour que artistes et public puissent se rassembler dans un même espace, qu’ils soient sourds ou entendants. Initiée au chansigne et devenue bilingue en Langue des Signes Française, elle est devenue directrice artistique de CRé qui produira ses spectacles et son nouvel album.
“En tant que femme et artiste, je souhaite contribuer à un changement de regard sur la différence, par l’art comme par l’amour. L’amour n’a ni couleur de peau, ni sexe, ni handicap, ni frontières.
En conséquence, je cherche à tracer un chemin artistique exigeant, qui intègre une dimension devenue un symbole de lutte pour l’émancipation : la Langue des Signes. J’étais pionnière en 2009, en créant une passerelle entre deux mondes, celui du silence, des signes et des Sourds et celui de la musique. J’invite des artistes qui chansignent à mes côtés. Je reste fidèle à ce partage, quasi chorégraphique, du sens de la chanson. Il reste toujours tant à faire”.
C’est à 13 ans que Colombe commence le chant classique, avec Karin Trow, pianiste, chef d’orchestre, compositrice et chanteuse allemande (1935-2002). En parallèle à des études de réalisation audiovisuelle puis de mise en scène, elle explore des univers sonores très variés : chant diphonique, chant choral, jazz, etc. Elle se forme avec le Roy Hart et suit régulièrement des stages au Studio des Variétés. A partir de 2016, elle se perfectionne au sein d’Harmoniques où elle rencontre Géraldine Ros. Avec cette compositrice, chanteuse, professeure de chant, elle approfondit le travail scénique et le coaching vocal.
“DU TEMPS, DE L’ÉNERGIE … ET TANT DE RENCONTRES ARTISTIQUES, HUMAINES ET CRÉATIVES”
Pas de doute, la patience aura été de rigueur pour qu’arrive enfin ce 1er opus résultant d’un efficace travail d’équipe aussi professionnelle que décontractée, à en juger par les coulisses de l’enregistrement de “Sous les étoiles” dans une vidéo de plus de 9 minutes.
A visionner pour comprendre la talentueuse détermination de cette artiste. Dans cette vidéo de présentation des coulisses elle “signe” en présentant son envie de produire “Sous les étoiles” dans une version bilingue en FR/LSF. Et la chanteuse de préciser : “En effet, à ce moment là je ne Chansigne pas. Je suis en train d’utiliser la Langue des Signes Française (LSF) dans son expression quotidienne et non dans un geste artistique”.
Bon et l’album alors ?
“Pour aller au bout de ce rêve, et réussir à le produire, il m’en aura fallu du temps et de l’énergie : presque 4 ans, et tant de rencontres artistiques, humaines et créatives, et réussir à réunir des compositions pleines de grâce et des musiciens bouleversants. Mais le pari fut tenu, malgré les crises de l’Histoire, malgré la Covid et son cortège d’enfermements”.
Pas évident, ou plutôt impossible d’enfermer Colombe dans un seul registre si ce n’est celui de la chanson d’expression française.
Une fois cette évidence rappelée, embarquement immédiat vers des accents jazzy, reggae, pop, … et aussi des escales du côté d’une douce nostalgie du côté de la Rue Lamartine … et dans un autre registre d’un son reggae avec “Je t’attends”. Assurément deux de mes titres préférés. Mais attention, il ne résume pas du tout atmosphère globale de l’album si on se contente d’écouter ces deux chansons !
Au fil des 12 chansons, Colombe chante et parle, murmure et s’emporte, et aucune d’elles ne ressemble à l’autre. Entre douceur et intensité, “7eme ciel” est peut-être le titre qui symbolise le mieux cet album marquées par des ruptures de rythme dans plusieurs mélodies. Un CD qui débute sur le titre éponyme à l’origine d’un clip de toute beauté tourné sur l’Île le Bréhat, lieu de son enfance.
A regarder jusqu’à la dernière seconde pour en savourer la vue aérienne de ces images entre ciel et mer !
SE FAIRE UN PRÉNOM : PARI RÉUSSI POUR COLOMBE
Cet album m’a touché pour plein de raisons, à commencer par un constat : pour l’avoir écouté plusieurs fois, je peux dire que j’y ai chaque fois découvert de nouvelles nuances dans la voix, dans les accompagnements.
