Paul Barbieri ? Si ce nom n’évoque pas (encore) de souvenirs de concerts ou d’albums, pas étonnant. Car la voie choisie par cet auteur-compositeur-interprète n’est pas des plus évidentes pour retenir l’attention du grand public.

En témoigne son deuxième album, “Tout est fini depuis le début”, dont les 13 chansons illustrent l’univers doux-amer de cet inclassable créateur.

 

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GRAVITÉ EXTRÊME ET TENDRE IRONIE”

“C’est à 33 balais que, déjà un peu usé par l’impitoyable monde moderne, Paul vient désormais jeter à la face du monde ses chansonnettes mélancoliques et brumeuses. Alcool, poésie du XIXe et football restent ses principales sources d’inspiration.

Le voyage que propose Paul est troublant comme un strip-tease de l’âme. La poésie est rocailleuse, chaude, mélancolique et parsemée d’humour. Ainsi se mêlent gravité extrême et tendre ironie, un peu comme si le souvenir des jours heureux suffisait à illuminer le présent. De concert en concert, de clope en clope, de bière en bière, Paul avance dans le monde. “.

Pas très réjouissant comme “auto-présentation”, c’est certain !

Le répertoire de Barbieri est à déconseiller aux déprimés ayant envie et besoin de se remonter le moral. Alors sans tarder mettons les choses au point. Car d’emblée une précision de taille s’impose. Ici pas de mélodies entraînantes qui vous incitent à taper dans les mains.

Quant à retenir l’attention des “grands médias”, c’est pas gagné non plus. Mais croyez-moi, chez Barbieri, il y a bien autre chose que des paillettes aussi scintillantes qu’éphémères. Rencontre avec un auteur-compositeur-interprète nourri de références qui l’incitent à se surpasser.

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Strasbourg, novembre 2016, salut final d’un concert à domicile avec Thomas Valentin

 

 “DES ROUTES” : “UNE ÉTRANGE DÉMARCHE”

Pour vous situer le personnage, rappelez-vous par exemple les textes pas très joyeux du groupe Vendeurs d’Enclume. distillés par Valérian Renault.

L’intense réalisme de Barbieri fait parfois penser à Allain Leprest et à Mano Solo … deux des repères de cet artiste également sensible à Barbara et Rimbaud.

Voilà, le ton est donné à ce CD sorti courant novembre 2016. C’est la deuxième expérience solo pour Paul Barbieri. En 2014, il avait sorti un EP de six chansons dont le titre, “Des routes” peut aussi se changer au gré de votre humeur en “Déroute” !

“Merci à ma famille, mes potes et mes ex qui me soutiennent dans cette étrange démarche” avait alors indiqué le chanteur sur la pochette de cet enregistrement piano-voix réalisé avec Thomas Valentin qui y signait aussi les arrangements.

 

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 MUSICIENS : LE GRAND JEU

“Cette étrange démarche”, c’est aussi le fil conducteur de “Tout est fini depuis le début”. Paul Barbieri et Thomas Valentin ont remis ça avec ce nouvel album qui reprend “Vie de poète” et “Soupe de soleil”, deux chansons du premier enregistrement.

Mais attention, cette fois-ci Barbieri a sorti le grand jeu en mobilisant plusieurs autres musiciens …. ce qui colore cet album d’une ambiance douce-amère, très intimiste également. D’où ces 13 chansons déclinées avec force nuances en 47 minutes et 48 secondes…

“Plusieurs autres musiciens” ? Oui et pas des moindres à commencer par l’Ensemble Ethos clarinette, (violon, contrebasse, violoncelle, alto, violon). Ces musiciens professionnels diplômés de divers conservatoires, on les retrouve pour “Mon âme” et “L’amertume” : leurs cordes semblent apaiser, adoucir un lancinant mal de vivre chanté par Barbieri.

A ces musiciens s’ajoutent d’autres complices (guitare, batterie, percussions, harmonica) qui enrobent avec talent les sombres états d’âme de Barbieri … du genre “Je vocifère marin contre des vents de vide/ Des efforts de trop à l’océan avide/ Déridant les espoirs en un tapis d’argent/ je milite en rageant pour des drapeaux fanés/Aux couleurs du Néant”. (L’amertume”).

 

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 “AU LOIN LE SON D’UN BON VIEUX CHAMPIGNON”

Mention spéciale au climat suscité par “Ma tribu” sur laquelle Jeanne Barbieri pose sa voix. Une atmosphère à la fois désabusée et nostalgique, une lucidité arrosée par force alcools (cognac, armagnac, champagne, absinthe, eau-de-vie, champagne, etc)  …. alors que dans un “reste de whisky s’achèvent les plus belles utopies sans solution et sans réponse” !

L’autre chanson majeure, c’est évidemment “Champignon” ,  dont la première phrase donne le titre de l’album. Hé oui, ça va bien finir par péter et la planète va disparaitre puisque  “Tout est fini depuis le début” …

Alors comment s’occuper d’ici l’explosion finale ? 

Dans mon transat/ Vois, je m’épate/ J’entends au loin le son/ D’un bon vieux champignon” ! De quoi attendre la fin du monde, tranquillement allongé dans son transat “avec les dernières secondes qui seront les plus fécondes“.

Et pourquoi s’en faire … alors que “Dans nos gosiers, l’alcool et la fumée /Nous font rire/ Du monde désenchanté/ Qu’en finit pas d’crever” !

