Ce 26 août 2013 marque le premier anniversaire de la disparition de Christopher J. Reed, à 61 ans durant un séjour en République dominicaine

Inconnu du grand public sensible à la chanson francophone d’Amérique du Nord, il aura été un attachant et incontournable repère du milieu artistique québécois. Et aujourd’hui plus que jamais, il est un exemple pour ses pairs.

Né à Londres en 1951 et arrivé au Québec à la fin des années 60, il fonde en 1973 les Éditions Intermède Inc. Il va ainsi gérer les catalogues de Gilles Vigneault, Robert Charlebois, Diane Tell, Sylvain Lelievre et Jim Corcoran, Jean-Pierre Ferland, etc.

En 1986, il crée Intermède Média, division des Éditions Intermède dédiée à la production et à l’édition de musiques de librairies.

La création d’un prix portant son nom remet en mémoire le rôle assurément sans précédent assuré par Christopher J. Reed dans le monde de l’édition musicale au Québec, et plus globalement à travers tout le Canada !

 

 

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Conseil d’administration de l’APEM 2007 : Christopher J. Reed, Jehan V. Valiquet, Daniel Lafrance, Carol Ryan, Guillaume Lombart, Sébastien Nasra (Photo Diane Lamarre)


 Daniel Lafrance est le lauréat de la première édition de ce prix remis le 19 juin 2013 par l’Association des professionnels de l’édition musicale, salle Stevie Wonder,  Maison du Festival Rio Tinto Alcan, à Montréal.

Retour sur cette grande première précédé d’un débat organisé par l’APEM sur le “métier d’éditeur au Canada et en France : différences et similarités” dans le cadre des Rendez-vous pros des Francos.

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Adel Kaddar et Jean V. Valiquet invités du panel animé par Joëlle Bissonnette

Adel Kaddar et Jehan V. Valiquet : échanges sur le métier d’éditeur entre France et Québec

Vaste sujet que celui de ce panel animé par Joëlle Bissonnette (Cordonnatrice – Communications et représentations de l’APEM).

Tout en lançant une série de questions, elle a laissé carte blanche aux deux invités qui ont dialogué en toute liberté, avant de répondre à quelques questions de l’assistance composé de nombreux professionnels de l’industrie musicale.

Adel Kaddar, directeur artistique chez Warner Chappell Music France, et Jehan V. Valiquet, fondateur du Groupe Éditorial Musinfo Inc. s’en sont donné à coeur joie pour braquer chacun ses projecteurs sur diverses facettes de leur profession : un domaine peu connu du grand public davantage attentif à celles et ceux qui font la une de l’actualité artistique entre concerts et festivals, nouveaux albums et tournées à travers le Québec voire ailleurs.

L’APEM a efficacement collaboré à ce panel sur le métier d’éditeur au Canada et en France : différences et similarités : une initiative organisée dans le cadre des 3èmes Rendez-Vous Pros des Francos

La rencontre aura été d’autant plus intéressante qu’elle a mis en évidence nombre de passerelles mais aussi de décalages entre le métier d’éditeur des deux bords de l’Atlantique !

Signée Live Toune, une vidéo de près de deux heures résume les événements : débat sur l’édition musicale au Québec et en France … puis à partir de 1h32 m, remise du Prix Christopher J. Reed avec entres autres les discours de David Murphy et Françoise Morin.

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Vue partielle de l’assistance durant le panel avec au premier rang les artistes Anne Bisson et Karim Ouellet

Vidéo du panel et de la cérémonie

Album photo de l’APEM : les deux événements

PF CHRISTOPHER DANIEL PRIX

Daniel Lafrance, récipiendaire du 1er Prix Christopher J. Reed

Daniel Lafrance : “Les succès qu’il connaît et le grand respect que lui vouent ses pairs qui lui ont valu cet honneur”

Actif dans diverses associations et sociétés de gestion au fil des ans, Christopher J. Reed a été membre fondateur de l’APEM, siégeant à son conseil d’administration à titre de vice-président de mai 2002 à mai 2011. En en 19 mai 2011, le CA l’avait nommé membre honoraire de l’APEM.

Daniel Lafrance est donc le récipiendaire du 1er Prix Christopher J. Reed décerné par l’Association des professionnels de l’édition musicale.

