Bon, soyons francs. Il est très frustrant de rédiger une chronique sur le nouvel enregistrement du duo Soham formé par Christian Laborde et Dalila Azzouz-Laborde. Sans Bernard Revel, je serai passé à côté de cet opus que je vous recommande vivement pour l’intensité de ses textes et la sensation de bien-être suscitée par les arrangements.
“Et dans l’ombre dense, comme un flambeau, cultivons l’art de la question !”
Ca fait un moment que j’ai reçu cet album, l’ai écouté à plusieurs fois, ai même échangé au téléphone avec Christian et là, au moment de vous en parler enfin, une évidence s’impose : oui à quoi bon en dire du bien alors qu’il passe sous les radars de la “grande presse”, des médias écrits et audio-visuels ? Sans oublier les réseaux sociaux aux millions de consommateurs. Je préfère ce mot plutôt que celui de “followers” qui me hérisse chaque fois que je l’entends ou le lis !
Car ici il n’est pas question de consommation mais d’art et d’artiste, et je dirai aussi – et surtout – d’artisanat. Car s’il est bien un mot qui s’impose c’est celui d’artisanat. Et c’est d’ailleurs ainsi que Christian Laborde qualifie l’aventure artistique menée à bien depuis plus de trois décennies avec celle qui partage aussi sa vie.
“Merci à vous, tisseurs, de liens éclaireurs de sentiers, compagnes et compagnons fidèles de nos voyages artistiques, merci pour chaque instant partagé, d’hier à demain, merci de faire vibrer nos chemins de vos présences lumineuses. Et dans l’ombre dense, comme un flambeau, cultivons l’art de la question ! Un immense merci à nos familles, toujours présentes” relève-t-on dans la pochette de cet opus dédié à Gigi.
Enregistré dans leur studio, dans leur village, cet album ne se résume pas à une complicité entre Dalila (chants et chœurs) et Christian (guitares, guitalele, résonnateur, bouzouki, programmation et arrangements) . C’est un efficace travail d’équipe avec Camille LaBorde (percussions-batterie), Pierre Savary (claviers, basse, percussions et arrangements) et le flutiste Bernard Salles.
D’où cet album de 12 titres tout en délicatesse, en subtiles nuances, avec une émotion palpable tant dans la voix que la manière dont les musiciens la mettent en valeur. Dalila est à l’origine de la plupart des textes, parfois en solo, et pour certains titres avec François Ayres, Jean-Pierre Lacombe, André Calvet, Martine Amaudruz, Hélène Cadou ainsi que Marcel Cassoudebat dont une citation a inspiré le titre de l’album : “Comme une éternité suspendue, l’éphémère souriant naît toujours d’un hasard amoureux…”
Quant aux musiques, elles sont, elles aussi, synonymes de complicité entre Dalila Azzouz-Laborde, Christian Laborde, François Ayres, Jean-Pierre Lacombe, Hervé Dessaux et Martine Caplanne. Mais méfiez-vous ! Ici pas de u prêt-à-consommer, de la bouffe industrielle mais de la haute gastronomie qui se regarde avec l’élégante pochette et ses textes de chansons et se laisse savourer, titre après titre, comme je l’ai fait à plusieurs reprises avant de prendre (enfin) le temps de vous en parler.
Oh je vous rassure, Christian et Dalila ne sont pas d’illustres inconnus. Leur dossier de presse s’enracine dans tant de concerts et de festivals, de rencontres et de complicités en studio et sur scène, et évidemment de premières parties où Francis Cabrel, Alain Souchon, Alain Chamfort, Dick Annegarn, Graeme Allwright ne sont que quelques repères parmi bien d’autres !
Photo Natalia Pont
Sortir du silence, de la marginalité
Alors pourquoi avoir parlé de frustration au début de ce texte ?
C’est simple, un tel album est sans doute trop ciselé pour “le grand public” … Trop fignolé sur le fond et la forme, loin des omniprésentes musiques urbaines… Un album sans label national ni attaché de presse synonyme de médiatisation .. et sans ami bien placé dans “les grands médias” … loin des titres pour les play-lists de France-Inter ou ailleurs.
Dans un tel conteste, comment espérer une chronique ailleurs que dans la presse spécialisée ? La chance est bien rare dans ce milieu …
Oui évidemment il y a les réseaux sociaux et l’obsession du buzz pour quitter (momentanément) l’anonymat … mais c’est pas le genre de la maison. Pas du tout ! Prenez donc le temps de découvrir le teaser de 1mn30 repéré sur sa chaine Youtube réunissant 854 abonnés et ça vous une idée de cet album.
“Tout ici est douceur dans l’interprétation, souvent dans les textes, telle une marque de fabrique de Soham” note Michel Kemper sur le site Noschanteurs, le quotidien de la chanson, en présentant ce “délectable album dont les douze titres tiennent au hasard de l’existence, relatés ici comme on le ferait sur un journal de bord, consignant tant des chroniques vécues ou non, des émotions, colère, impressions …”.
Pour le duo lot-et-garonnais, “Toi que le hasard …” n’est pas marqué par l’obsession d’un tube ou d’une reconnaissance nationale… D’accord… mais n’empêche que s’il y avait encore d’authentiques connaisseurs de la chanson française – José Artur, Serge Levaillant, Philippe Meyer , Jean-Louis Foulquier, Thierry Lecamp pour n’en citer que quelques-uns – un tel album aurait ses chances de sortir du silence, de la marginalité ….
“Quant à Christian Laborde, il reste lui-même, c’est-à-dire un seigneur de la six-cordes qui a côtoyé (voire collaboré avec) les plus grands (comme Marcel Dadi), et qui forme par ailleurs avec l’irrésistible Dalila la brune – l’une des plus belles voix actuelles – l’excellent duo Soham créé en 1992″ écrivait Fred Hidalgo dans cet article . Cette citation me va droit au cœur avec ma chanson préférée de ce CD.
Je parle de “Le ballon rouge” : un regard aussi poétique que lucide d’Allain Leprest. Oui l’inoubliable Allain rencontré pour la première fois chez Fred Hidalgo, lors d’une soirée de juin, avec ses fameuses rencontres d’artistes dans la maison des créateurs de “Paroles et Musiques” et de “Chorus, les Cahiers de la Chanson”. Ça se passait près de Dreux et j’ai le souvenir d’une joute oratoire en poésie et chanson au cœur de la nuit entre Allain Leprest et Jehan, debout face-à-face dans le salon ! Quel regret de ne pas avoir enregistré cet échange fraternel entre deux figures marquantes d’une chanson ignorée des “grands médias”…
Comme si l’on voulait que le temps s’arrête
En fait , chaque chanson a des allures de tranche de vie, avec ses zones d’ombres et de lumières, avec des paroles à fleur de peau qui vous émeuvent, vous transportent ailleurs.Vous donnent envie de ré-écouter encore une fois cet album comme si l’on voulait que le temps s’arrête.
Mais attention, Christian et Dalila ne vivent pas dans une bulle ou sur je ne sais quelle planète déconnectée de la vraie vie. Comme me l’a raconté Christian Laborde lors de notre échange téléphone, Soham a aussi une autre corde à son arc.
Et pasn’importe laquelle : tous deux sont démonstrateurs de la célèbre marque C.F Martin & Co . Oui je parle de “la fabrique des instruments reconnus comme les plus prestigieux au monde. L’entreprise a innové au profit de techniques dont certaines sont devenues des références dans l’industrie de la guitare. La marque doit également son succès à l’excellence de sa lutherie, reconnue par les plus grands noms de la musique” .
“On finira peut-être par se voir un de ces jours en Alsace à l’occasion d’une de ces démonstrations !” m’a-t-i lancé durant notre discussion. Oui, pourquoi pas ? Et même allons encore un peu plus loin : imaginons un concert réunissant le duo Soham et Bernard Revel !
L’avenir appartient aux artisans inspirés et audacieux.
C’est évident ! “Le miel des Anges” suscite beaucoup de déception et de frustration. Et il a de quoi en écoutant à plusieurs reprises ce 7eme album de Viviane Cayol et Jean-Yves Liévaux. Quand on prend (vraiment) le temps de savourer chacune des 14 chansons, on en revient à chaque fois au même constat. Ou plutôt la même interrogation : pourquoi ?
Oui, dites-moi pourquoi un tel album de 55 mn et 10 secondes AVEC DES CHANSONS MA-GNI-FI-QUES devrait passer inaperçu dans les “grands médias” ?
Pourquoi ce nouvel opus ne retiendrait-il pas l’attention des radios et des télés qui nous inondent de tant de talents frelatés et de voix survitaminées aux OGM ?
Bon, avouez qu’il y a de quoi être déçu et frustré, non ? Car soyons francs : je croyais bien connaître Alcaz au gré des albums et des concerts applaudis en Alsace et ailleurs dans l’hexagone, sur les routes de la Francophonie également, l’Europe, l’Irlande, les États-Unis, au Canada jusque chez les Inuits, l’Acadie, le Québec… Aussi à Saint- Pierre et Miquelon, bref, autant de lieux où j’ai eu la chance de les voir à l’œuvre, sur scène et aussi dans la vraie vie, à la rencontre, à l’écoute de leurs publics et des gens de villes en villages.
D’où ce conseil d’ami : attention danger ! Méfiez-vous des idées reçues sur Alcaz .
Et fuyez sans tarder les clichés qui ont la vie dure. C’est évident … je me suis … comment dire … pris une incontestable claque en découvrant le nouvel album de 14 titres. Faudra que vous changiez de logiciel car l’image du duo guitare-voix en prend un sacré coup. Et ça fait du bien !
Avant de parler des chansons, un mot sur la pochette, l’habillage, les couleurs, bref l’atmosphère suscitée par le CD quand on l’a en main, quand on passe en revue les 12 pages du livret. Il y a évidemment du Viviane Cayol là-dessous !
Car l’auteure-compositrice-interprète Marseillaise est aussi plasticienne, peintre inspirée et ses œuvres colorées habillent “Le Miel des Anges” avec douceur et éclat.
Cette démarche artistique, elle se situe dans la veine des quatre livres d’art “Haïku d’peinture” consacrés aux saisons : c’est-à-dire une histoire sans frontières, à deux, entre les Haïkus de Jean-Yves Liévaux et les peintures de Viviane Cayol, sans aprler des autres différents livres. Une ènième facette de ce duo à ne pas résumer à ses aventures en studio et sur scène.
Alors n’ayons pas peur des mots. Cet opus est une vraie révolution dans une discographie qui ne manque pourtant pas de p’tits chefs d’œuvre : choix des thèmes, arrangements, mixage et réalisation, complicité avec des musiciens de (grand) talent dont l’accordéoniste québécois Steve Normandin .
Photo Véronique Marcel
Chaque titre pourrait faire l’objet d’un clip tant les sources d’inspiration et les genres musicaux sont diversifiées. Certes, c’est toujours l’amour qui irrigue le nouveau répertoire d’Alcaz, mais avec une expression aux multiples repères. D’entrée, sur cette guitare phénoménale de Lucas Mannarino on sent les grandes étendues, dans leurs voix le souffle intérieur, cette clarté qui se pose face à l’âme des hommes blessés.
Éclectique production, je vous le dis !
Prenez par exemple “J’adore ça” où dans la même chanson on passe du jazz manouche à une musique classique avec les violons de Robin Duchaussoy.
Prenez par exemple “J’adore ça” où dans la même chanson on passe du jazz manouche à une musique classique avec les violons de Robin Duchaussoy.
Plusieurs chansons sont marquées par des ruptures de rythme comme dans “Rouge” aux accents flamenco. Il y a vraiment de quoi être surpris par les audaces musicales de cet album comme avec “Ivres”, un titre marqué par l’intervention d’un “guitar héro” Théo Grozdanic qui s’en donne à cœur joie : ambiance planante sur texte intense “loin des cadres et des cadrans comme les enfants de Baudelaire ensemble”.
Et “Le Miel des Anges” alors ?
Oui la chanson éponyme marquée –comme la plupart des titres– par des trouvailles linguistiques et des clins d’œil qui n’apparaissent pas à la 1ere écoute : “mes paradis au beurre”, “mes paradisparus”, “emmielle-moi avec toi/tu vois je suis gelée/royale et possédée”.
Signées tour à tour par Viviane Cayol ou Jean-Yves Liévaux, les paroles et les musiques de cet opus en disent long sur la complicité entre les deux artistes, entre tendresse, poésie et taquineries comme dans “Oh baby oh !”. Et toujours, disséminées ici et là au gré des titres, quelques pincées d’humour qui font du bien et enrichissent ces chansons d’amour.
Photo Christine Pascal
Quel lien entre “Les femmes du port” avec ses “marins transis /repus de leurs diablesses” et “Idéal” qui s’affirme en crescendo à l’instar d’un hymne qu’on reprend en chœur ?
Quelle passerelle entre “Accord parfait” où la voix de Viviane s’envole du côté de Jane Birkin et “Sweet love mi amor” avec sa Place des Arts (de Montréal) déserte et quelques brèves notes qui me font penser au “My Sweet Lord” de Georges Harrisson ?
Bonnes questions car justement il n’y en a pas ! Car un des atouts de ce CD aux allures de puzzle c’est justement offrir un feu d’artifice aux couleurs si variées.
