“En dehors d’artistes dont nous ne pouvons pas payer les cachets et qui remplissent n’importe quelle jauge, tout choix artistique reste délicat et complexe …
Nous faisons donc confiance à ceux qui ont cette pratique et ces compétences, tout en étant ouvert à toutes les propositions raisonnables ou pistes. C’est la raison pour laquelle la direction s’appuie sur une experte en la matière. Là où je me sens plus compétent, c’est en matière de prudence pour ne pas prendre de risques qui nous mettraient à terre.
Je crois beaucoup à la cohérence tel que je l’évoque plus haut : c’est ça l’avenir de Summerlied, un positionnement clairement identifié, et à la hauteur de nos moyens. Une ambition, mais légitime, une offre attractive, mais sans négliger nos talents locaux et régionaux.
Nous devons aussi gagner en indépendance financière, par exemple en séduisant plus de partenaires privés”.
Ce sont quelques-unes des affirmations de cette longue interview.
Sans langue de bois et avec bon sens, Francis Hirn s’exprime dans cet entretien mis en ligne le 5 mai sur la page Facebook Ohlungen entraide Covid-19 … et plus que jamais d’actualité.
Entre bilan et perspectives, le président de l’association SummerLied aborde nombre de sujets liés au passé, au présent et à l’avenir de cet événement enraciné enraciné dans la clairière d’Ohlungen et désormais appelé Forest’ival SummerLied. Agnès Lohr en assure la direction, Isabelle Sire la programmation et l’agence Lao Cai la communication.
Il y a quelques jours SummerLied a annoncé l’annulation de l’édition 2020. Un crève-cœur pour son président ?
C’est évidemment une très grande déception et une tristesse, car cela faisait des mois que les équipes travaillaient avec la direction sur l’édition 2020.
Il y a deux mois personne ne soupçonnait, ni l’importance, ni les conséquences du traumatisme et l’espoir était encore permis. Et d’ailleurs personne ne sait aujourd’hui comment nous allons nous en sortir et ce que sera l’après.
Certes nous étions restés très sereins et lucides, alors que depuis deux mois, la préparation s’était poursuivie sur tous les aspects où personne ne se mettait en danger par rapport à ce fléau qui a bouleversé nos vies. Parce que nous voulions être prêts « si jamais », nous avons fait « comme si ». Et la très grande partie de ce travail préparatoire ne sera pas perdue.
Mais progressivement nous avions pris conscience que la mission devenait impossible ; dès le début du mois d’avril nous avons donc réfléchi à différentes options alternatives que nous avons affinées et évaluées, avant de les valider financièrement. Car tous ceux qui connaissent Summerlied de près savent que l’équilibre financier est très fragile, et soumis à de nombreuses incertitudes, y compris en temps normal, alors a fortiori dans le contexte de la crise.
Tout en prenant en compte également nos partenaires financiers, mais aussi nos mécènes et sponsors, ainsi que la formidable armée des bénévoles qui sont le moteur indispensable de notre festival, nous souhaitions présenter nos réflexions et propositions aux instances dirigeantes, bureau et conseil d’administration, début mai, afin qu’ils décident avec nous.
Mais il y a dix jours, l’intervention du Premier ministre suivie du débat à l’Assemblée nationale, nous a contraints à bousculer le calendrier et à annoncer publiquement, par un communiqué à la presse, ce dont nous étions convaincus entre temps, que SummerLied ne pouvait pas se tenir en août 2020.
Cette décision peut-elle remettre en cause l’avenir du festival ?
Toutes les esquisses et réflexions que nous avons menées, dans des conditions pas faciles, ce que chacun peut imaginer (et même si je n’ai pas pu empêcher quelques attaques désagréables à mon égard notamment), étaient précisément faites avec la volonté farouche de ne pas compromettre l’avenir de SummerLied auquel nous tenons tous.
Nous le devons à ceux qui ont voulu, imaginé et créé Summerlied. Et nous le devons au public qui a adhéré à notre concept unique. Ce qui compromettrait l’avenir de SummerLied, ce serait le manque de courage et la lâcheté face aux difficultés, ou encore la mauvaise compréhension et l’incompétence face aux réalités économiques qui régissent toute activité quel qu’elle soit.
Même si nous avons été obligés de modérer nos ambitions pour 2020, ce que certains ont du mal à comprendre, le budget de Summerlied reste conséquent et chaque édition du festival est exposée à de gros risques, climatiques notamment, qui peuvent être une grande menace sur l’exploitation.
De plus les coûts artistiques sont galopants et l’argent ne tombe pas du ciel. Nous avons une lourde responsabilité vis-à-vis de nos partenaires publics et privés. SummerLied est très dépendant du financement, sous forme de subventions, de la part des collectivités (Région et département, mais aussi des communes, hier du SIVOM, désormais de la CAH). Pour assurer notre avenir nous devons l’avoir en tête et gérer notre affaire au mieux.
Nous devons aussi gagner en indépendance financière, par exemple en séduisant plus de partenaires privés. C’est un point de faiblesse de SummerLied ; j’en appelle à tous ceux qui peuvent nous aider dans ce sens. En résumé : nous n’avons droit ni à l’erreur, ni à l’insouciance. Par ailleurs, c’est l’occasion aussi de faire travailler nos imaginations quant à l’avenir. Si dans la Société rien ne sera probablement plus comme avant, cela devra s’appliquer aussi à notre événement.
Je dois dire que la volonté affichée de travailler davantage en réseau, avec les autres opérateurs du territoire, et le rapprochement opéré avec le Relais culturel de Haguenau s’avèrent comme étant de bons choix et allant dans la bonne direction. Avec le recul et malgré les réticentes perçues je ne peux que m’en féliciter.
Trois années sans festival : les bénévoles resteront-ils mobilisés ?
SummerLied n’est pas simplement un festival d’été, tous les deux ans dans la merveilleuse forêt d’Ohlungen, c’est un concept beaucoup plus large et plus vaste, pour ne pas dire une philosophie : celle de la valorisation d’un patrimoine culturel et du farouche attachement à un patrimoine inestimable et à des valeurs caractéristiques de l’Alsace du Nord et de ses habitants. N’oublions pas nos actions auprès des écoles et du jeune public.
Ceux qui se réjouissent de la magie des journées de festival sont profondément imprégnés de cette globalité. Leur foi et leur enthousiasme sont trop forts pour être menacés par un simple décalage calendaire auquel chacun de nous est étranger. Il s’agit désormais de préparer la suite, avec toutes les parties prenantes et notamment les bénévoles. Nous y travaillons et dès que nous en saurons plus, à la fois sur l’évolution de la pandémie et des conséquences, mais aussi quant à l’attitude de nos partenaires, nous en débattrons avec les bénévoles et leurs responsables.
L’hypothèse sur laquelle nous travaillons est de reporter le festival qui aurait dû avoir lieu cet été, sur l’année prochaine, 2021, à des dates qui seront décidées ensemble. Et à titre de « rattrapage » – mais ce serait aussi la bonne solution pour assurer la pérennité de Summerlied – nous pourrions en même temps préparer une édition suivante qui pourrait donc se tenir dès 2022.
Une première évaluation avec la directrice et l’équipe de direction du festival nous laisse penser que c’est jouable, mais il faut aussi des assurances du côté des partenaires au sens large et donc tout spécialement des bénévoles qui seraient mobilisés deux années de suite. Trois années « sans » festival – pour reprendre votre question – seraient donc suivies de deux années « avec » festival. Une belle consolation, non ?
Faudra-t-il une programmation ambitieuse pour la prochaine édition afin que Summerlied retrouve son public ?
Bien évidemment il le faut !
Comme toute offre, notre festival est quelque chose de global. Pour que ça marche, il faut que tous les éléments soient en phase et que l’ensemble soit cohérent.
Dans une offre culturelle et artistique comme la nôtre (et parmi les éléments qui nous maitrisons, ce qui n’est pas le cas d’une météo ou d’événements extérieurs), il y a tout particulièrement le plateau ou la programmation, qui est à l’évidence un élément central et déterminant. Il faut qu’il y ait « résonance » entre notre concept, tel que je l’ai rappelé plus haut, mais aussi notre public et last but not least le modèle économique.
Ce dernier point étant l’élément le plus incertain. En dehors d’artistes dont nous ne pouvons pas payer les cachets et qui remplissent n’importe quelle jauge, tout choix artistique reste délicat et complexe. On n’a pas forcément la chance de piocher tous les ans un Hugues Auffray ou des I Muvrini qui étaient à la fois cohérents avec notre concept, les attentes du public et nos ressources. Je ne suis pas compétent dans ce domaine ; c’est un métier difficile qui nécessite un véritable savoir-faire et l’expérience d’un marché difficile.
Nous faisons donc confiance à ceux qui ont cette pratique et ces compétences, tout en étant ouvert à toutes les propositions raisonnables ou pistes. C’est la raison pour laquelle la direction s’appuie sur une experte en la matière.
Là où je me sens plus compétent, c’est en matière de prudence pour ne pas prendre de risques qui nous mettraient à terre.
Je crois beaucoup à la cohérence tel que je l’évoque plus haut : c’est ça l’avenir de SummerLied, un positionnement clairement identifié, et à la hauteur de nos moyens. Une ambition, mais légitime, une offre attractive, mais sans négliger nos talents locaux et régionaux.
Un message particulier pour les artistes et les métiers du spectacle durement frappés par la crise ?
Pour exercer des responsabilité dans d’autres lieux culturels, tels le Festival international de musique de Colmar ou la Choucrouterie à Strasbourg, je suis parfaitement conscient de la tragédie qui frappe les professions culturelles : artistes, comédiens, auteurs, interprètes, musiciens.
Ces activités sont sinistrées au même titre que les professions touristiques et de la restauration, l’événementiel ou d’autres. Les dispositions et mesurettes à court terme qui s’appliquent à eux ne régleront pas le problème à moyen et long terme. Que ce sera l’après pour le monde culturel ?
D’abord au niveau du « mode de consommation » ? Certes la frustration actuelle de ne pouvoir sortir ni assister à quelque spectacle que ce soit, est une immense frustration et crée des manques qui chercheront à se satisfaire dès que ce sera possible.
Mais est-ce que les habitudes qui se sont créées à domicile pendant le confinement vont rester ou le public va-t-il revenir aux pratiques antérieures ?
Et les gens auront-ils suffisamment de moyens disponibles à consacrer au monde du spectacle, des loisirs et de la culture ?
Il serait tout à fait paradoxal que la culture devienne non prioritaire les jours d’après, car au contraire le besoin sera plus grand que jamais. Il faut espérer que la redistribution de nos valeurs lui laisse une place majeure.
Chacun, là où il se trouve et avec les moyens dont il dispose, doit faire en sorte que le « plus de culture », sous toutes les formes, s’impose et que les activités de création, de réalisation et de production triomphent.
A notre modeste niveau, les efforts que nous déployons pour faire vivre et perdurer Summerlied va dans ce sens, d’abord pour tout le monde artistique local, de proximité, mais aussi de manière plus large pour notre forme d’événement.
Propos recueillis par JACQUES SCHLEEF, créateur du Festival Summerlied et directeur jusqu’en 2015.
Entretien illustré par des photos d’artistes d’Alsace, Lorraine et Allemagne prises lors de diverses éditions. Il se termine par le dossier de 4 pages parus en septembre 2018 dans la revue Land un Sproch.
Ça y est, la fin du déconfinement permet de découvrir ou de retrouver des réalisations artistiques et culturelles dans un rayon de 100 km de chez vous.
Alors si le quartier Malraux à Strasbourg se situe à vol d’oiseau à cette distance de chez vous, pas d’hésitation !
Rendez-vous sur le parcours sonore EC(H)O, sur la presqu’ile Malraux pour joindre l’utile et l’agréable. Vous dégourdir les jambes tout en savourant de la poésie … hé oui ! Explications.
Bon commençons par le début, surtout si vous n’êtes pas familier de Strasbourg et encore moins du quartier Malraux.
QUATRE ATELIERS ENTRE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 2019
Histoire de vous donner quelques points de repères, voire d’envie de flâner dans le coin à votre guise, voici d’abord une “carte sensible » du quartier !
Elle est composée des balades imaginées par les participants du 1er des quatre ateliers tenus sous l’égide du Laboratoire artistique d’Innovation Territoriale organisé par l’agence CAPAC. En l’occurrence quatre rencontres qui ont permis la collecte d’informations sur le quartier : de quoi alimenter la création des artistes embarqués dans cette aventure !
Cette 1ère réunion a eu lieu au Shadok, lieu de découverte, d’expérimentation et de partage dédié aux industries culturelles et créatives. Art, design, technologie, projets innovants, toutes les idées s’expriment ici dans un cadre convivial où petits et grands, amateurs comme professionnels, se rencontrent et inventent de nouvelles formes de pratiques. En somme un espace tout à fait indiqué pour les premiers pas de ce “processus collaboratif pour une commande d’œuvre d’art“ selon l’expression de celle qui est à l’origine de ce projet , la co-fondatrice de l’agence d’ingénierie culturelle CAPAC.
