ONTARIO/ FIERTE FRANCOPHONE : d’une génération à l’autre, avec détermination

Bien que la présence de la communauté francophone en Ontario remonte à 400 ans, l’expression “Franco-Ontariens” est récente. En effet, à  force d’être sans cesse qualifiés de Québécois par les Ontariens anglophones, les “Canadiens français” de cette province ont décidé de prendre les choses en main. De prendre leurs distances face à la culture québécoise. Quitte à affirmer une identité bien spécifique marquée – entre autres symboles forts – par la création d’un drapeau !  Explications.

Avant d’en revenir  à la chanson franco-ontarienne, quelques points de repère linguistiques s’imposent. Il est vrai que le réveil d’une chanson francophone enracinée dans l’Ontario d’hier et d’aujourd’hui a largement contribué au besoin et à l’envie d’affirmation d’une identité propre.

Aussi les “Canadiens français” de l’Ontario se sont redéfinis en tant que Franco-Ontariens, se reconnaissant avec fierté dans “Notre Place”, chanson considérée comme “l’hymne national franco-ontarien” et signée Paul Demers et François Dubé. A découvrir ci-dessous chanté par Paul Demers, Robert Paquet et le groupe Hart Rouge de la Saskatchewan.

Ces considérations linguistiques sont plus importantes qu’il n’y paraît, car dans la francophonie ontarienne – et notamment dans sa chanson – il est des mots qui prennent qui prennent un sens particulier, différent de celui du contexte québécois.

“Ontario : chronique d’une survie annoncée”

“Ontario : chronique d’une survie annoncée” : c’est le titre d’un article de trois pages parues en 1996 dans la revue québécoise Chansons, hélas disparue, et dont le rédacteur en chef était un certain Alain Chartrand : oui l’actuel directeur de Coup de Coeur Francophone !

Ce coup de projecteur sur l’Ontario est en fait une des pièces maîtresses d’un formidable dossier de 19 pages sur la chanson dans la francophonie canadienne. Il y est notamment question de l’Acadie (“Complicité souhaitée”), du Manitoba (“Espace musical”), de la Saskatchewan (“Plaine effervescence”), de l’Alberta (“Fragile), de la Colombie-Britannique (“La chanson a une ville”).

Dans les pages sur l’Ontario, le journaliste Dominique Denis, alors chroniqueur dans divers médias (Express de Toronto, CJBC, Radio Canada)  évoque avec précision cette “Question d’adjectifs” selon l’expression d’un encadré de son dossier.

“Dans l’usage courant, les francophones se désignent par l’appellation on ne peut plus logique de franco-ontarien. Mais depuis les années 70, qui ont vu l’éveil d’une identité tout à fait distincte du cadre de référence québécois, l’adjectif ontarois semble avoir la cote chez les éléments les plus militants de la communauté, sans toutefois faire l’unanimité auprès de la population dans son ensemble. Cela dit, c’est le terme choisi par plusieurs, dont Maurice Lamothe qui a signé, avec “La chanson populaire ontaroise -1970-1990″ la plus importante référence écrite sur le sujet”.

Et le journaliste de donner un peu plus loin un exemple des plus révélateurs de l’évolution de la langue française : “Dans sa chanson Le Grand six-pieds écrite en 1961, l’auteur-compositeur-interprète Claude Gauthier chante “Je suis de nationalité canadienne-française”. A partir de 1965 il chante “québécoise française” et à partir de 1979 “Je suis de nationalité québécoise”.

L’exemple de ce changement de vocabulaire chez un artiste québécois fait écho à l’évolution du français en Ontario. Précisément dans ce besoin d’affirmer une identité aux contours précis (franco-ontarien) et non plus “canadienne française”, une expression également vécue – au Québec – par Claude Gauthier : ses 50 ans de carrière en disent long sur son engagement permanent en faveur de la langue française. Après 150 concerts en trois ans avec ses complices du spectacle “La boîte en chansons”, Il vient d’ailleurs de sortir un nouvel album de 12 chansons originales intitulé tout simplement “50 ans plus loin” (Les Disques de la tribu).

Cette constance sans faille de Claude Gauthier à chanter en français témoigne d’une formidable longévité artistique et militante… qui rappelle avec force le parcours de plusieurs figures majeures de la chanson franco-ontarienne tels Paul Demers, Robert Paquette ou Marcel Aymar pour ne citer qu’eux.

C’est dire aussi combien l’emploi du mot juste est important au coeur de la francophonie d’Amérique du Nord, que ce soit au Québec, en Ontario ou ailleurs comme en Acadie par exemple ! D’autant plus qu’à l’exception des talents de la Belle Province, absolument les autres artistes francophones vivent dans un contexte minoritaire où le bilinguisme est de mise, dans la vie quotidienne. Une évidence qu’il est bon de rappeler notamment auprès des médias français pour lesquels un artiste d’Amérique du Nord chantant en français est “automatiquement” québécois.

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Samedi 23 mars, devant l’Auditorium Fraser pour la 40ème Nuit sur l’Etang : deux bénévoles de l’Association canadienne-française de l’Ontario du Grand Sudbury. L’ACFO se présente comme le “distributeur officiel du drapeau franco-ontarien”

“A cheval entre deux cultures, tiraillés entre l’engagement et le reniement, coincés entre le poids démographique du Canada anglais et l’indifférence du Québec”

Aujourd’hui, en Ontario, le qualificatif “Franco-Ontarien” a pris le dessus sur le terme “Ontarois”. Bien que ce terme existe depuis quelques décennies, c’est plus souvent la génération francophone la plus jeune qui utilise le terme de “Franco-Ontarien” pour se définir. Mais il semble que les générations plus âgées utilisent encore le terme de Canadiens français … Une expression que le producteur parisien Jacques Canetti avait d’ailleurs largement utilisée au début des années 50 en faisant connaître Félix Leclerc en France !

“En conclusion, un mot sur la langue, principal baromètre de la santé de toute société qui vit en milieu minoritaire. Les rapports qu’entretiennent les artistes de l’Ontario français (et la société franco-ontarienne dans son ensemble) avec leur langue sont, on le devine, complexes : à cheval entre deux cultures, tiraillés entre l’engagement et le reniement, coincés entre le poids démographique du Canada anglais et l’indifférence du Québec, les Franco-Ontariens doivent composer avec cet outil que l’auteur-compositeur et dramaturge Jean-Marc Dalpé qualifie de “langue dyslexique”, “avec des mots qui manquent”, outil qui se trouve, de façon permanente, en proie à l’érosion”.

Publiée en 1996 dans la revue québécoise “Chansons”, cette analyse de Dominique Denis, prend – évidemment – un nouveau relief quand on la met en parallèle avec l’actuelle situation de la langue française au Canada.

 

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La ville de Sudbury vit au rythme d’un bilinguisme qui se reflète de plus en plus dans les textes de la nouvelle génération d’artistes franco-ontariens. Deux exemples parmi d’autres de ce bilinguisme avec les photos ci-dessus d’une boulangerie et ci-dessous d’un centre pour jeunes

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Ecrire en français “à la face du monde”, au coeur de Sudbury, notamment sur les murs de la cité !

Plus de 6,9 % des francophones du Canada résident en Ontario, soit 532 865 en 2006 et et 561 155 en 2011 

Au fait, comment se porte actuellement le français au Canada ? Aujourd’hui, l’utilisation de la langue française y subit un lent et inévitable déclin selon le rapport de Statistique Canada d’octobre 2012. Ce rapport repose sur le recensement de 2011 : 30,1 % des Canadiens sont capables de soutenir une conversation en français contre 30,7 % lors du dernier recensement, en 2006.

Selon Statistique Canada, environ 10 millions de personnes au Canada affirment être en mesure de soutenir une conversation en français contre 9,6 millions lors du dernier recensement.  Mais cette légère augmentation est “absorbée” par la progression de l’anglais ainsi que d’autres langues parlées au Canada comme le mandarin dont l’utilisation a grimpé de 51 % au Canada depuis 2006.

Et l’Ontario ? Toujours selon Statistique Canada, la proportion de francophones par rapport au reste de la population reste donc la même qu’il y a cinq ans. Les  données de 2011 indiquent aussi que près de 7 % des francophones du Canada résident en Ontario, soit 532 865 en 2006 et 561 155 en 2011 !

Ces chiffres correspondent au pourcentage suivant de francophones par rapport au reste de la population de l’Ontario : 4,4 % en 2006 et 4,4% en  2011 : 4,4 % . C’est dire l’importance d’une langue vivante, d’une culture pour laquelle des artistes créent des chansons dans lesquelles se retrouvent les Franco-Ontariens. En témoigne aussi le symbole du drapeau franco-ontarien !

PF SUDBURY CONCERT 40 ANS 008Un des supports de l’identité franco-ontarienne : la presse écrite, entre informations et commentaires, au rythme de la vie quotidienne. Ici un panneau de couleur verte – comme le drapeau – présenté dans le hall de l’Auditorium Fraser pour la 40ème Nuit de l’Etang

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Deux exemples parmi d’autres de la presse francophone en Ontario

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Outre le petit écran, et notamment la chaîne de télévision publique TFO, voici un autre support indispensable pour la communauté franco-ontarienne : un réseau de stations de radio bénéficiant de relais dans diverses régions de l’Ontario

Le drapeau franco-ontarien a été dévoilé pour la première fois le 25 septembre 1975 à l’Université de Sudbury

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Le drapeau franco-ontarien se compose de deux bandes verticales de couleurs différentes. La première bande verte comporte un lys blanc au milieu de la bande. La deuxième bande blanche a un trille vert en son milieu.

Sur l’emblème, le vert représente l’été et le blanc symbolise l’hiver. Ensemble, les deux couleurs représentent la diversité du climat de l’Ontario. Le lys évoque la francophonie mondiale, tandis que le trille est l’emblème floral de l’Ontario. Trille qui a aussi inspiré le nom du fameux Gala des prix Trille Or évoqué dans plusieurs autres articles de ce site !

Selon le site de la FESFO – Fédération de la jeunesse franco-ontarienne – des étudiants de l’Université Laurentienne de Sudbury (Jacqueline England, Michel Dupuis, Don Obonsawin et Yves Tassé) sont à l’origine de la création du drapeau franco-ontarien, sous la direction du professeur et historien Gaétan Gervais.

“Le drapeau franco-ontarien a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 au mât devant l’Université Laurentienne par l’étudiant Michel Dupuis. Il faut dire qu’il n’est pas surprenant que le drapeau franco-ontarien soit issu de Sudbury et du mouvement étudiant de cette époque. On venait de vivre la “Révolution tranquille” où les Canadiens-Français du Québec sont devenus des “Québécois”. On a donc développé une nouvelle identité de “Franco-Ontariens!”.

C’est aussi une époque où l’animation culturelle bouillonnait partout en province et surtout à Sudbury : création de La Nuit sur l’étang par les étudiantes et étudiants de l’Université Laurentienne en 1973, création de la maison d’édition Prise de Parole, création du Théâtre du Nouvel-Ontario en 1970, manifestations étudiantes animées à Sturgeon Falls en 1971 pour obtenir une école secondaire de langue française, création de la pièce “Moé j’viens du Nord!” d’André Paiement, arrivée de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario (CANO) et de Robert Paquette qui clamait “Moi j’suis fier d’être Franco-Ontarien!”, début de la création de la FESFO dont la première assemblée “officielle” s’est déroulée à Sudbury”.

Toujours selon la FESFO, “les jeunes avaient besoin plus que jamais d’un  symbole pour afficher leur fierté… Il nous fallait un drapeau ! Le drapeau franco-ontarien ne fut adopté officiellement qu’en 1977 par l’Association canadienne-française de l’Ontario. Le drapeau original a été cousu à la main par Jacqueline England, et Gaétan Gervais le conserve précieusement chez-lui dans l’intention le refaire flotter un jour au mât de notre future université franco-ontarienne !”.

Le drapeau franco-ontarien est le dénominateur commun de tous les rassemblements de la francophonie en Ontario. Et il flotte entre autres devant le Collège Boréal de Sudbury : un établissement francophone, situé non loin de l’université bilingue La Laurentienne. Toujours cette fameuse cohabitation de deux langues notamment évoquées par Natalie Bernardin, directrice générale de l’APCM dans un autre article de notre site.

PF BOREAL CENTRE EMPLOICollège Boréal : au rythme des préoccupations de la jeunesse franco-ontarienne …

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 Le drapeau franco-ontarien a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 au mât devant l’Université Laurentienne

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Le Collège Boréal de Sudbury : bien plus qu’un établissement d’enseignement !

Fondé en 1995, le Collège Boréal est le seul collège communautaire de langue française dans le Nord de l’Ontario, à Sudbury : soit plus de six heures de route d’Ottawa !