Et n’oublions pas – surprise de taille – la superbe chanson “U Riposu da Liberta – Le repos de la Liberté” offert en français et en corse sur un texte d’Eric Barre et accompagné par le groupe polyphonique Tavagna. Quand la Liberté prend la parole, il y a de quoi s’inquiéter pour son avenir : “Je suis lasse de ne pouvoir chanter dans tous les coins du monde/les flammes après tout ne brûlent pas qu’ici”.
Ce chemin de traces, leur engagement plus que jamais pour la Paix Mondiale. « Tous Azimuts » d’une écriture poélitico-rock et leurs voix mêlées de sens… « A la saison des libellules on ouvrira le cœur de nos cellules »
S’y ajoute le bref titre “Complicité” écrit par Raoul Locatelli: oui celui qui a, en 2022, tiré sa révérence après avoir assuré la programmation des Musicales de Bastia durant 34 ans ! Et la mer qui amène en douce le dernier titre, en toute sérénité « Et si tout simplement je te soufflais les mots que m’a soufflé le vent » vague spirit’ à l’Alcazienne.
Que vous dire de plus dans ce (trop long) texte pour vous donne envie de savourer “Le Miel des Anges” ?Il n’y a rien d’autre à ajouter.
Rendez-vous au soleil d’après.
Ah si une invitation : prenez le temps d’écouter cet album et donnez-moi en des nouvelles. Oh bien sûr, il y aura encore tant à dire sur chaque chanson, sur ces deux voix qui ont créé une efficace alchimie avec les musiciens dont le saxophoniste John Massa sur le titre éponyme ! De quoi attendre avec impatience un clip, voir plus.
Frédéric Dard, vous connaissez ? Assurément l’un des écrivains francophones majeurs du XXe siècle, avec près de 300 livres vendus de son vivant à plus de 220 millions d’exemplaires. Une œuvre monumentale à deux faces : sombre avec ses romans noirs signés Dard, éclatante et jubilatoire sous le nom de son héros devenu presque son alter ego, le fameux commissaire San-Antonio, dont le style inimitable le situe quelque part – mais tout à fait à part ! – entre Rabelais et Céline.
En témoigne aujourd’hui Le Roman de San-Antonio publié par Fred Hidalgo, sans doute l’auteur le plus légitime pour écrire sur Frédéric Dard, que celui-ci considérait comme un fils (n’est-il pas né l’année même, en 1949 – amusant clin d’œil du destin –, où l’écrivain accouchait de son double ?!) ; un ouvrage en deux tomes et deux époques :
Première époque (1921-1971) : San-Antonio poussa la porte et Frédéric Dard entra
Seconde époque (1971-2021) : San-Antonio sans alter ego
En somme « le siècle de Frédéric Dard », de sa naissance le 29 juin 1921 à Bourgoin-Jallieu jusqu’à l’année de son centenaire, retracé à travers des entretiens exclusifs, des confidences inédites et nombre d’anecdotes drôles ou émouvantes.
Une biographie ? Bien plus que cela : la résultante passionnante d’une longue complicité affective, malgré un écart de vingt-huit ans, entre les deux Frédo.
Une édition “collector” numérotée
Le livre aurait dû paraître en 2020 pour les 20 ans de la mort, le 6 juin 2000, de « Frédéric Dard dit San-Antonio ».
Mais comme dans un polar à l’intrigue réglée au cordeau, dont Dard avait le secret (Les salauds vont en enfer, Toi le venin, Le bourreau pleure, Quelqu’un marchait sur ma tombe…), un grain de sable inattendu est venu enrayer la machine : l’apparition de la pandémie a décidé l’éditeur à reporter d’un an son programme éditorial… et l’auteur, entre-temps, à enrichir largement son tapuscrit.
Patatras ! À la réception de celui-ci, l’éditeur jette aussitôt l’éponge au motif de «potentiel commercial trop faible pour un volume de cette importance ».
Deux autres éditeurs sont contactés en 2021, qui félicitent l’auteur en long, en large et en travers, s’étonnant de découvrir « autant d’informations, servies par une écriture agréable et simple à lire », tout en déplorant eux aussi, « dans la situation actuelle de l’édition, un lectorat probablement insuffisant ».
Que faire face à cette frilosité du monde éditorial ? se demande Fred Hidalgo. Seule alternative : se résigner à remiser son tapuscrit au placard ou lancer une souscription pour un ouvrage désormais scindé en deux volumes.
Le succès est quasiment immédiat, qui permet la sortie en mai dernier d’une « édition collector » numérotée et réservée à 500 (heureux !) souscripteurs.
Dans l’intervalle, le centenaire de Frédéric Dard avait suscité bien des hommages dans les médias, avec notamment un numéro hors-série du Point sur « Le génial univers de Frédéric Dard : San-Antonio, personnages, langue, philosophie… », multipliant les témoignages d’admiration de personnalités en tout genre.
Mais pas d’Hidalgo (Fred !), malgré une brève annonçant, entre autres livres jugés incontournables, la sortie imminente de San-Antonio poussa la porte et Frédéric Dard entra, chez l’Archipel : «Un récit biographique sur le créateur de San-Antonio, plein de confidences et de documents inédits. »
Bizarre… N’aurait-il pas été préférable de donner la parole à son auteur, tout aussi qualifié voire davantage que certains « grands noms » mis en avant dans les cent pages de ce numéro spécial ? Frédéric Dard ne le considérait-il pas comme « le premier des fidèles », puis comme « le plus féal de [ses] féaux » dans un livre écrit un an avant sa mort ?!
13 juin 1965. Première rencontre. Photo Dora Hidalgo
Fred Hidalgo a 15 ans quand il découvre San-Antonio dans un tourniquet à l’enseigne du Fleuve Noir, attiré par les couvertures aguichantes (pour l’époque) dessinées par Gourdon.
Cela se passe en 1964 à la Maison de la Presse de Dreux, sa ville natale. Il en achète quatre d’un coup, dont une nouveauté, Bérurier au sérail, et les dévore sans discontinuer. C’est le choc, la révélation d’un ton, d’un style, d’un univers… De là à prendre la décision d’écrire à « Monsieur San-Antonio », aux bons soins de son éditeur, il n’y a qu’un pas franchi sans hésitation par l’adolescent.
« Pour être honnête, écrit-il aujourd’hui, je ne sais plus trop si j’espérais une réponse à ma lettre. En supposant qu’elle fût arrivée à bon port et que l’éditeur l’eût bien transmise (ouverte ou pas ? effectuait-il un tri préalable, les courriers jugés intéressants d’un côté, les autres au panier ?) à son destinataire. Ou si je l’avais écrite comme une vraie bouteille à la mer, sans autre choix que de lui confier, quelque sort qu’on lui réservât (coulée, touchée, délivrée…), la tornade de sentiments qui s’était abattue sur moi en abordant ce continent littéraire inconnu jusqu’alors. »
On imagine sa joie, son émotion – et sa stupéfaction ! – à la réception d’une réponse de l’écrivain, signée San-Antonio, qui se déclare « touché » par les mots de Fred. Une vraie lettre personnalisée : « Je suis ravi que “Bérurier au sérail” vous ait amusé. […] Écrivez-moi à nouveau quand vous aurez lu “L’Histoire de France…” (1) »
En effet, Fred venait d’apprendre l’existence de ce premier hors-série, L’Histoire de France vue par San-Antonio (il y aura ensuite Le Standinge selon Bérurier, Béru et ces dames, Les Vacances de Bérurier, Les Con, etc.), qu’il avait aussitôt commandé.
C’est le début d’un dialogue épistolaire aussi étonnant que régulier entre le lycéen et l’auteur à succès, mais bien loin encore d’être reconnu par l’intelligentsia, à l’exception notable d’un Jean Cocteau ou encore d’un Robert Escarpit, de l’Université de Bordeaux.
Un échange ponctué bientôt par un événement extraordinaire, presque inimaginable : Frédéric Dard prend sa voiture et rend visite à son jeune lecteur, chez ses parents ! Une première rencontre immortalisée le 13 juin 1965 par le Polaroid et la caméra super 8 de Dora, la maman de Fred.
Comment imaginer alors que, près de soixante ans plus tard, l’adolescent devenu journaliste, éditeur et auteur lui-même, nous offrirait cette histoire admirable en partage dans San-Antonio poussa la porte et Frédéric Dard entra… ?!
Le début d’une histoire, en fait, puisque Fred obtient l’accord de l’écrivain pour créer une association dédiée à San-Antonio, puis de lancer sa première aventure de presse avec Le Petit San-Antonien, comme le note Alexandre Clément, un spécialiste de Dard et des « romans et films noirs » (auxquels il consacre un blog) :
« Fred Hidalgo, avec l’amitié de Frédéric Dard, va s’investir dans la création du Club San-Antonio, lointain ancêtre de l’association des Amis de San-Antonio, et il éditera un petit bulletin, Le Petit San-Antonien, marquant ainsi son goût pour le journalisme, métier qu’il exercera par la suite. Cela lui permit sans doute d’assouvir sa volonté de célébrer l’œuvre de Frédéric Dard, mais aussi d’apprendre son futur métier de journaliste et puis de côtoyer le milieu artistique. »
Entre lettres, coups de fil et retrouvailles régulières, un lien fort va s’affirmer entre Dard et Hidalgo.
Très vite, le romancier lui annonce qu’il va lui dédier un de ses prochains livres, mais l’adolescent lui suggère de le faire plutôt au nom du Club pour valoriser l’action du collectif san-antonien. « Tu es sûr ? » lui demande-t-il. « Oui, ça serait plus utile, ça nous aiderait à le faire connaître… »
Et voilà comment est paru – en mai 1968 ! – Bravo, docteur Béru ! dédié « À mes féaux du Club San-Antonio de Dreux ».
Plus de 800 pages de rires et de larmes
Longtemps après, en 1988, Frédéric Dard remettra les points sur les i en dédiant à son « cher Fred Hidalgo, en souvenir des temps anciens » le San-Antonio inaugurant une nouvelle présentation de la série, Baisse la pression, tu me les gonfles !
Mieux encore, en 1999, dans Ceci est bien une pipe – l’antépénultième San-Antonio –, le héros de la saga interrompt son récit en pleine scène de bagarre pour faire ce constat : « Je connaissais la chanson, paroles et musique, comme dirait mon cher Fred Hidalgo, le plus féal de mes féaux », avant d’écrire ces mots lourds de sens pour les amateurs de l’univers san-antonien, comme pour entériner publiquement quatre décennies d’amitié et de fidélité : « Je le proclame ici Grand Connétable de la San-Antoniaiserie, titre dont il pourra se parer sa vie durant et orner ses pièces d’identité. »
C’est dans cette formidable complicité que le récit s’enracine : « Un seul et même ouvrage, écrivait son auteur dans l’annonce de la souscription, oui, mais en deux tomes : plus de 800 pages de rires et de larmes au total – la moindre des choses quand le Grand Maître de la San-Antoniaiserie en personne vous désigne également dans les siennes comme son “Grand Connétable de la San-Antoniaiserie”. »
Extrait du tapuscrit de “Ceci est bien une pipe”
Mise à l’épreuve du temps, l’amitié de Fred et de Frédéric ne sera pas non plus exempte d’embûches et d’impondérables, jusqu’à des retrouvailles mémorables au retour d’Afrique du premier (après avoir créé le quotidien national du Gabon, L’Union, qui existe toujours) et un appel du pied du second dans un de ses livres, le croyant toujours « quelque part dans les Afriques ».
Fred n’hésite d’ailleurs pas à livrer quelques souvenirs aussi surprenants pour le lecteur que dramatiquement marquants pour lui, dont celui du jour où, à 16 ans, il s’apprêtait à se rendre chez l’écrivain qui l’avait invité à déjeuner, lorsqu’il apprit soudain que « le père de San-Antonio » avait tenté de se suicider la nuit précédente et se trouvait encore entre la vie et la mort…
Mais l’essentiel est là : « Frédéric vous aimait infiniment », lui écrit Françoise Dard, au lendemain du décès de son époux, en juin 2000.
Une disparition qui commotionne la France entière, dans toutes les couches de la société, tant les gens estimaient l’écrivain (« Je ne connais personne qui soit autant aimé que toi », lui soufflera un jour Françoise) et voyaient en ses personnages des compagnons de route qui les faisaient rire… et réfléchir sur la condition humaine. Fred Hidalgo le rappelle dans un chapitre au titre emprunté à l’un de ses romans noirs : Le Cahier d’absence.
Oui, il fallait bien deux tomes pour rendre compte de cet univers foisonnant et du génie protéiforme de l’écrivain, également dramaturge, scénariste, dialoguiste, adaptateur pour le théâtre (Carco, Simenon, Hadley Chase, Stevenson…), metteur en scène (Une gueule comme la mienne…), nouvelliste et même librettiste (la comédie musicale Monsieur Carnaval, musique d’Aznavour, où Georges Guétary créa La Bohème…).
Un premier volume pour la première partie de sa vie et de sa carrière où, malgré un lectorat qui l’adorait, Dard resta « tricard » dans les médias et boudé voire méprisé par les tenants de la « grande littérature ».