Et Cécile Haeffelé de préciser : “ Les habitants, entreprises et collectivités du quartier ont participé à des réunions de créativité et de découverte du processus de création artistique entre novembre et décembre 2019. Ces ateliers ont permis la collecte d’informations et de données « sensibles » sur le quartier, qui ont alimenté la création des artistes. Se rencontrer autour de l’art permet de faire émerger des intérêts communs (ici valoriser un territoire), de créer une dynamique collective et de découvrir le processus de création qui alimente notre capacité à innover”.
HABILLAGE MUSICAL DE GAËTAN GROMER POUR LES POÈTES CLAUDINE BOHI ET GERMAIN ROESZ
Après le Shadok, c’est l’Hôtel OKKO qui a accueilli la 2eme réunion, puis direction le CNFPT-INET (Centre National de la Fonction Publique Territoriale/ L’institut national des études territoriales (INET), dans l’imposante bâtisse qui jouxte le complexe UGC Ciné Cité et les tours Blacks Swan.
C’est là, à cette 3eme réunion, qu’a eu lieu la rencontre avec les poètes Claudine Bohi et Germain Roesz, entre lectures d’extrait de poèmes et travail en groupe sur la mise en mots des photos prises lors de l’atelier précédent.
Puis retour au Shadok pour le 4eme et dernier atelier co-animé, comme les précédents avec le directeur artistique du laboratoire, Gaëtan Gromer, et ACCRO, association fédérant les industries culturelles et créatives du territoire.
Notons que Gaëtan Gromer, directeur artistique et compositeur, mène une activité de création aux confluents de la composition, de la performance et de l’installation multimédia. Et il s’est plus particulièrement inspiré des histoires rédigées par les participants pour ses compositions sonores.
Une VIDÉO de 3 mn et 30 secondes résume le processus de création du parcours sonore EC(H)O enraciné dans les quatre ateliers ayant mobilisé une vingtaine de personnes aux diverses origines : association d’habitants du quartier AREM ; Hôtel OKKO ; CNFPT-INET ; Médiathèque Malraux ; Festival Musica ; association ACCRO et Direction de territoire Neudorf, Deux Rives
Ces quatre ateliers ont donné quel résultat ?
C’est simple, il suffit de se promener sur le parcours sonore Malraux « EC(H)O » en vous laissant guider par votre envie de découverte : ce parcours relie en effet 34 points. Autant d’œuvres créées par les poètes Claudine Bohi et Germain Roesz : ils ont écrit chacun un poème pour chaque photo sélectionnée par les participants du laboratoire. Et leurs textes bénéficient d’un habillage musical signé Gaëtan Gromer dans le cadre co-production CAPAC et Les Ensembles 2.2. Ce studio de création spécialisé dans les arts sonores et technologiques conçoit, produit et diffuse des concerts multimédias, des œuvres et installations sonores.
“Vous pensez bien connaître le quartier Malraux ? Mais l’avez-vous déjà regardé avec vos oreilles ? ”.
Bonnes questions lancées par Cécile Haeffelé ! D’où son invitation à “découvrez les capsules sonores (poèmes et compositions sonores) créées pour le quartier et laissez-vous emporter dans un voyage contemplatif et onirique, une parenthèse hors du temps”.
Plusieurs autres soutiens sont intervenus dans le processus de création et la commande artistique : SERS (Société d’Aménagement et d’Équipement de la Région de Strasbourg) ; Ville de Strasbourg ; Centre commercial Rivétoile. Et la Région Grand Est qui soutient le projet dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt Création numérique.
Précisons que le parcours sonore est accessible gratuitement via l’application G.O.H et pour une durée d’au moins un an. GOH est une application mobile dédiée à l’exploration itinérante de l’espace public, sous le prisme de la création artistique.
Elle se base sur le principe de la géolocalisation (GPS) et propose des parcours sonores guidés pour découvrir la ville via une expérience sensible.
Dernier point et non des moindres !
La conférence de presse suivie de la visite guidée par Gaëtan Gromer aura été synonyme d’une chaleureuse rencontre avec le poète, peintre et théoricien de l’art Germain Roesz.
Un sacré parcours entre pratique des arts plastiques, poésie et de recherche théorique pour celui qui a enseigné en théorie, pratique et sciences des arts à l’Université de Strasbourg.
Et depuis 1994 il réalise nombre de performances poétiques : lecture poésie action avec des musiciens contemporains ou en solo.
De nombreuses publications personnelles ou en collaboration avec des ami(e)s poètes et philosophes, dans des revues et chez différents éditeurs jalonnent son parcours. Dont “Broussailles/ Reflets” réalisé avec Gaëtan Gromer et paru en 2015.
“Broussailles”, “Krisis”, “Rhin par-dessus le ciel”, “Tehran”, “Je sais ma langue”, “J’ai rêvé”, “Commencer” : j’ai beaucoup apprécié ce livre-CD reçu quelques jours après la conférence de presse … et accompagné du catalogue de son exposition à la Galerie de Nicole Buck à Schiltigheim.
J’ai envie de vous dire un mot ou deux (voire même plusieurs) sur un livre que j’ai dévoré en deux ou trois soirs ici chez moi, ici à Strasbourg.
Franchement avant de le lire, le je ne savais rien de ce “petit paradis des Vosges Méridionales” pour reprendre l’expression de Laurent Bayart. Bien sûr, il y a le style efficace et direct, avec des jeux de mots et des clins d’oeil permanents vers une langue maîtrisée avec talent et humour.
Un sacré feu d’artifice qui engendre sourires et rires.
Mais bon, ça c’est la forme, l’emballage, l’apparence … car au-delà d’une évidente virtuosité linguistique, j’ai encore bien plus adoré le fond … du Val d’Ajol ! Et précisément l’approche de cet auteur qui raconte la vie d’hier et d’aujourd’hui, les événements historiques, les traditions et la vie quotidienne.
Avec Laurent Bayart, les gens et les paysages prennent assurément un relief particulier.
Et sans hésitation, je me suis mis à sa place quand il écrit : “Lorsque j’arrive au Val, après presque deux heures trente de route, un sentiment de paix et de sérénité m’étreint. Je me sens tout de suite en symbiose avec ce lieu”
J’imagine qu’en ces temps de confinement un auteur qui ne peut pas rencontrer ses lecteurs, leur dédicacer son nouveau livre, c’est un auteur triste, malheureux.
C’est ce que je me suis dit en me promenant avec Laurent Bayart dans ce livre préfacé par le journaliste-écrivain Bertrand Munier : “Laurent Bayart ne rentrera jamais bredouille sur ses terres alsaciennes. D’autant plus que la divine andouille lui a donné bonne bouille. ‘…) Il fait quand même attention à cet mets épique qui lui permit de ceindre le cordon de la docte confrérie des Taste-Andouilles et Gandoyaux”.
Chaque page de ce livre est teintée d’une contagieuse passion : comprend mieux l’intense attachement de l’auteur envers un Val d’Ajol si important dans son parcours personnel et littéraire.
Raison de plus pour l’auteur de se sentir en total décalage, partagé entre enthousiasme de cet “hymne à l’amour version ajolaise” et l’inévitable frustration subie en ces temps de confinement. Pas facile de demeurer ainsi loin des lecteurs qui ne se limitent évidemment pas à son cher Val d’Ajol.
“EXIT MES VOYAGES LITTÉRAIRES, IL ME FAUDRA PATIENTER”
Et effectivement, Laurent Bayart en a gros sur le cœur. On le croit d’autant mieux qu’il n’hésite pas à en parler sans langue de bois sur son site, accompagnant ses propos d’une expressive photo synonyme de confinement.
“Écrivain, j’étais tellement heureux et enthousiaste d’avoir mis en place un certain nombre de dédicaces, rencontres, lectures musicales, d’être invité à des salons du livre et autres joyeusetés en mars, avril, mai, juin…et plouf…, une saleté de virus, sortie de l’infinitésimale, à la sale tronche, vient encrasser mon stylo et me confiner à la maison.
O sweet home ! Ainsi, je devais aller Chez Narcisse au Val d’Ajol, à la médiathèque de Brumath, au Musée Wurth à Erstein, à la Bibliothèque de Preuschdorf, dans les jardins de la Bibliothèque de Mundolsheim avec l’emblématique « Apéro littéraire », Soultz-les-bains, à la Médiathèque de Remiremont… Exit mes voyages littéraires, il me faudra patienter. Aussi, je vous donne rendez-vous, amis lecteurs avides de rencontres et de découvertes, en des jours meilleurs. Je vous tiendrai au courant de mes futures pérégrinations lorsque les « bons de sortie » seront enfin délivrés et que nous pourrons nous rencontrer en toute sécurité ! L’essentiel étant que notre santé soit préservée”.
Encore un mot, au sujet du photographe Florent Gury qui signe la couverture du livre.
Pour l’auteur, c’est un “pur produit du Val d’Ajol, tombé sur le tard dans la bouillonnante marmite de la photographie, après avoir mijoté lentement dans celle qui est utilisée pour cuire la célèbre charcuterie ajolaise, son anniversaire tombant, de manière périodique, le jour de la foire aux Andouilles !”
Alors voilà, il n’y a plus qu’à attendre le retour à la vie en société.
Ou alors, plutôt de subir cet indispensable période de repli chez soi, on peut aussi agir. Et donc se procurer le livre via le site de l’auteur ou de l’éditeur.
En tout cas pour moi pas doute. J’ai aimé me “laisser cAjolais” par ce livre, parole d’Alsacien.
La disparition de Claude Abadie vous a sans doute échappé. Son décès n’a pas été autant médiatisé que d’autres récents décès du monde de la chanson et de la musique. Il aura pourtant été un artiste incontournable pour ceux qui aiment le jazz. C’est Jean-Philippe Winter qui m’en a parlé. Mieux il m’a même transmis un texte dans lequel il rend hommage à ce clarinettiste de jazz et chef d’orchestre.
Premier réflexe pour en savoir plus sur Claude Abadie c’est de découvrir sa page wikipédia, histoire d’avoir quelques repères sur ce musicien né le 16 janvier 1920 et décédé le 29 mars 2020. Oui centenaire !
Mais bon, cette page manque d’émotion, de vécu et c’est vers Claude Carrière que je vais d’abord vous mener.
Producteur d’émissions de Jazz sur France Musique de 1974 à 2008, auteur de nombreuses éditions phonographiques, journaliste, conférencier, pianiste amateur, il est aujourd’hui Président d’Honneur de l’Académie du Jazz et Président de la Maison du Duke. En l’occurrence Duke Ellington …
Et c’est sur la page Facebook de l’Académie du Jazz que Claude Carrière évoque Claude Abadie dans un texte débutant ainsi :
” Une belle personne vient de nous quitter, un personnage fascinant que le monde du jazz doit saluer avec respect. Claude Abadie, 100 ans et 2 mois, a rejoint Boris Vian de deux mois son cadet mais 60 ans plus tard. On se doit de citer Vian car c’est surtout à travers lui que le nom de Claude est dans nos mémoires : il jouait de la trompette/ trompinette dans son orchestre dès les années de guerre, des disques en témoignent en 1943. Cependant, tous deux fouettaient ailleurs d’autres chats et musiquaient au sens le plus noble du mot amateur”.
A noter que ce témoignage de Claude Carrière est illustré par des photos des photos signées Alexandra Green et Robert Doisneau dont celle-ci prise en 1944.
“L’orchestre Abadie-Vian avec Boris à la trompette, ses frères Lélio à la guitare et Alain à la batterie. Et Claude Abadie à la clarinette” comme indiqué dans le hors-série Télérama consacré à Boris Vian. J’y ai découvert bien des aspects que j’ignorais de “Bison Ravi” dans ce numéro spécial que je vous recommande vivement.
Bien, venons-en à présent à Jean-Philippe Winter, l’ainé des cinq enfants de Conrad Winter (1931-2007) assurément une des figures majeures de la poésie alsacienne.
Installé à Paris depuis nombre d’années, il a été un des musiciens du tentette de Claude Abadie. Il existe nombre de vidéos de cette formation sur Youtube dont ce concert donné en février 2020 au Festival Jazz à Vian. Et notamment cette vidéo d’une heure où Jean-Philippe Winter et Claude Abadie apparaissent régulièrement.
Cette photo de Claude Abadie et Jean-Philippe Winter a été prise l’occasion d’une manifestation appelée ” Fêtes de la Seine”, durant le week-end 4 et 5 septembre 1999.
Diverses animations étaient réparties en plusieurs lieux, au bord de la Seine : “Je crois me rappeler que nous avions joué le samedi du côté de Bercy, et le dimanche, sur le pont entre l’Ile Saint-Louis et l’Ile de la Cité, face au quai aux Fleurs, c’est là qu’a été prise cette photo”.