A vrai dire il ne s’agit pas d’un collège selon le système scolaire de France, mais d’un impressionnant établissement offrant plus de 60 programmes d’études post-secondaires en français. S’y ajoutent aussi nombre de services destinés aussi bien aux élèves qu’au grand public.

En le visitant d’étage en étage durant la fameuse Nuit Emergente du 22 mars dernier, une évidence s’imposait : cette vaste structure immobilière est tout autant un établissement à vocation pédagogique qu’un carrefour artistique et culturel. D’où diverses salles de spectacles, lieux de rencontres, sites d’exposition permanentes et temporaires, etc.

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Une des expositions permanentes du Collège Boréal à Sudbury

Centre Louis-Riel : “un espace d’accueil, de soutien et d’échanges” au coeur du Collège Boréal

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Situé au coeur du Collège Boréal, le Centre Louis-Riel se présente comme “un milieu d’accueil axé sur la culture et la réussite”

A noter aussi que le Collège Boréal bénéficie d’un lieu vraiment pas comme les autres !

On y trouve en effet un Centre de ressources de la Nation des Métis avec une incroyable gamme de services  pour les étudiants autochtones et métis. Ce centre porte le nom de Louis-Riel, considéré comme le fondateur du Manitoba. Le romancier français Alain Dubos a d’ailleurs consacré un excellent roman, “Rivières Rouges” à cette figure incontournable de l’Histoire.

Le Centre Louis-Riel illustre avec brio et tout au long de l’année l’expression “Fierté Autochtone” avec force initiatives enracinées suscitées par ses membres et/ou  les autres étudiants du Collège Boréal. L’organisation de concerts permet aussi de développer cette fierté identitaire, à laquelle les prestations d’artistes tels Florent Vollant ou Elisapie Isaac apportent un incontestable plus, tant par leur talent que leur notoriété dans l’espace francophone.

PF BOREAL AFFICHE FIERTE AUTOCHTONEUne des nombreuses initiatives organisées par le Centre Louis-Riel, à Sudbury

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A gauche Michel Benac, un des piliers de la relève franco-ontarienne (groupe Swing, maison de production LAFAB), photographié au festival montréalais Coup de Cœur Francophone en novembre 2012 en compagnie d’Albert Weber (www.planetefrancophone.fr), Guy Zwinger (Radio Caraïbes Nancy) et Jean-François Laffitte (directeur-adjoint de Voix du Sud)

Festival Franco-Ontarien : à l’écoute des autres francophonies

Aujourd’hui plus que jamais la communauté francophone d’Ontario a besoin de talents à la hauteur de la richesse de son identité, et aussi d’événements synonymes de rencontre et de retrouvailles. De festivités durant lesquels le terme de francophonie prend un sens particulier, à la fois reflet de la réalité franco-ontarienne mais aussi ouverture sur de talents francophones venus d’ailleurs. C’est le pari relevé par les organisateurs du Festival franco-ontarien qui vont commémorer à leur manière les 400 ans de présence francophone en Ontario, et particulièrement le passage de Champlain sur la rivière des Outaouais en juin 1613 !

Et c’est Michel Bénac – chanteur du groupe franco-ontarien Swing – qui a été mandaté pour réunir plusieurs icônes artistiques, histoire de “brasser la baraque” lors de la soirée d’ouverture du Festival franco-ontarien, le 13 juin.

Outre le groupe de Michel Bénac, les “400 ans de party de cuisine” réuniront sur scène La Bottine souriante, ainsi que les artistes Anodajay et Koriass. Yves Lambert se joindra à cette soirée, un des temps forts du 38ème Festival franco-ontarien organisé du 13 au 15 juin 2013 au parc Major’s Hill à Ottawa.

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 Gala des Prix Trille Or 2013. Michel Lalonde (membre fondateur du groupe Garolou)  entouré d’Anique Granger et Alexis Normand. Assurément une photo-symbole de cette chanson francophone dont la vitalité s’affirme avec force d’une génération à l’autre

Des pionniers aux talents actuels : le coeur d’une francophonie inventive et militante

Pandaléon, Lanorme, Patrick Wright et ses Gauchistes, Marie-Claire et les Hula-Hoops, Mastic, Konflit, Medhi Cayenne Club,  Robert Paquette, Jean-Marc Lalonde, Christian Berthiaume, Daniel Bédard, Michel Lalonde, François Lemieux, Jean-Marc Dalpé, Yves Doyon, AkoufèN, Michel Lalonde, Michel Benac, Akeem Ouellet, Deux Saisons, Andrea Lindsay, Garolou, Damien Robitaille, Deux Saisons, En Bref, Le Paysagiste, Gabrielle Goulet, En Bref,  Swing, Tricia Foster, Le Diable aux Corsets, CANO, François Dubé, ZPN, Yao, Stef Paquette, Amélie et les Singes Bleus, Le R, Les Chiclettes, et bien sûr Paul Demer et Marcel Aymar, … et la liste n’est (évidemment ! ) pas exhaustive ! 

Impossible de cerner en un seul article la formidable diversité de talents qui s’affirment depuis plusieurs décennies dans la création artistique franco-ontarienne ! Et aujourd’hui plus que jamais la nouvelle génération d’artistes et de groupes- notamment dans le rock et la chanson – avance avec détermination sur les traces de ses glorieux aînés.

D’où ces affirmations parus dans la revue québécoise Chansons en 1996 et qui situent les talents de 2013 dans une intéressante perspective historique : «De toutes parts, on s’entend pour attribuer à Brasse Camarade le mérite d’avoir servi de déclencheur à ce renouveau, par le biais d’un rock élémentaire mais d’une indéniable efficacité.

En effet, le trio sudburois, composé des frères François et Pierre Lamoureux et du batteur Tim Rideout, s’est donné pour objectif d’investir au maximum ce circuit fermé et restreint, vertes, mais exceptionnellement réceptif (surtout au niveau des écoles) à un rock francophone de souche.  Peu à peu, Brasse Camarade a su s’implanter dans le milieu québécois, entreprenant même d’infiltrer le marché européen, ce qui n’est aucunement en contradiction avec sa volonté d’afficher ouvertement ses racines”.

Et Dominique Denis de citer  Pierre Lamoureux : “On représente le rock franco-ontarien, et c’est pour nous un engagement envers la jeunesse. Quand on a commencé, on était très conscient que personne en Ontario ne faisait ce qu’on faisait”.

Même constat au sujet des indispensables pionniers de la chanson, sous la signature de Maurice Lamothe dans son incroyable ouvrage de 391 pages sur la “chanson populaire ontaroise” (1994, Le Nordir-Triptyque) :

“Loin de n’avoir été qu’un feu de paille sans lendemain, l’émergence des carrières de Robert Paquette, CANO et Garolou dans le champ de la chanson durant les années 70 a permis d’alimenter un discours sur le développement d’un champ culturel distinct en Ontario français, pavant ainsi la voie à une 2ème génération d’artistes de la chanson, dont les succès  seront cette fois intimement liés à un réseau ontarois”.

Et l’universitaire Maurice Lamothe de préciser :” Il est clair que la Nuit de l’Etang, qui, au départ, se voulait un lieu de diffusion des arts de la scène – aussi multidisciplinaire que le voulait la philosophie de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario -, a été la première à amorcer le processus  de reconnaissance du champ culturel ontarois en accordant aux chansonniers plus de place sur ses planches afin de médiatiser ainsi sa distinction“.

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Le groupe Brasse Camarade en 1990. Photo parue sur le site du CRICF d’Ottawa, le Centre de recherche en civilisation canadienne-française

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Pris sur le vif lors du 7ème Gala des Prix Trille Or à Ottawa : Tricia Foster dans les bras de Mehdi Hamdad. Une nouvelle génération d’artistes franco-ontariens est en train de s’affirmer, en toute décontraction tant dans ses textes bilingues que sa manière de vivre !

Un nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique : 45 millions de dollars, étalé sur trois ans et instauré en 2013-2014

C’est évident, la chanson franco-ontarienne n’a pas fini de faire parler d’elle ! Bien au contraire, comme en atteste une (bonne) nouvelle repérée sur le site de Radio Canada (1er mai 2013). En effet, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la création d’un nouveau fonds pour promouvoir la musique ontarienne au pays et à l’étranger.

“Le nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique est un programme de subventions, doté de 45 millions de dollars, étalé sur trois ans, qui sera instauré en 2013-2014.

Selon le gouvernement, l’objectif est de faire de la province un chef de file dans le domaine de l’enregistrement et des spectacles musicaux. Il souhaite appuyer la production de nouveaux produits numériques et d’enregistrement et la distribution d’oeuvres musicales”.

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Le groupe Garolou au début des années 80. Photo publiée sur le site www.progquebec.com consacré au rock québécois

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Le groupe CANO en juin 2011. Photo du site http://francopresse.ca (Actualités francophones canadiennes) à l’occasion d’un article pour un ultime concert du groupe à La Nouvelle Scène à Ottawa

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“Toute tentative de cerner l’époque nous renvoie immanquablement à une sainte trinité – Robert Paquette, Garolou et CANO”

Que de chemin parcouru entre le nouveau Fonds ontarien de promotion de la musique de 2013 et le temps des pionniers d’il y a 40 ans !

La nécessité vitale d’une chanson franco-ontarienne a bénéficié au fil des ans d’une explosion de talents et d’une mise en place d’indispensables organismes.

D’où ce coup d’œil dans le rétroviseur signé Dominique Denis (revue Chansons, 1996) : «Si les avis divergent sur ce que serait le véritable cœur de la francophonie en Ontario – Sudbury pour les uns, l’Outaouais pour les autres – une chose ne fait aucun doute : la chanson francophone est née dans le Nord (et du Nord) à l’aube des années 70 dans le cadre favorable qu’offraient notamment l’Université Laurentienne et la grande kermesse septentrionale qu’est La Nuit sur l’Etang, institution créée en 1973 à Sudbury.

Toute tentative de cerner l’époque nous renvoie immanquablement à une sainte trinité – Robert Paquette, Garolou et CANO  (excroissance chansonnière de la Coopérative artistique du Nord de l’Ontario) – qui furent parmi les premiers à rêver,  développer et surtout chanter l’idée d’une spécificité franco-ontarienne »

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Entre ces affiches des Nuits de l’Etang d’antan (ci-dessus) et la relève incarnée par le jeune slameur Joël -Denis Groulx (ci-dessous) : des décennies d’initiatives au service d’une francophonie ontarienne plus dynamique que jamais …

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 Sudbury, 24 mars. Joël-Denis Groulx présente son poème-slam au Brunch des Fruits de la Nuit

“Tu dois saisir cette opportunité quand elle s’offre dans une avalanche de joie, de gloire et de positivité”

En guise de conclusion à ce long article – évidemment non exhaustif loin s’en faut ! – sur la francophonie ontarienne, donnons la parole à Joël-Denis Groulx : un des participants de l’atelier animé par Mehdi Hamdad dans le cadre des Chantiers de la Nuit tenus dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 mars à Sudbury.

Organisée dans la foulée du fameux concert de plus de 4h30 à l’Auditorium Fraser à Sudbury, cette  initiative bénéficiait de plusieurs partenaires : le Centre franco-ontarien de folklore, le Contact interculturel francophone de Sudbury, les Editions Prise de parole et la Galerie du Nouvel-Ontario. 

Et parmi les jeunes créateurs ayant pris une part active aux cinq ateliers de création artistique intensive se trouvait justement Joël-Denis Groulx, auteur d’un «Poème Slam».

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Mehdi Hamdad entouré des jeunes de son atelier de création entre slam et poésie

Avant de découvrir ce texte rédigé en pleine nuit, laissons à ce jeune créateur franco-ontarien le temps de se présenter : “Je suis née en 1997 à Scarborough, Ontario. Je suis également franco ontarien et bilingue, je parle et écrit les deux langues officielles, l’anglais et le français. Je suis un étudiant de la 10e année qui fréquente présentement à l’École Secondaire Publique Renaissance.

Ma ville est située au centre du Bouclier Canadien tout près de la 49e parallèle.  De plus, je suis fier aux succès de ma part dans des Cadets royaux de l’Aviation Canadienne. Placer au troisième rang/ Corporal de section. Je m’intéresse aux sports ainsi qu’à la mécanique, la maintenance et aux opérations aérienne”.

Voici à présent le texte créé par Joël-Denis Groulx et présenté dimanche 24 mars, lors du Bruch des Fruits de la Nuit avec un maître de cérémonie nommé Mehdi Hamdad, à la fois décontracté et professionnel comme à l’accoutumée.

De quoi mettre à l’aise Joël-Denis et ses amis pour partager au public toutes générations confondues le résultat de leurs cogitations nocturnes : un indiscutable temps fort de cette mise en commun de talents  francophones, symbole d’une nouvelle génération en pleine effervescence.