Un second pour raconter son ascension au firmament médiatico-littéraire marquée par de grands succès signés San-Antonio (Y a-t-il un Français dans la salle ?, Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ?, La vieille qui marchait dans la mer, etc.), désormais loué sur les plateaux de télé (Chancel, Pivot, etc.), vénéré par des membres de l’Académie française (Alain Decaux, Érik Orsenna, Poirot-Delpech, etc.), disséqué par l’Université (objet de colloques à la Sorbonne et ailleurs), adulé par les chanteurs (Leny Escudero, Nilda Fernandez, Goldman, Juliette, Renaud, Souchon, Tachan…) et même courtisé par François Mitterrand (devenu sous la plume de San-Antonio un personnage récurrent de la saga !).
Après le Club San-Antonio et Le Petit San-Antonien, le jeune Drouais tombé amoureux de San-Antonio deviendra journaliste (2) .
Et il vivra avec sa « chère et tendre » Mauricette (elle aussi lectrice de San-Antonio depuis sa prime adolescence !) au rythme de plusieurs créations de journaux, dont le mensuel Paroles et Musique et la revue Chorus qui ont marqué l’histoire de la presse musicale de l’espace francophone.
7 mars 1997. Photo Mauricette Hidalgo
San-Antonio, la totale !
Autant vous l’avouer : avant de lire ces deux volumes, je n’avais pas beaucoup navigué dans l’univers de San-Antonio, truffé de personnages rabelaisiens, oublieux de toute langue de bois pour mieux adopter celle inventée par leur créateur (plus de 10 000 néologismes recensés par des universitaires dans un dictionnaire très sérieux). Et pourtant, j’ai dévoré sans retenue, soir après soir, voire nuit après nuit, ce récit à deux voix et quatre mains.
On y découvre ou revisite, c’est selon, le parcours de « l’auteur de Bourgoin-Jallieu », sa ville natale, à Saint-Chef en Dauphiné où il vécut enfant et repose à présent, en passant par Les Mureaux où il inventa San-Antonio, restant longtemps écartelé entre ses Dard, à l’écriture sobre et incisive, et le style luxuriant de la saga, foisonnante de personnages hauts en couleur. Fred s’amuse d’ailleurs à les passer tour à tour en revue : Bérurier, Pinaud, Berthe, Marie-Marie, le Dabe, Monsieur Félix, Jérémie Blanc, Salami (« le chien qui pense » !)…
Outre la tendre Félicie, la « brave femme de mère » de San-Antonio ; celui-ci aussi, bien sûr, auto-affublé de multiples surnoms dérisoires, car la différence entre un héros ordinaire de polars et San-Antonio, qui ne se prend jamais au sérieux, c’est son autodérision permanente. Et le lecteur de faire chorus !
Le Roman de San-Antonio, beaucoup plus qu’un recueil de souvenirs, c’est la totale sur l’immense écrivain lyonnais. Sur son blog, Alexandre Clément exprime bien mon propre ressenti :
« Comme on le comprend, l’ouvrage de Fred Hidalgo ne se réduit pas à un genre singulier, ce n’est pas une biographie plus ou moins autorisée de Frédéric Dard. Il revisite à la fois la biographie de Frédéric Dard et son œuvre, la mettant en perspective avec sa propre existence et l’époque, disons celle qui va du milieu des années soixante au milieu des années quatre-vingt. Il y a beaucoup de nostalgie dans la démarche, comme si San-Antonio, malgré sa mélancolie, ne pouvait appartenir qu’à une période heureuse qui n’existe plus ».
En prime, un cahier de photos exclusives (dont celles de la fameuse première rencontre !) et de très riches annexes, dont près de 40 pages de repères chronologiques détaillés année après année – une première ! – et une présentation minutieuse de l’œuvre intégrale de Frédéric Dard classée en trois chapitres : bibliographie, théâtre, cinéma et télévision (avec leurs dérivés et compléments audiovisuels).
S’y ajoutent encore une partie de la correspondance de l’écrivain à son « féal », ainsi que des documents d’archives du Club San-Antonio, où l’on retrouve par exemple des dédicaces de ses membres nommés Gérard Barray, Jean Richard, Paul Préboist – qui en furent les parrains et l’incarnation à deux reprises du trio san-antonien à l’écran – et puis Raymond Devos, Pierre Doris, Gilles Dreu, Philippe Nicaud, etc., sans oublier Patrice Dard, par ailleurs très présent dans l’ouvrage.
« Fred Hidalgo a réalisé la première biographie magistrale de Frédéric Dard/San-Antonio, écrit Michel Trihoreau sur le site du « quotidien de la chanson » Nos Enchanteurs : un régal pour la pensée honnête ! […]Rien ne manque pour étancher la soif du lecteur. Cet ouvrage est le monument qui manquait au plus insolite des auteurs du XXe siècle. »
La totale, vous disais-je, qu’on dévore avec bonheur… et l’envie constante de découvrir la suite (surtout entre les deux tomes, l’auteur ayant ménagé un suspense bien inattendu).
Cali, Aznavour, Juliette, Souchon : 4 parmi des millions de lecteurs
“Il truffait ses livres de citations de chansons”
Ah ! la chanson… Impossible qu’elle soit absente de cet ouvrage.
Un chapitre du tome 2 lui est même spécialement dédié en grande partie sous le titre « La goualante de San-Antonio ». «La chanson, il en fut question entre nous dès nos premières rencontres, d’autant plus qu’il truffait ses livres de citations. Au début des années 80, il s’abonna spontanément à “Paroles et Musique” (aujourd’hui je regrette de n’avoir pas encadré son chèque, mais on galérait trop, en toute indépendance, pour se priver du moindre abonnement…), puis en offrit un spécialement à sa fille Joséphine, et rebelote en 1992 avec “Chorus”, raconte l’auteur avec force anecdotes, dans “San-Antonio connait la chanson” sur son blog “Si ça vous chante”.
Et maintenant ?
Après avoir dégusté, savouré, ces deux volumes, m’en être régalé alors que je ne connaissais pourtant pas bien le monde de San-Antonio, je ne comprends pas qu’aucun éditeur sérieux ne se soit encore emparé de ce nouvel ouvrage de Fred Hidalgo, après Jean-Jacques Goldman confidentiel (2016) et Jacques Brel, le voyage au bout de la vie (2018), salués par la critique et le public.
Pourquoi aucun grand éditeur ne s’est-il empressé de s’en emparer ?!
«Ces réactions ne m’étonnent pas, a écrit Daniel Sirach, président de l’association des Amis de San-Antonio, créée une trentaine d’années après le Club San-Antonio, à Fred Hidalgo :
« Pour tous les amoureux de Frédéric Dard, ce livre n’est pas qu’une référence, c’est LA référence ! Bien bêtes sont les éditeurs et ceux qui ne l’ont pas commandé… Tous les fans de San-Antonio rêvent d’avoir vécu ta rencontre… Mais grâce à ton talent littéraire et de conteur (tu as eu de bonnes lectures !), tu nous permets de la vivre à notre tour : c’est le plus beau cadeau que tu pouvais faire aux amis de San-Antonio. Donc, merci ! »
Comment comprendre en effet que l’édition accorde si peu de crédit à l’intelligence des libraires et des lecteurs potentiels ?
La baisse, hélas constante en France, des amoureux des livres suffit-elle à l’expliquer ?
À moins que ses responsables (souvent soumis aux mêmes consignes commerciales, du fait du rachat des maisons d’édition autrefois indépendantes par des groupes tentaculaires) n’estiment qu’un livre sur Frédéric Dard dit San-Antonio – aussi réussi et passionnant soit-il – n’aurait pas droit en 2022 au chapitre médiatique, rabougri par le politiquement correct ?
Qu’en penserait l’intéressé, dont chaque San-Antonio tirait d’emblée à 600 000 exemplaires ?! Deux ou trois plus de ventes que pour un prix Goncourt…
Une chose est sûre : tel quel, tel que les circonstances ont permis à Fred Hidalgo de concevoir l’ouvrage (sa première mouture s’arrêtait à la mort de l’écrivain), il constitue avec ses deux volumes un ensemble indissociable et définitif : Le Roman de San-Antonio aurait pu être sous-titré Le Siècle de Frédéric Dard.
Tout y est, oui, sur l’homme et son œuvre, sans la moindre zone d’ombre ni omission, jusqu’à la perception qu’on en a aujourd’hui.
Avec la question qu’on peut légitimement se poser… et qu’Hidalgo n’a pas manqué de poser à l’ancien éditeur, agent et ami de Dard, Albert Benloulou, ainsi qu’à son fils Patrice, écrivain lui-même (et auteur, à la demande de Françoise Dard, des « Nouvelles aventures de San-Antonio » chez Fayard entre 2002 et 2016) : Frédéric Dard, « en cette époque si peu épique, tristounette, castratrice et révisionniste où l’humour, autre que potache, incolore, inodore et insipide, dénué d’audace, ne court plus guère les rues », pourrait-il continuer à écrire ses San-Antonio de la même manière ?
Sans restreindre sa liberté d’expression, lui qui en repoussait sans cesse les limites, mais jamais pour le pire, toujours pour le meilleur et pour le rire, malgré un pessimisme foncier.
La réponse dans San-Antonio sans alter ego… pourvu qu’on puisse le trouver en librairie !
Pour paraphraser le titre d’un de ses grands livres (porté à l’écran par Jean-Pierre Mocky) : y a-t-il un éditeur dans la salle ?
Albert Weber
‘Photos collection Fred Hidalgo)
1. Fred venait d’apprendre l’existence de ce premier hors-série, L’Histoire de France vue par San-Antonio (il y aura ensuite Le Standinge selon Bérurier, Béru et ces dames, Les Vacances de Bérurier, Les Con, etc.), qu’il avait aussitôt commandé.
2. Éditeur également d’ouvrages sur la chanson francophone, créant son propre label (Nougaro, Trenet…) ou en coédition avec Robert Laffont (Cabrel, Coluche, Julien Clerc, Ferré, Renaud…), Anne Carrière (Brel), Fixot (Brassens, Hallyday), puis Fayard (Aznavour, Balavoine, Barbara, Ferrat, Gainsbourg, Moustaki, Thiéfaine, Vigneault… ou encore les beaux-livres Brel-Brassens-Ferré, trois hommes dans un salon et Cabrel-Goldman-Simon-Souchon, les chansonniers de la table ronde).
- “San-Antonio / Frédéric Dard”, le groupe de référence sur les réseaux sociaux (près de 12 000 membres”.
“Une limonade ? “, c’est le nom du 3ème album du Morand Cajun Band.
51 minutes et trois secondes à savourer sans modération même si ces chansons ne sont pas souvent diffusées sur les ondes et que le groupe fondé en 1994 est plus que jamais invisible sur le petit écran.
Coup de projecteur sur un album anti-morosité qui vous (re)donne ne sourire, et vous donne envie de danser de de chanter. D’être heureux sur des rythmes enracinés dans une attachante Louisiane et offerts par le MCB dans une réjouissante décontraction.
SURTOUT PAS DE COPIÉ-COLLÉ DE LA MUSIQUE DE LOUISIANE
“Un quatuor qui ne s’embarrasse pas des conventions en ne cherchant pas à faire du copié/collé de la musique de nos cousins de Louisiane, mais en y mettant tout leurs bagages musicaux et leurs sensibilités qu’ils trimballent depuis longtemps”.
Signée Roger Morand, cette présentation en dit long sur l’esprit qui règne sur scène en coulisses dans ce groupe offrant une musique entièrement acoustique puisée dans un large registre d’airs cajun et créole, zydeco,
S’y ajoute un zeste de musique acadienne et country, et une pincée de rock comme en témoigne un titre caché glissé malicieusement dans cet enregistrement : le genre de titre qui vous met d’aplomb dès le matin, pour que vous ayez eu un réveil quelque peut difficile !
Ce nouvel album a largement de quoi ravir “les amateurs de blues que ceux des planchers de danses cajun, zydeco, rock ou country… On y retrouve des two step, jitterbug, côtoyant des one step, line dance, polka, baisse bas et même biguine”.
“BELLES CHANSONS TANTÔT BRAILLARDES OU MÉLANCOLIQUES”
Pour ceux qui ne sont pas de redoutables spécialistes des rythmes de la Louisiane, normal qu’ils aient un peu de mal à s’y retrouver dans les divers genres musicaux mis en relief au fil des titres.
Mais pas de panique ! La pochette met en valeur chaque titre avec une brève explication mêlant références historiques et repères musicaux, précisions sur le créateur et sur l’impact de la chanson au moment de sa sortie.
Ces précisions sont d’autant plus précieuses qu’elles témoignent de la vaste diversité des sources d’inspiration des quatre compères. Mais soyons francs : on peut très bien se laisser emporter par l’ambiance de l’album sans nécessairement s’accrocher à ces informations.
Car il faut bien affirmer haut et fort une évidence : “Une limonade ?” ne s’adresse pas à l’esprit, à l’intellect, mais au corps. Bref à l’envie et au besoin de s’abandonner à l’ambiance de ces “belles chansons tantôt braillardes ou mélancoliques, tranches de vie, d’amour et de dérision”.
A la une de Trad Magazine, mars-avril 2015
CLIN D’ŒIL A CLIFTON CHÉNIER
En somme du “vrai french Cajun blues boogie & Zydeco quoi !” selon Roger Morand, créateur du groupe. Un sacré passionné de musique qui apprend l’accordéon chromatique à l’âge de 6 ans avant de s’intéresser durant son adolescence au mélodéon : deux des instruments qu’il joue au sein du MCB qui a subi plus d’un changement dans sa déjà longue histoire de plus de 20 ans.