J’ai donc appris le décès de Claude Abadie par un courriel de Jean-Philippe Winter.
“Quand j’ai connu Claude Abadie, j’étais très impressionné de jouer en duo (pendant une vingtaine d’années, je crois) avec l’homme qui avait connu et joué avec Boris Vian ! Claude appréciait mes interprétations des chansons de Trenet et autres, il m’avait invité à animer une soirée chez lui, il y a quelques années” me disait-il dans ce ce message accompagné d’un texte intitulé : “Témoignage de Jean-Philippe WINTER, 66 ans, saxophoniste baryton du tentette de Claude Abadie depuis 2010″.
Son texte débute par une citation de Victor Hugo :
“Je ne sais plus quand, je ne sais plus où, Maître Yvon soufflait dans son biniou” (Victor Hugo)
Ce devait être dans les années 90, comme je faisais des animations dans des hôpitaux et maisons de retraite en tant que guitariste de jazz et chanteur, qu’il me fut proposé de faire un “bœuf” avec un clarinettiste que je ne connaissais pas mais dont le nom ne m’était pas inconnu : Claude ABADIE lui- même, l’ami et partenaire de Boris VIAN, auteur dont j’étais féru.
Cette association impromptue nous plut, et nous allions par la suite donner de nombreux concerts en duo. Un duo à deux volets : tantôt j’accompagnais à la guitare Claude qui jouait et parfois même chantait des standards de jazz et de bossa-nova, tantôt Claude ajoutait d’agréables contre-chants et des solos de clarinette à mes interprétations des chansons de TRENET, MOULOUDJI, LEMARQUE, etc.
Ceci dura jusqu’en 2015, crois.
Connaissant bien sûr l’existence du tentette, je lui demandais parfois s’il n’aurait pas besoin d’un saxophoniste (je joue de l’alto). Il se trouva qu’en 2010, il fallut remplacer François GALLET au poste de baryton ; j’avais tâté un peu du gros biniou autrefois, mais n’en possédais pas.
Malgré cela, je dis OK sans hésiter quand Claude m’a proposé le “job”. J’ai dû acheter l’instrument 15 jours avant la première répétition avec le tentette …!
Au sein de l’orchestre, j’ai découvert une belle famille, sous l’égide d’un chef pétri de bienveillance autant que d’exigence.
La musique du tentette n’est pas des plus faciles, les arrangements de Claude et de Paul VERNON sont de haut vol (Claude TISSENDIER, qui fit quelques prestations avec nous me l’a confirmé).
Je trouve particulièrement bouleversante la rencontre des harmonies très modernes qu’affectionne Claude (venant d’Ellington-Strayhorn, certes, mais aussi de Monk et de Mingus…) avec le son de cette clarinette qui vient de la tradition, comme un cri des origines !
C’est pourquoi je pense que cet orchestre est unique, et j’espère que nous saurons poursuivre dignement l’œuvre de son fondateur.
Les dernières années, comme Claude avait fini par renoncer – à 95 ans, je crois ! – à se rendre aux répétitions en scooter, c’est moi qui allais le chercher. Et nous avions, chemin faisant, d’agréables conversations sur la musique, la chanson, la poésie, la science, la politique…
Quelle chance d’avoir été le partenaire et l’ami de cet homme exceptionnel !”.
A ce témoignage rendant hommage à Claude Abadie, notons que la passion de Jean-Philippe Winter pour le jazz se manifeste aussi par l’association Jazzolithe.
Objectif ? “Promouvoir la pratique musicale, en particulier dans les domaines du jazz et de la chanson française, en proposant les services de professionnels capables d’enseigner et de diriger des ateliers et des stages musicaux, et en apportant à ces artistes-animateurs une aide administrative dans le cadre de ces activités”
L’AVENTURE DU GROUPE D’SONNEBLUEM
Et à présent quelques autres repères sur Jean-Philippe Winter avec pour commencer la photo ci-dessus.
Hé oui, sa vie d’artiste ne se résume pas au tentette de Claude d’Abadie.
Dans les années 70, il a été un des membres du groupe D’Sunnebluem” connu pour son répertoire célébrant les textes de Conrad Winter. Une allusion à “Lieder vunn de Sunnebluem” , recueil de poèmes paru du 1977 avec un expressif dessin de couverture signé Alain Kauss.
Le groupe D’Sunnebluem participera à l’effervescente histoire du renouveau de la chanson alsacienne des années 70-80. Un formidable mouvement artistique et culturel enraciné dans une langue et une identité alsacienne … à retrouver dans nombre d’articles de la presse régionale de l’époque : concerts, festivals, animations scolaires, etc
D’où ces quelques documents extraits du PRÉCIEUX dossier de presse confié par Jean-Philippe en vue du livre que je prépare sur la chanson en Alsace.
Jean-Philippe Winter finira par s’installer à Paris, continuant de plus belle dans la voie artistique, ENTRE CHANSON, POÉSIE ET MUSIQUE, multipliant rencontres et expériences, séances de studio et concerts.
Il n’oubliera pas autant l’Alsace où vivent alors ses parents.
On le retrouve à nouveau sur scène pour “Schelige singt immer noch” en 1984. A nouveau, puisqu’il y avait chanté en 1980 en tant que membre de D’Sunnebluem. Le voici donc programmé sous son nom et des musiciens de jazz à Schiltigheim.
Au fil
Au fil des décennies,; Jean-Philippe Winter se lancera dans nombre d’aventures musicales.
Sans être prétendre à l’exhaustivité, il y a des chanteurs et chanteuse : Bernadette Delchambre, Syla De Rawsky, Henri Lequien, José-Anne Micha, le groupe Les Paparasites, etc. Et sans vouloir être exhaustif, citons aussi Jean Populus (un CD en 1996, et un autre dont la sortie avait été repoussée pour cause de confinement …
… des auteurs outre Conrad Winter évidemment : Pierre Birambeau, Joseph Moalic …
… des musiciens : Jacques Bolognesi, Ioan Streba, Patrick Gorce, Marc-Antoine Schmitt, Samuel Klein …
des preneurs de son: Dany Mahler, François Vix, Philippe Abadie, Yves Uzureau …
Juillet 2017. Fanzine RécréAction : concert de Bernadette Delchambre accompagnée par Jean-Philippe Winter. A gauche texte sur Vanina Michel d’origine alsacienne
Dessin de Camille Clauss
ISABELLE GRUSSENMEYER CHANTE LES TEXTES DE CONRAD SUR DES MUSIQUES DE JEAN-PHILIPPE
Bien sûr, on trouve aussi Jean-Philippe fils de Conrad Winter dans plusieurs enregistrements mettant en valeur les textes de son père.
Parlons d’abord de l’album d’Isabelle Grussenmeyer.
Ce CD de 20 titres met en valeur des textes de Conrad sur des musiques de Jean-Philippe ET AUSSI des textes dits par le poète. Un album enregistré et mixé en avril 2004 par Dany Mahler assisté par François Vix. La pochette est illustrée par un dessin du peintre et graveur Camille Clauss qui s’est suicidé l’année suivante à 85 ans.
Outre l’album d’Isabelle Grussenmeyer, Jean-Philippe Winter a aussi mis en musique d’autres textes.
Il y a évidemment son album 18 titres consacrés au recueil LES CAILLOUX BLANCS.
Le livre paru en 2007 chez BF Éditions, d’ArmandPeter, est en fait une réédition augmentée avec une illustration de Camille Clauss et cinq aquarelles d’Aliette Winter qui signe la couverture.
Quant au CD du même titre, t sorti en 2011, il est sorti sur le label Ctenboite de Laurent Jarry.
Et n’oublions pas “Jean-Philippe Winter chante Conrad Winter” enregistré en juillet 2006, et encore une fois par Dany Malher assisté de François Vix. Et toujours sur le label EMA, comme le CD d’Isabelle Grussenmeyer.
Arrangements, direction musicale, guitares et saxophones sont assurés par Jean-Philippe Winter pour ce CD hélas trop peu connu…
A
Terminons cette discographie de Jean-Philippe Winter par “DEMAIN, LES HIRONDELLES ?”, un album qui m’est cher à plus d’un titre.
Une chronique de ce CD a paru début 2019 dans Vinyl, Une “revue totalement indépendante spécialisée dans la musique hors bizness” et lancée fondée en 1994 par Xavier Barrère, Alain Rived et Robin Rigaut qui en est le rédacteur en chef.
Les textes sont tous signés Joseph Moalic, auteur de la seule biographie consacrée à Maurice Fanon.
Deux chansons y sont interprétées par Catherine Havel sur des musiques d’Oswald d’Andréa, compositeur pour la radio, la télévision et le cinéma. Les 11 autres titres sont chantés par Jean-Philippe Winter qui en est aussi le compositeur, à l’exception de “Étoiles dans les yeux” et “La petite valse du bonhomme de neige” du québécois, dux musiques de Jean Custeau (1948-2014).
L’occasion est trop belle pour ne pas vous parler de cet auteur-compositeur-interprète emporté par un infarctus le 9 août 2014 à 66 ans.
Un artiste très attachant, au franc-parler souvent teinté d’expressions québécois très fleuries, et un regard des plus lucides sur les coulisses du milieu de la chanson québécoise ! Voir la tribune libre de Jean Custeau rédigée pour le site www.planetefrancophone.fr en mars 2013.
Impossible d’oublier le séjour effectué chez lui à Stanstead, localité québécoise située carrément sur la frontière avec les États-Unis. En effet, bibliothèque et salle de concert se trouvent à cheval sur la frontière canado-américaine ! Idem pour la rue Canusa avec d’un côté les maisons dans le Vermont et de l’autre au Québec. Le nom de la rue résulte et de la fusion de Can (ada) et USA ! Un matin, Jean suggéra de prendre le petit déjeuner de l’autre côté de la frontière … ce qui me valut de passer près d’une heure à la douane américaine entre interrogatoire et prise de photo, face au portrait du président Obama.
Jean et Johanne prenaient leur mal en patience à l’extérieur sr l’aire de stationnement. De quoi alimenter notre p’tit dej américain savouré dans la bonne humeur, à quelques kilomètres de la maison des Custeau. Bon refermons cette parenthèse sur l’ami Jean, en précisant que l’album “Demain les hirondelles ?” a été enregistré en septembre 2018 par Yves Uzureau : il en assuré le mixage avec la complicité de Jean-Philippe Winter
Ces dernières années, Jean-Philippe Winter est revenu en Alsace pour des événements culturels comme en novembre 2011, pour le 80ème anniversaire de sa naissance de son père.
Haguenau rend alors hommage à Conrad Winter avec une exposition au Musée Historique : manuscrits de l’auteur, accompagnés de dessins, gravures et aquarelles de Camille Claus, Tomi Ungerer, Raymond Piela et Aliette Winter.
Leurs œuvres ont illustré les recueils de poèmes de Conrad Winter qui a d’ailleurs légué nombre de documents aux Archives Municipales de cette cité alsacienne. Né à Strasbourg, Conrad Winter vivra jusqu’à 40 ans à Haguenau où il enseignera durant presque toute sa carrière.
Sido Gall, Isabelle Grussenmeyer, Catherine Havel, Jean-Philippe Winter, … divers artistes participeront en novembre 2011 à cette soirée entre poésie et chanson au Théâtre municipal de Haguenau.
Autre souvenir marquant pour Jean-Philippe Winter : novembre 2011 à l’Aubette, à Strasbourg pour les 35 ans de BF Editions.
“Les Bibliothèques Idéales avait donné carte blanche à Armand Peter le créateur et animateur de Bf éditions. Bf, c’est à dire Budderflade (tartine de beurre) du nom d’une revue alternative des années 70 à Strasbourg. Pour l’occasion, Armand Peter avait invité tout ce qu’il compte comme ami(e)s sur scène et dans la salle où les amis de l’Alsace et de l’édition avaient répondu présent. (…) Les musiciens, les poètes, les écrivains, les chanteurs se succédèrent sur la scène. ” raconte le site d’informations LA FEUILLE DE CHOU de Jean-Claude Meyer en publiant plusieurs photos.
C’était un samedi soir, en septembre 2011, dans le cadre des Bibliothèques Idéales de François Wolfermann/ Librairie Kléber , et les invités d’Armand Peter étaient Jean-Philippe Winter, Edouard Bauer / Folk de la Rue des Dentelles, Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel, Jean-Marie Koltès, Jean-Paul Klee, Francis Keck, Jean-Paul Sorg, Sido Gall, Sylvie Reff, Jean-Paul Gunsett, etc.
D’où ces deux photos du final avec Jean-Philippe Winter entouré par Sylvie Reff, Liselotte Hamm, Sido Gall et Francis Keck.
Puis, en décembre 2015, le voici au Centre Culturel Alsacien lors du vernissage d’une exposition célébrant Conrad Winter..