Fais-le, connais-le.

C’est  à toi, pour une raison.

Car c’est ton choix, ta décision, ton concept mental de tentation qui alimente une addiction.

Pour cette approche qu’on traite de rêve.

Mais en tout, en réalité, elle garnit ton identité qui rejet ta confidentialité.

Aux familles, aux ami(e)s, même au monde entier.

Qu’as- tu à cacher, de qui, de quoi… Laisse-toi donc aller, il n’y a pas de tort.

Ne lâches pas, ces moments y seront jusqu’à ta mort.

Par contre cette fois, tu n’as qu’un coup, une fois, une chance à maîtriser tous tes options qui viennent vers ton bout d’crayon.

Tu as l’opportunité de convaincre, d’y conquérir, d’y aller le prendre en tes mains.

N’attend pas car elle arrive à la fin d’un couloir obscure, sombre et seul d’un égout.

Là où le temps s’écoule, tombe, cale au fond et de tout cela, la pression se louche.

Tu dois saisir cette opportunité quand elle s’offre dans une avalanche de joie, de gloire et de positivité.

Qui t’avancera dans ta vie. Et après tout, ça s’adonne, fier, d’où t’y rend, fier d’où tu y es…

Fais-le, connais-le.

C’est ta vie, c’est ton choix.

A la fin, c’est à toi, illumines, brilles, exprimes-toi! …

 

Joël-Denis Groulx, Timmins, Ontario

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Dimanche 24 mars, Sudbury. Photo souvenir des participants et animateurs des ateliers de création artistique des Chantiers de la Nuit. La relève franco-ontarienne est sur la bonne voix/voie !

TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

PRESSE MUSICALE/ RECREACTION : pleins feux sur la chanson d’expression française

La presse musicale écrite se raréfie de plus en plus, comme le souligne avec lucidité Robin Rigaut dans le numéro 90 de la revue Vinyl, “Musique hors bizness” en présentant les revues Je Chante et Koid’9. Sans oublier FrancoFans,  «bimestriel indépendant de la chanson francophone actuelle», autre publication incontournable de cette presse écrite en danger.

Ajoutons-y, dans une pagination plus modeste que les titres précédents, RécréAction. «La défense de la chanson et des musiques du monde » : c’est le sous-titre de ce trimestriel, également nom d’une association présidée par Emmanuel Ronseaux, à l’origine de spectacles organisés à Paris et en banlieue pour «aider les artistes peu connus ».

Rémo Gary, Mimi Pary, Jacques Douai, Philippe Guillard, Jean-Claude Darnal, … sont mis en valeur dans le numéro 67 de Récréation (avril-mai-juin 2013). Parmi les réacteurs bénévoles de ce trimestriel figurent Michel Kemper (créateur du site nosenchanteurs.eu qui vient de franchir le cap du million de connexions , et Frantz-Minh Raimbourg (frantz-minh.raimbourg@wanadoo.fr),  auteur de nombreux articles sur la chanson francophone d’Amérique du Nord.

Avant de braquer nos projecteur sur deux titres majeurs de la presse musicale sensible à la chanson d’expression française – Vinyl et FrancoFans – embarquement immédiat dans l’univers de RécréAction. Voici un article paru en janvier 2010 sur le webmagazine francomag.com créé par Jean-Michel TambourréSha

” Drôle de titre pour un trimestriel de la chanson d’expression française … Son 53ème numéro joue – comme toujours – la carte d’une presse musicale militante. Il est publié sous l’égide d’une association du même nom ayant son siège à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne. Défense de la chanson, des chants et des musiques du musique : autour de ces repères, RécréACTION s’est donné pour mission d’aider les artistes peu connus en leur offrant la possibilité de se produire devant un public.


RECREACTION : pleins feux sur la chanson d'expression française

 

Oui, revenons-en au titre de cette publication imprimée en noir et blanc et envoyée dans sa version couleurs aux abonnés disposant d’une messagerie. Un titre aux allures de cours de récréation, non ? Et pour cause car l’association qui en assure la gestion a germé en milieu scolaire, comme le raconte le président fondateur Guy Samson dans le fameux numéro 50 avec sa une illustrée par un trombinoscope de l’équipe (voir ci-dessus).

Car avant de voir le jour officiellement en décembre 1994 l’association avait entamé depuis plusieurs années une sorte d’avant-première. “C’était l’époque où un professeur invitait – non sans entraves diverses – des chanteurs-poètes – dont certains compteront parmi nos premiers membres d’honneur – à fin d‘illustration et de compléments à ses cours. Jusqu’au jour où une collègue (éphémère vice-présidente) l’aide à concrétiser ces prémices ».

« Nous étions en milieu scolaire : ainsi naquit RécréACTION et – peu avant son gala de baptême d’avril 1995 – parut sur 4 pages A 3 notre nouvelle gazette du même nom. Quelques années se sont écoulées. De nombreux spectacles à Fontenay et en de petits lieux franciliens ont marqué les toutes premières ; si nous avons dû ; hélas, ralentir cette activité, le journal n’a cessé – nous dit-on – de s’améliorer tant dans la forme que dans le fond et ‘épaisseur, malgré nos petits moyens de bénévoles».

Petits moyens ? L’expression se confirme en découvrant cette publication de 24 pages qui pourrait aisément passer pour un simple bulletin de liaison entre adhérents de l’association si son contenu n’en était pas aussi fourni !

Si la chanson d’expression française ou les chants et musiques du monde vous passionnent, venez nous rejoindre en tant que bénévole de l’association

RECREACTION : pleins feux sur la chanson d'expression française

Qui dit presse militante sous-entend bénévolat, et donc moyens réduits, comme le rappelle Guy Samson, qui a pris la relève de trois autres présidents : Patrice Pallier, Guy Henin, Marie-Paule Bonné.

“Si la chanson d’expression française ou les chants et musiques du monde vous passionnent, venez nous rejoindre en tant que bénévole de l’association. Une association où vous pouvez développer vos propres talents. Que ce soit au niveau de l’interview, de l’écriture d’articles, de la prospection d’artistes, des relations publiques, du secrétariat, de la mise en page informatisée…les domaines d’intérêt ne manquent pas. Sans oublier les tâches plus humbles et non moins nécessaires”.

L’ouverture d’un site sur myspace créé et animé par Marc Ribas (recreaction.marc@orange.fr)a donné un nouvel élan à la manière de traiter l’information artistique et permet de garder le contact avec les artistes et autres passionnés de la chanson d’expression francophone.

S’il est vrai que si une belle place est accordée aux artistes établis dans l’hexagone, nombre de passerelles sont lancées dans chaque numéro en direction de l’espace francophone : chroniques de CD, compte-rendu de festivals, entretiens, coup de projecteur sur une réalité précise telle la chanson jeune public au Québec (numéro 30, juillet 2003).

L’opportunité de se faire connaitre d’un grand nombre de professionnels qui viennent au festival régulièrement et de développer leur carrière d’une façon importante

Interceltique de Lorient, Déferlantes Francophones de Capbreton et Nuits Acadiennes à Paris ont – après chaque édition – bénéficié de commentaires dans cette publication dont la rédaction en chef est assurée par Frantz-Minh Raimbourg (frantz-minh.raimbourg@wanadoo.fr.

Dans le numéro 46 (janvier 2008), l’accent est mis sur le rôle des Déferlantes Francophones de Capbreton dans la promotion de la chanson acadienne et québécoise en France. D’où l’analyse de son créateur, Maurice Segall :

«Avant que le festival existe, il y avait très peu d’artistes acadiens connus en France. On pouvait citer Edith Butler, et Marie-Jo Thério dans une moindre mesure. Des groupes comme Vishten ou Grand Dérangement ont fait leurs premiers concerts en France à Capbreton.

Cela leur a donné l’opportunité de se faire connaitre d’un grand nombre de professionnels qui viennent au festival régulièrement et de développer leur carrière d’une façon importante. Mais je pourrais citer plusieurs dizaines d’autres d’artistes et je pense à un groupe québécois comme Mes Aïeux qui est venu aux Déferlantes l’année dernière pour la première fois. Ils ont eu un tel succès qu’ils sont revenus faire une tournée en France et cela a eu des répercussions jusqu’au Québec tant au niveau de la scène que du disque ».

Interrogé sur l’évolution de la chanson francophone d’outre-Atlantique depuis une dizaine d’années, Maurice Segall met en évidence des réalités toujours d’actualité : «C’est une évolution en sens contradictoire. Malheureusement, et j’espère que cela va changer, la chanson acadienne malgré sa diversité ne se renouvelle pas assez. Ceux qui marchent bien là-bas sont ceux que nous connaissons maintenant en France : Roland Gauvin, Fayo, Visthen, … Par ailleurs, je constate que la nouvelle scène québécoise, des artistes comme Yann Perreau, Bori, Chloé Sainte-Marie, Mes Aïeux commencent à être enfin entendus en France ».

D’où sa conclusion :’La chanson tient une place immense aussi bien en Acadie qu’au Québec. Il y a des artistes que j’aimerai faire venir depuis de nombreuses années mais j’ai plus de demandes que de possibilités. J’essaye d’établir une programmation cohérente : c’est un travail de longue haleine ».

29 août 1998, 1ères Déferlantes  Francophones à Capbreton : discusion entre Edith Butler et des membresdu groupe Trans-Acadie. (Photo Albert Weber)

29 août 1998, 1ères Déferlantes Francophones à Capbreton : discusion entre Edith Butler et des membres du groupe Trans-Acadie. (Photo Albert Weber)

 

Janvier 2009, réflexions autour de la chanson québécoise à l'occasion du 50ème numéro

Janvier 2009, réflexions autour de la chanson québécoise à l’occasion du 50ème numéro

Interview à deux voix avec les auteurs-compositeurs-interprètes acadiens Fayo et Roland Gauvin

Les Acadiens Fayo et Roland Gauvin à la une

Les Acadiens Fayo et Roland Gauvin annoncés à la une

Certes artistes ont eu à plusieurs reprises les faveurs de RécréACTION, les auteurs-compositeurs-interprètes acadiens Mario LeBlanc alias Fayo et Roland Gauvin, avec présentation dans le numéro 40 (janvier 2006) de leurs CD respectifs “La fiève des fèves” et “Traces de bons vivants» parus en 2005.

Et rebelote de manière bien plus approfondie comme dans le numéro 47 (avril 2008) avec les propos recueillis par Patrick Plouchart et Frantz-Minh Raimbourg aux Déferlantes de Capbreton en juillet 2007. Place à un entretien croisé de quatre pages où les deux créateurs ont non seulement évoqué leur parcours personnel mais réagi l’un par rapport à l’autre.

Et Fayo d’expliquer qu’il a toujours été passionné par l’histoire de l’Acadie. “Je voyage beaucoup dans ce pays. Je ne joue pas du violon, mais j’ai écouté beaucoup de musiques acadiennes, même à une époque où cela se faisait moins que maintenant. Par cet intérêt, moins inspiration existe, elle ne s’entend pas forcément dans la musique mais si tu écoutes bien les paroles, les référence à son pays, à son histoire, à ses pratiques sont bien là. Je sais aussi que je ne peux pas rester ancré seulement dans cette tradition parce que si j’arrive en France ou au Québec, j’ai besoin que le public me comprenne».

Et de son côté Roland Gauvin exprimer ses repères musicaux : « A l’époque de 1755, nous avions quelques pièces anciennes modernisées, mais le reste était du folk, du rock, de la country. C’est après que ma passion pour les musiques traditionnelles s’est développée, surtout la complainte. C’est une forme musicale qui n’est pas tellement jouée. Visthen, Dominique Dupuis et d’autres groupes acadiens comme Grand Dérangement n’en font pas. Ces chansons existent, et je les ressens comme mes propres pièces. (…)

J’aimerai dire à Fayo que notre relation ressemble à celle que j’avais avec mon ami Gérald LeBlanc, qui est décédé en 2005. On ne se voyait parfois pas pendant des années et quand d on se retrouvait, c’était comme si la conversation était d’hier. C’est de l’amitié.

 

8 novembre 2009, FrancoFête de Moncton : Fayo sur scène dans le cadre des Oiseaux de Nuit (Photo Albert Weber)

8 novembre 2009, FrancoFête de Moncton : Fayo sur scène dans le cadre des Oiseaux de Nuit (Photo Albert Weber)

 

A l'instar de Chorus, RécréACTION mène depuis plus de 15 ans le même combat en faveur de la chanson d'expression française

A l’instar de Chorus, RécréACTION mène depuis le même combat en faveur de la chanson d’expression française

“La Complainte du Phoque est la 3ème ou 4ème chanson que j’ai écrite dans ma vie. Alors commencer sa carrière avec ce cadeau, c’est formidable !”