Et ça fait du bien d’avancer ainsi en étant encore surpris; d’autant plus que Colombe – auteure de tous les textes – n’hésite pas ici et à se livrer.
Peut-être à se délivrer aussi car son patronyme vous fera évidemment penser à André Barsacq … ce qui ne laissera pas indifférent ceux qui s’intéressent à l’Histoire du théâtre en France. Et, bien sûr, du Théâtre de l’Atelier …
Porter un (si) illustre nom n’est peut-être pas de tout repos. Le réflexe d’évoquer, de comparer, de faire allusion au(x) membre(s) de la famille déjà connus ne doit surtout pas sous-estimer, voire occulter ou mettre entre parenthèses sa propre personnalité. Se faire un prénom aura donc été une nécessité pour Colombe d’origine française, russe, suédoise, et assurément grande voyageuse.
Et “Sous les étoiles” est synonyme de pari réussi pour cette cette chanteuse, auteure, compositeure et metteure en scène. Cet album, elle a commencé à l’écrire durant un séjour au Québec marquée par bien des rencontres : “C’est sur une route de nuit entre Québec et Montréal que j’ai commencé à écrire Sous les étoiles. Je l’ai imaginé comme une bulle intime et insolite … vusicale : à la fois un bel objet, un premier album dans un écrin, un coffret avec un CD, un vinyle, un concert et un spectacle de ChanSon et de ChanSigne.
Dans mes chansons j’ai inscrit les rythmes de mes voyages, celui de la marche quand le temps se repose, ou celui de la houle qui d’une vague soulève les cœurs et les bateaux, ou celui du martèlement des rails sous les roues du train. J’ai presque fait le tour de la planète”.
UN CD A ÊTRE MIS EN VALEUR À LA RADIO ET LA TÉLÉ
Je suis très heureux que divers passionnés de chanson aient parlé de cet album qui gagnerait évidemment à être mis en valeur sur les radios et les télés grand public.
“Sous les étoiles est le premier album long de Colombe, annoncé par un EP de cinq titres, Marchande de rêve. Dans l’album sont invités le célèbre harmoniciste Diabolo Diabolux rencontré notamment avec Higelin, Denis Piednoir aux guitares, Mohammad Sadeghin à la basse, aux enregistrements et au mixage, avec également saxo, violoncelle et batterie” indique Catherine Laugier sur Nos Enchanteurs, le quotidien de la chanson .
“JE VOUS INVITE À CE QUI EST RADIEUX EN NOUS, AU-DELÀ DES DIFFICULTÉS DU JOUR”
Bref, vous l’aurez compris, je vous recommande vivement ces chansons mises en mots par Colombe Barsacq et en musique par Michel Trillot et Denis Uhalde.
A noter aussi sa chaine Youtube aux nombreuses vidéos à découvrir sans se presser. Car les chansons de Colombe parlent au cœur, à des années-lumière des refrains préfabriquées et des tubes aussi creux qu’éphémères.
Laissons le mot de la fin à cette artiste dont l’album vibre d’une intense sensibilité. Ce qui n’exclut évidemment pas une incontestable lucidité. D’où ses interrogations :
” Qu’est-ce qu’être une femme aujourd’hui, dans sa force vibrante et sa vulnérabilité ?
Qu’est-ce qu’être femme au-delà d’être soumise ou fatale, pure ou perverse, amoureuse ou volage ?
Qu’est-ce qu’être femme que l’on soit en situation de handicap ou non, que l’on ait moins de 50 ans ou plus ?
D’Ève, la marchande de rêves, à Loin de tes bras, de la Rue Lamartine à l’Alpha et l’Omega, de Sous les étoiles au 7e ciel, tous ces titres cherchent à dessiner les constellations de ce que nous sommes, et de ce que nous désirons être. Tout est dit, tout est là : je vous invite à ces voyages, à ces musiques de l’autre en soi, à ces danses de chansons, à ce qui est radieux en nous, au-delà des difficultés du jour”.
Albert WEBER
Photos Armelle Yons (portraits) et Gilles Crampes (scène).
SOUS LES ÉTOILES EXACTEMENT est un amical clin d’œil au titre de l’émission nocturne (hélas disparue) de Serge Levaillant sur France Inter. Un programme diffusé de 1997 à 2013 avec des invités chantant en direct, notamment des talents acadiens que j’ai eu le bonheur d’accompagner plusieurs fois en studio.
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