2021 : UNE ANNÉE POUR CÉLÉBRER CONRAD WINTER ?
Nous voici presqu’au terme de cette ballade du côté d’un des fils de Conrad Winter.
Les années ont passé mais l’envie de mettre en valeur l’œuvre de son père est toujours d’actualité. Et cela depuis un bon moment !
“Bonjour, je suis Jean-Philippe Winter, chanteur-compositeur-guitariste, et fils du poète Conrad Winter, dont j’ai mis en musique nombre de poèmes en français et en alsacien, que l’on peut trouver sur trois CD, interprétés par Isabelle Grussenmeyer pour le versant alsacien, et par moi pour le français. Je me permets de prendre contact avec vous sur le conseil d’Albert Weber.
J’aurais plusieurs projets concernant l’œuvre de mon père; l’anniversaire des 90 ans de sa naissance (il est décédé en 2007) en 2021 pourrait servir de prétexte à différents évènements.
Mon projet principal serait l’enregistrement et la publication d’un CD constitué de l’intégralité des textes du recueil Chanson pour un métier (paru en 1973) que j’ai mis en musique. Je verrais bien cela sous la forme d’un livre-CD contenant le texte, éventuellement en fac-similé de la version originale (publiée par l’éditeur-imprimeur artisanal Jean Vodaine). D’autres projets seraient la réédition de recueils de poésie en français et en alsacien, plus aucun n’étant à ce jour disponible. J’espère avoir l’occasion de parler de tout cela avec vous; je réside à Paris mais pourrais facilement venir vous rencontrer à Strasbourg”.
Ce message aura suscité une rencontre entre Jean-Philippe Winter et deux personnes de l’OLCA à Strasbourg. Ce qui l’incitera à préciser ses projets dans un message envoyé à l’OLCA le 30 août 2018.
“En premier lieu, il s’agirait de produire, en 2021 (90ème anniversaire de la naissance de mon père) un CD constitué des textes mis en musique du recueil Chanson pour un métier , accompagné d’une réédition du recueil en question, peut-être sous la forme d’un livre-CD. Je suis disposé à enregistrer en Alsace, avec le concours de musiciens locaux. Et j’envisage d’ajouter sur le CD une chanson en dialecte, sur un texte extrait du recueil “Leeder vumm roode Haan” paru à la même époque, du reste.
Parmi d’autres projets, il avait justement été évoqué une réédition de ce recueil, que Dominique Huck se proposait de préfacer, dans une orthographe moins atypique que celle utilisée à l’époque. Bien sûr, la sortie du CD pourrait être accompagnée de concerts, à Strasbourg, Haguenau ou ailleurs, dans lesquels quelques amis de la scène alsacienne seraient invités à rendre hommage à l’auteur … comme nous l’avions fait au Théâtre de Haguenau en 2011 pour la sortie du CD Cailloux blancs “.
A ce jour rien de nouveau sous le soleil.
L’année 2021 sera-t-elle marqué par des initiatives honorant la mémoire de Conrad Winter ?
Quel(s) autre(s) structure(s) d’Alsace serai(en)t en mesure de réagir ?
Qui qu’il en soit, une évidence s’impose.
Il serait ÉVIDEMMENT dommage que rien ne soit organisé en Alsace pour célébrer Conrad Winter en 2021.
Et à cette évidence s’en ajoute une autre : le parcours de Jean-Philippe Winter entre chanson, jazz et poésie est assurément peu, trop peu connu en Alsace. Et j’espère que ce texte aura permis de réparer (un peu) cette regrettable méconnaissance.
Bien sûr, nous nous y attentions. Nous savions qu’il avait cessé de chanter et que sa santé déclinait. N’empêche que l’annonce du décès de Graeme Allwright aura été d’une intense violence.
Un ami, un proche, un membre de la famille s’en est allé dimanche 16 février dans sa 94ème année, à la Maison de retraite des Artistes de Pont-aux-Dames fondée en 1903 à Couilly-Pont-aux-Dames, en Seine-et-Marne.
L’annonce de sa disparition sera à jamais liée à la cathédrale de Strasbourg. Avec mon amie, nous nous trouvions juste en face dans une brasserie, en attendant de nous rendre à Bischwiller pour le dernier hommage à Ahmed Ferhati, comédien, metteur en scène, musicien et chanteur.
J’y ai retrouvé Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel à qui j’ai appris le décès .. et il s’est aussitôt souvenu d’une mémorable soirée d’après-concert en Corse avec Graeme.
En fait, c’est un coup d’oeil sur le site des Dernières Nouvelles d’Alsace que j’ai découvert l’info, ce dimanche là, peu après 17 heures. Et sans une seconde d’hésitation, j’ai téléphoné à l’ami Fred Hidalgo, créateur avec sa femme Mauricette des revues “Paroles et Musique” et “Chorus, les Cahiers de la chanson”.
Notre échange téléphonique enraciné dans près de 36 ans d’amitié m’a fait penser à un autre appel … une autre conversation quand, en août 2003, j’ai appris le décès de notre ami Marc Robine, figure incontournable de la chanson française et signature majeure de Chorus.
Fred Hidalgo, compagnon de route de Graeme depuis tant d’années. Ou plutôt de décennies comme il l’a si bien raconté dans un témoignage paru lors de la sortie du livre de Jacques Vassal écrit sur et avec Graeme.
Une complicité de (très) longue date … avant le lancement mi-juin 1980 de Paroles et Musique, le mensuel de la chanson vivante : Graeme aura été un des premiers artistes au courant de ce projet de presse écrite.
“Aujourd’hui, on veut définitivement y croire encore moins. Salut l’Artiste, adieu l’Ami, tu emportes avec toi le meilleur de nous-mêmes...” écrira le 16 février Fred Hidalgo sur sa page Facebook “La mémoire qui chante, journal d’un échanson”, “en pensée et en affection avec ses proches“.
De quoi susciter tant de réactions de personnes sincèrement bouleversées par son décès …
La photo ci-dessus a été prise en juin 1985, du temps de Paroles et Musique.
Il est vrai que chez Fred et Mauricette Hidalgo, le mois de juin aura si souvent été synonyme de rencontres amicales chez eux, avec nombre d’artistes : une formidable tradition si souvent vécu du temps de Chorus…
Quelques mois plus tard, en novembre 1985, Graeme (re)venait à la Réunion pour chanter.
L’occasion pour une poignée de passionnées de chanson – Noël Gros, Bobby Antoir, Bernard Vitry, Gilbert Hardy - de lancer l’association Mascareignes parrainée par Graeme.
“Il s’agissait de créer sur place un festival de chanson qui permette à la fois de promouvoir les musiques de l’océan Indien et d’accueillir à la Réunion des chanteurs francophones. J’étais moi-même, au nom de PAROLES ET MUSIQUE, l’un des membres fondateurs de cette association… Ben oui ! Beau souvenir, en tout cas” précise Fred Hidalgo au sujet de la photo parue dans le .mensuel Paroles et Musique.
AVEC GRAEME, VIVIANE ET JEAN-YVES …
Ma première rencontre avec Graeme date de cette fin 1985, et je n’imaginais alors pas que nos routes allaient se croiser si souvent.
Ile de la Réunion, Strasbourg, Saverne, Sarrebourg, Paris, Québec … sans oublier l’inoubliable soirée à Vernouillet où nous avons célébré en 2002 les dix ans du trimestriel Chorus ont été célébrés en chanson avec Graeme et nombre d’invités, dont Marc Robine, Allain Leprest, Jean Corti …
Pas de doute ! Graeme aura sans doute été l’artiste le plus vu sur scène et dans un contexte plus privé aussi … un “record de retrouvailles” partagé avec mes amis Jean-Yves Liévaux et Viviane Cayol (Alcaz) avec lesquels j’ai d’ailleurs revu Graeme à Besançon à l’occasion d’une soirée organisée par Christophe Régnier : Alcaz y assura la première partie avant de rejoindre Graeme durant son concert
Concert au Petit Journal, à Montparnasse : salle archibondée …
1967 : PREMIER ENTRETIEN DE GRAEME DANS LA PRESSE NATIONALE AVEC JACQUES VASSAL POUR ROCK & FOLK
Notons, avec la complicité de Fred Hidalgo, que le premier coup de projecteur d’une publication nationale sur Graeme date de 1967.
“ C’est à Jacques Vassal, par exemple, qu’on doit la toute première interview de Graeme chanteur dans la presse nationale. Par la même occasion, c’était le tout premier article qu’il réalisait pour le mensuel Rock & Folk à peine né : les historiens le retrouveront dans le n° 3 de janvier 1967 et les lecteurs de Graeme Allwright par lui-même en pages 98-101. Cela se passait à l’automne 1966, rue de la Gaîté, dans les coulisses de Bobino.
En réalité, c’était la seconde fois que le journaliste en herbe voyait le chanteur débutant en scène. Trois ou quatre semaines plus tôt, il l’avait découvert par hasard dans un de ces cabarets de la rive gauche qui faisaient florès et le bonheur des amateurs de chanson. C’était à la Contrescarpe. Vassal s’en souvient bien“.
Il aura donc fallu le décès de Graeme pour que “les grands médias” se souviennent de lui.
Un hommage posthume qui en dit long sur l’impact de cet artiste si et trip souvent ignoré des radios et des télés, à quelques rares exceptions près comme en témoigne cette photo parue sur le blog de Fred Hidalgo dans son article du 2 septembre 2018.
Pour connaitre tout ou presque sur la vie et le répertoire de cet auteur-compositeur-interprète né le 7 novembre 1923 à Wellington en Nouvelle-Zélande, pas de problème !
Il suffit de lire sa longue biographie ICI sur wikipédia …
Autant d’informations détaillées avec force références. De quoi alimenter plus d’un article paru au lendemain de son décès dans la presse francophone, nationale et régionale comme ce papier des Dernières Nouvelles d’Alsace annoncé à la une.
“PETIT GARÇON” PAR NANA MOUSKOURI, GAROU, NILDA FERNANDEZ, HENRI DÈS, SERGE RIEGER ET TANT D’AUTRES !
Bien des journalistes ont mis en évidence avec force exemples l’importance majeure de Graeme qui a adapté nombre d’artistes.
A commencer par Leonard Cohen (Suzanne, L’étranger, Demain sera bien), et bien sûr Woody Guthrie, Pete Seeger ou Tom Paxton… sans parler de ses adaptations de Georges Brassens en anglais en collaboration avec Andrew KELLY comme Les Passantes.
Il existe une superbe version publique de Suzanne par Graeme et Maurane accompagnés par Jean-Félix Lalanne …
Sans parler, évidemment, de ses nombreuses compositions et son opus d’inspiration jazzy, enregistré en 2 000 avec The Glenn Ferris Quartet (« Tant de joies ») : un album hélas trop méconnu à mon sens …
Nombre de titres ont été repris par tant de groupes et artistes … dont “Petit garçon” chanté entre autres par Nana Mouskouri, Garou, Henri Dès, Nilda Fernandez,
“Il est, il fut, le chaînon entre deux mondes, le traducteur avisé et talentueux tant de Leonard Cohen (“Suzanne”, “L’étranger”, “Demain sera bien”…), de Woody Guthrie (“Le clochard américain”), de Tom Paxton (“Qu’as-tu appris à l’école ?”), de Pete Seeger (“Jusqu’à la ceinture” …
Même, le savez-vous, le chanteur de Georges Brassens, mais dans l’autre sens, du français à l’anglais. Il fut aussi auteur (“Lumière”, “Il faut que je m’en aille” …).
En 2009 est sorti “Pacific Blues”, documentaire de 52 minutes tourné en France et en Nouvelle-Zélande par Chantal Perrin et Arnaud Deplagne.
“Ses chansons appartiennent au patrimoine de la chanson française. Devenues des classiques, elles sont fredonnées par plusieurs générations. Il en est ainsi de certaines chansons vouées à se perpétuer dans le temps. tSes dix-huit albums se sont vendus à des centaines de milliers d’exemplaires en France et dans tous les pays francophones. À 84 ans, et à son propre étonnement, il continue de remplir les salles de concert” indique le synopsis de ce DVD en ajoutant :
“Son public français ignore bien souvent ses racines néo-zélandaises. On le croit Canadien, Hollandais, comme Dick Annegarn, ou bien on ne se pose pas la question. Il fait partie de notre culture. C’est notre Bob Dylan à nous”.
Il est tout de même INCROYABLE ET HONTEUX qu’aucune chaine de télé n’ait eu l’idée de diffuser ce document après le décès de Graeme …aussitôt retombé dans dans l’oubli des “grands médias” après leurs “hommages de circonstance”.
En 2010, l’Académie Charles Cros lui décernera un “Grand Prix in honorem” pour l’ensemble de sa carrière.