Selon l’APEM, Il sera remis annuellement à “une personne engagée dans sa communauté professionnelle, qui témoigne d’un grand respect des créateurs et du droit d’auteur et dont la contribution pour l’exercice et la reconnaissance de la profession d’éditeur musical est exceptionnelle”.

Cette première cérémonie instaure “une tradition qui représente un jalon important de l’histoire de notre association. Si elle reconnaît et salue le travail qui a été fait, cette nouvelle tradition souligne également le travail qu’il reste à faire pour défendre collectivement les intérêts des éditeurs musicaux et pour promouvoir la profession”.

Pas étonnant donc que ce prix ait été décerné à un professionnel qui connaît d’autant mieux l’édition musicale qu’il a aussi été fort actif sur scène ! Les deux pochettes de 33 Tours montrés par Daniel Murphy, président de l’APEM, témoignaient avec force de l’étonnante trajectoire de Daniel Lafrance

Le récipiendaire 2013 du Prix Christopher J. Reed est directeur général d’Éditorial Avenue : “Une des principales maisons d’édition indépendantes au Québec. C’est son grand engagement dans son milieu professionnel, la probité avec laquelle il exerce son métier, les succès qu’il connaît et le grand respect que lui vouent ses pairs qui lui ont valu cet honneur”.

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Montréal, 19 juin 2013 : Pierre-Luc Durand, David Murphy, Daniel Lafrance, Françoise Morin et Guillaume Lombart

“La contribution de Christopher J. Reed pour l’avancement de l’édition au Québec a été primordiale”

“Collaboratrice et amie de Christopher”, selon l’expression de David Murphy, Françoise Morin est une éditrice d’origine française : elle a non seulement travaillé avec Christopher Reed mais également assuré la pérennité de sa société, suite à son décès.

En guise de préambule, Françoise Morin a d’abord félicité l’APEM pour “la belle idée qu’ils ont eue de reconnaître l’apport de Christopher au monde de l’édition.

Beaucoup d’entre nous ici ont eu la chance de connaître Christopher Reed. Beaucoup d’entre nous savent que sa contribution pour l’avancement de l’édition au Québec a été primordiale.

Un prix portant son nom est notre façon de préserver sa mémoire pour ne jamais oublier son passage parmi nous ni le travail qu’il a fait et qui, aujourd’hui, nous permet d’écrire un nouveau chapitre”.  

Face à la salle comble, celle qui est désormais à la tête d’Intermède créé par Christopher a précisé, avec une réelle émotion : “Vous êtes tellement nombreux aujourd’hui à vous être déplacés en l’honneur de Daniel…. Merci beaucoup.

 Je tiens à vous dire que Christopher aurait été très content que le premier prix décerné en son honneur soit remis à Monsieur Daniel Lafrance!”.

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Assemblée générale de l’APEM en 2010 : Christopher J. Reed, Daniel Lafrance et Jehan V. Valiquet (Photo Diane Lamarre)

 

Christopher aimait passionnément son métier. Il aimait les artistes, la musique, la poésie, il aimait la langue française et surtout le Québec”

Dans son discours en grande partie rédigée par Robin-Joël Cool, Françoise Morin a ainsi évoqué la mémoire de son ami Christopher : “Il a été quelqu’un de très important pour moi, il a définitivement marqué ma vie. Christopher aimait passionnément son métier.

Il aimait les artistes, la musique, la poésie, il aimait la langue française et surtout le Québec.

Il gardait souvent près de lui des phrases comme :”Grand voilier d’aujourd’hui, barque en oubli demain, la chanson n’a jamais voulu de capitaine”.  Oui, Christopher était pour l’édition ce jeune mousse parti au secours d’un bateau à la dérive.

 Christopher Reed est né à Londres et a été élevé en alternance à Londres et Montréal.

 Au début des années 70, il assiste à un spectacle de la magnifique Pauline Julien, spectacle dont il est sorti chaviré et qui lui a fait découvrir sa vocation.

Très rapidement il se lie d’amitié avec des artistes de l’époque et rencontre Frank Furtado avec qui il fonde Intermède. À cette époque les maisons de disques géraient automatiquement les éditions.

Intermède proposait une alternative aux artistes.

Il représentait Gilles Vigneault, Charlebois, Jean-Pierre Ferland, Louise Forestier… et bien d’autres. L’édition était chaotique, confuse, le métier n’était pas encore très bien défini et tous pouvaient s’improviser éditeurs.