 Prendre le temps de faire connaissance, c’est l’une des constantes de la rédaction de RécréACTION.

En témoigne par exemple l’entretien réalisé par Guylène Merien dans le numéro 37 (avril 2005) : Daniel LeBlanc s’évoque notamment les débuts de Grand Dérangement, son expérience de violoniste avant la formation de ce groupe de Nouvelle-Ecosse, du rôle du parolier Michel Thibault, le professeur de français et d’art dramatique, et de ses influences : « J’ai grandi avec la musique country et le bluegrass ; la musique traditionnelle aussi avec banjo, violon et mandoline, de la musique acadienne là où j’ai grandi. On y jouait beaucoup de violon ».

Au rayon des regrets, mentionnons une mise en pages souvent austère, voire dépourvue de photos pour certains articles de fond …

Ainsi cette intéressante conversation de près de trois pages avec le Québécois Michel Rivard.

Il s’y exprime entre autres sur sa chanson la plus connue : « Je ne peux pas en vouloir à ceux qui ne connaissent que cette chanson-là, et qui m’en parlent parce qu’ils l’aiment. Je serais le dernier des prétentieux de dire «arrêtez de me parler de cette chanson, je n’en ai rien à faire ; La Complainte du Phoque est la 3ème ou 4ème chanson que j’ai écrite dans ma vie. Alors commencer sa carrière avec ce cadeau, c’est formidable ! »

Et le fait qu’elle ait été reprise par Félix Leclerc lui inspire la réflexion suiante : ‘Ce fut à la fois une grande tape amicale sur l’épaule et très surprenant. En même temps je me suis dit que, quelque part, il avait reconnu son influence, parce que des fables animales, Félix en fait plusieurs. S’il a accepté de reprendre celle-là, ça doit être qu’il a vu en moi son élève ».

On en apprend aussi de belles sur la difficulté d’un artiste québécois de renom à trouver des interlocuteurs fiables pour développer sa carrière discographique sur le long terme : « Je n’ai jamais été chanceux avec mes maisons de disques : soit elles n’étaient pas assez intéressées, ou alors elles l’étaient et puis elles faisaient faillite».

30 août 1999, 1ères Déferlantes Francophones à Capbreton et 1er de Grand Dérangement en France.

30 août 1999, 1ères Déferlantes Francophones à Capbreton et 1er de Grand Dérangement en France.

“J’étais peut-être le seul à ne pas avoir envie de devenir populaire”

10 novembre 2009, Montréal, Coup de Coeur Francophone : Bori désormais à visage découvert.

10 novembre 2009, Montréal, Coup de Coeur Francophone : Bori désormais à visage découvert.

«Pour beaucoup la chanson québécoise se résume aux glorieux ainés (Félix Leclerc Gilles Vigneault, Robert Charlebois), ou doux parfum des « seventies » (Beau Dommage, Harmonium, Diane Dufresne), à quelques belles voix championnes du marketing (Céline Dion, Isabelle Boulay, Natasha Saint-Pierre, Garou) et à .. Linda Lemay.

C’est oublier les Michel Rivard, Richard Seguin, Daniel Belanger, Kevin Parent, Stephen Faulkner, Jean Leloup et autre Eric Lapointe qui remplissent les salles de « la Belle Province » avec des œuvres fortes et originales ». Et puis … il ya Edgar Bori, auteur de quatre disques et d’une compilation. Son dernier disque (Changer d’air) sort enfin en France ».

 Ainsi s’exprimait Franz-Minh Raimbourg dans le numéro 32 (janvier 2004) : un état des lieux qui aurait évidemment besoin d’être réactualisé étant donné l’émergence de tant de nouveaux talents … voire rectifié puisque Natasha Saint-Pierre n’est pas québécoise mais acadienne.

Mais n’empêche que ces phrases révèlent bien l’esprit dans lequel écrivent les bénévoles de RécréACTION, avec le souci de placer l’artiste dans un contexte global, histoire de mieux comprendre sa trajectoire publique voire personnelle.

Bori est décidément source d’inspiration pour le rédacteur en chef de RécréACTION ! Dans le numéro suivant d’avril 2004 paraît un long entretien de trois pages. En toute spontanéité, Edgar Bori se dévoile, lui qui n’avait pas l’intention de devenir chanteur jusqu’à la trentaine. Un instructif dialogue qui revient notamment sur ses débuts sur scène, sur la manière dont s’est formé le fameux trio se produisant en ombre chinoise … jusqu’à la rupture au bout de cinq ans, synonyme de début d’une carrière solo.

«J’étais peut-être le seul à ne pas avoir envie de devenir populaire. Les autres ont commencé à souffrir de cet anonymat volontaire et du manque de contrats qui va avec. Lorsqu’on choisit l’anonymat, la route est plus longue. Mes anciens compagnons continuent leur chemin artistique. Je ne les remercierai jamais assez parce qu’ils m’ont aidé à apprivoiser la scène, ils m’ont ouvert des « portes extraordinaires ».

Et Bori de conclure la conversation sur une note d’espoir : « Les gens ont faim d’une culture faite d’humanité. La chanson à texte revient, retrouve certaines lettres de noblesse, même si on est dans un monde où « l’olympisme vocal » a pris le dessus. Les gens sortent moins pour écouter les chanteurs. Il faut continuer à se battre avec les artisans, ceux qui mettent l’humain au premier plan. Je crois qu’il y a toute une machine à remettre en marche».

De quoi stimuler la motivation de la rédaction de RécréAction, visiblement déterminée à continuer coûte que coûte, à se » battre avec les artisans ».

Raison de plus pour aider cette association soutenue par une trentaine de membres d’honneur. En l’occurrence des artistes parmi lesquels on retrouve Gilbert Lafaille, Marc Ogeret, Véronique Pestel, Julos Beaucarne, Claire, Chantal Grimm, Idir, Eric Guilleton,Isabelle Mayereau, Louis Capart, Marie-Josée Vilar, etc. En somme une certaine idée de la chanson d’expression française”.

TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

Infos complémentaires sur “Asso RécréAction” via Facebook 

ILE DE LA REUNION/ JEROME GALABERT : SAKIFO au-dessus des flots tourmentés

Suite et fin de l’entretien-vérité accordé par Jérôme Galabert, figure marquante de la vie artistique et culturelle de l’océan Indien, à Nathalie Valentine Legros et Geoffroy Géraud Legros, créateurs de notre site partenaire 7 Lames la Mer.

Un entretien intéressant à plus d’un titre pour les passionnés de culture francophone d’Amérique du Nord de par la diversité des thèmes abordés ici par le créateur du festival Sakifo et président du PRMA, le fameux Pôle régional des musiques actuelles dirigé par Alain Courbis.

Place, une nouvelle fois, à des propos de Jérôme Galabert sans langue de bois, notamment en ce qui concerne les relations souvent délicates – c’est le moins qu’on puisse dire – entre milieu culturel et monde politique.

Cela faisait un moment que l’idée de faire un entretien avec Jérôme Galabert nous trottait dans la tête… Cible de tous les excès — amour et haine —, l’inventeur du Sakifo s’est prêté au jeu des questions-réponses avec une liberté de ton, un enthousiasme et une lucidité qui tranchent par rapport aux discours convenus. L’enfant de Château-Morange, du haut de ses 45 ans, définit son « bébé » comme un compromis entre contre-pouvoir et marqueur consensuel. Interview, suite et fin…


7 Lames la Mer : Création culturelle et initiative économique vont-elles de pair ? Votre parcours semble plaider pour cette analyse…

Jérôme Galabert : Face à la crise, je reste persuadé que l’on s’en sortira si l’on est capable d’imaginer des systèmes qui collent à notre réalité territoriale. C’est valable aussi dans le domaine culturel. Imaginer des systèmes simples, comme le concept de « Tournée générale » [1]… Et puis, il faut faire confiance à l’imagination et au savoir-faire des gens d’ici.

7 Lames la Mer : Quels sont les freins ?

Jérôme Galabert : Il y en a mais les choses bougent. L’an passé par exemple, la Région a mis fin à une injustice : les entreprises culturelles bénéficient désormais de certains dispositifs dont elles étaient exclues, notamment l’aide à la création d’emplois.

Un boulanger pouvait faire appel à la Région pour l’aider à créer un emploi, un acteur culturel ne le pouvait pas ! On répare ainsi une injustice, mais il y a un paradoxe : on nous ouvre l’accès à ces aides, on nous accompagne sur « Tournée générale » mais on nous freine par ailleurs. Peut-être est-ce dû à mon caractère… Je ne peux pas faire autrement que de bousculer les choses parfois. Que j’en aie payé le prix, c’est probable.

7 Lames la Mer : Culture et politique… Deux ennemis ?

Jérôme Galabert : Non… mais dans la relation culture/politique, on doit sortir d’un mode de fonctionnement hérité du passé. Aujourd’hui, le créole ne vote plus comme il votait hier. La culture — entre autres — a un rôle à jouer dans ce processus loin d’être abouti mais inéluctable qui mène vers plus d’éducation, plus d’ouverture, plus d’intelligence, plus de responsabilités aussi. Je l’espère… notamment pour mes enfants.

7 Lames la Mer : En tant qu’entrepreneur culturel, vous avez souvent comme interlocuteurs des hommes politiques. Quel est votre regard sur la politique ?

Jérôme Galabert : Je regrette qu’il n’y ait pas un peu plus de courage politique sur des choses fondamentales. Par exemple, aujourd’hui, La Réunion devrait compter 45 communes au moins.

Les communautés d’agglomération seront des enjeux politiciens tant que les communes ne seront pas redécoupées. Ainsi, on favorisera la proximité et le rapport au politique sera différent. C’en sera fini des roitelets. Il faut poser cela sur la table de façon apaisée.

7 Lames la Mer : Une critique adressée aux maires…

Jérôme Galabert : Je peux aiguiller le politique mais j’ai beau jeu de le faire puisque je n’assume pas la posture politique pleinement. Je ne critique pas les maires en place sur leur gestion quotidienne.

Je sais ô combien il est dur d’être maire aujourd’hui à La Réunion. Mais je regrette qu’il n’y ait pas le courage de régler cela. La 25ème commune, c’est très bien mais il en faut beaucoup plus. Cet éclatement des communes amènera une démocratie qui fonctionnera mieux.

7 Lames la Mer : Selon vous, où en est la société réunionnaise ? Sous influences ? En voie d’appropriation de son héritage, de son patrimoine ?

Jérôme Galabert : C’est complexe… De tout temps, nous avons été influencés. Et nous continuerons de l’être. De tout temps, certains ont lutté pour préserver l’héritage. Et il faudra lutter encore pour une culture réunionnaise forte. Mais il est tout autant nécessaire de conserver la porosité à l’ailleurs : c’est comme cela aussi que nous nous sommes construits.

7 Lames la Mer : Dans la pratique, vous avez situé la « porosité à l’ailleurs » notamment dans l’océan Indien, pris dans son acceptation large…

Jérôme Galabert : Cette porosité là est intéressante. Le monde est vaste. Si on accepte et défend ce que l’on est — Réunionnais, Français, Européens — on gagnera. J’estime que nous sommes l’Europe de l’océan Indien alors quand il faut aller discuter là-bas sur les fonds ACP [2], j’y vais moi-même : pa bezoin ou vien koz pou moin, puisk moin sé ou ! Je ne fais pas cela dans un rapport conflictuel mais dans un rapport positif.

7 Lames la Mer : Cette porosité à l’ailleurs, comment s’exprime-t-elle concrètement ?

Jérôme Galabert : Des exemples… On a signé la sortie de l’album « 32 désanm » de Ziskakan — qui revient d’une tournée en Chine — sur une plateforme de téléchargement en Chine. On vend ce disque en Chine.

Je dois signer avec un distributeur australien pour produire un album australien que je vais vendre en Australie.

Récemment, j’ai produit l’album de « Tumi and the Volume », groupe sud africain, que j’ai vendu aux Sud-Africains.

Cela ne rapporte pas d’argent mais tant que le festival permet de faire vivre le label, je continue parce que cela ouvre des portes et permet aussi de dire aux jeunes Réunionnais que le monde est vaste.Il faut avoir de l’ambition, travailler, et surtout que l’on donne aux jeunes les moyens de conquérir les espaces à conquérir.

7 Lames la Mer : Vous parlez des jeunes Réunionnais… Comment voyez-vous la situation de cette jeunesse ?

Jérôme Galabert : Comment agir pour donner demain du boulot à cette jeunesse ? Comment faire pour transmettre quelque chose ? Il y a un moment dans la vie où tu construis pour toi-même… Et un jour, tu entres dans la phase de transmission.

J’ai 45 ans, trois enfants, et je suis en train de basculer dans cette phase de transmission. Donc ces choses là m’obsèdent plus qu’hier et c’est aussi pourquoi j’ai accepté la présidence du Pôle régional des musiques actuelles (PRMA). Parce que je sais bien qu’il faut que je transmette et que je passe à autre chose.