ANECDOTES ET CONFIDENCES “A VOIE NUE” SUR FRANCE-CULTURE EN 2015
En février 2015, à 88 ans, Graeme Allwright se raconte dans l’émission A VOIE NUE sur France-Culture … par Victor Macé de Lépinay
Toute personne intéressée par Graeme aura GRAND plaisir à savourer ces cinq émissions sans langue de bois entre confidences et souvenirs !
Un formidable document sonore sur l’enfance, la jeunesse et la vie publique et privée d’un DESTIN INCROYABLE à découvrir en prenant tout son temps évidemment.
“CONTRE TOUTES LES HAINES ET LES GUERRES L’ÉTENDARD D’ESPOIR EST LEVÉ”
Fred Hidalgo se souvient : “ Depuis 2005, les concerts du chanteur aux pieds nus, qui continuait de sillonner l’Hexagone malgré son âge avancé, commençaient par un rituel immuable : une vibrante Marseillaise qu’il avait “adaptée” avec des paroles pacifistes.
“Pour tous les enfants de la Terre, Chantons amour et liberté”, entonnait-il…”
On la retrouve partout … car elle aura accompagné Graeme durant une bonne partie de sa vie de chanteur et elle a été reprise encore et encore dans les hommages fleurissant sur les réseaux sociaux !
Je parle bien sûr de LA photo de Francis Vernhet, qui a entre autres été LE photographe de “Chorus les Cahiers de la Chanson”.
Cette photo, Fred Hidalgo en parlait ainsi lors de la sortie du livre de Jacques Vassal :
“La superbe image de couverture (excellent choix !) est une photo de Francis Vernhet réalisée à l’automne 1992 pour illustrer l’une de nos rencontres avec Graeme* ; en l’occurrence, une interview que j’avais mise en boîte, publiée dans le n° 2 de Chorus (hiver 1992-1993), à l’occasion de la sortie de son album Lumière et de sa « rentrée parisienne » au Passage du Nord-Ouest”.
“C’est un livre de Jacques Vassal, éminent confrère de plume, mais c’est avant tout un livre sur Graeme Allwright par Graeme Allwright : Graeme Allwight par lui-même.
En fait en livre d’entretiens, entrecoupé parfois par des témoignages extérieurs : sa première épouse Catherine Dasté, les journalistes Fred Hidalgo et Jacques Gandeboeuf, son fils Christophe Allwright et d’autres encore” écrira Michel Kemper en présentant cet ouvrage aux lecteurs de Nosenchanteurs, le quotidien de la chanson.
QUÉBEC : FESTIVAL DE PIERRE JOBIN AVEC GRAEME, JEHAN ET GILLES VIGNEAULT
De toutes les rencontres vécues avec Graeme une des plus marquantes aura été le Festival LIMOILOU M’EN CHANTE fondé par Pierre Jobin chez qui il logeait.
Catherine Marck, incontournable figure du Festival de Tadoussac dont elle fut la directrice artistique et responsable de la programmation et des relations internationales, se souvient :
“J’y étais ! assise à côté de Graeme à regarder chanter Gilles Vigneault !! Impressionnant. Il était nu pied dans ses sandales. Quand je l’ai revu quelques mois plus tard à Paris à l’espace Jemmapes, il m’a dit “je reconnais vos cheveux !!”. Il était encore nu pieds dans ses sandales”.
“Limoilou m’en chante” ?
Assurément un événement d’une intense fraternité, marqué par plusieurs retrouvailles celle avec l’homme de théâtre Paul Hebert connu du temps où Graeme était, lui aussi, comédien ..
et également le souvenir d’un échange durant le trajet en voiture, sous une pluie battante lorsque qu’après un concert j’ai reconduit Graeme chez Pierre Jobin où l’attendait “ma chambre”… je veux celle où Pierre m’avait hébergé plus d’une fois.
Le concert de Graeme accompagné par ses musiciens malgaches aura été une sacrée” révélation pour l’auteur québécois Richard Baillargeon, passionné de chanson française.
“L’artiste a proposé, d’entrée de jeu, sa version d’une “Marseillaise” pacifique qu’il milite pour faire accepter des autorités françaises depuis 2005″ raconte-t-il sur le site QUEBEC INFO MUSIQUE :
“La révélation fut pour moi l’ampleur de la démarche du Néo-Zélandais, depuis longtemps francisé, Graeme Allwright. Je connaissais l’homme et sa voix pour avoir entendu ses adaptations de Léonard Cohen, notamment “L’étranger” que j’ai remarqué une première fois au générique de la version française du film McCabe and Mrs Miller, un des premiers films de Robert Altman. (…)
“J’y étais” se souvient la québécoise Guylaine Saint-Pierre à la vie enracinée dans tant de passions : enseignement du français et de la littérature; traduction, théâtre, écriture de textes de chansons, de poésie et de nouvelles : autant de centres d’intérêt qui l’ont menée “à la radio, où elle rencontre des artistes de jazz aussi fous qu’elle de création et de musique”.
Et de préciser : “Le départ de Graeme m’attriste beaucoup. C’est irréel que ça lui arrive, à lui. Je voyais sans doute Graeme comme une sorte de Jésus qui ressuscite après trois jours…”.
AU GRÉ DES RETROUVAILLES
Une des choses qui m’aura toujours le plus frappé chez Graeme, c’est la manière dont il vous regardait intensément en vous parlant. Comme si personne d’autre n’existait autour de vous.
Quelques article parmi d’autres consacré à un concert de Graeme …
Chaque concert que j’ai eu la chance de vivre aura été synonyme d’intense satisfaction. Une joue partagée sans retenue par des salles enthousiastes … dont ce fameux concert de soutien à Emmaus-Strasbourg face à un public qui n’avait pas envie que Graeme cesse de chanter …
Je pense aussi à formidable soirée organisée par le pasteur de Saverne en Alsace. Il avait envoyé un communiqué de presse aux allures de brève à publier dans les Dernières Nouvelles d’Alsace.
La brève a été transformée en article avec photo et … dès la publication du papier, les réservations se sont envolées tellement vite que le pasteur a regretté de ne pas avoir prévu une salle plus grande … et ce n’est pas ma consœur Simone Giedinger qui me dira le contraire !
D’ailleurs avant même que l’info ne soit publiée, plusieurs appels téléphoniques étaient arrivées à la rédaction, histoire d’avoir confirmation de la prochaine venue de Graeme à Saverne !
Et chaque fois j’ai vécu la même convivialité, la même émotion, le même échange entre Graeme et son public réunionnais, parisien, alsacien, québécois …
“JE CONNAIS BIEN PERNAND-VERGELESSES, EN CÔTE D’OR, OÙ J’AI TRAVAILLÉ COMME OUVRIER AGRICOLE DURANT TROIS ANS”
Graeme était le père des acteurs Christophe Allwright, Jacques Allwright et Nicolas Allwright (de son union avec Catherine Dasté fille de Jean Dasté) et de Jeanne Allwright de son union avec Claire Bataille, qui fut aussi son agent artistique.
En février 2015, Le Journal de Saône et Loire demandait à Graeme : “Vous avez de nombreux souvenirs en Bourgogne ?” .
“Je connais bien Pernand-Vergelesses en Côte-d’or où j’ai travaillé trois ans comme ouvrier agricole. Je jouais déjà un peu de guitare mais juste pour les amis.
Et puis c’est aussi au milieu de ces grands crus que j’ai épousé Catherine Dasté, la petite fille de Jacques Copeau que j’avais rencontrée dans une école de théâtre à Londres.
Le vigneron qui nous a mariés avait toutes les peines du monde a prononcer mon nom. J’ai beaucoup de souvenirs liés à la maison Copeau même s’il y a bien longtemps que je n’y suis pas allé”.
“J’t’ai raconté mon mariage À la mairie d’un p’tit village Je rigolais dans mon plastron Quand le maire essayait d’prononcer mon nom
Buvons encore ( Buvons encore) Une dernière fois ( Une dernière fois) À l’amitié, l’amour, la joie On a fêté nos retrouvailles Ça m’fait d’la peine Mais il faut que je m’en aille”
Extrait de “Il faut que je m’en aille”
Le décès de Graeme a été annoncé par un faire-part de ses enfants Nicolas, Christophe, Jacques, Jeanne et les petits-enfants Alice, Adrien, Eliott, Axel, Gaia et Adam.
Les obsèques ont été célébrées à l’église de Couilly-Pont-aux-Dames le jeudi 20 février à 15 heures et l’inhumation le lendemain vendredi 21 février au petit cimetière de Pernand-Vergelesses à 15 heures
“Voici un petit résumé de l’enterrement de Mr Allwright validé par la famille et filmé par Didier Buffet , merci à lui …. Pour info , le nez rouge à la fin c’est celui de Graeme qu’il met quand il chante Jolie bouteille sur scène” précise Dina Rakotomanga au sujet de la vidéo mise en ligne sur le groupe Graeme Allwright Le Jour de Clarté ouvert sur Facebook.
“SES CHANSONS PROFONDES, LUMINEUSES S’ÉLEVAIENT SOUS LA VOÛTE DISANT L’AMOUR DE L’ÊTRE HUMAIN”
Pour finir, voici le témoignage de l’auteur-compositeur-interprète Jean Lapierre publié sur Facebook au lendemain des obsèques.
“A GRAEME …
Une petite église de campagne… En Ile-de-France… Il fait froid, mais les cœurs sont chaleureux…
L’office d’enterrement de Graeme Allwright a été à l’image de sa carrière… plutôt de sa vie…
Graeme n’a pas fait « une carrière », mais a vécu sa vie d’artiste concerné, « montant sur la scène des p’tits patelins » comme il le chantait…
Et hier, avec sa famille, au sens large, ce n’était pas triste… Ses chansons, profondes, lumineuses, s’élevaient sous la voûte, disant l’Amour de l’être humain, de l’Autre… Quand on pense à Graeme, le mot « humilité » arrive, loin du show-business et ses frivolités « hit-paradesques »…
Toutes les réactions à son décès sont formidables, car elles montrent que ses chansons, venues de l’esprit de la Folk-Music (pour « le peuple »), étaient en suspension en chacun, en tous…
Un jour des années 60, quelqu’un de sa famille m’offre un disque… c’était son premier… Et là, révélation ! J’écoute des chansons… Et je les entends !
La première aura été donc son adaptation de Woody Guthrie « Hard traveling », « Le trimardeur »… Beaucoup de fraîcheur… On sent le voyage, les grands espaces… La Vie…
Je ne remercierais jamais assez ses cousins pour ce « partage »… Je l’ai vu sur scène…
Et un soir, le samedi 10 février 1968 dans une ville minière du Dauphiné, je me suis dit en l’applaudissant : « Je veux faire ça ! »
Et je l’ai fait ! J’ai même aussi adapté en français des chansons de Léonard Cohen, à ma manière…
C’est comme si je reprenais un flambeau, tout enm’affranchissant de sa figure tutélaire… Il ne se voulait pas « un maître ». Il n’aimait pas ça… Mais il a donné énormément… On s’en rend compte ces jours…
Dans la petite église, André Chapelle, qui le fit signer chez « Philips-Mercury », s’était glissé, avec son épouse… Nana Mouskouri…
Ils étaient là, comme des anonymes, écoutant une voix du fond de l’âme… Sa première femme, Catherine Dasté, petite-fille de Jacques Copeau, le rénovateur du théâtre était présente…
L’esprit de la décentralisation culturelle, théâtrale, d’après-guerre, résonnait chez Graeme, loin du vedettariat, de la vaine « popularité », seulement tourné vers la transmission d’idées, avant tout, tout en cherchant à apporter de la joie…
Aujourd’hui, il sera mis en terre, à Pernand-Vergelesses, en Bourgogne, là où « le maire essayait de prononcer son nom… », village cher à Jacques Copeau…
A nous de continuer la route, essayant d’être à la hauteur de l’homme de paix, venu de Nouvelle-Zélande, pourfendeur de la consommation pathétique, rêveur d’un monde où on pourrait vivre, simplement, sans le pouvoir des uns sur les autres…
Créons, chantons !”
Texte et photos Albert WEBER sauf mention particulière
AMICAL MERCI À FRED HIDALGO pour l’autorisation de reproduction des documents
« Je m’envolerai »
Une belle journée, quand cette vie s’achève J’ m’envolerai Vers un merveilleux pays de rêve J’ m’envolerai, volerai
J’ m’envolerai tout là-haut J’ m’envolerai comme un oiseau Quand je meurs, alléluia, tout à l’heure J’ m’envolerai, volerai
Plus d’soucis, de peines dans ce monde J’ m’envolerai De cette prison, comme une colombe J’ m’envolerai, volerai
Encore quelques journées de douleur et J’ m’envolerai Vers une terre où règne le bonheur J’ m’envolerai, volerai
J’ m’envolerai au matin J’ m’envolerai, sûr et certain Quand je meurs, alléluia, tout à l’heure J’ m’envolerai, volerai”
Ce trio féminin, j’en avais souvent entendu parler et j’avais lu nombre de commentaires élogieux. De quoi donner envie de les voir en pleine action, au Centre culturel de l’Illiade d’Illkirch-Graffenstaden, dans la salle “Côté Cour” aussi comble que conquise.