A noter dans les chœurs de ce  “champignon” destructeur, la participation de Paul D’Amour,  … ancien membre des Garçons Trottoirs et désormais lancé dans une aventure artistique en solo.

 

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 UNE MÉLANCOLIE TEINTÉE DE POÉSIE

Vous l’avez compris, c’est un album à ne surtout pas écouter si vous avez le blues … et un CD à prendre le temps de découvrir pour bien d’autres raisons …. une fois franchie la barrière des à-priori.

“Tout est fini depuis le début” reflète un univers où désillusion, mélancolie et mal de vivre se conjuguent sans cesse …. à l’instar de la poésie à fleur de peau de FredEmile Raymond : autre artiste (hélas) méconnu auquel j’avais consacré un portrait dans le trimestriel “Chorus, les cahiers de la chanson”.

Cette mélancolie, Barbier l’exprime aussi dans un autre registre, en reprenant “Je l’aime à mourir” de Cabrel. Une chanson qui ne figure pas sur cet opus … mais à découvrir ICI  … histoire d’écouter Barbieri sous un angle nouveau et cependant complémentaire de son nouvel album.

Alors pour en savoir sur cette personnalité étrange, il faut prendre le temps de discuter avec Barbieri. De l’inciter à se dévoiler … lui qui “a grandi avec les cassettes audio de ses parents (Georges Brassens, Pierre Perret, Barbara). Sous perfusion de langue française du côté de sa mère et de swing du côté de son père, l’adolescent mélancolique est balloté entre musique et poésie, entre piété mystique et fêtes populaires, entre philosophie et football de terroir“.

 

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 SCÈNES AVEC LA FANFARE PÉTARD, LARÉOSOL ET LA GARGAROUSSE

Passé par la faculté de musicologie et le conservatoire, Barbieri s’est d’abord lancé dans des aventures collectives avant d’avancer en solo. D’où nombre de scènes avec le groupe Laréosol (chanson française aux accents ska et rock!) où il s’affirme entre trompette, chant, claviers et aussi comme parolier.

Autre expérience avec La Fanfare en Pétard : ici pas de mélancolie à fleur de peau mais ’énergie des cuivres, quelques samples, du rap et une fusion hiphop, dub, jazz efficace” ! Un groupe qualifié d'”électro brass band” par ce créateur résolument loin des sentiers battus.

Sacré Paul ! L’artiste – que n’aurait pas renié Baudelaire et son spleen – vient de s’embarquer avec La Gargarousse avec Olivier et Julien Lindecker, et Hubert Kieffer : un groupe célébrant vin et poésie avec en guise de slogan “Qu’importe la chanson pourvu qu’on ait l’ivresse“.

 

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“CE PUTAIN D’ALBUM QUI M’A COUTÉ UN BRAS”

Dommage que le livret de ce nouveau CD ne présente pas tous les textes des toutes les chansons. N’y sont publiés intégralement que les paroles de “Poème dégueulasse” et “Pirogue”.

Barbieri a préféré glisser ici et là quelques extraits de textes, ainsi qu’ “un mélange de photos de films italiens des années 70 (qui évoquaient la décadence avec élégance) et de photos de mes grands-parents disparus entre 2010 et 2015″.

Oui vraiment dommage, car Barbieri a le sens de la formule poétique : “Regarde bien/Derrière l’éther/ Combien d’anges se terrent/ Jusqu’à l’armagedon/C’est un trou noir dans nos mémoires” (“Mon âme”).

Enregistré et mixé par Eric Gauthier-Lafaye au studio Downtown, À Strasbourg, entre juin 2015 et juillet 2016, cet album a été mastérisé par Robin Schmidt au studio 24-96 à Karlsruhe. S’il  a enfin pu sortir, c’est grâce à un financement participatif …. d’où ces propos de Barbieri : “Merci à toutes celles et ceux qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre à accoucher de ce putain d’album qui m’a coûté un bras”.

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 UN DOCUMENTAIRE RÉALISÉ PAR MARIETTE FELTIN

C’est sûr, Barbieri ne laisse pas indifférent. Soit on est conquis par son désenchantement poétique, soit on s’enfuit loin de ses idées noires.

Je m’en suis rendu compte lors de la première rencontre, samedi 23 janvier 2016, lors d’un concert à domicile auquel je m’étais rendu avec l’Acadienne Carol Doucet – incontournable professionnelle du milieu artistique francophone – de passage à Strasbourg.

Cette soirée ayant réuni une quarantaine de personnes, elle m’avait laissé sur ma faim, et malgré le talent de Paul Barbieri et de son pianiste Thomas Valentin, je n’avais pas vraiment accroché à cet univers des plus sombres.

Changement de perception le 12 novembre 2016 lors d’un nouveau concert à domicile. Toujours à Strasbourg et en compagnie d’une cinquantaine de personnes conquises par ces “chansons noires” … entrecoupées d’interventions parlées suscitant sourires et rires.

Cette excellente initiative aura permis d’alléger l’ambiance pessimiste distillée au gré des refrains et, c’est certain, de mieux apprécier ce répertoire.

A noter enfin que ce concert a été filmé par la cinéaste Mariette Feltin, en vue d’un documentaire “sans doute d’une heure” selon le chanteur qui ajoute : “Il devrait être prêt pour l’automne 2017″. Nous y reviendrons en temps voulu.

 

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A droite, dans l’ombre, la réalisatrice Mariette Feltin

 TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

En savoir plus ICI sur cet album et ICI sur Paul Barbier

Site de la réalisatrice Mariette Feltin