Quand je regarde les chiffres du chômage, je me dis que, à titre personnel, je me dois de montrer l’exemple : ouvrir des fenêtres, allumer des lumières… pour que les jeunes aient l’envie, qu’ils aillent faire des choses à droite, à gauche. Je ne suis pas le seul à l’avoir fait, il y en a plein qui le font.

7 Lames la Mer : Vous parlez de passer à autre chose… Tourner la page du PRMA ?

Jérôme Galabert : Rester trop longtemps au PRMA serait pour moi un échec. Par philosophie et aussi par défi. Si demain, le flambeau n’est pas repris par d’autres, cela veut dire que le projet développé n’est que personnel et a donc peu d’intérêt…

7 Lames la Mer : En quoi consiste ce projet ?

Jérôme Galabert : Pour résumer, il s’agit de structurer la filière. Par exemple, les producteurs — le canal historique : Piros, Oasis, Discorama — ont la volonté de transmettre leur catalogue à des jeunes. Mais qui pour reprendre le flambeau ? Il y a un vide sidéral… Le premier « jeune » derrière, c’est moi ! Et derrière moi ? Personne… Na poin.

Lorsque j’étais chargé de mission à la Région pour la promotion de la musique réunionnaise sous Margie Sudre, je me suis battu — et j’ai échoué — contre la fermeture de l’IFMC (Institut de formation aux métiers culturels), qui, potentiellement, allait former nos techniciens, nos cadres dirigeants de structures etc. On a fermé cet outil au moment même où le contrat de plan faisait émerger 20 salles de spectacle sur l’île. A mes yeux, c’est l’une des plus importantes erreurs politiques en matière de culture.

7 Lames la Mer : Aujourd’hui, combien d’entreprises privées s’en sortent dans le secteur culturel ?

Jérôme Galabert : Cela se compte sur les doigts d’une main, toutes disciplines confondues, même les galeristes. Compte tenu de la nature du marché, Sakifo est quasiment un cas unique…

Donc il est urgent de combler ce retard en formant des professionnels capables de faire face à la situation et de se projeter… C’est du boulot. Au lieu de perdre du temps en polémiques stériles, on ferait mieux de carburer.

7 Lames la Mer : Une vie sans Sakifo ?

Jérôme Galabert : J’ai imaginé très clairement que si Sakifo était un échec, je passerais à autre chose.

7 Lames la Mer : Avez-vous imaginé en revanche un Sakifo qui trace son chemin sans vous ?

Jérôme Galabert : Oui même si je ne sais pas encore vers quoi je me tournerai alors. Mon fonctionnement au sein de l’équipe repose sur la répartition du travail. J’ai recruté un directeur et structuré mon entreprise.

Cela passe par des sacrifices personnels pour pouvoir faire d’autres choses justement. Ce qui est certain, c’est que, au bout d’un moment, je ne pourrai plus assurer la direction artistique du festival.

7 Lames la Mer : Vous préparez la relève…

Jérôme Galabert : Oui. J’ai un peu de marge encore mais j’ai pleinement conscience que c’est nécessaire. J’essaie de faire en sortes que le Sakifo soit transgénérationnel, mais c’est quand même un outil qui parle aux jeunes et qui nécessite une énergie et une fraicheur qu’au bout d’un moment je n’aurai plus.

7 Lames la Mer : Vous avez structuré l’entreprise, recruté un directeur… Combien de personnes Sakifo fait-il vivre ?

Jérôme Galabert : Aujourdhui, Safiko, c’est sept personnes en CDI, plus un CDD en partiel sur 8 mois. Nous avons été plus nombreux par le passé. Il faut savoir que, suite à la « crise Orelsan », nous avons été contraints de mettre fin à 3 CDD l’année dernière.

Dans la période du festival, on monte à 280 personnes embauchées : 70 barmans, 13 personnes à la billetterie, autant aux caisses, 50 personnes à la technique, etc. 80% de notre budget est dépensé localement et les activités du festival et autour du festival génèrent l’équivalent de 4 millions et demi de dépenses injectées sur le territoire, dans l’économie réunionnaise.

7 Lames la Mer : Quel est le budget d’un Sakifo ?

Jérôme Galabert : 1,5 million d’euros dont 275.000 euros de fonds publics. Par rapport aux festivals de métropole, ce ratio est une sorte d’exception. C’est ce qui nous donne aussi notre liberté de ton et d’action. La Ville de Saint-Pierre joue le jeu mais ce n’est pas le cas de tous les financeurs publics. Par exemple, quel que soit le pouvoir en place, l’Etat et le Département n’ont jamais aidé le festival. Jamais.

7 Lames la Mer : Ce qui n’a pas empêché le sakifo d’exister et de durer… 10 ans maintenant.

Jérôme Galabert : Je n’aurais jamais cru que l’on arriverait jusque là. A l’époque, j’avais dit que si l’on passait la barre des 7 ans, ce serait déjà bien…

Là, cela fait 10 ans mais l’exercice de cette année est l’un des plus difficiles que l’on ait jamais eu. C’est la première fois que l’on démarre avec un déficit prévisionnel : il faudra une augmentation de la fréquentation pour compenser.

Par ailleurs, le contexte économique et politique ne nous est pas favorable… En 10 ans, nous n’avons pas réussi à convaincre au-delà.

7 Lames la Mer : Vous avez convaincu un public et aussi à l’extérieur de l’île… Le Sakifo, une sorte de « contre-pouvoir » ?

Jérôme Galabert : D’une certaine façon, oui. Beaucoup de gens d’horizons vraiment divers ont soutenu le festival l’an dernier, suite à la polémique autour de la programmation d’Orelsan.

Cela a été une surprise, puis un soulagement et une satisfaction… Et une responsabilité parce que tu te rends compte que tu représentes une parole qui te dépasse et c’est une lourde responsabilité. Il ne faut pas faire n’importe quoi avec ça. Parfois, tu te réveilles la nuit en te demandant si tu n’es pas en train de faire une connerie sur tel ou tel aspect.

7 Lames la Mer : L’affaire Orelsan a laissé des traces…

Jérôme Galabert : Oté, nou la gingne lo kou lan pasé ! Cette polémique nous a fait beaucoup de mal. Le jour où je pars pour BabelMed [3], la sanction de suppression de la subvention régionale tombe. J’étais atomisé.

Une chaîne de solidarité au niveau national se met en place très rapidement à Marseille. Je reviens un peu « regonflé » et je réunis mon équipe pour recueillir le sentiment de chacun car la décision à prendre implique potentiellement le devenir des salariés… Celle qui fait la billetterie, femme seule avec trois enfants, si elle perd son job, ce n’est pas rien. Et ce n’est qu’un exemple. Unanimement, l’équipe a dit : on y va.

7 Lames la Mer : Serrer les coudes pour faire face à la fronde…

Jérôme Galabert : Oui et mettre en place une organisation : j’ai joué le rôle d’aspirateur des mauvaises ondes et des koud’kogne à tous les niveaux pour que l’équipe puisse travailler. Le chargé de com’ faisait un pré-filtre et renvoyait tout sur moi. Ceux qui ont lancé cette polémique l’ont très rapidement personnalisée et d’autres ont sauté sur l’occasion. L’enjeu était réel et on n’en sort pas indemne : je me suis vu plus costaud que je ne l’étais. Mais au bout d’un moment, ce qui ne te tue pas te rend plus fort.

Donc aujourd’hui, j’ai bien compris qu’il y a des gens que je n’arriverai pas à convaincre. Souvent, ce sont ceux qui refusent le dialogue. Cette année, on pose une belle programmation, pleine de découvertes, pleine de prises de risques, audacieuse ! On a la chance d’avoir Manu Chao. Le simple fait de l’accueillir, c’est une façon de dire : lé ga, alé, goutanou astèr !

7 Lames la Mer : L’an dernier, le Sakifo est entré dans un mode de mobilisation quasiment politique avec même la reprise du slogan du père Payet : « Nou lé kapab »…

Jérôme Galabert : Sakifo, c’est une affirmation. « Nou lé kapab » en est une autre. « Nou tiembo, nou larg pa », une autre encore… On a repris ces slogans parce que cela nous paraît important.

Lorsque cela passe par le « canal Sakifo », c’est plus rassurant et apaisant pour les gens. Par exemple, le discours d’ouverture du IOMMA [4], je le fais en trois langues : créole, français et anglais. Cela fait rire certains mais cela plaît aussi à beaucoup et surtout, cela ne suscite pas de polémique. C’est apaisé alors que par ailleurs, le débat est exacerbé. C’est important que l’on puisse dire de façon apaisée : té lé ga, trankil… Sa lé a nou sa ! Passons à autre chose.

7 Lames la Mer : On se souvient aussi du drapeau de La Réunion en fond d’affiche en 2011…

Jérôme Galabert : Oui… On a reproduit ce drapeau sur l’affiche de Sakifo et finalement il n’y a pas eu de polémique ou très peu.

7 Lames la Mer : Sakifo, à la fois contre-pouvoir et marqueur consensuel ?

Jérôme Galabert : D’une certaine façon, oui. Les évènements culturels aussi montrent l’évolution de la société. On est dans une situation sociale terrible donc il y a des combats que l’on ne devrait plus avoir à mener. On peut continuer à débattre mais de façon apaisée. Avançons.

7 Lames la Mer : Votre plus belle réussite parmi les artistes que Sakifo soutient ?

Jérôme Galabert : C’est difficile de répondre à cette question… J’ai un amour profond et un feeling pour Nathalie Natiembé. Je ferai tout ce que je peux pour qu’elle puisse continuer. J’ai aussi une relation très particulière avec Alex Sorrès. Une autre très particulière avec Tiloun.

Une très particulière avec Gilbert Pounia et aussi avec Maya que je connais depuis toute petite. Etc… Les artistes avec lesquels je travaille, pour la grande majorité, c’est aussi parce qu’il y a un lien personnel fort.

7 Lames la Mer : Je suis artiste et je veux jouer au Sakifo…

Jérôme Galabert : Entre septembre et décembre — période d’élaboration de la programmation —, nous recevons entre 10 et 15 demandes par jour. Nous sommes victimes d’une filière qui n’est pas encore bien structurée — notamment les scènes intermédiaires.

La logique voudrait que les artistes fassent leurs armes d’abord dans un réseau de café-concerts — d’où la pertinence du concept « Tournée générale » — puis qu’ils soient à l’affiche de salles comme le Palaxa, le Kerveguen ou le Kabardock, puis qu’ils accèdent au théâtre de Saint-Gilles… Il faut restructurer tout ! On essaie de privilégier le dialogue, d’être pédagogue mais c’est de plus en plus compliqué, aussi parce que j’ai de moins en moins de temps.

7 Lames la Mer : Le choix artistique ?

Jérôme Galabert : Le final cut, c’est moi.

7 Lames la Mer : Sakifo et séga… 2012 a ouvert la programmation à ce genre musical, partie intégrante de notre culture. Essai concluant ?

Jérôme Galabert : En fait, les productions qui nous étaient proposées atteignaient rarement les standards de ce que l’on programmait dans d’autres registres.

J’avais donc le sentiment de ne pas servir ces artistes là en les programmant. Pendant longtemps, je me suis creusé la tête : alors que ce festival est éclectique, comment trouver une solution pour que le séga y ait toute sa place ? La formule mise en place en 2012, c’est « salon-bal », une scène dédiée que l’on renforce cette année en l’ouvrant avec Joajoby, Mounawar ou encore Menwar.

J’essaie d’apporter des solutions et pour cela je m’entoure de gens dont la pensée peut faire évoluer les choses. C’est le cas avec Arno Bazin et c’est aussi une façon d’ouvrir un dialogue avec les représentants de ce genre artistique.

Cette année, nous programmons Séga’El et Lorkès Tapok avec Jean-Pierre Boyer et Jo Lauret. On trouve des compromis d’autant que les ségatiers ont souvent ressenti une sorte de frustration vis à vis du maloya. Il leur a fallu digérer les choses, notamment avec un arrière-plan politique. Je pense que c’est prometteur mais trop tôt pour dire que c’est concluant.

7 Lames la Mer : Sakifo et festivaliers… Une histoire d’amour ?

Jérôme Galabert : Une part de notre public est constituée de « fondus des festivals ». On travaille à diversifier ce public et à essayer d’innover. Cette année, on renoue par exemple avec l’action culturelle en ramenant le Sakifo dans les quartiers.

Il y aura aussi des concerts à la prison, à l’hôpital… On a embauché quelqu’un pour travailler spécifiquement sur le développement des publics et aller conquérir de nouveaux spectateurs. C’est un combat perpétuel. On doit travailler sur l’éducation des publics et notamment du jeune public.