Coup de projecteur sur Marie Dubus, Jika Sterbakova et Marie Ruby réunies dans un “trio vocal féminin délicieusement fêlé” selon leur expression. Ce qui ne les empêche pas – bien au contraire – de poursuivre en parallèle diverses aventures en solo ou collectives entre chanson, musique, comédie, cabaret et contes.
Embarquement immédiat pour plus d’une heure et quart avec ce spectacle sans temps mort offert par ces trois chanteuses et musiciennes.
Trois multi-instrumentistes : flûte traversière, ukulélé, basse, guitares percussions sont au rendez-vous … sans oublier un piano transformé en bar au gré du spectacle !
Le fameux “piano-bar” retiendra bien sûr l’attention de “Claude, intellectuelle française alcoolique” (Marie Dubus), mais aussi celle d’une “sulfureuse diva tchèque déjantée” (Jika Sterbakova) et une “noble british quelque peu pincée” (Marie Ruby).
Trois personnages aux contrastes bien tranchés … et dont la confrontation donne du piment à l’interprétation des chansons et évidemment aux dialogues entre deux titres.
Ambiance garantie entre les trois personnages au caractère bien trempé.
Et bien décidées à ne pas se laisser marcher sur les pieds.
D’où un savoureux cocktail qui transforme sans tarder le “Cracked Cookie’show” en un spectacle complet aux multiples rebondissements.
C’est-à-dire bien au-delà d’un “simple concert” aux accents des Andrews Sisters et autres trios féminins américains des années 30 !
Au gré des petites tranches de vies, des anecdotes et réflexions, le trio passe par toutes sortes de situations qui font sourire et rire. Et suscitent aussi ici et là une évidente émotion.
Dans ce “voyage musical et théâtral” – selon l’expression du trio – on chante ensemble ou bien seule ou à deux, on se parle tout sourire juste avant d’échanger des mots aigres-doux, on s’apostrophe, on se dispute, on sort de scène fâchée et … puis on revient dans une autre tenue … jusqu’à la prochaine prise de tête !
Pas question de s’ennuyer une seconde dans ce feu d’artifices de paroles et de musiques, entre coup de sang, coup de cœur et même coup de blues.
Bref la vie avec ses chamailleries et ses réconciliations. Avec une bonne dose d’humour, de dérision aussi.
Pas de doute, ces “Cracked Cookie’s” s’affirment en toute liberté tellement loin du cliché de la “gentille femme au foyer des années 40 (la « cookie »)”.
Donc tout peut arriver – et tout arrive ! – durant ce spectacle où les mélodies donnent envie de taper dans les mains.
Un répertoire plein d’énergie qui met en relief de sacrées harmonies vocales.
Et voilà comment le trio s’affirme à l’aise dans des registres bien variés, entre “These boots are made for walkin”, “Lollipop ” Twist again” et bien d’autres standards entre swing, twist et rock …
Et aussi chanson française avec leurs versions de l’inoubliable “Amstrong” de Claude Nougaro ou “Résiste de France Gall.
Les trois complices s’en donnent à cœur joie.
Et chacune s’impose à tour de rôle sur le devant d’une scène qu’elles occupent avec brio. Cette aisance ne résulte évidemment pas d’une joyeuse improvisation.
Jika Sterbakova, Marie Dubus et Marie Ruby et ont travaillé avec MarcoLocci, inspiré metteur en scène qu’on retrouve aussi dans la mise en valeur des “Chroniques d’outre-tombe” du duo Firmin et Victor (Valentin Stoeffler et Guillaume Schleer).
Le public de la salle “Côté Cour” de l’Iliade a réagi comme il se doit : avec enthousiasme.
De quoi donner envie au trio fondé en 2016 à s’aventurer auprès d’autres publics. Vers d’autres salles et festivals d’Alsace et Lorraine, voire de bien plus loin comme la République Tchèque, terre natale de Jika Sterbakova.
Patience et talent vont de pair chez Pascal Vecca, chanteur d’origine italienne, allemande et polonaise.
Coup de projecteur sur un artiste d’Alsace qui prend assurément un nouveau virage avec cet album de 61 minutes : 18 titres à ne pas réduire aux traditionnels refrains de Noël.
Cet album, c’est le 3ème enregistré par Vecca après « Vu de Haut » aux couleurs swing en 2009, et puis les « Crooners à l’honneur » en 2014 avec des refrains de Ray Charles et Franck Sinatra.
Deux voix américaines qu’il célèbrera avec succès lors de la sortie de cet album via plusieurs concerts suivis de près par un public de fidèles. Au rendez-vous Dean Martin, Sammy Davis Jr, Tom Jones, Nat King Cole, Sacha Distel et Michael Bublé, Paolo Conté, etc.
Évidemment – et nombre de médias écrits et audio-visuels mettent en valeur ce registre – Vecca sera désormais souvent réduit à ses indéniables performances vocales de crooner.
Et cette étiquette lui colle aussi à la peau avec cet opus où l’Alsacien jongle avec une grande aisance dans divers genres musicaux et aussi plusieurs langues : anglais, français, anglais, allemand, italien, espagnol, etc. Mais (hélas) pas en alsacien et c’est bien dommage mais bon, rien ne dit qu’il ne se lancera pas sur cette voie un de ces jours.
Sans aucun doute, le “ton crooner” surgit et s’impose avec brio quand Vecca met sa voix chaude au service de chants de Noël aux accents jazzy.
C’est un des atouts de cet album mastérisé par Jean-François Untrau … enregistré à Gimbrett au studio de Michel Ott qu’on retrouve également au mixage, à la prise de son et aux percussions. S’y ajoutent Christian Ott (guitares et chœurs), la pianiste Laura Strubel (également aux choeurs) et du contrebassiste Roland Grob.
Cet album, c’est l’aventure d’une poignée de complices aussi talentueux que décontractés, qui jongle entre les langues et les cultures, dont la chanson espagnole El burrito de Belen, le fameux Hallelujah de l’inoubliable Léonard Cohen et évidemment bien des standards de Noël.
S’y glisse aussi une belle surprise avec le Noël interdit enregistré en 1973 par Johnny Hallyday sur des paroles de Michel Mallory.
Très à l’aise sur scène, il a su apprendre en chantant encore et encore à l’Europa-Park, à Rust en Allemagne. Le genre d’expérience qui vous donne insuffle une confiance en toutes circonstances, dans des lieux fort variés.
Aujourd’hui cet auteur-compositeur français partage son temps entre Strasbourg Paris et l’Allemagne.
“Blue Suede Shoes” est une chanson écrite et enregistrée par Carl Perkins en 1955 et devenue un succès international l’année suivante avec Elvis Presley. C’est aussi le titre du nouveau spectacle de M. Soul consacré aux origines du rock.
Vendredi 20 novembre, 20h30.
Plus une seule place de libre dans la grande salle de l’Illiade pour un public venu, toutes générations confondues, savourer sans modération « Blue Suede Shoes ».
Lors de la précédente saison de l’Illiade, M. Soul avait déjà enthousiasmé le public en faisant salle comble avec son hommage à Johnny Cash.
Rebelote cette année avec autant d’impact populaire pour remonter aux sources du rock, précisément aux années 46 à 59.
Durant près d’une heure et demie, on (re)découvre les refrains et les voix qui ont forgé l’image, la réalité, le mythe aussi d’un genre que les nouvelles modes musicales n’ont pas pu enterrer.
Et c’est tant mieux car avec le spectacle “Blue Suede Shoes”, on comprend mieux comment et pourquoi tout a commencé.
M. Soul ne se contente pas d’enchainer les tubes.
En effet, la plupart des chansons sont situées en quelques mots dans leur contexte historique, social, culturel … entre autres sur fond de racisme et d’envie/besoin d’une jeunesse en quête de rythmes et de joie de vivre.
Pas de longue présentation, pas de baratin, pas de phrases superflues dans ce spectacle : juste quelques anecdotes et repères, quelques évocations d’artistes et de groupes.
C’est simple, direct, précis. Une efficacité nord-américaine chère à cet artiste canadien originaire du Manitoba établi en Alsace depuis pas mal d’années.
ELVIS, BILL, CHUCK ET LES AUTRES
Autre atout du spectacle : M. Soul ne s’en tient pas aux titres les plus connus.
Évidemment, on retrouve (avec grand plaisir !) Elvis Presley, Chuck Berry, Bill Halley, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Fats Domina, The Everly Brother, Little Richard et autres légendes du rock …
mais aussi – et c’est une des forces du spectacle – nombre de talents retombés dans l’anonymat après une brève et percutante apparition.
Voilà pourquoi “Blue Suede Shoes” est assurément un shows autant distrayant que pédagogique … qui mérite d’être présenté aussi bien à des scolaires que le “grand public” comme ce sera le cas en mars 2020 à Colmar.
La mise en scène du spectacle accorde une place de première importance à un interlocuteur qui intervient tout au long de la soirée avec un accent bien français …
… ce qui donne lieu à quelques mises au point linguistiques plein d’humour échangées entre M. Soul et Jupiter. En l’occurrence le juke-box dont la culture est aussi encyclopédique qu’efficace !
Un tel spectacle n’est évidemment pas l’œuvre d’un homme seul, et le chanteur originaire de Winnipeg s’est une fois de plus entouré de sacrés complices : Olivier Aslan (batterie), Emmanuel Boch (claviers), Jean-Paul Distel (guitares), et Lionel Ehrhart (basse) et Pascal Kempf (saxo).
Bref un spectacle que je vous recommande vivement.
A noter que Marcel Soulodre sera de retour à l’Illiade en février 2020 dans la petite salle pour son projet solo avec ses compositions personnelles, “Hello Out There, Le Manitoba vous répond”.
La 4ème édition du concours D’Stìmme débutera le 12 novembre 2019. Les chanteurs amateurs seront invités à participer au concours à travers une campagne de communication commune menée par France Bleu Elsass, l’OLCA, France 3 Grand Est, SR3 Saarlandwelle et SWR.
Pour participer, chaque candidat devra envoyer sa maquette à France Bleu Elsass avant le 20 janvier et la finale aura lieu le 6 juin 2020 à la Cité de la Musique et de la Danse à Strasbourg.
On en saura plus lors de la conférence de presse prévue mardi 12 novembre à 11h30 au Club de la Presse de Strasbourg.
Elle sera animée par à l’invitation de Justin Vogel, président de l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle, en présence de Matskat et Charlotte Vix, gagnante de l’édition 2019.
Mais nous n’en sommes pas encore là.
Avant d’en savoir plus sur les modalités de l’édition 2020, il me semble important de faire le point sur l’édition 2019 remportée par Charlotte Vix vendredi 31 mai 2019 aux Tanzmatten à Sélestat.
A 28 ans, la chanteuse de Kurtzenhouse a ainsi succédé à Gaël Sieffert et SergeRieger, lauréats en 2017 et 2018.
Rappelons que le 3ème concours de chanson en alsacien et platt a été lancé en 2018 par l’OLCA et France-Bleu Elsass. Cet événement a été médiatisé dans la presse régionale écrite et audiovisuelle.
Bien, et puis ? Car il faut bien se poser quelques questions de fond.
Quel reflet cet événement donne-t-il de la créativité de la chanson en Alsace ?
Et quel est vraiment son impact sur la promotion de la langue alsacienne ?
Deux interrogations parmi d’autres, sachant que deux des trois chansons arrivées en finale sont des adaptations alsaciennes de tubes internationaux.
S’y ajoute une 3ème interrogation : est-il plus facile d’écrire un texte en alsacien sur un tube plutôt que de composer paroles et musique d’une chanson originale ?
Autant de questions que je me suis posé après la finale 2019 présentée par Bénédicte Keck (OLCA) et Clément Dorffer (France Bleu Elsass).
STEVIE WONDER, SOPRANO, LIONEL RITCHIE ET ANTONIA AUS TIROL EN VERSION ALSACIENNE
Charlotte Vix y a remporté le 1er prix avec une reprise de « Isn’t she lovely » de Stevie Wonder adaptée en alsacien sous le titre « ‘s Lëwe isch scheener mit Lieb ».
Seconde place à Julien Hachemi pour « Min Herzschritt Maker », chanson inédite dont il a composé la musique sur un texte de Bénédicte Keck. Et 3ème place pour Christine Wambst qui a adapté la chanson « Cosmo » de Soprano devenue « Min Ziel ».
A cette finale chacun de ces artistes a également interprété une seconde chanson en alsacien : « All nigth long » de Lionel Ritchie est devenu « D’gànz Nacht làng » avec Charlotte Vix.
Julien Hachemi a offert une nouvelle version de «’s Elsass unser Landel » sur des paroles de Christian Hahn et des arrangements des Bredelers. Et Christine Wambst a chanté « E Owe mit eich », adaptation alsacienne de « Auf die Banke » d’Antonia aus Tirol.