Christopher a appris son métier au fur et à mesure”.

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 “Il était passionné et savait comment transmettre son enthousiasme à ses collaborateurs” (Photo Jehan V. Valiquet) 

“Toujours souriant, il avait le mot juste pour vous remonter le moral”

Étonnante anecdote que celle racontée par Françoise Morin à l’assistance.

Christopher m’a déjà raconté qu’il avait signé son premier contrat d’édition avec Vigneault sans parler un mot de français. Ce qu’il rectifiera rapidement à tel point que lorsque quelqu’un s’adressait à lui en anglais par politesse, Christopher continuait la discussion en français comme si de rien n’était.

 Dans la vie, je dois dire qu’il était un bon vivant.

Toujours souriant, il avait le mot juste pour vous remonter le moral. Même s’il pouvait parfois avoir ses sauts d’humeurs, il ne gardait rancune envers personne. Il était passionné et savait comment transmettre son enthousiasme à ses collaborateurs.

 Oui, Christopher était un homme bien particulier avec un charisme irrésistible.

 Il avait cette façon particulière de se présenter; toujours bien habillé, une très bonne répartie et ce sens de l’humour britannique qui le rendait si sympathique.

 Quiconque ne le rencontrait qu’une seule fois tombait sous son charme.

J’ai rencontré récemment un éditeur australien qui était tout ému en me parlant de Christopher et en m’expliquant à quel point il avait été marqué. J’ai réalisé ensuite qu’ils ne se sont jamais rencontrés, ils se sont seulement parlé au téléphone.

Sous les apparences, je dois dire qu’il était foncièrement discret. Il était d’une grande humilité. Il ne parlait presque jamais de lui, préférant mettre le travail au premier plan.

Il était curieux et à l’écoute des autres, des artistes pour lesquels il a travaillé, à l’écoute du milieu artistique et de ses défis, il était toujours à la recherche de nouvelles approches.

Comme Daniel Lafrance que nous célébrons aujourd’hui, il a été un bâtisseur. Je dirais même un défricheur”.

Et Françoise Morin de conclure son intervention de la sorte : “Christopher était très fier d’appartenir à cette communauté d’éditeurs.

La création d’un prix qui porte son nom nous permettra de nous souvenir de l’homme bien sûr, mais aussi de sa contribution indéniable pour l’avancement de l’édition au Québec, de son effort à faire reconnaître cette profession, sa contribution à la défense de la langue française et aux rayonnements de la culture québécoise à l’étranger”.

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Discussion à bâtons rompus entre Daniel Lafrance et Françoise Morin

“Un travail colossal au fil d’une quarantaine d’années d’activités professionnelles, doublé d’un sens de l’étique irréprochable”

“J’ai la conviction que Christopher serait tout aussi honoré que nous de votre présence” déclarait David Murphy, s’adressant à Guy Latraverse en guise d’introduction, après avoir remercié les FrancosFolies de Montréal pour leur soutien à cette “toute première remise de prix”.

Professionnel de premier plan dans le milieu artistique québécoise, Guy Latraverse est notamment -cofondateur du Gal de l’ADISQ et co-fondateur des FrancoFolies de Montréal dont il assure la vice-présidente depuis 1989.

 “Éditeur aimé, apprécié, respecté de tous qui nous a quitté, trop tôt, en août dernier, et de qui nous ferons désormais vivre la mémoire par ce prix qui porte son nom” : M. Murphy a ainsi évoqué la mémoire de Christopher : “Juste et honnête, toujours fair-play. Il a toujours travaillé dans l’intérêt collectif de ses pairs”.

D’où “un travail colossal au fil d’une quarantaine d’années d’activités professionnelles, doublé d’un sens de l’étique irréprochable. Chris était et demeure un exemple pour tous les éditeurs.

Il a énormément contribué à l’avancement des éditions au Québec et au Canada. Pouvez-vous imaginer le temps investi bénévolement au bénéficie de ses pairs ?”.

Puis, s’adressant à Daniel Lafrance, le président de l’APEM affirmait : “Si Daniel n’avait pas œuvré dans le domaine de l’édition, il aurait pu défendre une cause face à l’injustice et l’iniquité. Comme Christopher, Daniel n’est pas du pas du genre à parler de lui”.

