Certaines rencontres d’artistes sont assurément plus marquantes que d’autres. Plusieurs séjours à Astaffort m’ont permis de croiser nombre de jeunes talents réunis dans l’ancienne école de Francis Cabrel pour une expérience unique sous l’égide de l’association Voix du Sud.

Parmi ces regards échanges, ces conversations entamées, rares sont aujourd’hui les “astagiaires” avec lesquels le contact a été maintenu. Parmi eux, Pierre Donoré, originaire de Grenoble.

Son nouvel album “L’amour en deux” résulte de six ans de d’écriture et de composition. Il s’affirme avec aisance entre chanson à texte et variété de qualité.

 

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 ATTENTION AUX ÉTIQUETTES RÉDUCTRICES DE TALENTS

C’est sûr, il faut évidemment se méfier des étiquettes stéréotypées si faciles à coller sur un répertoire.

Et si vous écoutez bien ce nouvel opus, vous verrez que Pierre Donoré échappe justement à cette irritante manière d’enfermer les chanteurs et les chanteuses dans un registre dont ils ne peuvent trop souvent plus s’échapper.

Ce fameux grand écart, les ayatollahs d’une chanson à texte pure et dure vont sans doute “l’aimer détester”. Pas grave, car il éclate ici avec conviction dans une série de chansons qu’on écoute et réécoute avec plaisir.

L’’amour en deux”, c’est le 2ème album de Pierre Donoré. Il fait suite à l’EP “Maintenant” sorti en 2014 et au premier album “Je viens à toi” en 2010, dans la foulée d’un premier EP éponyme en 2007. Ce nouvel opus regroupe 11 chansons françaises, dont  “Houala” parsemé de mots en allemand et en anglais.

Guitares acoustique et électrique, piano, claviers, chœurs : aux talents de Pierre Donoré s’ajoutent diverses autres complicités signées Cyril Tarquiny (guitares acoustiques, classique et électrique, ukulélé, basse et charengo, un luth essentiellement utilisé dans la musique traditionnelle sud-américaine), aux percussions Olivier Baldissera et Denis Benarrosh (batteur de Francis Cabrel et Benjamin Biolaly).

 

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Tournage du clip de “Vivants”

 

“UNE PROMESSE” : ÉTRANGE DESTIN POUR UNE PHOTO SI SYMBOLIQUE

A ces musiciens s’ajoute Sonny Landreth, en occurrence le guitariste d’Alain Bahung pour “Osez Joséphine” … présenté par Eric Clapton comme “un des meilleurs guitaristes au monde” !

En 2011, c’est au Festival International de Louisiane, que Pierre Donoré avait rencontré ce musicien dont la “guitare slide” illustre “Une promesse”, incontestable chanson autobiographique. Cet hommage aux premières émotions musicales de Donoré pourrait très bien retenir l’attention d’un large public grâce à une médiatisation digne de ce nom sur les ondes et le petit écran. Un sacré pari à relever pour cet artiste ayant bénéficié d’un large soutien de contributeurs grâce au financement participatif dont tous les “kissbankers” sont cités dans le livret.

Cette chanson, une des plus marquantes de l’album, est illustré dans le livret par une photo dont l’histoire mérite d’être racontée.

La photo a été prise par le frère du chanteur et la pellicule est restée 8 ans sur l’armoire de la cuisine. Et voici qu’un jour sa mère la trouve et se demande évidemment ce qu’elle contient ! Elle la fait développer et voilà comment est retrouvée cette photo du chanteur à 13 ans. Photo prise précisément le jour où lui a été offert sa première guitare !

 

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AVEC GILLES ROUCAUTE, CLAUDE LEMESLE ET LES AUTRES

Donoré allie avec une apparente décontraction des textes de qualité à des mélodies qui se retiennent facilement. Du genre de celles qu’on aime reprendre au chœur durant un concert d’un “artiste populaire”.

Le savoir-faire de Pierre Donoré s’épanouit autant avec les chansons dont il est l’auteur et le compositeur que celles auxquels ont collaboré divers créateurs qui devraient retenir votre attention, que vous appréciez la fameuse “chanson à texte” de Gilles Roucaute ou la “variété de qualité” signée Claude Lemesle.

Oui, Donoré, c’est le champion du grand écart entre Gilles Roucaute (un de ces authentiques artisans d’une chanson accueillie chaque année à cœur ouvert au festival de Barjac) et Claude Lemesle … dont les textes ont été chanté par tant d’artistes appréciés à juste titre par le “grand public”, dont Joe Dassin par exemple.

Effectivement, plusieurs auteurs aux itinéraires des plus divers ont participé à cet album… dont Claude Lemesle (“Debout”), Gilles Roucaute (“L’amour en deux”), Kerredine Soltani (“Mon pote”), Mad Mahé (“Le Mont Fuji” et “Vivants”), Christophe Andréani (“Chanter”), etc.

 

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Tournage du clip “Vivants” avec utilisation de la 3D, notamment “sur des fluides de peintures colorées”

 

 ENFANCE BALLOTÉE ENTRE DEUX FAMILLES DE PARENTS DIVORCÉS

La chanson éponyme “L’amour en deux”, c’est l’histoire d’un enfant balloté entre les deux familles de ses parents divorcés. Pas de mélancolie larmoyante mais une vie quotidienne composée de mille et une réalités qu’il faut désormais couper en deux au rythme des allers-retours entre deux univers tellement différents.

Cet album, c’est de la chanson française pop folk. Mais attention, les définitions et les qualificatifs peuvent être dangereux car réducteurs … comme évoqué durant ma conversation téléphonique avec Pierre Donoré.