Aujourd’hui le groupe comprend aussi Guy Vasseur aux percussions, Patrick Plouchart (violons, chant et choeurs) et Jean-Marie Ferrat (guitares, basses, choeurs) qui a également enregistré et produit l’album aux arrangements signés Roger Morand.
Mention spéciale, au fil des refrains de “La limonade ?” au “Bon temps rouler” créé en 1967 par Clifton Chenier (1925-1987).
D’où une évidente passerelle entre ce 3ème CD et le précédent album du MCB, “Marcher Plancher” : un clin d’œil à ce pionnier de la renaissance d’une certaine Louisiane francophone, influencé à la fois par le blues et le jazz et inoubliable musicien de zydeco. L’impressionnante discographie de cet inventif pionnier en dit long sur le parcours de ce créateur assurément cher à Roger Morand.
S’il est évident que le Morand Cajun Band célèbre avec talent la Louisiane, notons que le groupe s’est également forgé une belle réputation dans un registre plus folk, notamment avec l’animation de bals avec danses traditionnelles (mazurka, polka, danses en ligne et en cercle, etc
Vous aimez le Québec ? Et la poésie ? Notamment la poésie qui incite à découvrir tant de nuances insoupçonnées d’une “Belle Province”…
Si ces interrogations retiennent votre attention, surtout pas d’hésitation. Laissez-vous entrainer par les poètes alsaciens Albert Strickler et Jean-Christophe Meyer dans un voyage aussi inattendu qu’inoubliable. Avec en prime 22 dessins et gravures de Delphine Gutron : trois talents réunis sur cette photo de Daniel Walther.
Attachez vos ceintures, décollage immédiat vers une destination chatoyante de couleurs et de sensations, d’impressions au gré de déplacements de deux poètes alsaciens à Montréal, Québec et bien plus loin encore.
CARNET DE VOYAGE À DEUX VOIX ENTRE DÉCOUVERTE ET RESSENTI
Premier constat. Autant vous prévenir : ne vous attendez surtout pas à un guide touristique avec cet ouvrage paru aux Éditions du Tourneciel dans la collection “Le Miroir des échos”. Pas du tout le genre de livre qu’on emporte pour dénicher les “bonnes adresses” et autres “sites incontournables” à immortaliser avec votre appareil photo ou téléphone portable.
“Dans la paume d’une feuille d’érable”, c’est plutôt un carnet de voyage enraciné dans quantité d’impressions et de découvertes. Entre voir et raconter, découvrir et ressentir. Il n’existe pas de photo réunissant les deux auteurs au Québec. Et pour cause puisque leurs séjours respectifs n’auront jamais eu lieu aux mêmes périodes.
Albert Strickler est venu deux fois au Québec, entre participation à deux reprises au Festival International de la Poésie de Trois Rivières et retrouvailles familiales.
“J’ai séjourné deux fois au Québec, chaque fois motivé par l’envie de revoir ma fille Cornélia installée à Montréal après avoir vécu à Ottawa. La première fois, j’y suis allé en 2010 avec Benjamin notre aîné et plus récemment en automne 2016” souligne-t-il en évoquant ses impressions québécoises. Cette expérience, il la raconte avec force détails dans son journal rédigé quotidiennement et publié chaque année dans la collection “Le chant du Merle” aux Éditions du Tourneciel.
Jean-Christophe Meyer a aussi, effectué deux séjours au Québec, de quelques semaines à chaque fois.
“Comme simple touriste la première fois. Et c’est alors que j’ai rédigé le texte paru avec les poèmes d’Albert… Et la deuxième fois pour promouvoir “Garde ton souffle pour le chant de la gratitude », un de mes précédents recueils, que Dominic Deschênes a choisi pour une de ses collections aux Éditions du Sablier à Québec”.
Septembre 2016, Blienschwiller. De gauche à droite : Jean-Christophe Meyer, Dominic Deschênes, Juliette Amiel, Albert Strickler et Gabriel Braeuner,
AVEC LA COMPLICITÉ DU QUÉBÉCOIS DOMINIC DESCHÊNES
Dominic Deschênes ? Ce Québécois est un des créateurs des Éditions du Sablier fondées en 2003 dans la ville de Québec et spécialisé dans la poésie.
Une intense complicité s’est forgée entre lui et les deux auteurs d’Alsace. Elle s’exprime intensément dans la préface rédigée le 9 mars 2017 à Québec. En effet, l’Alsace n’est plus une terre inconnue pour ce poète et éditeur.
On le retrouve sur cette photo de groupe prise en septembre 2016 dans la salle familiale du domaine François Meyer, au-dessus de la cave à Blienschwiller. C’était à l’occasion d’une lecture poétique organisée par les Éditions du Tourneciel, et dont Dominic Deschênes fut l’invité d’honneur.
L’événement fut organisé pour la venue du poète québécois et la création des créations de la pianiste Juliette Amiel. compositrice de plusieurs œuvres inspirés de poèmes de “Les Aigrettes des cirses dans le jour qui naît”, avant-dernier recueil de Jean-Christophe Meyer.
Sur cette photo se trouve aussi l’historien Gabriel Braeuner, historien proche de la Bibliothèque humaniste et auteur des livres sur Sélestat et Colmar parus aux Éditions du Tourneciel.
Escale à l’Ile d’Orléans pour Jean-Christophe Meyer
“NOUS LES SUIVONS DANS LEURS PÉRÉGRINATIONS ÉMERVEILLÉES”
Quand on prend le temps de se promener à travers la “Belle Province” en compagnie de Strickler et Meyer, une évidence s’impose : les deux auteurs embellissent avec talent ce qu’ils ont vu, vécu, entendu … et compris aussi de cette terre francophone et de ses habitants d’Amérique du Nord.
Certes, comme l’affirme avec justesse Dominic Deschênes dans sa préface, ce livre “évoque les voyages que nos deux poètes ont fait loin de leur vallée du Rhin, dans une autre vallée fluviale, celle du Saint-Laurent. De Montréal au parc de la Bic, en passant par la Mauricie, le Vieux-Québec, le fjord du Saguenay, l’Ile-aux-Coudres et bien d’autres endroits, nous les suivons dans leurs pérégrinations émerveillées à travers les grands espaces du Québec, mais aussi au cœur de ses principaux sites historiques”.
En somme un livre pour deux approches poétiques à la fois différentes et complémentaires.
Entre observations et anecdotes, Jean-Christophe Meyer s’adresse à sa compagne venue découvrir le Québec avec lui : belle expérience commune développée avec force allusions et souvenirs, et enracinés dans des repères souvent plus géographiques que ceux des textes d’Albert Strickler. Lequel, en jongleur habile et amoureux des mots, laisse vagabonder son imagination vers des espaces souvent oniriques.
Il s’envole au gré des mots colorant ses “impressions québécoises” et utilise plusieurs fois dans chaque poème l’expression “Québec je me souviens”. Évidemment une allusion à la devise du Québec … dont la signification historique aura suscité bien des controverses longuement développée ICI sur internet.
STRICKLER, AUTEUR-ÉDITEUR GUIDÉ PAR L’ÉCRITURE QUOTIDIENNE
Plusieurs pages sont consacrés au Québec dans le Journal 2016 d’Albert Strickler
C’est évident, “Dans la paume d’une feuille d’érable” met en relief deux regards bien distincts du “vécu québécois” deux poètes d’Alsace. Le parcours de chaque auteur est singulier et ne ressemble pas à l’autre bien qu’à chaque fois enraciné dans l’Alsace natale.
Né en 1955 à Sessenheim, Albert Strickler est l’auteur d’une bonne trentaine de livres. Et aujourd’hui plus que jamais, il publie depuis 1994 des volumes annuels de son fameux Journal aux titres des plus poétiques : “Comme un roseau de lumière”, “De feuilles mortes et d’étourneaux”, “Le cœur saxifrage”, “La traversée des éphémères”, “Les andains de la joie”, “Pour quelques becquées de lumière”, etc.
En plus de ces rendez-vous annuels avec ses lecteurs, il publie également divers recueils de poèmes ainsi et des ouvrages réalisés en binôme, notamment avec des plasticiens : Dan Steffan, Gilbert Mosser, Rolf Ball, Patrice Thébault, Colette Ottmann, Sylvie Lander, Gérard Brandt, etc.
D’où une (très) impressionnante bibliographie témoignant d’une inspiration permanente doublée par un évident besoin d’écrire chaque jour.
18 décembre 2015. Médiathèque Intercommunale de Truchtersheim. Lecture de textes d’auteurs des Éditions du Tourneciel fondées par Albert Strickler
MEYER : MILITANT DE LA LANGUE ET DE LA CULTURE ALSACIENNES
Photo extraite de l’entretien de Jean-Christophe Meyer dans le documentaire réalisé par le cinéaste allemand Andréas Ottmayer
Né en 1978 à Blienschwiller, sur la Route des Vins, Jean-Christophe Meyer est journaliste au quotidien L’Alsace, à Saint-Louis où il rédige en alternance avec d’autres chroniqueurs le billet en alsacien du samedi.
Ce fils de vigneron a publié plusieurs recueils en français avant son premier son premier ouvrage bilingue, “Lìechtùnge – Clairières” dans la collection “d’Fladdermüs” aux Éditions du Tourneciel.
Engagé dans diverses associations pour la défense de la langue et culture alsaciennes, il agit au sein d’AGATE (Académie pour une Graphie Alsacienne Transfrontalière avec laquelle il a créé en 2010 le sentier des poètes de Blienschwiller.
Par ailleurs, une des étapes du sentier des poètes de Bischwiller lui est consacré à l’initiative de Sylvie Reff, auteure-compositrice-interprète, chanteuse, écrivain et poétesse qui a préfacé ce premier recueil bilingue.
Pas étonnant qu’on retrouve Jean-Christophe Meyer face à la caméra du cinéaste allemand Andréas Ottmayer dans son documentaire Schmierwurst & Baguette sur l’identité alsacienne.
Jean-Christophe Meyer : une des plumes retenues par Sylvie Reff pour la création du sentier des poètes à Bischwiller
EXPOSITION DE DELPHINE GUTRON AU CENTRE CULTUREL ALSACIEN
“Dans la peau d’une feuille d’érable” est un beau livre de poésie. Il retient l’attention tant par l’intensité textes de Jean-Christophe Meyer et Albert Strickler que la création graphique d’Olivier Klencklen. Ce livre est d’ailleurs présenté via son “regard de graphiste” sur son site reflétant un esthétisme des plus efficaces.
Dessins et gravures de Delphine Gutron constituent un atout de taille dans cet ouvrage. Du 10 au 30 juin, les œuvres inspirées par “le Québec de Strickler et Meyer ” sont exposées au Centre Culturel Alsacien à Strasbourg
“Nancéenne de naissance, alsacienne depuis près de 20 ans à présent, je grave et dessine des balades intérieures, des voyages de papier comme les estampes et les dessins réalisés pour le recueil de poèmes sur le Québec « Dans la paume d’une feuille d’érable » écrit par Jean-Christophe Meyer et Albert Strickler” confie-t-elle sur le site du Centre Culturel Alsacien.
Une série de six cartes postales a été éditée pour la sortie de ce livre. Elle reprend des œuvres du recueiul de poèmes. Soit trois cartes par auteur chaque fois illustré par un phrase poétique de chacun d’eux : une autre initiative des Éditions du Tourneciel qui mérite, elle aussi d’être connue et encouragée.
Sélestat, dimanche 28 mai, 2017. Lecture au Fonds Régional d’Art Contemporain
“LES POÈMES LUS ENGENDRÈRENT UNE CARTOGRAPHIE ÉTRANGEMENT INCONNUE ET UNIVERSELLE A LA FOIS”
Hé oui, du 10 au 30 juin, Delphine Gutron expose dans ce haut-lieu de l’identité alsacienne situé à Strasbourg.
Samedi 17 juin à 14 heures, poésie et peinture sont d’ailleurs au rendez-vous avec les trois artistes mobilisés pour ce recueil : un des nombreux événements organisés par le CCA au fil des semaines.
Et Delphine Gutron de préciser : “Je dessine très lentement car le temps s’arrête dans le quotidien et l’encre prend alors la route, une marche quasi en temps réel, laborieuse ou bucolique, champêtre ou marécageuse, fluide ou saccadée. Les poèmes lus n’eurent pas de seconde vie, ils engendrèrent une cartographie étrangement inconnue et universelle à la fois, celle du voyageur qui sait ramasser les miettes de nature d’un peu partout comme celui qui collectionne les sables du monde entier”.
“COMME SI C’ÉTAIT LA PREMIÈRE FOIS”
Au fait comment s’y retrouver dans cet ouvrage de 64 pages réunissant deux manuscrits ?
Pour que le lecteur puisse aisément distinguer les auteurs des deux cycles de poèmes, celui de Jean-Christophe Meyer (“Nous, pèlerins de l’aube”) est présenté en typographie droite alors que “Je me souviens” d’Albert Strickler apparaît en italiques.
Pas de doute, si vous avez déjà été au Québec ou que vous y viviez, ce livre vous offrira une vision attachante et insolite, inattendue assurément. Et des plus poétiques évidemment !