7 Lames la Mer : Sakifo, sékoi ?

Jérôme Galabert : Un gros coeur — sur l’affiche de cette année — qui s’envole au-dessus des flots tourmentés. In ti pé grokèr… Na in pé de « goutanou » dann zafèr là kanmèm la di !

Propos recueillis par Geoffroy Géraud Legros & Nathalie Valentine Legros

Toutes les infos sur Sakifo ici

Nathalie Valentine Legros & Geoffroy Géraud Legros

Chroniques réunionnaises à quatre mains, avec Geoffroy Géraud Legros et Nathalie Valentine Legros.

Notes

[1Suivez ce lien pour en savoir plus sur le dispositif Tournée générale.

[2Afrique, Caraïbes, Pacifique

[3Festival de musique à Marseille

[4Indian Ocean Music Market

 

ILE DE LA REUNION/ JEROME GALABERT: “La culture : une locomotive pour l’économie !”

A l’heure où la chanson québécoise s’apprête à vivre  – une nouvelle fois – au rythme de festivals tels Tadoussac ou Petite-Vallée, l’entretien réalisé à l’île de la Réunion par Geoffroy Géraud Legros et Nathalie Valentine Legros, créateurs de notre site partenaire “7 Lames La Mer”, prend un relief particulier.

Personnage majeur de la vie artistique et culturelle de cette île française de l’Océan Indien depuis des années, Jérôme Galabert surprend toujours par ses prises de position, son regard lucide et décalé sur les réalités locales et ses nombreuses initiatives : des événements musicaux enracinés aussi bien dans des talents émergents que des artistes confirmés.

En témoigne notamment le fameux festival Sakifo fondé en 2004 et dont la notoriété dépasse largement l’archipel des Mascareignes. D’où l’intérêt de cet article paru le 11 mai chez notre site partenaire … le reflet d’une certaine réalité réunionnaise d’où émerge notamment cette affirmation : “Quand on parle culture, on s’adresse à l’âme et on a peur de traduire cela en valeur financière, en potentiel économique”.

“Lorsqu’il parle du passé, il le conjugue au présent. Nous rencontrons Jérôme Galabert dans un bureau du Kabardock à l’heure où le piapia des oiseaux dans les arbres accompagne une fin de journée bien remplie : conférence de presse, coups de fil, rendez-vous… Quelques banalités échangées devant la machine à café et l’interview s’engage sur la « réunionnaiseté » de Jérôme Galabert… avant d’aiguiller vers un thème cher à « 7 Lames la Mer » : création culturelle et initiative économique vont-elles de pair ?


7 Lames la Mer : Jérôme Galabert, vous définissez-vous comme Réunionnais ?

Jérôme Galabert : Bien-sûr ! Lorsque mes parents arrivent à La Réunion en 1968, j’ai six mois. Mes enfants sont nés là. La grande majorité de ma famille est là. C’est là que je me suis construit.

Je n’ai pas de problème par rapport à cela : je me sens profondément Réunionnais, malgré le regard de certains ; avec l’âge, on apprend à dépasser ces regards. J’ai grandi à Saint-Denis, Sainte-Suzanne, Saint-André… A partir du collège, j’ai habité Trois Bassins, puis la Saline… Plus tard, lorsque j’ai pris mon particulier, je me suis installé à Saint-Leu.

7 Lames la Mer : Votre nom, Galabert, est prédestiné…

Jérôme Galabert : C’est effectivement un nom qui a plusieurs traductions en créole. « Corbeille d’or » est la plus valorisante. « Caca Martin » l’est un peu moins… Il y a aussi la chenille. Galabert, c’est une jolie plante avec plein de petites fleurs… Une plante qui grafine in ta… Cette image me convient bien.

7 Lames la Mer : Votre première émotion artistique.

Jérôme Galabert : Il y a des choses dans lesquelles on baigne tous les jours sans y prêter attention. Je quitte l’île en 1984, après le Bac, pour faire des études de langues. Bordeaux, Toulouse, Londres, Les Canaries… Confronté à d’autres réalités, je prends conscience de ce que j’ai laissé dans l’île. Après quelques années, je rentre et ma première émotion artistique, c’est un concert de Ziskakan au théâtre de Saint-Gilles.

7 Lames la Mer : A quelle occasion mettez-vous le pied à l’étrier ?

Jérôme Galabert : A cette époque, Pierre Macquart monte le premier « Ti Bird » au dessus du Rallye. Je lui donne un coup de main sur le suivi des travaux, l’aménagement, puis, de fil en aiguille, sur la programmation. Derrière le bar, il avait même affiché un télégramme de félicitations de Jack Lang, alors ministre de la culture ! Pierre organisait des concerts tous les soirs. C’était la folie… Cette affaire n’a pas tenu longtemps mais quelle belle aventure !

7 Lames la Mer : Vos premières armes dans la culture.

Jérôme Galabert : D’abord j’ai la chance de travailler comme VAT [1] à la communication du conseil général, sous la présidence d’Eric Boyer. Là je rencontre Paul Mazaka. C’est aussi la rencontre avec un courant de pensée politique. C’est l’époque de créations fondatrices dans le secteur culturel, comme l’ODC [2], l’époque de la « politique du haut niveau » et de « l’homme réunionnais », deux notions couplées. C’est le discours sur la « réunionnaiseté », leitmotiv d’Eric Boyer.

7 Lames la Mer : Cette « réunionnaiseté » prônée par Eric Boyer, comment la vivez-vous alors ?

Jérôme Galabert : Je construisais mon parcours et cela m’a profondément marqué. J’ai alors une vingtaine d’années et je suis fortement impliqué dans certaines opérations… Je travaille avec Paul Mazaka sur le « Carrefour des cultures ». Avec Jacqueline Farreyrol aussi. C’est l’époque des CES musique et de la prise d’initiatives : bousculer les choses acquises sur l’action culturelle, bousculer le rapport emploi-culture…

Toutes ces préoccupations étaient déjà présentes. Il y avait un courage politique sur l’initiative en matière de culture. Peu d’acteurs politiques ont réussi à incarner cela comme l’a fait Eric Boyer. Il y avait une volonté de construire un discours fondateur.

7 Lames la Mer : Caméléon, Carrousel, groupes mythiques, devenus des références. Un tournant dans le champ culturel réunionnais ?

Jérôme Galabert : Incontestablement, ces groupes ont été marquants. Outre l’aspect musical, c’était presque un nouveau mode de vie. Ils ont vite fait des petits.

Dans la lignée, on peut dire aussi que le festival de Château-Morange a joué un rôle énorme sur l’évolution de la musique réunionnaise. Par rapport à l’offre culturelle, il y avait une forme de modernité qui alliait la promotion de la tradition musicale et une programmation audacieuse. Cela a accéléré le processus.

7 Lames la Mer : Sakifo, un enfant de Chateau-Morange ?

Jérôme Galabert : J’ai toujours dit que moi, j’étais un enfant de Château-Morange. Le virus des festivals, je l’attrape sur Château-Morange. Par la suite, avec Pierre Macquart, on s’est occupé de la décentralisation pour la dernière édition.

Indéniablement, Sakifo a hérité de Château-Morange : l’ouverture, l’éclectisme, la mise en valeur de pratiques endogènes, les rencontres entre artistes, les rencontres professionnelles, la revendication du rôle de locomotive joué par le territoire, etc. L’aventure humaine aussi ! La façon de conduire l’équipe, le fonctionnement de l’organisation en interne… C’est là que j’ai appris.

7 Lames la Mer : Une rencontre marquante ?

Jérôme Galabert : Il y en a beaucoup… Paul Mazaka, Pierre Macquart… Comment les citer tous ! Dans mon parcours professionnel, Jean-Pierre Clain a été un de mes mentors. Il m’a beaucoup appris. Premier directeur de l’ODC, il avait une réflexion sur la globalité du territoire. Il n’était pas un directeur de théâtre mais bien un directeur d’ODC.


7 Lames la Mer : On assiste depuis quelques années à la multiplication des festivals, voire à leur « communalisation ». Quelles réflexions cela vous inspire-t-il ?

Jérôme Galabert : J’avais prédit cela juste au lendemain des dernières élections municipales.Quand nous avons eu le conflit avec Thierry Robert, j’ai pris conscience que plus rien ne serait comme avant et que l’on allait direct vers la “festivalite”. Chaque commune ou communauté d’agglomération allait vouloir son Sakifo. La suite a montré que certains ont essayé et peu ont réussi.

7 Lames la Mer : Ce conflit avec Thierry Robert sera à l’origine de la migration du Sakifo vers Saint-Pierre. Avec le recul, acceptez-vous de revenir sur cet épisode ?

Jérôme Galabert : Oui et en toute transparence. Ce que je vais dire là, je peux le redire devant lui et en public. A l’époque, je ne connaissais pas Thierry Robert. Il m’aborde un samedi matin dans un commerce et me dit : «Je suis le futur maire, il va falloir que l’on travaille ensemble »… J’ai connaissance plus tard qu’il prend un certain nombre d’engagements sur le Sakifo (tarif pour les Saint-Leusiens, concerts décentralisés dans les hauts…). Il est en campagne, il fait feu de tout bois. Ce n’est ni le premier ni le dernier.

7 Lames la Mer : Comment réagissez-vous ?

Jérôme Galabert : La rosée sur feuille songe… mais cela produit quand même un certain agacement car est-ce-qu’il me viendrait à l’idée d’aller faire des promesses, si j’étais en campagne, sur le thème : « vous aurez accès aux appartements de Thierry Robert gratuitement » ? Rien n’est neutre : il sait que j’ai travaillé à la construction de la politique culturelle de Saint-Leu pour Jean-Luc Poudroux…

7 Lames la Mer : Thierry Robert gagne les élections…

Jérôme Galabert : Oui et le festival approchant, je demande à la commune d’honorer les engagements de l’équipe précédente. Nous n’avions pas de convention, les engagements étaient verbaux…

Face à l’absence de réaction, je finis par annoncer dans les médias la suspension du festival. Panique à bord. Le maire nous reçoit et nous explique — je résume — que la ville n’a plus les moyens…

Donc, après quelques péripéties, le Sakifo s’est tourné vers d’autres interlocuteurs : Saint-Pierre et Saint-Paul. On demandait une convention de partenariat de trois ans. Saint-Pierre a proposé sept ans. Il nous incombait de réinventer un festival. Une semaine à peine s’était écoulée depuis l’annonce de la suspension… C’était compliqué.

7 Lames la Mer : Cet épisode démontre aussi qu’un évènement comme le Sakifo repose, inévitablement, sur des fonds tant privés que publics.

Jérôme Galabert : Evidemment. Aujourd’hui, dans tous les domaines, on considère le maillage public-privé comme naturel, sauf pour la culture où l’on constate encore des blocages — psychologiques ou autres. Or c’est un secteur où historiquement, il y a peu de moyens et de moins en moins parce que l’offre et les besoins augmentent alors que l’enveloppe ne fait que diminuer.

7 Lames la Mer : Comment expliquez-vous ce blocage ?

Jérôme Galabert : Il y a là une sorte de paradoxe qui tient à un apriori culturel : quand on parle culture, on s’adresse à l’âme et on a peur de traduire cela en valeur financière, en potentiel économique.

Par exemple, il est admis que le cinéma et la chanson sont des industries mais ce modèle là n’est pas descendu jusqu’aux instances décisionnelles, qui agissent dans le cadre de la décentralisation. C’est descendu pour tout le reste : on subventionne l’agriculture, le tourisme, le social, la redynamisation des centre-villes… Pas de problème.

Le seul secteur qui semble poser problème, c’est la culture. Dans le domaine musical, il y a en plus cet aspect fantasmatique du « producteur-qui-va-faire-fortune », ce qui amène certains à me comparer à Eddie Barclay… Comme si j’étais la Metro-Goldwyn-Mayer de la musique réunionnaise ! C’est ridicule. Il faut arrêter de déconner : j’ai une PME qui fait 2 millions de chiffre d’affaire, qui dégage entre 50 et 100.000 euros de bénéfices les bonnes années. Ou sa nou sava avek sa ?

7 Lames la Mer : La culture peut-elle devenir un levier économique ?

Jérôme Galabert : Oui. C’est là que nous avons un des plus forts potentiels de création d’emplois, en particulier à La Réunion. Un exemple : il y a 4 à 5 ans, le projet « Tournée générale » est né des rencontres professionnelles de Sakifo. A l’époque, le Kabardock — qui est une SMAC [3] — est isolé sur un territoire sans partenaires : Palaxa fermé, K/véguen moribond, Théâtres Départementaux pas concernés…

Seul, le Kabardock est comme une locomotive sans wagons. Dans le même temps, les cafés-concert constituent le premier réseau de diffusion de l’île : c’est là où jouent tous les groupes. Le boushé-manjé des musiciens, c’est ce réseau informel, cette économie souterraine.