“Ce ne sont pas les paroles qui restent mais les actions posées pour changer les choses. Il représente des répertoires nationaux et internationaux prestigieux. Sa contribution au sein de notre communauté professionnelle aura été déterminante” ajoutait M. Murphy, en mentionnant les Productions Daniel Lafrance et les Éditions du 5 juillet

Un extrait de “La Nuit des Rois” de Shakespeare a aussi été lu par M. Murphy : “Ce texte résume bien la pensée de Chris, sa passion pour la musique, pour les auteurs et pour l’art”


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Daniel Lafrance en compagnie de Me Serge Provençal, auteurs de “L’édition musicale, de la partition à la musique virtuelle”

Sur grand écran, témoignages de Me Serge Provençal et Michel Cusson

Saluant notamment “l’engagement exceptionnel et remarquable de Daniel Lafrance dans sa communauté professionnelle “, M. Murphy a précisé quece prix n’est pas exclusivement réservé à des éditeurs”.

A relever aussi la diffusion sur grand écran de deux témoignages : celui de Me Serge Provençal co-auteur avec Daniel Lafrance du livre “L’édition musicale, de la partition à la musique virtuelle”; Michel Cusson ancien membre de UZEB qui “apprécie le côté zen et calme” du récipiendaire.

En guise de conclusion, le président de l’APEM a mis l’accent sur un trait de caractère de Daniel Lafrance : “A première vue un calme inébranlable mais en fait c’est un guerrier. Il a fait et continue de faire une exceptionnelle carrière. Sa feuille de route est incomparable”.

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David Murphy présente les deux albums du groupe Solstice

 

Solstice entre “Mirage et “Espresso”

En préparant ce dossier sur le 1er Prix Christopher J. Reed, l’envie de découvrir sur internet le jeune musicien Daniel Lafrance était ÉVIDEMMENT des plus tentantes !

Et on y retrouve effectivement trace de Solstice, “un des rares groupes de Jazz rock québécois fondé en 197- avec Claude Bourdon  (Le Devoir, novembre 1980).

1976 sera aussi l’année des premiers pas de Daniel Lafrance dans le milieu de l’édition. Guitariste et compositeur, il deviendra aussi gérant d’artiste gérant de tournée, producteur de disques.

Oui, déjà en 1976 et pour cause, comme l’explique avec force détails “Le Devoir” (20 février 1980) : “Comme la plupart des groupes qui s’évertuent à faire de la musique originale et recherchée, Solstice n’a pas la vie facile. Les contrats de scène sont rares et les maisons de disques se montrent la plupart du temps complètement indifférentes.

Devant l’impasse d’une industrie peu propice à l’épanouissement, Solstice et surtout son leader Daniel Lafrance furent à l’origine de la maison de production Cadence, une maison indépendante qui a déjà à son actif la production et la sortie de six microsillons du jeune  jazz québécois”.

 Rappelons que Solstice était formé au début de Daniel Mathieu (basse), Michel Martineau (clarinette), Daniel Lafrance (guitares, percussions) et Gilles Dozois (batterie, percussions. Pour le deuxième album, Yves Nadeau a remplacé Daniel Mathieu à la basse et le groupe s’est enrichi de Jean-Yves Robillard (clavier, percussion, synthétiseurs).

“Mirage” en 1978 et “Espresso” en 1981 : Solstice aura enregistré deux “albums purement instrumentaux qui allient le jazz et le rock, ce que l’on a qualifié de jazz-fusion ou de jazz contemporain à l’époque”.

Précisions sur Solstice :

http://www.biographiesartistesquebecois.com/Artiste-S/Solstice/Solstice.html

 

 

 

 

PF CHRISTOPHER FRANCOISE DISCOURS

Françoise Morin, collaboratrice et amie de Christopher

CHRISTOPHER J. REED : “Mon rêve c’est d’établir un réseau de diffusion mondial pour la chanson québécoise”

Evoquons à présent la mémoire de Christopher avec cet extrait du discours de Françoise Morin inspiré d’un article qui lui avait été consacré.

“Il suffit à Françoise Morin de demander à Christopher Reed la définition du métier d’éditeur de musique et de chansons pour qu’il esquisse un sourire narquois.

Au Québec comme au Canada et aux États-Unis, le métier d’éditeur est ingrat, à peine reconnu, peu apprécié, un métier que l’on dit volontiers inutile.