Sans disséquer à l’infini son répertoire, ces nouvelles chansons peuvent se résumer de la sorte : “On y retrouve toujours des sonorités acoustiques qui me sont chères depuis le début (“Regarde”), et j’explore aussi de nouvelles orientations tantôt pop rock (“Vivants”, “Une promesse”, “Chanter”), et électro (“Barcelone”, “Qui me tiendra la main”).

 

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Pierre Donoré (Photo Seb Pol)

 

“J’PRÔNERAI LA LIBERTÉ À LA BARBE DES TYRANS DE TOUTES CONFESSIONS, CROYANTS ET NON-CROYANTS”

Nombre de titres de cet album sont positifs : besoin de prendre son destin en main, de ne pas se laisser abattre, de vivre sa vie, de résister aux intolérances …

Le ton est donné dès le premier titre, “Debout” sur des paroles de Claude Lemesle. Pierre Donoré s’adresse à Lucile, une jeune femme de presque 20 ans : “Ne va plus, la tête basse/Te plaindre que l’azur te fuit/Emprunte à l’enfant qui passe/ L’étonnement et l’appétit”.

Même rage de vivre intensément dans “Vivants”, qui était le titre initial de l’album. Une chanson-choc aussi entraînante que déterminée née après les attentats de 2015 : “J’ mordrai à pleines dents tous les fruits de la vie/ J’prônerai la liberté à la barbe des tyrans/ De toutes confessions, croyants ou non-croyants/ Nous resterons unis, courageux, vigilants/Je peindrai mes pensées pour qu’elles ne soient plus noires/Je dirai haut et fort l’envie d’aimer, de boire”.

Cet album, il faut prendre le temps de l’écouter. D’en savourer les détails comme cet apaisant bruit des vagues enrichies de cris de mouettes qui apparaisse dans les dernières secondes de “Barcelone”, chanson planante, teintée du temps qu’on prend pour vivre chez “la belle de Catalogne” entre “blanc du ciel en été” et “sa brume de chaleur qui couronne l’esprit de liberté“.

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“QUI ME TIENDRA LA MAIN ?” DÉDIÉ À LAURE HUBIDOS DE L’ASSOCIATION CARPE DIEM

A découvrir aussi dans un tout autre registre “Mon pote” sur l’amitié volée en éclats. Terrible déception envers l’ami qui vous lâche quand vous avez besoin de lui. Simple, direct, réaliste : un fulgurant dialogue de sourds qui explose dans une ambiance qui ne déplairait pas aux amateurs de slam. De quoi inspirer un clip ?

Quant au titre “Qui me tiendra la main”, il évoque tout simplement l’élan de (sur)vie qui anime celui qui est frappé par une maladie incurable. “Qui atténuera les éclairs de douleur des nuits d’orage si un jour en suis otage ? Si mon corps s’en va en guerre/ Que le mal s’abat sur moi/Si je connais cette misère si le malheur s’abat sur moi ? “

Cette chanson est dédiée à Laure Hubidos, de l’association Carpe Diem consacrée à la Maison de Vie ouverte à Besançon en 2011 : “Un lieu d’accompagnement pour des personnes en situation de soins palliatifs ne nécessitant pas une hospitalisation et ne pouvant rester à domicile. L’objectif est de leur permettre de bénéficier d’un accompagnement axé avant tout sur la dimension humaine et sur la vie. La volonté est de démédicaliser la maladie et la fin de vie et d’en faire un enjeu de société” comme expliqué sur son site.

Dans nombre d’articles qui lui sont consacrés depuis des années, il est fait référence aux trois influences majeures de Pierre Donoré : Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel et Renaud. Cela peut vous donner une idée de l’univers, ou plutôt des univers dans lesquels aime se retrouver cet attachant auteur-compositeur-interprète entre textes exigeants et refrains qu’on n’oublie pas.

 

Pierre Donoré

 

ARRÊTEZ DE VOUS PRENDRE LA TÊTE ! 

En guise de conclusion, me revient la citation de Claude Lemesle au sujet de Pierre Donoré : “Ses textes font mouches parce qu’ils sont simples sans jamais être banals et a musique, bien que parfaitement ancrée dans l’air de notre temps, propose, sur des rythmes toujours renouvelés, de vraies mélodies, ce qui devient rare aujourd’hui”.

Alors soyez zen ! Car pour savourer cet album de toute beauté, oubliez donc (un peu) vos préjugés sur la barrière entre chanson à texte et variété de qualité. Le CD a été arrangé et réalisé par Pierre Donoré et Christophe Battaglia. Lequel a notamment travaillé en studio pour des enregistrements de Garou, Yannick Noah, Christophe Maé, Céline Dion, etc.

Vous verrez, ça fait du bien de lâcher prise durant 44 minutes et deux secondes, durant 11 chansons qui n’ont rien à voir avec tant de produits préfabriqués et sans saveur du show-biz.

Pour une fois, arrêtez de vous prendre la tête, d’enfermer le talent dans un tiroir tellement étanche qu’il finit par y dessécher. Et écoutez en toute liberté “L’amour en deux” dédié par Pierre Chatard à son père Honoré Chatard. D’où le pseudo de Donoré tout simplement.

ALBERT WEBER

PHOTOS JEAN-MARC GOURDON

PAGE FACEBOOK de Pierre Donoré

SITE de Pierre Donoré

A retrouver samedi 28 janvier au Zèbre de Belleville et ailleurs en France aussi …

Donoré au Zèbre de Belleville - copie