D’où ce constat final relevé dans la préface de Dominic Deschênes : “Même le lecteur québécois, après avoir refermé ce livre, peut regarder ces paysages qu’il habite au quotidien comme si c’était la première fois et s’en émerveiller à son tour”.
Une évidence à laquelle j’adhère avec conviction.
Albert WEBER
“Dans la paume d’une feuille d’érable”, couverture et 64 pages à l’italienne. Éditions du Tourneciel. 20 euros.
Photos Daniel WALTHER, Albert WEBER et Jean-Christophe MEYER
Enregistrer un 2ème album exclusivement consacré à Leprest en trois ans c’est sans aucun doute prendre des risques.
Assurément de sérieux risques car les passionnés du grand Allain sont connus pour leur incontestable exigence doublée d’un inévitable art de la comparaison entre version originale et reprise d’interprète. Et c’est d’autant plus compréhensible que les enregistrements reprenant Leprest sont nombreux depuis son suicide à 57 ans, le 15 août 2011.
Coup de projecteur sur le nouvel album de Clémentine Duguet, dont la voix s’enracine au fil des CD dans nombre de répertoires des plus diversifiés, bien au-delà de son Alsace natale.
Une pochette signée Franyo Aatoth pour ce 2ème CD de Clémentine consacré à Allain
“DES MOTS LUI SORTAIENT DE PARTOUT”
Clémentine Duguet aime vagabonder dans l’univers de Leprest, et y repérer des titres souvent moins connus que d’autres. D’où ses deux albums sortis en trois ans et exclusivement consacrés à Allain.
Voici trois ans sortait un premier album composé de 22 titres d’Allain Leprest repris par Clémentine Duguet. Rebelote en cette nouvelle année avec un CD de 24 titres enregistrés en deux semaines de studio : d’où 78 minutes et 42 secondes qui devraient retenir l’attention des amoureux de l’univers de Leprest.
24 chansons de Leprest ? Pour être précis disons 23 car l’avant-dernier titre, “Merci Monsieur” est à vrai dire un texte de Clémentine Duguet. Des paroles qu’elle dit sur une musique de Romain Didier composée pour “Chanson “Marine” du spectacle “Francilie” dont Allain avait écrit les paroles.
Attachée depuis des années à l’œuvre de Leprest qu’elle avait revue en concert à L’Alhambra en 2009, Clémentine raconte Allain d’une voix à la fois assurée et d’une évidente sensibilité.
Mais sans sensiblerie : “Mais des mots et des mots/Lui sortaient de partout/Comme un flot de farine/De vent et de cailloux/Le vin de Joséphine/ Le cul du Cotentin/Le ciel de Gagarine/ Le Canal Saint Martin/ Et des mots et des mots lui sortent de partout/Et moi chopin chopine/ Je m’écharpe de lui/ Je me colle ces rustines/ Graines de bois de lit/ Sur mon cœur de tartine/ Merci Monsieur merci”.
Quant à “Mec”, dernier titre de ce nouvel opus, il est offert non par Clémentine Duguet mais par Marc Trubert dont la voix est assurément bien proche de celle d’Allain. La photo publiée du texte montre d’ailleurs les deux amis photographiés “au piano du Connétable le 15 juillet 2002 très tard dans la nuit”.
Outre le dessin de la pochette signé Franyo Aatoth, la présentation des chansons manque visibilité. Dommage les noms des créateurs des chansons soient imprimés en blanc, ce qui n’est pas des plus heureux vu les autres couleurs utilisées.
S’y glisse aussi deux erreurs relevées par Clémentine Duguet sur sa page Facebook : “Avec toutes nos excuses à JeHan pour avoir volé sa version de Chanson Bateaux (avec un X !) en en attribuant la musique à Romain Didier”.
23 chansons de Leprest et un texte de Clémentine sur une musique de Romain Didier
24 INTERPRÉTATIONS ENTRE DOUCEUR ET ÉMOTION
S’il est évident que chacun se forgera sa propre opinion de “Clémentine chante Leprest 2″, quelques points de repère s’imposent.
Il ne faut évidemment pas vouloir retrouver dans le timbre de voix de Clémentine Duguet l’interprétation à fleur de peau d’Allain Leprest. Elle offre ici sa propre vision, sans doute moins extravertie que les titres originaux.
A l’instar d’autres chanteuses qui ont repris Leprest, cet album permet d’apprécier Leprest d’une autre manière. Un choix artistique enraciné dans une talentueuse complicité entre la chanteuse et ses trois musiciens : Yves Nabarrot (guitare, voix) et Marie Ladret (piano, claviers, voix) et Jean-Michel Eschbach (accordéons, accordina).
D’où une atmosphère tout à fait particulière à savourer dans chaque titre de “Clémentine chante Leprest 2″ : entre douceur et émotion, avec un regard plein de tendresse envers Allain exprimée avec justesse par la chanteuse.
“INTENSE, DOUCE ET IMPULSIVE”
En décembre 2015, lors d’une soirée présentée par la chanteuse Kristel Kern à Andlau, en Alsace, Clémentine Duguet avait présenté un spectacle de chansons toutes puisées dans le répertoire d’Allain.
Elle y était alors accompagnée par les trois musiciens qui l’ont suivi dans cette nouvelle aventure discographique.
Dans un article consacré à ce concert, j’avais ainsi qualifié l’interprétation des chansons de Leprest : “Tour à tout intense, douce et impulsive, Clémentine Duguet a chanté Leprest avec conviction. Avec une énergie qui fait chaud au coeur. Une interprétation à la fois sobre et efficace offerte avec trois complices : Yves Nabarrot (guitare), Marie Ladret (piano et 2ème voix sur certains titres), et Jean-Michel Eschbach (accordéon-bandonéon)”.
A bien écouter ce nouvel opus, j’y retrouve les divers repères qui avaient retenu mon attention à Andlau.
Marquée à ce jour d’une belle douzaine d’enregistrements, la discographie de Clémentine Duguet vient de s’enrichir d’un nouvel opus qui mérite une large diffusion auprès des amoureux d’une chanson de qualité. Sans colorants artificiels. Donc pas nécessairement celle qui est diffusée habituellement sur les ondes…
Sorti en 2015, 1er album de “Clémentine chante Leprest” compte 22 chansons
“LA CHANSON FAIT PARTIE INTÉGRANTE DE LA VIE POPULAIRE ET SA PLACE EST PARTOUT”
Elle en a fait du chemin, Clémentine, depuis ce printemps 1998 où je lui avais consacré une double page dans le trimestriel Chorus n° 23 sous le titre “L’inconnue d’Alsace”.
Au fil des ans, elle s’est forgée un répertoire, une expérience, un vécu qui témoigne d’une incontestable passion pour la chanson aux multiples sujets. “J’ai chanté le passé, le vin, la bière, la nuit, l’amour, l’érotisme, la guerre, le Front Populaire, le pub, les voitures, le mariage, la Belle Époque, la nature, les guinguettes, les enfants, le chocolat, … Et j’ai revisité avec délectation l’histoire de France qui m’avait tant ennuyée en classe” confie-t-elle dans un livre de témoignages sur la Choucrouterie fondée en 1984 à Strasbourg par Roger Siffer (“Quand la Choucroute … rit”, Éditions La Nuée Bleue, 2003).
Et d’affirmer quelques lignes plus loin : “La chanson fait partie intégrante de la vie populaire et sa place est partout. J’ai ainsi chanté dans des caves, des hôpitaux, des maisons de retraites, des écoles, des restaurants, des prisons, des cirques, des entreprises, des bateaux, des garages, des parkings, des garderies, des trains, des gares, des banques, des camions, des jardins, des expositions, des musées, des bibliothèques, des radios, des télés, des cabarets, des guinguettes, des gymnases, des fermes, des foires, des cours … Et puis bien sûr la Choucrouterie a servi de tremplin à toutes ces pérégrinations puisque la plupart de mes spectacles y ont été créés”.
“Clémentine chante Leprest 2″ ? Un album qui séduira – je l’espère – les personnes sensibles à Allain Leprest et qui font preuve de curiosité. Et plus globalement les passionnés d’une chanson qui mérite de (sur)vivre en cette époque marquée par trop de fausses valeurs artistiques et culturelles.
Jean-Michel Eschbach au concert d’Andlau
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
PHOTO MILO LEE (1ère photo de l’article, également dans la pochette du CD)
C’est évident. Il est toujours dangereux de coller une étiquette en ne tenant compte que d’une étape d’un parcours pourtant intense en initiatives.
Et quand cette escale a bénéficié d’une forte exposition télévisée, il est si facile de réduire un artiste à un personnage aussi médiatisé qu’artificiel. Au risque de le dénaturer totalement.
Léopoldine HH est sans doute un des exemples les plus percutants en la matière Une championne du (très) grand écart finaliste à la fois de la “Nouvelle Star” en 2014 et du Prix Georges Moustaki en 2017.
Histoire d’une artiste aussi inclassable qu’à l’aise sur scène comme chanteuse, musicienne et comédienne.
“Je suis née toute nue”, titre initial du CD est devenu “Fleurs en pot” (Blumen im Topf”)
UNE HEURE AUSSI DÉLIRANTE QUE DÉPAYSANTE
13 chansons en français, anglais, alsacien et allemand …plus un titre caché des plus inattendus. Embarquement immédiat sur la planète “Blumen im Topf” ! Un voyage aussi délirant que dépaysant en 59 minutes et 58 secondes …. aux allures de puzzle aux pièces extrêmement différentes.
Le « Mini-Cédé de Léopoldine » sorti en 2014 était en quelque sorte une « répétition générale », sans doute histoire de se roder, d’explorer avec audace des voix et des voies des plus éclatées.
CHAQUE nouvelle écoute de « Blumen im Topf” révèle des intonations, des détails, des arrangements, des délires vocaux et musicaux.
Ce CD ne se résume pas un “enchaînement de chansons”. C’est plutôt un album-concept forgé de paroles et de musiques, mais aussi de phrases échappées de pièces de théâtre, d’extraits de comptines alsaciennes, de déjantés bidouillages de sons, de bruits divers, de vagabondages vocaux jonglant entre plusieurs langues.
t
Octobre 2016, Librairie Kléber. Présentation de “Blumen im Top” à Strasbourg avec Charly Marty et Maxime Kerzanet
UNE INSATIABLE GOURMANDISE POUR DES TEXTES D’AUTEURS
Léopoldine HH est unique à bien des égards, et il serait extrêmement réducteur de la qualifier de “chanteuse alsacienne”.
En témoigne sa voix claire et affirmée qui passe de l’aigu au grave avec une aisance jubilatoire : Léopoldine chante et parle, crie et murmure, roule les r au gré des refrains, chuchote et murmure.
Ici et là, au gré des articles suscités par la sortie de cet album, on se retrouve avec des comparaisons des plus flatteuses : Camille, Ute Lemper, Marlène Dietrich, Bjork, William Sheller, Catherine Ringer, etc. Voire de Brigitte Fontaine, Richard Gotainer, Daphné et Nina Hagen dans FrancsFans, le bimestriel indé de la scène” (février-mars 2017) qui le présente comme un des “8 albums indispensables”.
Bravo pour ces flatteuses références mais Léopoldine HH est unique, même si ses envolées vocales et son aisance scénique me font penser à l’Acadienne Marie-Jo Thério et à la Québécoise Klô Pelgag.
Et si l’inspiré grain de folie de ces deux chanteuses se retrouve omniprésent chez Léopoldine, une autre évidence s’impose. Elle s’enracine dans une histoire familiale aux (très) multiples épisodes vécus par ses parents artistes, Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel.
D’où une personnalité fort extravertie, enrichie par un héritage enraciné dans un savoureux éclectisme. La jeune chanteuse affiche une insatiable gourmandise pour des textes d’auteurs fort variés, célébrés dans plusieurs langues. En somme une artiste qui se joue des courants des pensée, des périodes littéraires et aussi des genres musicaux.
Certes, ici et là, Léopoldine est parolière et/ou compositrice de certains titres. Mais la majeure partie des titres fait la part belle à de superbes signatures : le poète Olivier Cadiot ; le comédien, auteur dramatique et metteur en scène Gildas Milin ; la romancière Gwenaëlle Aubry, etc.
D’où une série de titres où Léopoldine s’envole entre aigu et grave : autant de convaincants repères d’une incontestable maîtrise, résultat d’années de chorale, de piano, de chant lyrique, de musicologie.
Un des meilleurs exemples de cette maîtrise vocale doublée d’une perpétuelle envie de surprendre, c’est “Zozo Lala”. Un texte surréaliste signé Roland Topor de Michel Valmer. Sans doute le plus explosif de cet album qui ne manque pourtant pas de dynamite.
COMPTINES ALSACIENNES PASSÉES À LA MOULINETTE ÉLECTRO
Léopoldine HH a toujours envie et besoin de changer de registre artistique. J’en sais quelque chose pour l’avoir apprécié au fil des ans dans des circonstances très différentes … autant par journée ensoleillée sous chapiteau au Festival Summerlied à Ohlungen ou bien dans la pénombre nocturne d’un sous-sol strasbourgeois pour le “Festival des Caves”, une cave de Strasbourg.