Donc avec Stéphane Rochecouste, le directeur du Kabardock, nous avons travaillé à créer du lien entre ce réseau là — les privés — qui a besoin d’être structuré et l’institution qu’est le Kabardock — le public. Au bénéfice de qui ? Des artistes : cinq groupes au début, cinq lieux… A l’époque, le PRMA et l’Etat ne nous suivent pas. En revanche, la Région et la SACEM nous soutiennent.

7 Lames la Mer : Un premier bilan de « Tournée générale » ?

Jérôme Galabert : Concrètement, aujourd’hui le dispositif « Tournée générale », c’est 40 groupes inscrits et un potentiel de 600 cachets. Ainsi, on permet à des artistes d’accéder à un statut, ce qui avant n’était pas toujours possible mathématiquement.

Avant, ces groupes s’adressaient directement au Kabardock ou au Sakifo pour se produire mais — toutes proportions gardées — c’est comme si un groupe de la Creuse essayait de faire l’Olympia ou le Printemps de Bourges sans avoir expérimenté des scènes intermédiaires. Aujourd’hui, avec le dispositif « Tournée générale », les groupes peuvent acquérir de l’expérience.

7 Lames la Mer : « Tournée générale » se veut aussi un dispositif économique, grâce au maillage public-privé évoqué plus haut. Une expérience concluante ?

Jérôme Galabert : Oui. L’autre aspect, c’est effectivement l’impact économique de ce dispositif. On crée un appel d’air en sollicitant les fonds de l’intermittence et il y a un effet boule de neige.

Quand un artiste effectue un certain nombre d’heures, il bénéficie d’une compensation mécanique à travers le système de l’intermittence. Donc ses revenus augmentent. Cet artiste, il vit ici et dépense ici. Il fait vivre des lieux — les cafés-musique — qui eux-même embauchent, qui vendent des produits qu’ils achètent à des gens qui sont embauchés pour les leur vendre. On recrée ainsi une économie dont 80% de la dépense a lieu sur le territoire.

7 Lames la Mer : « Tournée générale », un modèle économique, à votre avis ?

Jérôme Galabert : Ce que je peux dire c’est que La Réunion est dans une situation catastrophique. Cela ne va pas nous tomber tout cuit dans la gueule.

Le truc que je sais faire, c’est creuser mon cerveau pour imaginer des choses pour m’en sortir. Mon modèle, c’est ça. On s’en sortira si on est capable d’imaginer des systèmes qui collent à notre réalité territoriale.

A suivre…

Propos recueillis par Geoffroy Géraud Legros & Nathalie Valentine Legros

• Suivez ce lien pour en savoir plus sur le dispositif Tournée générale.

 

Nathalie Valentine Legros & Geoffroy Géraud Legros

Chroniques réunionnaises à quatre mains, avec Geoffroy Géraud Legros et Nathalie Valentine Legros.

 

Notes

[1Volontaire à l’aide technique

[2Office départemental de la culture

[3Scène des Musiques Actuelles

 

QUEBEC/ FESTIVAL DE PETITE-VALLÉE : encore et encore DES CHANSONS

Oui, le Festival en Chanson de Petite-Vallée célèbre cette année sa 31ème édition ! Rendez-vous du 27 juin au 6 juillet pour cet “incontournable événement gaspésien” selon son créateur Alan Côté, directeur général et artistique du Village en chanson de Petite-Vallée, également connu comme auteur-compositeur-interprète québécois.

Une programmation riche, diversifiée et festive : ainsi peut-on résumer en une phrase l’édition 2013 qui joue plus que jamais la carte de “la chanson sous toutes ses formes, qu’elle soit nouvelle, actuelle ou bien établie”.

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Rien de tel qu’une plongée dans le Festival en Chansons de Petite-Vallée pour découvrir la chanson québécoise entre artistes de légende et jeunes talents

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Artiste passeur de la 31ème édition, la chanteuse Laurence Jalbert photographiée par Denis Clermont

 Trois spectacles autour de Laurence Jalbert

Après Michel Fugain et Catherine Major, “passeur” et “muse” de la 30ème édition, c’est au tour de Laurence Jalbert d’être l’artiste passeur de cette année. Et par conséquent de fêter ses 35 ans de chanson avec trois initiatives mises en relief pour ce festival !

La Petite école de la chanson réunira à l’église de Cloridorme le 29 juin, plus de 300 enfants venus des quatre coins de la Gaspésie, du nord du Nouveau-Brunswick, de Rimouski et de Longueuil, pour chanter les plus grandes chansons de Laurence.

La chanteuse québécoise sera également à l’honneur lors d’un spectacle hommage, qui sera présenté au centre socioculturel de Grande-Vallée le 30 juin. Lors de cette soirée, Paul Piché, Marc Déry, Daniel Boucher, Michel Faubert et nombre d’artistes gaspésiens mettront en valeur la carrière de l’artiste passeur.

Et ce n’est pas tout, puisque Laurence Jalbert montera sur la scène du Théâtre de la Vieille Forge le 5 juillet pour son plus récent spectacle, “Depuis 35 ans sur scène… et encore et encore !”

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Village gaspésien de 240 habitants, le village est blotti près d’une anse, au creux d’une petite vallée, d’où son nom. Petite-Vallée bénéficie d’une incontestable notoriété chez tous les passionnés de chansons francophones d’Amérique du Nord

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Un festival en prise directe avec la jeunesse québécoise : un des atouts de Petite-Vallée depuis ses débuts

Paul Daraîche et Laurence Jalbert : “Je pars à l’autre bout du monde”, un des titres du CD vendu à ce jour à plus de 100 000 exemplaires par le pionnier de la musique country du Québec

Coup de chapeau des plus mérités à Paul Daraîche

A l’occasion de la sortie de son nouvel album, l’une des figures marquantes de la musique country au Québec se produira lors d’un spectacle unique, qui se tiendra le samedi 6 juillet à l’église de Cloridorme.

Au cours de cette soirée, le Gaspésien Paul Daraîche livrera ses plus belles chansons accompagné sur scène de Laurence Jalbert, Mario Pelchat, Kevin Parent, Daniel Boucher, Pierre Flynn, Michel Faubert, Patrice Michaud, Manuel Castilloux et plusieurs autres amis du Festival. Les Mountain Daisies assumeront la direction musicale de ce spectacle à grand déploiement.

Illustre inconnu en France, Paul Daraîche  s’est récemment illustré avec éclat au Québec. Son dernier CD, “Mes amours, mes amis”, a reçu fin janvier la certification PLATINE pour ses 80 000 copies vendues à travers tout le  Canada, moins de trois mois après sa sortie en magasin ! La barre des 100 000 exemplaires a été franchie depuis cette distinction ! De quoi remettre à sa juste place cet artiste toujours présent 45 ans après ses débuts : un triomphe : sans précédent pour ce pionnier de la musique country du Québec. Paul Daraîche reçoit ENFIN la  reconnaissance qu’il mérite après plus de 45 ans de métier et près de 1,8 million d’albums vendus en carrière !

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Après avoir accueilli l’an dernier les 12 Hommes rapaillés chers à Gilles Bélanger et enracinés dans l’oeuvre poétique de Gaston Miron, l’église de Cloridorme reçoit samedi 6 juillet Paul Daraîche et ses amis artistes pour une soirée unique. C’est ici aussi que le 29 juin, plus de 300 enfants de la Gaspésie, du nord du Nouveau-Brunswick, de Rimouski et de Longueuil, chanteront les plus grandes chansons de Laurence Jalbert

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Avec l’église de Cloridorme et le Théâtre de la Vieille Forge, le centre socio-culturel de Grande-Vallée constitue le 3ème espace accueillant les concerts du Festival en Chanson

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 Le Théâtre de la Vieille Forge résonnera aux rythmes des infatigables Tireux d’Roches photographiés en mars 2012 en Alsace au Printemps des Bretelles, Festival des accordéons du monde

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A deux pas du Théâtre de la Vieille Forge, la Maison Lebreux, un des repères du festival

Au bord du Saint-Laurent, soirées aux accents trad et country

Et Marc-Antoine Dufresne, adjoint à la direction artistique et aux communications du Village en chanson de Petite-Vallée de préciser : “Pendant les dix jours du festival, pas moins de quatre spectacles aux accents trad et country permettront aux festivaliers de se dégourdir au son des Tireux d’roches, de Temps Antan et des Mountain Daisies.

Les après-midi à la Vieille Forge débuteront avec l’émission quotidienne de Radio-Gaspésie. S’y produiront ensuite Les Soeurs Boulay; Paul Piché; Michel Faubert; Amylie, Myëlle et Francis Faubert; Trois artistes, trois territoires, avec Pascal Lejeune, Patrice Michaud et Denny Breau et enfin Kevin Parent”.

Et ce n’est pas tout puisque le Festival en Chanson de Petite-Vallée proposera également une sacrée brochette d’artistes à découvrir ou à redécouvrir au Centre socioculturel de Grande-Vallée. Parmi eux, les participants de la sélection officielle 2013. A noter entre autres Le Bal des chansonneurs 2013, le 28 juin ; le Rendez-vous des chansonneurs 1ère vague, le 1er juillet et le Rendez-vous des chansonneurs 2e vague, le 2 juillet.

Sans oublier un double plateau signé Marcie et Félix-Antoine Couturier ainsi que Daran, le 3 juillet. De quoi mettre à l’honneur la chanson d’expression française dans des registres vraiment variés, avec en plus des fins de soirées Sirius XM, à la salle Hydro-Québec du Théâtre de la Vieille Forge : Koriass; Damien Robitaille; Les Tireux d’roches; Louis-Jean Cormier; Moran; Jipé Dalpé et Bernard Adamus.

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L’auteur-compositeur-interprète québécois Moran, un des artistes programmés cette année, ici sur scène à Petite-Vallée avec Catherine Major, “muse” de la 30ème édition

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Juin 2012. Catherine Major, Michel Fugain et Alan Côté en direct au micro de Radio-Canada, dans le studio temporaire installé au coeur du Village en Chanson

PF PV PETITE VALLEE 18 204Céline Pruvost, Valérien Renault et Xavier Lacouture : trois des artistes sur scène durant la 30ème édition

 Depuis 30 ans, le Festival joue un rôle majeur dans l’histoire de la chanson québécoise

N’ayons pas peur des mots : le Festival en chanson de Petite-Vallée est un des événements majeurs de la vie artistique au Québec, au même titre que le festival de la Chanson de Tadoussac.

Oui, depuis maintenant 30 ans, le Festival joue un rôle majeur dans l’histoire de la chanson québécoise. S’y sont révélés plusieurs artistes tels Isabelle Boulay, Daniel Boucher, Catherine Major, Pépé, Alecka et plus récemment Bernard Adamus, Patrice Michaud, Lisa LeBlanc et Émile Proulx- Cloutier. Et la liste est loin d’être exhaustive !

Ici, en Gaspésie, près du Saint-Laurent, place à 10 jours et nuits de festivités durant lesquels un artiste passeur expérimenté et une douzaine d’artistes en émergence sont mis de l’avant. Et ce n’est pas tout ! Comme le savent si bien les festivaliers et les artistes, Petite-Vallée ne se résume surtout pas à un enchaînement de concerts en journée et en soirée. Car ici, l’équipe dirigée par Alan Côté fait la part belle à plusieurs autres manières de “vivre la chanson”.

C’est dans cette dynamique artistique que s’enracine le fameux Camp chanson de Petite-Vallée : le premier camp québécois spécialisé en chanson !  Sa mission ? Offrir une formation sur mesure à tous les amoureux de la chanson, que ce soit au niveau de la technique vocale, de l’interprétation, de l’écriture que de l’accompagnement musical ! Voilà pourquoi le Camp chanson dispense des ateliers autant aux jeunes qu’adultes.

Durant sept jours, les campeurs suivent des ateliers avec des professionnels expérimentés, et profitent des spectacles de la programmation du Théâtre de la Vieille Forge. Ils occupent le bâtiment du Camp chanson, comprenant notamment une salle de répétition, une cuisine, des dortoirs rénovés en 2011 grâce au Fonds Dan-Gaudreau.

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Parmi les nombreuses affiches ornant les murs du Bistro du Village en Chanson, un invité incontournable : Félix Leclerc

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Mettre en évidence les jeunes talents de la chanson québécoise : une des priorités du Festival en Chanson de Petite-Vallée comme ici avec le groupe des artistes chansonneurs de la 30ème édition

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Entre Petite-Vallée et Cloridorme, face au Saint-Laurent, un lieu de mémoire en souvenir de celui qui fut un des piliers du Festival : le guitariste et comédien Dan Gaudreau, décédé par noyade à 33 ans et 6 mois, en mai 2010

“Pour se souvenir de notre ami musicien, artisan de notre organisation parti trop tôt et pour garder bien vivantes les activités qui lui tenaient à coeur”

Dan Gaudreau : personne ne l’a oublié à Petite-Vallée …

En 2013, pour la 3ème année consécutive, Alain Côté a lancé un appel sous l’égide du Fonds Dan-Gaudreau soutenant les activités culturelles auprès des jeunes Gaspésiens et de la jeunesse bénéficiant des installations du Festival.