Certes, des artistes tels Robert-Franck Jacobi ou Armand Geber – deux noms parmi d’autres – se sont fait connaître avec des versions alsaciennes de tubes français ou anglo-saxons. Et FrançoisBrumbt a chanté en alsacien Brassens, Moustaki, Léo Ferré ou Woody Guthrie.
Mais ils ne se sont pas contentés d’exploiter encore et encore ce « filon des adaptations » qui fait chaque année le bonheur des spectateurs des tournées d’été de la Choucrouterie. Ce fut encore le cas cet été 2019 marqué par une 33ème édition où Roger Siffer et ses amis offraient des versions alsaciennes de nombreux succès français ou anglo-saxons
Et le 31 mai, invité à chanter une chanson en qualité de lauréat 2018, Serge Rieger a offert « Baggersee », adaptation des « Champs-Elysées » de Jo Dassin. Mais rappelons que sa victoire à D’Stimme 2018 s’enracine dans « Nit um’s verrecke », titre dont il l’auteur, le compositeur et l’interprète.
UNE LANGUE SI RICHE CÉLÉBRÉE PAR TANT DE CHANSONS
La création n’aura pas été l’atout majeur de cette finale 2019. Plutôt inquiétant pour une langue alsacienne censée être célébrée via ce concours. D’autant plus que chaque année, nombre des 10 finalistes ne maitrisent pas la langue alsacienne et s’expriment donc en français dans les entretiens réalisés par France Bleu Elsass.
Cette abondance d’adaptations alsaciennes n’est pas une grande première pour D’Stimme !
En 2017, la finale remportée par Gaël Sieffert a été marquée par des chansons alsaciennes sur des airs de de Claude Nougaro, Léonard Cohen, Claude François, Creedence Clearwater Revival, etc interprétés par trois de quatre finalistes : Lucie et Valentin Zaepffel (2ème) ; Tatiana Henius (3ème) et Maxime Kuhm (4ème).
Étonnant non ? Frustrant aussi …
Car l’alsacien est une langue si riche !
Et assurément teintée de force nuances dans les chansons enregistrées par Jean Dentinger, Germain Muller, Dinah Faust, Liselotte Hamm, Jean-Marie Hummel, Daniel Muringer, Sylvie Reff, Roger Siffer, Bernard Biechel, Pierre Specker, Jean-Marie Friedrich, Bernard Guntz, François Brumbt, Dany Dollinger, Cathy Bernecker, Roland Engel, René Eglès, Jean-Pierre Albrecht, Alain Martz, Robert-Franck Jacobi, Armand Geber, Jean-Pierre Schlagg,
et ÉVIDEMMENT tant d’autres encore …
DU CÔTÉ D’ISABELLE GRUSSENMEYER ET STÉPHANE JOST
Bon me direz-vous cette énumération concerne des artistes disparus ou ayant dépassé la soixantaine !
Oui vous avez raison et j’y ajoute donc Isabelle Grussenmeyer, une des (très) rares voix de la nouvelle génération maitrisant vraiment l’alsacien.
Cette chanteuse pour petits et grands a fait ses premiers pas à 12 ans sur scène et en studio avec René Eglès. Et au fil des albums et des scènes, elle s’est affranchie de son talentueux mentor grâce à un répertoire inédit pour publics de tous âges, “de la crèche à l’EPHAD” selon son expression.
A suivre aussi de près Stéphane Jost, remarqué pour “Henner chez les Yennisch”, son spectacle solo mis en scène par Jean-Pierre Schlagg sur un texte de Roger Siffer. Bien connu dans le nord de l’Alsace, notamment dans la région de Lembach (théâtre alsacien, revue satirique, etc), c’est aussi un artiste inspiré qui aurait toute sa place au sein d’une nouvelle chanson en alsacien, langue qu’il maîtrise parfaitement …
Et ce ne sont pas les chansons inédites qui manquent.
Mais à quoi bon comment se lancer dans l’enregistrement d’un album à l’heure où les CD se vendent de moins en mois ?
Reste la perspective d’un financement participatif : encore faut-il parvenir à boucler son budget alors que cette formule suscite de plus en plus de courriels d’artistes et groupes en quête d’argent !
NICOLAS FISCHER : “CE N’EST PAS DE LA MUSIQUE ALSACIENNE”
Et pourquoi pas la dématérialisation des chansons ? Une solution dans l’air du temps …
En témoigne le triple album récemment enregistré en alsacien et allemand (Krock”) et français (“Crock”) par NicolasFischer. “Il est est diffusé sous forme de PDF avec tous les liens vers les chansons mises à disposition gratuitement suite au financement du Rectorat de Strasbourg. Pas de diffusion physique prévue dans l’immédiat” précise l’auteur-compositeur-interprète, avant d’évoquer la mise en ligne de clips sur sa chaine Youtube et les chansons disponibles via www.nicolasfischer.bandcamp.com
Son précédent album, “E nejes Lied” sorti en 2016 est toujours disponible en version physique et via son site http://nicolasfischer.net/e-nejes-lied.
“Un album sans bretzels, sans cigognes ni colombages… Ce n’est pas de la musique alsacienne” mentionne la pochette de cet enregistrement : des chansons originales créées avec l’auteur et poète Yves Rudio, connu pour ses textes mis en valeur sur un recueil de chants de Jean-Marie Friedrich et les fameuses “Alsa’Comptines” enregistrées par Isabelle Grussenmeyer, Jean-PierreAlbrecht, Daniel Muringer et Gérard Dalton.
Les 19 titres de “E nejes Lied” mixés par Jean-François Untrau confirment tout simplement que la chanson alsacienne a encore de beaux jours devant elle … du moment que l’innovation est préférée à la “version alsacienne” de tubes internationaux. Cet album résulte d’un efficace travail d’équipe auquel ont participé Matskat au violon pour la chanson “E altes Lied” et Dinah Faust dans “D’Letschde 2015 ” qui offre une nouvelle jeunesse au célèbre texte de Germain Muller.
“Cet album été réalisé grâce au soutien de l’association Liederbrunne, des Editions SALDE, de la Fondation Joseph David, du Rotary Club de Wissembourg, de l’Eurodistrict Pamina, de la commune de Sebach et de France Bleu” ajoute Nicolas Fischer à l’aise aussi bien devant le micro qu’en coulisses (direction artistique, arrangements, identité visuelle du CD, prise de son avec Denis Bildstein, etc)
Assurément le genre de chanson que tout(e) candidat(e) de S’timme 2020 devrait écouter avant de se lancer dans l’écriture d’un texte alsacien à plaquer sur un titre à succès …
Nul doute que Nicolas Fischer aurait toute sa place lors du spectacle de la finale du 6 juin 2020 à la Cité de la Musique de Strasbourg : une évidente légitimité à l’instar de celle de Christophe Voltz vivement applaudi le 26 octobre à la soirée des Holpl’Awards pour ses trois titres. Soit deux chansons en alsacien (dont une qui n’avait pas franchi le cap des trois finalistes de D’Stimme !) et une superbe reprise du “Corridor” de Germain Muller.
EN PARTENARIAT AVEC SR3 SAARLANDWELLE ET SWR EN 2020
Isabelle Grussenmeyer a été membre du jury aux Tanzmatten.
Elle qui manie avec brio sa langue maternelle s’est retrouvée à délibérer sur les trois finalistes avec plusieurs autres personnes, dont une autre passionnée de chanson en langue régionale : Suzanne Wachs du Saarländischer Rundfunk (Radio de Sarre). Laquelle avoue sa perplexité quant à la diffusion de ces adaptations alsaciennes : comment en assurer la médiatisation ?
La question vous semble bizarre ?
Non puisque les enregistrements de ces candidats retenus seront diffusés sur les ondes de France Bleu Elsass et France Bleu Alsace, SR3 Saarlandwelle et SWR durant toute la durée du vote (du 20 mars au 20 avril 2020).
L’édition 2020 sera-t-elle marquée par une « compétition » entre voix d’Alsace- Moselle et d’Allemage ? Espérons que l’imagination sera au rendez-vous avec des chansons inédites et non pas/plus des paroles alsaciennes posées sur des tubes.
D’où l’intérêt de la démarche de Julien Hachemi, ayant grandi comme Abd al Malik dans le quartier du Neuhof sans y parler l’alsacien.
Aux finales de D’Stimme 2018 et 2019, il s’est retrouvé chaque fois en 2ème place avec des textes de Christophe Voltz puis Bénédicte Keck. Et il a pris des cours d’alsacien lui permettant petit à petit de se familiariser avec la langue de sa grand-mère. Laquelle a inspiré Christophe Voltz à écrire paroles et musiques de la chanson « Mamama ».
Hélas, ce titre ne figure pas sur « Elsässich Poet », titre du EP de 4 titres en français plus « Mitnander Lewe », chanson interprétée par Hachemi en finale de D’Stimme 2018. Les puristes diront sans doute que le titre de cet album devrait plutôt être « Elsässicher Poet » mais tel est le choix de l’artiste.
MATSKAT CHANTE ALBERT MATTHIS
La finale de D’Stimme 2019 aura mis en relief trois autres talents d’Alsace aux parcours musicaux très différents : Matskat, Serge Rieger, et Robin Léon.
Le chanteur-violoniste Mathias Hecklen-Obernesser alias Matskat participe depuis longtemps à la vie artistique de sa région et pas seulement en alsacien !
Il est vrai que son expérience de coach pour les 30 finalistes de D’Stimme depuis 2017 l’a confronté à des chansons alsaciennes extrêmement différentes.
Comme indiqué dans le dossier de presse de l’édition 2020, “Matskat offre aux candidats sélectionnés, un coaching vocal personnalisé et travaille avec eux les arrangements musicaux. Il accompagne également, avec ses musiciens professionnels, les participants lors des enregistrements en studio et de la soirée concert”.
Et c’est avec bonheur que la finale du 31 mai a résonné aux entraînants accents de « Wilde Stimme » : une création de Matskat présentée au Festival Summerlied 2014 suite à un appel à la création lancé par Jacques Schleef, alors directeur du festival.
Ce soir-là – en plus de cette chanson il signe le texte et avec Jean-François Untrau la musique – Matskat a interprété deux autres titres enracinés dans l’histoire d’Alsace : un hommage au peintre et illustrateur Léo Schnug (« Crazy Léo ») avec texte de Christian Hahn et musique du tube « Crazy » de Seal. Il a aussi célébré la cathédrale de Strasbourg avec « Hitt grattle mir uff d’Schnecke nuff » : un texte d’Albert Matthis extrait de « Bissali ».
Ces deux titres sont extraits du formidable spectacle « L’Ill aux trésors/D’Wunderinsel » présenté en mars 2019 avec René Eglès et Cathy Bernecker dans le cadre de « E Friehjohr fer unseri Sproch / Un printemps pour notre langue » à la Cité de la Musique, Strasbourg. Une représentation hélas unique …
SERGE RIEGER ENTRE CHANSON ALSACIENNE ET BLUEGRASS
Cet auteur-compositeur-interprète de Surbourg aime se présenter, à juste titre, comme Lìedermàcher.
Il bénéficie d’une belle expérience dans la chanson alsacienne. En témoigne entre autres son portrait par Antoine Wicker (Nouvel Alsacien, 10 décembre 1981) qui annonce sa participation à la soirée « Ecolofolk » de Bischwiller organisée par le REM. Il s’agissait du Rassemblement écologique de Moder l’ayant invité avec Sylvie Reff et Roland Engel pour un concert retransmis par Radio Dreyeckland. En l’occurrence la station qui était alors la digne héritière de Radio Verte Fessenheim et pas encore le réseau commercial désormais connu sous ce nom.
Chez Serge Rieger, la maitrise de l’alsacien tranche radicalement avec la majorité des participants des trois éditions de D’Stimme. Une maitrise partagée avec le comédien-humoriste-chanteur Christophe Voltz, un des 10 finalistes de D’Stimme 2018 et 2019 qui ne s’est hélas jamais retrouvé parmi les 3 lauréats.
Chaque année, Serge Rieger organise le rassemblement de bluegrass à la Maison Rurale de l’Outre-Foret à Kutzenhausen : une passion musicale partagée par Aurélie Diemer alias Cadillac Lilou, finaliste de D’Stimme 2018 avec Julien Hachemi.
Connu pour ses interventions dans les écoles d’Alsace du Nord et divers festivals Summerlied, il est membre du cercle alsaco-badois d’écrivains et chanteurs.
En tant que finaliste en 2018, Serge Rieger a gagné une étoile en cristal de Baccarat, l’enregistrement d’un clip destiné aux réseaux sociaux, et un ticket pour Summerlied.
Il y a chanté le 19 août 2018 sur la grande scène avec l’orchestre des Rhinwagges, et à l’Espace Poésie Patrick Peter avec les chanteuses française Élise Fraih et allemande Cindy Blum.