Deux souvenirs parmi d’autres d’une énergique et pétillante jeune femme sans doute à ses premiers pas d’une carrière d’auteure-compositrice-interprète aussi imprévisible qu’inspirée. A l’instar d’une Diane Dufresne …. sans accent québécois mais avec une malicieuse aisance pour jongler entre français, allemand et alsacien dont elle s’approprie chaque fois les intonations et la diction.
Qu’elle chante – en allemand et français – un texte de la poétesse Eva Strimatter en guise d’introduction à “Blumen im Topf” ou qu’elle donne vie aux textes du metteur en scène et auteur Gilles Granouillet, Léopoldine fait toujours preuve d’incontestable originalité.
Et la chanson “Blumen im Topf” ? Elle a été coécrite par Léopoldine HH et Charly Marty, un des deux comédiens-musiciens qui l’accompagnent sur scène et ont enregistré l’album avec elle. L’autre, c’est Maxime Kerzanet : tous deux ont également beaucoup travaillé avec elle aux arrangements, à l’instar de Flavien Van Landuyt.
Pour ses “fleurs en pot” – titre éponyme de l’album – Léopoldine a puisé dans ses souvenirs d’enfance. Mais attention ! Pas question de reprendre dans sa version originale le refrain chanté par sa grand-mère.
“Ne me demande pas ce que j’ai dans la tête” lance-t-elle, accompagnée par les chœurs du collège Diderot de Besançon en s’en donnant à cœur joie avec ces “Blumen im Topf” … phrase également reprise dans le 13ème titre. Avouez qu’il faut tout de même être audacieux pour sortir son premier album sous un titre en allemand, non ?
Et quand elle reprend une des plus célèbres comptines de son Alsace natale, elle en offre une version électro à des années-lumière de la version habituelle. “Mama ich will a Ding” s’achève d’ailleurs par quelques brèves phrases en alsacien et en français.
“Tu es comme un livre, on peut lire en toi” lance Liselotte Hamm. C’est du moins la première impression … car les deux titres enchaînent sans temps mort ! Extraits de comptines passées à la moulinettes, interventions éclairs de Jean-Marie Hummel et Liselotte Hamm, le tout enrobés dans de percutants synthétiques. D’où “Blumen Frischgemixt” mijoté par Léopoldine HH et Flavien Van Landuyt au studio Zèbre de Besançon.
Une délirante explosion de sons et de voix où Léopoldine donne libre cours à sa folie créatrice … juste avant de raconter – avec l’accent allemand – l’étrange histoire de “Magie-Blanche”. d’après la pièce “Brasserie” de Koffi Kwahulé, comédien, metteur en scène, dramaturge et romancier ivoirien !
Livre clin d’oeil à Adrienne Hummel par Léopoldine entourée par Charly Marty et MaximeKerzanet
“EUROPÉENS D’ALSACE” : SACRÉE FAMILLE D’ARTISTES
Loin des pots de géranium symboles d’une Alsace folklorique, les fleurs offertes avec par Léopoldine durant près d’une heure en disent long sur le potentiel de cette inclassable artiste d’Alsace.
“Des Européens d’Alsace” : c’était le titre d’un portrait paru dans Chorus, les cahiers de la chanson au printemps 1995. Deux pages consacrées à Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel : “Un couple d’artistes étonnants, dont éclectisme et l’expérience internationale vont de pair avec une joie de vivre assumée au quotidien, à la ville comme à la scène”.
“Impossibles à cataloguer, avec leur répertoire tantôt français, tantôt alsacien, tantôt allemand” avais-je précisé. Pas de doute ! 22 ans plus tard, ces propos s’affirment plus que jamais d’actualité pour définir, ou plutôt pour tenter de définir leur fille Léopoldine.
Sacrée famille d’artistes où s’affirment aussi d’autres registres artistiquesYérri-Gaspar Hummel et Adrienne Hummel, les deux autres enfants des “Européens d’Alsace” Une famille qui suivra de (très) près la finale du Prix Georges Moustaki, le 16 février à 20h à Paris.
C’est évident, on n’a pas fini de parler de Léopoldine HH, décontractée chanteuse à tresses dont ce premier album n’est, à vrai dire, qu’une facette de ses intenses initiatives artistiques.
“Le dernier train”, nouvel album de Robert Duvergé, méritait assurément un coup de projecteur sur ce site intitulé “planete francophone”.
Car s’il est bien un artiste mauricien attaché à la francophonie, c’est cet auteur-compositeur-interprète. En témoignent sa riche carrière d’artiste et aussi, depuis 2006, ses émissions radio.
Rencontre avec un créateur au parcours unique sur une île Maurice dont les atouts ne se résument ÉVIDEMMENT pas au tourisme pour amateurs d’exotisme en manque de soleil.
Artiste incontournable de la chanson à l’île Maurice
UN ARTISTE INCONTOURNABLE DANS LA VIE MUSICALE MAURICIENNE
Commençons par une question : vous n’aviez encore jamais entendu parler de Robert Duvergé ? Assurément un des artistes d’expression française les plus importants de l’île Maurice … ce qui ne l’empêche évidemment pas de chanter aussi en créole !
Alors plutôt que de me lancer dans de longues explications sur le parcours de cet artiste, prenez le temps d’en découvrir les principaux repères sur ces deux photos.
Ci-dessus celle qui figure dans la pochette du nouvel album, histoire d’en savoir un peu plus sur une carrière hors-pair débutée en 1964 par l’album “Si tu partais” : un enregistrement aux arrangements signés Gérard Cimiotti, figure incontournable de l’Histoire musicale de l’ile Maurice depuis plus de 50 ans !
Son récent décès à 75 ans a suscité de vives réactions auprès des innombrables artistes mauriciens ayant travaillé avec lui, dont Robert Duvergé qui raconte dans le magazine 5 Plus Dimanche : “Avec Gérard, c’est plus d’un demi-siècle d’amitié. On a fait toutes les scènes possibles de Maurice. Un musicien hors norme et quelqu’un d’une grande bonté. Je ne l’ai jamais vu en colère. Il n’hésitait jamais à “performer” gratuitement pour venir en aide à d’autres”;
Oui, voici plus de 50 ans que Robert Duvergé est un auteur-compositeur-interprète qui compte à Maurice. “Hier et aujourd’hui”, son précédent album, reprenait d’ailleurs quelques-unes des chansons marquantes de son répertoire.
Une carrière unique ponctuée de nombreux albumsEn compagnie de Véronique Zuel-Bungaroo, Grace Gauthier, Carol Lamport, Linzy Bacbotte et Sophie Némorin. Photo parue dans “Essentielle”, le magazine de la Mauricienne
12 CHANSONS ARRANGÉES PAR JEAN-PIERRE AUFFREDO
Attention, une précision s’impose. Robert Duvergé m’en avait parlé en août 2016, lors de nos retrouvailles au Musée de la Photographie de l’ile Maurice créé par Tristan Bréville. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre, “Le dernier train” n’est pas du tout son dernier album !
Véronique Zuel-Bungaroo, Linzy Bacbotte, Thierry Béchard, Audrey Poussin-Clain, Grace Gauthier, Sophie Némorin, Carol Lamport, etc : une vingtaine d’artistes participe à “Ode à l’Environnement”, dernier titre de cet album résultant de nombreuses collaborations.
Soit 70 personnes, dont les chœurs du Conservatoire Mitterrand (une quarantaine de membres) et deux groupes réunissant une quinzaine d’enfants. Sans oublier aux arrangements un complice de longue date, Jean Pierre Auffredo .
“MON ÎLE, MON PAYS” : MÉLANGE DE PRIÈRES ET DE CULTURES”
“L’album s’achève sur une “Ode à l’environnement”, un hymne regroupant plusieurs générations sur un refrain en français et un long couplet aux accents de rap créole. Du genre à reprendre en choeur dans l’esprit de “We are the world”.
“C’est un appel à la préservation de l’environnement, à la protection de la nature et au devoir civique en général, pour une île et un monde durable” précise Robert Duvergé en insistant sur un projet qui lui tient beaucoup à cœur : un clip à “porter au niveau des autorités pour viser à une diffusion nationale : télévision nationale, salles de cinéma, collèges et écoles, entreprises. Et tout cela en mars … bien avant la journée mondiale de l’environnement du 5 juin 2017″.
Essentiellement connu en tant qu’artiste chantant en français, Duvergé n’oublie pas pour autant le créole auquel il fait la part belle dans cette “Ode à l’environnement” mais aussi dans un autre titre des plus positifs : “Bizin krwar”. Un efficace reggae entre langues française et créole pour insister sur le besoin de garder espoir malgré les douleurs de la vie (chômage, handicap, chimiothérapie, etc).
L’ile Maurice, Duvergé la célèbre avec entrain dans “Mon île, mon pays”. Une chanson très rythmée qui s’achève sur de joyeux cris et applaudissements … Belle déclaration d’amour pour son île de l’océan Indien indépendante depuis 1968 : “Le bonheur de vivre, c’est notre liberté/Et pour le progrès, cyber ou smart cité/Un état souverain, une république/Malgré les affres de la politique”.
Et le chanteur de préciser : “Je suis libre heureux dans mon pays/On peut y relever tous les défis/Mélange de prières et de cultures/Je vais où je veux sans raser les murs/ Des années nos couleurs flottent déjà/Belle histoire, tous unis et ça se voit/Droit devant l’océan, l’infini/Mon île, mon pays, plus que ça, mère patrie”.
Avec la participation de jeunes Mauriciens, dont les petits-enfants de Gérard Cimiotti
“BOND GIRL D’AMOUR” : ATTENTION DANGER !
Et voici que Duvergé se transforme en observateur amusé de l’évolution des mœurs. C’est avec humour qu’il se met dans la peau d’un séducteur en quête de rencontres virtuelles via internet.
D’où une “Bond girl d’amour” aussi attirante que mystérieuse célébrée sur un air de bossa … mais pour quel dénouement au juste ?
“Je n’l’avais encore jamais vu/ C’est là que tout a commencé/ Bonjour ça va, on a tchatté/ D’occasionnel à quotidien/ Les compliments jamais pour rien/Moi qui adore double zéro sept/Voici ma Bond girl sur le net/Elle a d’l’humour, elle est jolie/Rien à jeter, j’suis ébloui/Sa vie à elle je n’en sais rien/Tant pis je fonce on verra bien”.
1991. Avec Gilbert Bécaud dans les coulisses de l’Olympia
“J’AI VU BÉCAUD SIX FOIS À L’OLYMPIA ET DEUX FOIS EN CONCERT “
Passionné de Gilbert Bécaud qu’il a si souvent chanté ? Robert Duvergé l’est infiniment plus que vous ne l’imaginez !
“Gilbert Bécaud 15 ans déjà (18 décembre 2001) … et toujours là pour les inconditionnels comme moi. Je l’ai vu à l’Olympia en 6 fois (1988-1991) et en concert 2 fois (1980-1987). Je l’ai déjà posté, je le refais aujourd’hui encore. Chacun ses goûts, ses idoles, ses passe-temps. Je suis un inconditionnel de Gilbert Bécaud, et ces derniers jours, je me suis abreuvé de ses œuvres, ses musiques, ses chansons, je me sens regonflé à bloc” confiait-il récemment sur sa page Facebook.
Bécaud, et nombre d’autres artistes d’hier et d’aujourd’hui sont mis en valeur dans les émissions de radio de Robert Duvergé diffusées sur les ondes nationales.
Alors pas étonnant qu’il consacre une chanson d’une grande lucidité à ce qu’il appelle “Mon âge d’or” … avec deux refrains composés exclusivement de titres du répertoire français.
Une période si fertile en refrains qui n’intéressent pas la nouvelle génération : “Ils ne connaissent pas/ Montand, Ferré, Lama/Bécaud, Trenet, Mathieu/Ringards trop vieux/Les parents, les radios/N’offrent pas aux ados/Cette époque révolue/Pourtant qu’a tellement plu/Et dans trente ans ou plus/Un idiot comme moi sans plus/Débitera sa pensée/Son âge d’or au passé”.
1991. Avec Gilbert Bécaud dans les coulisses de l’Olympia
“LES GENS DE LA POLITIQUE ? DES COMÉDIENS, DE VRAIS COMIQUES”
Et qu’en est-il du titre éponyme de cet album ?
“Le dernier train”, Robert Duvergé l’a composé après avoir chanté dans une maison de retraite. D’où l’idée de se mettre dans la peau d’un vieil homme qui n’attend plus rien de la vie :
“Et le temps passe encore/La mémoire au point mort/Cloué dans mon fauteuil/Des bribes de vie s’effeuillent/Personne ne vient me voir/Je n’suis plus beau à voir/S’ront pas nombreux demain/Quand je prendrai mon train”.
Toutes les chansons ne sont évidemment pas du même registre dans cet album émouvant et drôle, grinçant et provocateur. Politiquement incorrect pourrait-on affirmer dès le premier titre, “J’aime, j’adore” aux accents country … “Un zeste de satire” selon Duvergé qui s’en prend avec plaisir à “la société en dérive devenue folie collective”.
“J’aime les gens de la politique/Ils nous balancent n’importe quoi/Des comédiens, de vrais comiques/Ils vivent en cliques et font leur loi/J’adore ce ‘ouf’ parler verlan/‘Chelou’ et ‘donf’ c’est effarant/Ils écrivent mal, regarde-les/C’est mal barré pour le français/J’aime ce banquier l’beau rôle tout l’temps/Calcul inique sensé t’aider/L’moment venu te rentre dedans/Toi tu perds tout, lui sans pitié”.