Et Alan Côté de préciser ainsi sa pensée : “Pour se souvenir de notre ami musicien, artisan de notre organisation parti trop tôt et pour garder bien vivantes les activités qui lui tenaient à coeur, nous du Village en chanson de Petite-Vallée avons mis en place cette initiative. Organisme de charité reconnu, le Village en chanson émettra des reçus pour fin d’impôts à tous les donateurs. Il n’y a pas de petites contributions, elles sont toutes importantes et participent aux mieux-être des jeunes de nos communautés. Notre politique de billetterie, c’est un prix maximum de 10$ par spectacle pour tous les jeunes 17 ans et moins locaux ou visiteurs”.

Ce fonds Dan-Gaudreau donne un appréciable coup de pouce financier à plusieurs initiatives : bourses pour participer au Camp chanson; production d’une production théâtrale avec des comédiens adolescents encadrée par des professionnels; soutien financier et artistique pour la production de la Petite-école de la chanson qui accueille plus de 300 jeunes au sein de ce grand chœur; présentation de spectacles professionnels pluridisciplinaires (entre 6 et 8 par année) pour les élèves des écoles de Grande-Vallée, Mont-Louis, Gros-Morne, Murdochville et Cloridorme.

Oui, le Festival en Chanson de Petite-Vallée, c’est tout cela, et bien d’autres aspects encore tant artistiques qu’humains. Avec une double volonté : celle de mettre en relief des artistes francophones, toutes générations confondues, et de faire vivre cette attachante région de Gaspésie si éloignée des grandes villes québécoises. Les festivaliers ne s’y trompent pas : une fois qu’on a mis les pieds à Petite-Vallée, une envie d’affirmer immédiatement : celle de revenir.

 Infos complémentaires sur le site du festival http://www.villageenchanson.com

A lire aussi sur www.francomag.com les articles sur la 30ème édition

A découvrir aussi le reportage sur Petite-Vallée et sur la Gaspésie paru le 4 juillet 2010 sur Si ça vous chante, blog  de Fred Hidalgo, incontournable référence des amoureux de la chanson d’expression française

http://sicavouschante.over-blog.com/article-sous-le-ciel-de-la-gaspesie-53395054.html

TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

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Et bien sûr l’inoubliable citation de Félix Leclerc, véritable carte de visite du Festival de Petite-Vallée

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Le Village chanson de Petite-Vallée : un lieu magique au bord du Saint-Laurent

 

 

 

QUEBEC/ 30ème FESTIVAL DE LA CHANSON DE TADOUSSAC : dans les coulisses entre pionniers, découvertes et légendes

Oui, ça fait 30 ans que ça dure et ce n’est pas fini ! Cette année, du 13 au 16 juin, le plus grand des petits festivals du Québec offre un incroyable feu d’artifice de talents de la chanson d’expression française. Explications entre présentation de l’édition 2013 et vagabondage dans les coulisses, du temps des pionniers à aujourd’hui.

Impossible évidemment de passer en revue tous les détails d’une si riche programmation jonglant entre générations d’artistes, piliers de la chanson tels Félix Leclerc et Jacques Brel, artistes reconnus bien au-delà de leur Québec natal et jeunes talents d’une relève audacieuse et convaincante.

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En juin 2012, la soirée-hommage à Anne Sylvestre hélas absente a été animée avec brio par Mathieu Lippé, Marcie, Amylie, Paule-Andrée Cassidy, Jorane, Xavier Lacouture, Bernard Joyet, les Charbonniers, Nathalie Miravette, Reggie Brassard et Lou Cassidy

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Juin 2010. Charles Breton, Cathou Marck, Jean-François Laffitte (Voix du Sud) et Marc Legras (journaliste, membre fondateur du trimestriel Chorus, les cahiers de la chanson) (Photo collection Jean-François Laffitte)

“Pour lancer l’événement, la grande dame de la chanson, Anne Sylvestre, s’est vue confiée la soirée d’ouverture au cœur de l’inspirante salle Desjardins”

Évidemment, il suffit de se rendre sur le site du festival (www.chansontadoussac.com) pour bénéficier de toutes les précisions de l’édition 2013.

Mais pour le plaisir de partager, évoquons ici quelques incontournables repères d’une édition qui marquera celles et ceux qui auront eu la chance d’être à Tadoussac ! Et pour commencer, cédons la parole à Charles Breton et Catherine Marck, directeur général et directrice artistique responsable de la programmation et des relations internationales.

“Pour lancer l’événement, la grande dame de la chanson, Anne Sylvestre, s’est vue confiée la soirée d’ouverture au cœur de l’inspirante salle Desjardins. Vendredi, l’âme de Jacques Brel hantera la nef, alors que Diane Tell, Danielle Oderra, Marie-Hélène Thibert, Paul Piché, Bia, Bruno Pelletier, Isabelle Boulay, Pierre Flynn et Marie-Josée Lord interpréteront les plus beaux titres du poète.

La bande à Brel sera suivie par Yann Perreau qui, “à genoux dans le désir”, entonnera ses incantations entraînantes. La soirée du samedi accueillera le fameux Open Country de Mountain Daisies réunissant Pierre Flynn, Mario Pelchat, Stephen Faulkner, Michel Faubert, et quelques autres dont Lisa Leblanc, Louis-Jean Cormier et Amylie, qui revisiteront à la façon de Willie leurs propres chansons.

La fête se poursuivra avec le crooner Damien Robitaille qui attrapera le public au vol et le fera planer… sans doute jusqu’au 7e ciel ! 

La scène Sirius XM, dans le célèbre sous-sol de l’église, sera encore cette année l’antre du party! Vendredi, Bernard Adamus et Canailles prendront les rênes de la fiesta jusqu’aux petites heures, du moins assez longtemps pour vous mener jusqu’à l’aube où, sur les blondes dunes, Caïman Fu entonnera une inoubliable salutation au soleil. Le lendemain, Canailles sera de nouveau de la partie, cette fois en compagnie de l’incontournable Lisa Leblanc”.

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Un des artistes européens programmés à Tadoussac. Mais oui, c’est bien Jofroi ! Auteur-compositeur-interprète d’origine belge, photographié ici en juillet 2012 au festival Chansons de Parole de Barjac dont il assure la direction artistique

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Rien de tel qu’une carte pour visualiser les divers lieux accueillant le festival à Tadoussac !

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Juin 2012. Concert des Sœurs Boulay sous un des chapiteaux

Concerts dans plusieurs salles et chapiteaux

Les festivaliers le savent : les concerts ne se déroulent évidemment pas tous dans le même espace ! Loin de là puisque le public est invité à vagabonder de salles en chapiteaux, de l’Auberge de jeunesse au Café du Fjord, sur la promenade ou autour de la Pointe de l’Islet.

Musique assurée jusque dans le bout de vos semelles ! Et Charles Breton et Catherine Marck de préciser : “L’envoûtante Marie-Pierre Arthur, les ritournelles de Louis-Jean Cormier, Paule-Andrée Cassidy se la jouant tango, la divine Katie Moore, le surprenant Daran et la poétique Marcie. Au chapiteau Hydro-Québec, la rencontre madelinienne/acadienne et bi-générationnelle du duo Pascal Lejeune et Georges Langford, l’irrévérencieux Keith Kouna, l’amour accrocheur de Karim Ouellet et la folie contagieuse des Hay Babies vous séduiront”. Avis aux amateurs de sensations fortes !

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Viviane Roy, Katrine Noël et Julie Aubé alias Les Hay Babies, efficace trio acadien aux nombreuses prestations : Québec, Acadie, France et Suisse. D’où un engouement croissant, synonyme de nombreuses distinctions, dont le 1er prix des Francouvertes le 13 mai au Club Soda à Montréal

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Juin 2010. Manu Galure en répétition à l’auberge de la Mer Veilleuse, face à la marina, avant son concert dans la formule “Chant’Appart” du soir (Photo Jean-François Laffitte)

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Photo signée Emma Picq : la pochette de “Relation Cheap”, nouveau CD de Mell, rockeuse française familière du festival. Elle y a notamment créé la surprise en 2009 comme le raconte avec enthousiasme Fred Hidalgo sur le site de la rédaction de Chorus : http://laredactiondechorus.fr

Avec les cousins européens Xavier Lacouture, Mell, Jofroi, Lili Cros et Thierry Chazelle

Autre coup de projecteur braqué par Charles Breton et Catherine Marck : “Les cousins européens seront bien sûr de la fête avec Xavier Lacouture – grand gourou des artistes en résidence! (cette année : Tina-Ève Provost, Félicia, Kwal, Mary-Beth de Scène, Amylie, Rod le Stod, Caroline Savoie) – la délirante Mell, le rigolo duo Lili Cros et Thierry Chazelle et le géant belge Jofroi”.

Et ce n’est pas fini puisque les amoureux du son qui «groove» seront aux anges avec les groupes Koriass, Violett Pi, Nomadic Massive, Collectivo, Propofol, Madame Moustache et Ponctuation

La direction du festival insiste aussi sur le “clin d’œil au grand poète Félix Leclerc : il viendra colorer de manière particulière cette édition anniversaire avec un nouveau parcours musical : Le Tour de L’Islet.  À découvrir à pied, le pique-nique dans la besace. En effet, à la confluence du Fjord et du Fleuve, place à  petites scènes face à l’immensité : les festivaliers pourront apprécier en toute intimité Paule-Andrée Cassidy, Keith Kouna et Mary Beth de Scène. En plus de leur propre répertoire, chaque artiste y interprétera une chanson de Félix.

Et pour compléter l’aventure, les plus audacieux pourront enfiler leurs bottes de marche ou pagayer jusqu’à l’Anse à la Barque pour découvrir le groupe Canailles grandeur nature !

 Parmi les nombreux concerts, mention spéciale au spectacle jeune public du Badaboum Band formé par Julie Houle (tuba), Jean-François Lessard (voix, guitare, ukulélé), Dany Nicolas (banjo, mandoline) et Pierre-Emmanuel Poizat (voix, clarinette, clarinette basse)

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Juin 2012. Seule sur scène avec sa guitare, l’auteure-compositrice-interprète Geneviève Simard, de Baie Saint-PaulPF TADOUSSAC 2 199

 

Vu du large, un des symboles de Tadoussac : l’hôtel à la toiture rouge visible de loin. Sa devise ? “Nature et hospitalité”. Tout un programme étant donné l’environnement dont bénéficient les festivaliers… 

“André Tremblay, figure de proue de la galère Tadoussac, apôtre d’Épicure et pilier à roulettes de la vie culturelle tadoussacienne”

Voilà, vous en savez un peu plus sur quelques-uns des temps forts de Tadoussac 2013. Quelques coups de projecteurs supplémentaires s’imposent, avec le regret de ne pas pouvoir mettre en valeur chaque artiste et groupe invité à Tadoussac …au risque de transformer cet article en un bottin téléphonique avec d’innombrables énumérations de noms !

Le festival de la Chanson de Tadoussac est synonyme de talents sur scène mais aussi d’obstination en coulisses. Il faut vraiment prendre le temps de lire – sur la dépliant de l’édition 20°13 – l’histoire de ce festival lancé avec une poignée de passionnés aussi … fous que déterminés !

A commencer par André Tremblay. Un pionnier qualifié de “figure de proue de la galère Tadoussac, apôtre d’Épicure et pilier à roulettes de la vie culturelle tadoussacienne. Le Café du Fjord, c’est lui. L’Auberge de jeunesse aussi. Et lui aussi le premier tintamarre devenu festival ».

D’où ces souvenirs signés Charles Breton et Catherine Mack : “Tout a commencé par un jam au Café du Fjord. C’était une réaction au disco en août 1984, alors que la place de la chanson francophone était réduite à peau de chagrin. Parce que c’est André, parce que c’est Tadoussac, parce que c’est de la musique qui ressemble et rassemble avec les Michel Bordeleau, René Marcotte et Marc Labelle au bout du micro, le party lève jusqu’à ce que le soleil se lève aussi.

“Il y a quelque chose là” murmurait-on dans les alcôves. Si bien qu’à l’an deux, la Marina se greffait au Café du Fjord et que le Festival prenait son élan, brinquebalant, accueillant Sylvie Paquette, Jamil, Manon d’Inverness, Catherine Karnas, Benoît Leblanc».

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