C’est précisément dans ces pays que le droit d’auteur est le plus bafoué par les multinationales du disque, le plus galvaudé par les producteurs. Et qu’il rapporte le moins aux principaux intéressés, les auteurs.

En France, la perception automatique de redevance sur la vente de disques peut rapporter à son auteur jusqu’à 75 cents, soit 8 % du prix de vente au détail.

Au Québec il ne rapporte que 24, soit 2 cents par chanson, un tarif de base qui remonte à 1924 et qui n’a jamais été indexé au coût de la vie!

Pas surprenant que le métier d’éditeur au Québec relève de l’extraordinaire, voire même de l’impossible.

Le jeune éditeur reste néanmoins confiant : “Mon rêve c’est d’établir un réseau de diffusion mondial pour la chanson québécoise.

Notre seule porte de sortie, c’est le marché international.

Il ne faut pas que les chansons québécoises meurent bêtement au Québec, mais qu’elles voyagent, que Charlebois soit chanté en flamand et Gilles Vigneault en japonais, que Diane Tell fasse parler d’elle au Brésil“.

 

 PF CHRISTOPHER bis BORI DANIEL LAFRANCE JEHAN

Daniel Lafrance entouré de Bori et

Jehan V. Valiquet

 

DANIEL LAFRANCE : “L’impression d’avoir accumulé l’énergie pour dix ans sans broncher”

 “Je me sens extrêmement bien ce soir : l’impression d’avoir accumulé l’énergie pour faire dix ans sans broncher”. C’est une des phrases-clés de l’entretien de dix minutes réalisé juste après la remise du prix. En voici les temps forts.

“Être le premier lauréat d’un tel prix, ça a un côté un peu bizarre. Etre le premier c’est un peu particulier !

D’autre part, en recevant ce prix, les gens vont dire que c’est une fin de carrière. Heureusement que David Murphy le dit avant moi sinon j’allais le dire ! Je vous avertis, ce n’est pas ma fin de carrière, j’en ai au moins pour 10 ou 12 ans encore !

Je suis très fier et très honoré, car ce n’est pas comme un prix comme “le meilleur éditeur de l’année” mais une reconnaissance générale et c’est très bien, très flatteur, surtout que le prix porte le nom d’un ami.

C’est ce qui me touche le plus en fait, le prix c’est le nom de mon ami”.

Comment définir Christopher en deux ou trois termes et adjectifs ? A cette question, le récipiendaire du Prix Christopher Reed répond :”Générosité, quelqu’un de très généreux, de très humain qui a aidé tout le monde. Quelqu’un de très patient … un des pionniers du vrai métier d’éditeur. … avec le désir d’aider les auteurs à se développer et à rayonner

Avant lui il y a eu des éditeurs dont le but était essentiellement l’argent. Christopher a apporté un angle très différent, ça a amené le respect du métier d’éditeur. Tous ceux qui vont dans cet esprit-là et font de la même façon qu’ils l’ont fait ; ça aide juste à développer le métier d’éditeur et ça aide les auteurs-compositeurs aussi”.

Et Daniel Lafrance d’évoquer des souvenirs personnels :

“Christopher a toujours été très gentil, mais dans ce milieu il faut aussi donner des coups de pied, et j’étais celui qui a donné des coups de pied.

J’ai l’air réservé et calme mais quand ça passe pas, quand ça ne va pas, je bouscule beaucoup. Quand je faisais ça, quand on était dans des conseils, quand je donnais des coups de gueule, Chris ne disait rien mais faisait un grand sourire du genre : “Ce n’est pas mon caractère de dire ça, mais merci Daniel de l’avoir dit”.

Moi je me choquais, lui ne se choquait pas, mais par contre derrière, on avait la même philosophie, la même façon de faire de l’édition”.

Fierté est le terme revenu plusieurs fois durant notre entretien : “Je pense que c’est ce dont je suis le plus fier, c’est que ce soit le prix qui porte le nom d’un ami et que mon nom y soit associé aussi.

Ce prix est symbolique et marque quelque chose. Cela fait au moins dix ans qu’on essaye d’établir comme il faut l’édition au Québec. Et là on a établi un prix dont l’objectif porte sur la carrière et la rigueur on pose une pierre là, et les autres qui vont recevoir le prix, ce sera pour les mêmes raisons. Ça veut dire que le métier s’est établi de façon définitive j’espère, de façon nette.