Cet album est un puzzle de 12 pièces dont chacune possède ses particularités.
Et si aucune chanson ne ressemble à l’autre, on peut y déceler bien des passerelles. Entre coups de gueule et coups de cœur, “Le dernier train” confirme, une fois de plus, la diversité du répertoire d’un artiste mauricien aux multiples inspirations tant en paroles qu’en musiques.
Paroles et musiques du nouvel album sont toutes signées Robert Duvergé
L’ALBUM LE PLUS PERSONNEL D’UN INTENSE PARCOURS ARTISTIQUE
“Le dernier train” est incontestablement l’album le plus personnel de Robert Duvergé. Celui qui exprime avec le plus de nuances et d’intensité son parcours d’artiste, mais aussi – et surtout – d’homme à la croisées des chemins, aux réflexions partagées/déchirées entre hier et demain.
S’y glisse un regard aussi lucide qu’amusé sur les diverses étapes de la vie qui s’enchaînent trop vite dans “Tout a une fin” …
Mais pas question de se replier sur soi, d’où “Droit devant” …. texte de courage, de remise en question et d’espoir inspiré par “les minutes qui s’écoulent/Les jours qui passent vite/Semaines et mois déboulent/Ceux qui s’en vont trop vite/Mal qui érode et ronge/Les gens qui doutent et plongent/Mariages qui se font/Les couples qui se défont/Pourtant il faut continuer/Droit devant et avancer”.
Quant à “Miroir”, c’est une chanson à écouter plus d’une fois. Et Duvergé n’y chante pas. Il parle, se raconte, se confie avec bon sens. Et prend du recul avec une vie entre réussites et désillusions : “Quand je s’rai arrivé tout au bout du voyage/Quand j’entamerai ma toute dernière chanson/Le miroir m’renverra un tout autre visage/Le passé s’ra alors mon unique horizon”.
VALÉRIE ET JEAN-FRANÇOIS : L’AMOUR PATERNEL A FLEUR DE PEAU
Impossible de passer sous silence deux titres. Ils occupent une place tout à fait particulière chez le chanteur, mais surtout le père de Valérie et de Jean-François.
D’où une vibrante “Valérie Symphonie” débutée tout en douceur … Duvergé exprime son amour paternel avec des mots si justes, empreints de tendresse : “C’était ce qu’un jour j’avais écrit/A ma fille pour ses quinze ans/Le temps a passé depuis/C’est une femme maintenant/Mais la chanson Valérie symphonie/Se conjugue toujours au présent”.
Et puis il faut bien écouter le texte de “L’un et l’autre”, un titre enraciné dans la douleur et le souvenir de son fils Jean-François.
D’abord il y a eu “Il est parti”, un livre paru chez Pamplemousses Éditions fondées par l’écrivain-journaliste-réalisateur Alain Gordon-Gentil. En l’occurrence le journal intime de Robert Duvergé rédigé depuis l’accident de son fils Jean-François survenu le 1er janvier 2007 jusqu’à son décès le 24 décembre 2011. Et bien plus encore … car il l y parle aussi de l’élan de solidarité suscité autour de ce drame. Soit 351 pages qui vous font entrer dans la vraie vie, celle qui est suspendue à un fil auquel on continue de croire, malgré tout. Jusqu’à l’irrémédiable.
D’où un poignant livre-témoignage synonyme de cinq ans de lutte. Celle d’un père, d’une famille qui va se battre pour son fils, grièvement blessé dans un accident ayant provoqué un traumatisme crânien le rendant inerte.
Suite logique du livre, voici le titre dédié aux deux Jean-François : “Lui, tant de projets d’avenir/ L’autre, qui n’avait rien vu venir/Lui, prêt au bonheur paternel/L’autre, espoirs gommés cruel/Lui, credo en la vie ma foi/L’autre sous les foudres de l’au-delà”.
Cette chanson, elle vous prend aux tripes, offerte avec des mots simples et directs. Et bouleversants d’authenticité.
“DEUX ANS D’OBSTINATION ET SURTOUT NE JAMAIS DÉSESPÉRER”
Mener à bien un tel album ? Assurément un long défi relevé par cet auteur, compositeur, interprète, producteur, distributeur, etc.
Une “histoire de passion” pour Duvergé : “Des mois ou même des années à écrire, corriger, réécrire, recorriger les textes afin de trouver la formule avec les mots les plus judicieux possibles. Des heures et des heures sur le clavier pour trouver enfin la bonne mélodie qui va se marier bien comme il faut aux paroles et essayer de la rendre agréable, attractive, belle, sensuelle, convaincante afin de plaire.
Oser faire TOUT tout seul, écrire, composer, planifier, éditer, produire, imaginer le bon modus operandi jusqu’au lancement de l’album. Surtout ne jamais désespérer, même si les portes de pas mal de sponsors vous restent fermées, sans aucune réponse et que le budget a du mal à tenir le coup. De nombreux échanges avec l’arrangeur, toujours le même en France, puis le studio, puis les choristes, et davantage pour réaliser “Ode à l’Environnement”.
Chercher la bonne photo (du même photographe), fournir au même “graphic designer” toutes les données pour une belle pochette. Pour le clip, imaginer le déroulement, convaincre les amis artistes, organiser le bon planning pour avoir tout le monde (70 personnes), cela a mis presque deux ans”.
Chapeau l’artiste !
TEXTE ALBERT WEBER
PHOTOS TRISTAN BREVILLE ET COLLECTION ROBERT DUVERGÉ
Émissions de Robert Duvergé : “Entre vous et moi” mercredi de 21h à 23 h sur MBC Kool FMet “La chanson une si belle histoire” dimanche de 10h à 11h sur Radio Maurice AM 684 (heure mauricienne !)
Décembre 2016. Concert “Songs for the Season” au Mahatma Gandhi Institute par le Conservatoire de Musique François Mitterand (Photo Tristan Bréville)Août 2016. Retrouvailles au Musée de la Photo à Port-Louis. Photo Tristan Bréville
Artiste résolument à part dans le monde de la chanson, Nilda Fernandez est un homme heureux, loin du cirque médiatique.
Un incontestable choix de vie pour le créateur de “Madrid, Madrid”, et “Nos fiançailles”. Sans doute les deux titres les plus connus de celui qui fut nominé cinq fois aux Victoires de la Musique en 1991 et s’y retrouve “Meilleur espoir masculin”.
Mais attention, ne croyez surtout pas que ses “Contes de mes 1001 vies” se résume en une bio de chanteur débordante d’anecdotes sur “la vie d’artiste”. Explications.
Septembre 2006, concert à Sarrebruck sous l’égide de “Bistrot Musique”
VICTOIRES DE LA MUSIQUE : LES COULISSES DU PALAIS DES CONGRÈS
Évidemment que Nilda parsème ces 383 pages de coups de projecteur sur les coulisses de ses aventures et mésaventures artistiques.
Et ses pages consacrées précisément à ces fameuses Victoires de la Musique en disent long sur certaines pratiques du métier. A commencer par le déroulement de la surprenante conférence de presse suscitée par cette consécration échappée des formatages des tubes standardisés.
“Depuis un an, mon album se vend en France de manière massive et inattendue. Le label multinational qui en a hérité se frotte les mains. Apparu en pleine “guerre du Golfe”, il est devenu son meilleur score et la chanson “Nos fiançailles” passe à la radio bien qu’elle soit le contraire des normes du succès” raconte Nilda, songeur au Palais des Congrès de Paris en précisant “Par bonheur, il s’est trouvé des gens éclairés pour donner une chance à leurs semblables de se nourrir d’autre chose”.
Et de citer divers journalistes qui ont contribué à ce que cette chanson sorte de l’anonymat dont Anne-Marie Paquotte (Télérama), Fred Hidalgo et Pascale Bigot (Chorus), Véronique Mortaigne (Le Monde), Hélène Hazéra (Libération), etc.
Sarrebruck, septembre 2006. Au micro de la Radio Sarroise
SORTIR DE L’ANONYMAT GRÂCE A UNE CHANSON NON FORMATÉE
Certes, cette mobilisation médiatique pour un artiste et une chanson “hors norme” était indispensable mais comme le reconnait Nilda : “Mais rien ne serait arrivé si ceux qui ont aimé cette chanson n’avaient fouillé dans les rayons des disquaires pour acheter un, deux, puis trois exemplaires de cet album qui m’a ouvert une porte vers les sentiments d’autrui”.
Et voilà, une fois de plus le grand public s’est pris de passion pour un répertoire différent de celui auquel il est habitué, grâce à cet effet boule de neige qui aura même retenu l’attention de Drucker, Foucault, Mitterand, Boyer, Nagui, Perrot, Martin, Ruquier, Sébastien, Ardisson nommément cités dans ce livre.
Combien de générations d’auteurs-compositeurs-interprètes ne sortiront jamais de l’anonymat par manque de soutien des “grands médias” ? Question de fond ? Assurément si on apprécie une certaine chanson loin des tubes habituels …
Et si j’ai d’abord insisté sur les pages axées sur “la consécration” de Nilda Fernandez, c’est pour mettre en relief une évidence : très vite, le “Meilleur espoir masculin” de 1991 s’est senti à l’étroit dans ce nouveau statut !
Et sa vie a pris un autre tournant. Et c’est là que se situe l’intérêt majeur de ce livre ponctué par tant d’étapes où l’on prend le temps de vivre, de se connaître et d’aimer.
C’est sûr, avec Nilda, on voyage beaucoup ! Mais surtout pas en touriste !
Ces déplacements toujours enrichis de rencontres, d’échanges, de découvertes et de retrouvailles en disent long sur la drôle de vie de cet homme qui chante.
Ici pas de course obsessionnelle pour une carrière internationale mais tout simplement l’envie et le besoin de vivre. De prendre du temps à chacune de ces escales loin de la France et de l’Espagne.
De l’île de Cuba à la presqu’île de Kamtchatka, de Bogota à Buenos Aires, de Venise où il apprend le décès de sa mère au Mont Sinaï pour un épique tournage d’une émission de télé … en passant par Achkhabad, capitale du Turkménistan à New-York …. et la liste est très loin d’être exhaustive !
CD de 15 titres en français pour public russe
UNE LONGUE CONVERSATION ENTRE AMIS QUI SE RETROUVENT
“Contes de mes 1001 vies”, c’est comme une conversation entre deux amis qui se retrouvent après une longue période de silence, d’éloignement. On a tant à raconter, en toute simplicité. En toute authenticité aussi. C’est ce qui apparait tout au long de ce livre où s’affirme une impérieuse envie de prendre le temps de vivre.
En témoignent entre autres les pages consacrées au Québec, lorsque Nilda décide de “traverser l’Atlantique plusieurs semaines avant mon concert aux Francofolies pour connaître le nord de la Belle Province. La curiosité bien sûr, mais aussi l’envie de prendre le large d’une histoire sentimentale fatigante et sans joie”.
En route pour Tadoussac, la baie de Sept-Iles … et même le festival Innu Nikamu aussi où il passera une semaine !
“Je tenais le nom de mon prochain album sans en avoir composé une seule chanson”. En résultera finalement “Innu Nikamu”, superbe chanson … à savourer ICI.
1er album, avec un de mes titres préférés de tout son répertoire ; “La guerre en été”
DE DANIEL A NIELDA : “UNE SCHIZOPHRÉNIE SALVATRICE”
A fait pourquoi Daniel Fernandez est-il devenu Nilda Fernandez ?
Je me suis souvent posé la question. Et le 33 tours retrouvé dans ma discothèque avant de rédiger cet article me rappelle que cet artiste m’intéresse depuis pas mal d’années.
Réponse dans “Contes de mes 1001 vies” : « Pour ne pas me sentir encerclé, sans repli possible, j’ai donc organisé une schizophrénie salvatrice en me souvenant de Sapho qui m’avait salué d’un “Bonjour Nielda !” dans une brasserie de Saint-Germain des Prés.
Débarrassé d’une voyelle, justifié comme un vieux prénom slave, pas plus féminin que Nikita, Sasha ou Volidia, tous masculins et tous des hommes, Nilda devenait l’artiste que je voulais faire grandir et apprendre à connaître.
Depuis que Daniel écrit les chansons et que Nilda interprète, je me sens mieux. Tout comme mes deux langues, mes deux pays, mes deux maisons, l’un et l’autre me sont indispensables »
Sarrebruck, septembre 2006. Nilda Fernandez avec Alcaz (Jean-Yves Liévaux et Viviane Cayol), Gerd Heger et Suzanne Wachs, organisateurs de “Bistrot Musique”,
EMILIA ET JOSÉ : NOUVELLE VIE LOIN DE L’ESPAGNE DE FRANCO …
“Contes de mes 1001 vies” évoque aussi Léo Ferré dont Nilda partagera la loge d’une manière imprévue … la chanteuse Sosa Mercedes … le chanteur russe Boris Moiseev ..
Mais ce qui m’a le plus touché dans ce livre, ce sont les nombreuses pages consacrées par Nilda à son enfance, sa jeunesse, ses parents aussi. Emilia et José occupent une place essentielle dans ce livre qui s’achève par un récit des plus intimes.
Les derniers moments de Nilda face à son père sur son lit de mort : “Notre père se prépare pour un exil qui ne sera pas de cinq mois comme lorsqu’il nous avait précédé en France et, cette fois, je resterai sur le quai”.
L’auteur s’y exprime avec pudeur, avec une évidente émotion si loin des artifices de la vie de chanteur. “Sa souffrance est si grande que je pense au film où un compagnon d’hôpital de Jack Nicholson l’étouffe sous un oreiller. Mais je n’ai pas ce courage et je m’en tiens à attendre la mort à ses côtés”.
Tout au long des près de 400 pages de cette autobiographie, le chanteur s’efface très souvent pour céder la place au fils d’Emilia et José, à leur vie de travail et d’entraide, de détermination et d’amour. Un couple uni pour réussir leur vie de famille loin de l’Espagne de Franco…
Sarrebruck. Nilda Fernandez entouré par Jean-Yves Lievaux et Viviane CayolDuo d’Alcaz et Nilda Fernandez sur la chanson de Francis Lemarque
SARREBRUCK : NILDA FERNANDEZ EN DUO AVEC ALCAZ
La rédaction de ce texte m’a fait penser à septembre 2006.
C’était à Sarrebruck lors d’une soirée de la série “Bistrot Musique” organisée par Gerd Heger, “Monsieur Chanson” de la Radio Sarroise et Suzanne Wachs.
Souvenirs d’intenses heures passées avec Nilda et le duo Alcaz formé par Jean-Yves Lievaux et et Viviane Cayol …
En subsiste le CD d’Alcaz enregistré durant le concert de Sarrebruck. Cet album se termine par une chanson offerte par Alcaz et Nilda Fernandez : “Quand un soldat” de Francis Lemarque”.
Pochette du CD live d’Alcaz enregistré à Sarrebruck et ci-dessous la photo originale
AVEC LE CHANTEUR QUÉBÉBOIS STEPHEN FAULKNER
A cette soirée participa aussi l’auteur-compositeur-interprète québécois Stephen Faulkner notamment connu pour sa chanson “Si j’avais un char”.
D’où une série de photos prises après le concert, dans une bonne humeur des plus contagieuses, avec en prime Faulkner qui se met à faire le pitre avant de passer à table.
Changement d’ambiance le lendemain matin lors d’un interminable petit déjeuner partagé avec Nilda Fernandez, Viviane Cayol et Jean-Yves Lievaux. Histoire d’échanger en toute liberté sur quantité de sujets souvent bien éloignées de “la vie d’artiste” …
Quand Stephen Faulkner se met à faire le pitre …
Une séance photo sous le signe de la bonne humeur !
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
“CONTES DE MES 1001 VIES”, 383 PAGES, ÉDITIONS L’ARCHIPEL
Paul Barbieri ? Si ce nom n’évoque pas (encore) de souvenirs de concerts ou d’albums, pas étonnant. Car la voie choisie par cet auteur-compositeur-interprète n’est pas des plus évidentes pour retenir l’attention du grand public.
En témoigne son deuxième album, “Tout est fini depuis le début”, dont les 13 chansons illustrent l’univers doux-amer de cet inclassable créateur.
“GRAVITÉ EXTRÊME ET TENDRE IRONIE”
“C’est à 33 balais que, déjà un peu usé par l’impitoyable monde moderne, Paul vient désormais jeter à la face du monde ses chansonnettes mélancoliques et brumeuses. Alcool, poésie du XIXe et football restent ses principales sources d’inspiration.
Le voyage que propose Paul est troublant comme un strip-tease de l’âme. La poésie est rocailleuse, chaude, mélancolique et parsemée d’humour. Ainsi se mêlent gravité extrême et tendre ironie, un peu comme si le souvenir des jours heureux suffisait à illuminer le présent. De concert en concert, de clope en clope, de bière en bière, Paul avance dans le monde. “.
Pas très réjouissant comme “auto-présentation”, c’est certain !
Le répertoire de Barbieri est à déconseiller aux déprimés ayant envie et besoin de se remonter le moral. Alors sans tarder mettons les choses au point. Car d’emblée une précision de taille s’impose. Ici pas de mélodies entraînantes qui vous incitent à taper dans les mains.
Quant à retenir l’attention des “grands médias”, c’est pas gagné non plus. Mais croyez-moi, chez Barbieri, il y a bien autre chose que des paillettes aussi scintillantes qu’éphémères. Rencontre avec un auteur-compositeur-interprète nourri de références qui l’incitent à se surpasser.
Strasbourg, novembre 2016, salut final d’un concert à domicile avec Thomas Valentin
“DES ROUTES” : “UNE ÉTRANGE DÉMARCHE”
Pour vous situer le personnage, rappelez-vous par exemple les textes pas très joyeux du groupe Vendeurs d’Enclume. distillés par Valérian Renault.
L’intense réalisme de Barbieri fait parfois penser à Allain Leprest et à Mano Solo … deux des repères de cet artiste également sensible à Barbara et Rimbaud.
Voilà, le ton est donné à ce CD sorti courant novembre 2016. C’est la deuxième expérience solo pour Paul Barbieri. En 2014, il avait sorti un EP de six chansons dont le titre, “Des routes” peut aussi se changer au gré de votre humeur en “Déroute” !
“Merci à ma famille, mes potes et mes ex qui me soutiennent dans cette étrange démarche” avait alors indiqué le chanteur sur la pochette de cet enregistrement piano-voix réalisé avec Thomas Valentin qui y signait aussi les arrangements.
MUSICIENS : LE GRAND JEU
“Cette étrange démarche”, c’est aussi le fil conducteur de “Tout est fini depuis le début”. Paul Barbieri et Thomas Valentin ont remis ça avec ce nouvel album qui reprend “Vie de poète” et “Soupe de soleil”, deux chansons du premier enregistrement.
Mais attention, cette fois-ci Barbieri a sorti le grand jeu en mobilisant plusieurs autres musiciens …. ce qui colore cet album d’une ambiance douce-amère, très intimiste également. D’où ces 13 chansons déclinées avec force nuances en 47 minutes et 48 secondes…
“Plusieurs autres musiciens” ? Oui et pas des moindres à commencer par l’Ensemble Ethos clarinette, (violon, contrebasse, violoncelle, alto, violon). Ces musiciens professionnels diplômés de divers conservatoires, on les retrouve pour “Mon âme” et “L’amertume” : leurs cordes semblent apaiser, adoucir un lancinant mal de vivre chanté par Barbieri.
A ces musiciens s’ajoutent d’autres complices (guitare, batterie, percussions, harmonica) qui enrobent avec talent les sombres états d’âme de Barbieri … du genre “Je vocifère marin contre des vents de vide/ Des efforts de trop à l’océan avide/ Déridant les espoirs en un tapis d’argent/ je milite en rageant pour des drapeaux fanés/Aux couleurs du Néant”. (L’amertume”).
“AU LOIN LE SON D’UN BON VIEUX CHAMPIGNON”
Mention spéciale au climat suscité par “Ma tribu” sur laquelle Jeanne Barbieri pose sa voix. Une atmosphère à la fois désabusée et nostalgique, une lucidité arrosée par force alcools (cognac, armagnac, champagne, absinthe, eau-de-vie, champagne, etc) …. alors que dans un “reste de whisky s’achèvent les plus belles utopies sans solution et sans réponse” !
L’autre chanson majeure, c’est évidemment “Champignon” , dont la première phrase donne le titre de l’album. Hé oui, ça va bien finir par péter et la planète va disparaitre puisque “Tout est fini depuis le début” …
Alors comment s’occuper d’ici l’explosion finale ?
“Dans mon transat/ Vois, je m’épate/ J’entends au loin le son/ D’un bon vieux champignon” ! De quoi attendre la fin du monde, tranquillement allongé dans son transat “avec les dernières secondes qui seront les plus fécondes“.
Et pourquoi s’en faire … alors que “Dans nos gosiers, l’alcool et la fumée/Nous font rire/ Du monde désenchanté/ Qu’en finit pas d’crever” !
A noter dans les chœurs de ce “champignon” destructeur, la participation de Paul D’Amour, … ancien membre des Garçons Trottoirs et désormais lancé dans une aventure artistique en solo.
UNE MÉLANCOLIE TEINTÉE DE POÉSIE
Vous l’avez compris, c’est un album à ne surtout pas écouter si vous avez le blues … et un CD à prendre le temps de découvrir pour bien d’autres raisons …. une fois franchie la barrière des à-priori.
“Tout est fini depuis le début” reflète un univers où désillusion, mélancolie et mal de vivre se conjuguent sans cesse …. à l’instar de la poésie à fleur de peau de FredEmile Raymond : autre artiste (hélas) méconnu auquel j’avais consacré un portrait dans le trimestriel “Chorus, les cahiers de la chanson”.
Cette mélancolie, Barbier l’exprime aussi dans un autre registre, en reprenant “Je l’aime à mourir” de Cabrel. Une chanson qui ne figure pas sur cet opus … mais à découvrir ICI … histoire d’écouter Barbieri sous un angle nouveau et cependant complémentaire de son nouvel album.
Alors pour en savoir sur cette personnalité étrange, il faut prendre le temps de discuter avec Barbieri. De l’inciter à se dévoiler … lui qui “a grandi avec les cassettes audio de ses parents (Georges Brassens, Pierre Perret, Barbara). Sous perfusion de langue française du côté de sa mère et de swing du côté de son père,l’adolescent mélancolique est balloté entre musique et poésie, entre piété mystique et fêtes populaires, entre philosophie et football de terroir“.
SCÈNES AVEC LA FANFARE PÉTARD, LARÉOSOL ET LA GARGAROUSSE
Passé par la faculté de musicologie et le conservatoire, Barbieri s’est d’abord lancé dans des aventures collectives avant d’avancer en solo. D’où nombre de scènes avec le groupe Laréosol (chanson française aux accents ska et rock!) où il s’affirme entre trompette, chant, claviers et aussi comme parolier.
Autre expérience avec La Fanfare en Pétard: ici pas de mélancolie à fleur de peau mais “’énergie des cuivres, quelques samples, du rap et une fusion hiphop, dub, jazz efficace” ! Un groupe qualifié d'”électro brass band” par ce créateur résolument loin des sentiers battus.
Sacré Paul ! L’artiste – que n’aurait pas renié Baudelaire et son spleen – vient de s’embarquer avec La Gargarousse avec Olivier et Julien Lindecker, et Hubert Kieffer : un groupe célébrant vin et poésie avec en guise de slogan “Qu’importe la chanson pourvu qu’on ait l’ivresse“.
“CE PUTAIN D’ALBUM QUI M’A COUTÉ UN BRAS”
Dommage que le livret de ce nouveau CD ne présente pas tous les textes des toutes les chansons. N’y sont publiés intégralement que les paroles de “Poème dégueulasse” et “Pirogue”.
Barbieri a préféré glisser ici et là quelques extraits de textes, ainsi qu’ “un mélange de photos de films italiens des années 70 (qui évoquaient la décadence avec élégance) et de photos de mes grands-parents disparus entre 2010 et 2015″.
Oui vraiment dommage, car Barbieri a le sens de la formule poétique : “Regarde bien/Derrière l’éther/ Combien d’anges se terrent/ Jusqu’à l’armagedon/C’est un trou noir dans nos mémoires” (“Mon âme”).
Enregistré et mixé par Eric Gauthier-Lafaye au studio Downtown, À Strasbourg, entre juin 2015 et juillet 2016, cet album a été mastérisé par Robin Schmidt au studio 24-96 à Karlsruhe. S’il a enfin pu sortir, c’est grâce à un financement participatif …. d’où ces propos de Barbieri : “Merci à toutes celles et ceux qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre à accoucher de ce putain d’album qui m’a coûté un bras”.
UN DOCUMENTAIRE RÉALISÉ PAR MARIETTE FELTIN
C’est sûr, Barbieri ne laisse pas indifférent. Soit on est conquis par son désenchantement poétique, soit on s’enfuit loin de ses idées noires.
Je m’en suis rendu compte lors de la première rencontre, samedi 23 janvier 2016, lors d’un concert à domicile auquel je m’étais rendu avec l’Acadienne Carol Doucet – incontournable professionnelle du milieu artistique francophone – de passage à Strasbourg.
Cette soirée ayant réuni une quarantaine de personnes, elle m’avait laissé sur ma faim, et malgré le talent de Paul Barbieri et de son pianiste Thomas Valentin, je n’avais pas vraiment accroché à cet univers des plus sombres.
Changement de perception le 12 novembre 2016 lors d’un nouveau concert à domicile. Toujours à Strasbourg et en compagnie d’une cinquantaine de personnes conquises par ces “chansons noires” … entrecoupées d’interventions parlées suscitant sourires et rires.
Cette excellente initiative aura permis d’alléger l’ambiance pessimiste distillée au gré des refrains et, c’est certain, de mieux apprécier ce répertoire.
A noter enfin que ce concert a été filmé par la cinéaste Mariette Feltin, en vue d’un documentaire “sans doute d’une heure” selon le chanteur qui ajoute : “Il devrait être prêt pour l’automne 2017″. Nous y reviendrons en temps voulu.
A droite, dans l’ombre, la réalisatrice Mariette Feltin
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
En savoir plus ICI sur cet album et ICI sur Paul Barbier