David Murphy disait que c’est un combat et que je suis un guerrier. Effectivement, tous les jours, je ne me bats … pas juste moi mais tous les autres éditeurs.

On se bat contre les gens qui ne respectent pas le droit d’auteur, et les auteurs. Et ca ne finira jamais, je me rendu compte de ça… c’est un combat éternel… parce qu’on est situé dans un endroit dans la chaîne de droit  et des fois on a l’air d’être le chaînon inutile, mais ce n’est pas ça ! Et il faut absolument créer notre place, je pense qu’on l’a fait, mais c’est un combat interminable : il ne va jamais s’arrêter !”.

Evoquant les disparités entre la France et le Québec mises en relief par durant le débat de l’APEM avec Adel Kaddar et Jehan V. Valiquet, (Groupe Éditorial Musinfo Inc.), Daniel Lafrance explique :

“A la base, le métier est le même partout. Mais après cela, ça dépend du contexte, et il est très différent !

Ici on est dans un pays en Amérique du Nord, pas en Europe… on est au Québec, c’est encore un autre contexte. Ici on emprunte à deux systèmes : le droit d’auteur français parce qu’on est francophone, et le système anglo-saxon en même temps. On jongle totalement entre les deux et ça pose des conflits, parfois. Ce n’est pas quelque chose qui se voit en Europe …

En France tout le monde est membre de la SACEM, de la SDRM,  et ici non ! Ici on peut être membre SODRAC ou rien du tout, c’est nord-américain…

Souvent les artistes pensent que c’est une question de business d’abord et avant tout. Mais quand ils ont un certain statut, ils préfèrent être indépendants, négocier en direct. Pour certaines choses, pour la gestion collective ça ne marche pas : il faut être membre des sociétés de gestion collective. Mais pour des choses individuelles, la synchronisation par exemple, parfois on est mieux servi par soi-même., pour faire la négociation en direct. C’est anglo-saxon comme façon de faire.

Il y a aussi les maisons de disques qui veulent être éditeurs de ceux qu’ils produisent.

Mais plus on est capable d’expliquer ce qu’est l’édition, lus les autres ne se prennent pas pour des éditeurs. Chacun son métier”

 

 

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 En 2006 Christopher J. Reed et Michel Conte reçoivent chacun une plaque soulignant le succès de la chanson “Évangéline, écrite 40 ans auparavant. Photo de Michel Gagné parue sur le site de la SOCAN lors du décès de Christopher

SYLVAIN LELIEVRE : «Christopher, tu es bon, tu es honnête»

 “Quand j’ai commencé à remplir le rôle d’éditeur musical pour Sylvain, j’ai été surpris par la confiance qu’il avait en moi.

 Je débutais dans le métier et je ne connaissais pas encore grand-chose dans l’industrie musicale, mis il me disait  toujours : “Tu es bon, tu es honnête…”

Sa simplicité d’approche dans ses textes, ses musiques, sa façon d’être, ainsi que ses pensées humanistes, la franchise e ses chansons, ce n’était pas évident pour accéder au palmarès radio.

On se regardait dans les yeux et on savait qu’on allait travailler  ensemble longtemps.

J’étais très content lorsque “Petit Matin” a commencé à jouer à la radio, très content aussi de pouvoir m’asseoir à table pour déjeuner avec Sylvain et Gilles Vigneault, très content également lorsqu’il était dans les bras de Monique…

L’amitié et les affaires ne sont pas toujours faites pour aller ensemble, mais dans notre cas le plaisir était des deux côtés”.

Ce texte est signé “Christopher J. Reed, Editeur, Intermède Communications Inc. (1951-2012)”. Témoignage publié dans “Toi l’ami Cent regards sur Sylvain Lelièvre”, ouvrage d’Elisabeth Gagnon et Monique Vaillancourt-Lelièvre.

Texte Albert WEBER,

Photos Albert WEBER, Diane LAMARRE, Jehan V. VALIQUET, Michel GAGNE,

Sources APEM, INTERMEDE, SOCAN

Chaleureux remerciements à Françoise Morin pour la réalisation de ce dossier sur Christopher J. Reed que je regrette de ne pas avoir eu la chance de connaître.[/box_light]

 

PF CHRISTOPHER PRIX