ROBIN LÉON, VEDETTE DE SCHLAGERMUSIK
Aisance scénique et professionnalisme sont évidents chez Robin Léon, inconnu dans la chanson alsacienne et vedette de « Schlagermusik ».
En août 2016, en direct d’Europa-Park, il remporte à 19 ans le concours «Immer wieder Sonntags» (“Encore et toujours dimanche”) de la chaîne allemande ARD : une émission consacrée à la chanson populaire entre Schlager et Volksmusik.
Depuis plusieurs années, le chanteur de « Mein Sommertraum” (« Mon rêve d’été ») attire la foule dans les soirées aussi dansantes que chantantes d’Alsace, dont les Fêtes de la Bière de Schiltigheim.
Robin Léon est un artiste aussi décontracté que performant sur scène dont la présence dans le jury pour la sélection des 10 finalistes) et sur la scène de la finale 2019 a surpris les amateurs de chansons en alsacien et en platt.
Pourquoi avoir programmé un chanteur de Schlager et non un talent reconnu dans la chanson alsacienne ? La question m’a été posée plus d’une fois avant et après la finale 2019.
Bonne question … N’empêche que lors de la finale D’Stimme 2019 Robin Léon a repris en duo avec Matskat l’inusable “Hans im Schnokeloch » dans une convaincante version arrangée par le groupe manouche DiMauro Swing.
Cette version aux accents jazzy manouche, Matskat la reprendra d’ailleurs en guise de rappel à la salle comble du Cercle de Bischheim, vendredi 18 octobre 2019 au terme de 2h30 de concert assuré avec Francky Reinhardt, Grégory Ott, Matthieu Zirn, Jean-François Untrau, Christian Clua, Guillaume Nuss et Franck Wolf.
ENTRE ADAPTATIONS ET TITRES INÉDITS
« Il est dangereux de donner des espoirs à de jeunes artistes, et ensuite de les laisser se débrouiller » commente un artiste alsacien reconnu qui estime que « D’Stimme est un alibi pour les organisateurs ».
Sans aller jusque-là, notons que D’Stimme incite chaque année une bonne trentaine d’artistes d’Alsace à envoyer une chanson avec l’espoir d’être sélectionné parmi les 10 finalistes.
Ayant été à deux reprises membre du jury pour la sélection des 10 finalistes, j’y ai découvert une indéniable diversité des chansons écoutées intégralement. De quoi se réjouir de l’intérêt suscité par ce concours, en regrettant cependant l’absence de titres en platt mosellan.
Au vu de la finale de la 1ère édition, j’avais interpellé sur mon site www.planetefrancophone.fr les organisateurs : pourquoi ne pas envisager une catégorie création et une autre de reprise/ adaptation ?
Suggestion non retenue … vu que France Bleu Elsass ne reçoit pas suffisamment de chansons alsaciennes inédites pour envisager deux catégories bien distinctes.
J’en déduis que soit D’Stimme ne donne pas suffisamment envie de créer en alsacien ou en platt … soit l’Alsace ne compte plus suffisamment d’auteurs et compositeurs capables de créer en alsacien.
« Pour qu’une langue soit parlée, il faut qu’elle soit utile. Et pour qu’elle soit utile, il faut qu’elle soit pratiquée tous les jours. Ça sert à quoi qu’un jeune chante en alsacien si personne ne le diffuse ? » : durant ses 3 ans en Alsace, Hervé de Haro a souvent insisté sur la langue régionale.
Et en juin 2019, c’est d’ailleurs pour D’Stimme en partenariat avec l’OLCA qu’il a reçu un prix décerné par la Fondation Aquatique Show … dont la directrice Isabelle Formhals présidera le jury de D’Stimme 2020.
L’organisation de la 4ème édition sera assurée à France Bleu Elsass, par celui ou celle qui succédera à Hervé de Haro. Lequel a préféré quitter Radio France plutôt que de devoir appliquer la nouvelle stratégie nationale et régionale décidée à Paris.
Donc nul ne sait si le/la futur(e) responsable sera aussi sensible à la langue alsacienne que celui qui a lancé D’Stimme avec le soutien d’Isabelle Schoepfer Dietrich, directrice de l’OLCA. On en saura sans doute plus lors de la conférence de presse du 12 novembre située dans un nouveau contexte avec l’arrivée de nouveaux partenaires et l’internationalisation du concours
L’avenir de D’Stimme aura été une des priorités de celui qui est désormais directeur délégué du groupe Radio Caraïbes International.
Évoquant sa démission le 31 mai aux Tanzmatten, il a lancé un appel en faveur de la langue et de l’avenir de France Bleu Elsass en s’adressant directement à Brigitte Klinkert et FrédéricBierry, présidents des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin présents dans la salle.
CONCERTS INTER-GÉNÉRATIONELS
L’envie des finalistes de D’Stimme de chanter en alsacien suscite en certaines circonstances des rencontres très symboliques.
Deux exemples parmi d’autres …
A commencer par Gaël Sieffert et Julien Hachemi entourant Jean-Pierre Schlagg face à la foule de la place Kleber pour chanter « E stickel Barabli » durant la tournée 2018 des Voix de la Liberté. Enregistré sur le CD des 20 ans de chansons, ce titre rend hommage à Germain Muller au Barabli sur la musique de “Quelque chose de Tennessee” de Michel Berger composé pour Johnny Hallyday.
A souligner aussi la 1ère partie assurée par Charlotte Vix, Julien Hachemi et Gaël Sieffert au Festival Clair de Nuit à Andlau début août avant les concerts de Selia et Dick Annegarn !
Les trois finalistes de D’Stimme y ont chanté en alsacien mais aussi en français, anglais et italien : ce concert vivement applaudi par la foule a bénéficié de l’accompagnement de Di Mauro Swing et de l’accordéoniste Jeannot Vix, père de la chanteuse.
EFFICACE TREMPLIN POUR CHARLOTTE VIX
« Je chante depuis toujours. Je suis en train de faite valider mes titres auprès de la SACEM et d’écrire pour un EP de 6 titres, dont deux en alsacien » confie Charlotte Vix, à l’approche de sa trentaine.
Au compteur 10 ans de conservatoire en chant, sous la houlette de Catherine Fender (technique vocale) et Catherine Bolzinger (chœur d’enfants du conservatoire) … une longue expérience avec Familly Project, groupe créé avec son père (mariage, fêtes de comités d‘entreprises, Nouvel An, Saint Valentin, restaurants, soirées privées, etc).
Employée au sein d’un foyer d’hébergement pour personne en situation de handicap, elle affirme « vivre un rêve éveillé » grâce à son 1er prix de D’Stimme 2019. Ce qui a suscité divers nouveaux contacts chez celle qui est heureuse de jouer depuis peu sur scène avec Di Mauro Swing : un groupe où joue aussi Matskat selon sa disponibilité.
Charlotte Vix participe également à « un magnifique projet : la création de « Être Ange », une troupe de comédie musicale composée de personnes en situation de handicap ».
A quand des textes d’auteurs alsaciens repris par Julien Hachemi et Gaël Sieffert ?
CHANTER WECKMANN, KATZ, VIGÉE ET LES AUTRES
Comment donner à D’Stimme un nouveau souffle ?
Car il y aurait tant à faire en faveur d’un concours enraciné dans une vraie chanson alsacienne synonyme de créativité et non pas/plus de reprise….
A commencer par mettre au centre de D’Stimme un vrai travail : écrire une chanson, maitriser la langue, développer le sens de la musique, de la ligne mélodique, des accents toniques …
Et puis créer des spectacles, des récitals construits et bien mis en scène à l’instar de « L’Ill aux trésors/D’Wunderinsel ».
Et aussi inciter Summerlied 2020 à jouer la carte d’une création régionale encore plus enracinée dans la … ou plutôt dans les langues parlées en Alsace !
Autre piste de réflexion : proposer aux candidats de mettre en musique des textes d’André Weckmann, Nathan Katz, Gaston Jung. Des noms pris au hasard ? Pas du tout, c’est la démarche de la chanteuse Isaka qui a célébré ces auteurs début août au Festival Music’In Music’Août.
A vrai dire, rien de nouveau sous le soleil !
François Brumbt chante Marie Hart, André Weckmann, Conrad Winter, Henri Mertz, etc. Nombre de chansons alsaciennes mettent en valeur des textes de Conrad Winter (Jean-Philippe Winter et le groupe D’Sonnebluem ; Isabelle Grussenmeyer), Albert et AdolpheMatthis (Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel), André Weckmann (René Eglès), Henri Mertz (Roland Engel, Isabelle Grussenmeyer) … et la liste est évidemment très loin d‘être exhaustive !
La littérature d’Alsace compte tant de textes à mettre en musique chez les classiques d’hier ou les auteurs actuels tels Jean-Christophe Meyer, Albert Strickler, Jean-Paul Klee, etc.
Le 11 septembre 2019, grâce aux Bibliothèques Idéales créées par la Librairie Kleber, Claude Vigée, Hans Arp et Tomi Ungerer étaient au coeur de la soirée « Du génie alsacien /Vum elsässische Geischt » … à l’initiative de l’association “A livre ouvert…wie ein offenes Buch” qui a porté à bout de bras ce concert-lecture aux Bibliothèques idéales à l’instar des trois années précédentes !
Entre musique, lecture et conférence, La Cité de la Musique de Strasbourg a accueilli Matskat, Bénédicte Keck, Aline Martin, Charles Fichter, Jean Lorrain, Fabrice Kieffer, Mathieu Zirn, Romain Pivard, Jean-François Untrau, la chorale Collège Baldung-Grien de Hoerdt et le Neuhof Orchestra, etc.
Les auteurs – en alsacien et en français – ne manquent pas ! Et chaque “Dichterwaj” d’Alsace est une sacrée mine pour qui cherche des textes.
On ne peut qu’encourager les artistes de la génération D’Stimme à s’aventurer sur ces sentiers des poètes qui mettent en valeur tant d’auteurs dont nombre de chanteurs et chanteuses.
DES ARTISTES EN QUÊTE DE SALLES
Certes, D’Stimme suscite des contacts et échanges entre talents de générations différentes. Mais l’avenir de la chanson alsacienne ne se limite évidemment pas aux lauréats de D’Stimme.
Le concours a fait sortir de l’anonymat plusieurs voix et elle peut donc servir de carte de visite : un constat à relativiser car D’Stimme n’a pas valeur de sésame auprès des salles de concerts d’Alsace.
Pas facile pour Gaël Sieffert, 39 ans, à trouver des dates de concerts comme lauréat de la 1ère édition de D’Stimme. Ce concours lui a permis d’enregistrer un EP de six titres en alsacien sous l’étiquette « Vostok Project » avec la parolier Christophe Voltz, son complice dans « Ich bekum a Aff », spectacle de monologues et chansons synonymes de réjouissante maitrise de l’alsacien.
Ce CD a été mis en valeur grâce au concert de la salle du Cercle de Bischheim le 26 avril 2019, soit près de deux ans après la finale. Bien, mais à part cette soirée synonyme de dédicaces pour Gaël Sieffert et Christophe Voltz, quoi de plus ?
Hélas, trois fois hélas … Aucun autre concert n’a médiatisé cet album résultant du concours lancé par France Bleu Elsass et l’OLCA. C’est dire l’impact relatif de D’Stimme sur les programmateurs en Alsace, à de rares exceptions telles la Foire Européenne de Strasbourg ou bien le Festival Clair de Lune grâce à la chanteuse-programmatrice Christel Kern.
On peut aussi citer Olivia Lams qui programme chaque année un talent d’Alsace au Cercle le de Bischheim, et évidemment Roland Engel qui organise chaque mois un concert à Hoerdt. Depuis nombre d’années, tant d’artistes d’Alsace ont été invités à chanter à l’Espace Heyler, dont Julien Hachemi en octobre 2019.
La conférence de presse du mardi 12 novembre permettra d’en savoir plus sur l’édition 2020 de ce concours ayant “pour ambition de faire découvrir au public les nouveaux talents de la chanson en alsacien et en platt” selon l’expression de l’invitation à cet événement.
Quand Marie-Anne Alizon chante, elle ne fait pas semblant.
Elle chante comme si sa vie en dépendait.
Coup de projecteur sur une voix originale qui s’exprime (trop peu) en Alsace.
Cette rage de chanter, je l’ai vivement ressentie au soir du 27 juin, au terme d’une nouvelle journée caniculaire. Alors plus que jamais bienvenue au caveau (heureusement climatisé) du Local, un bar concert du quartier de la Krutenau, rue de l’Abreuvoir à Strasbourg.
Le genre de lieu qui donne carte blanche à ces artistes indépendants qui s’affirment comme ils veulent et comme ils peuvent, loin des “grandes salles” et proche de spectateurs qu’on peut saluer, presque les yeux dans les yeux vu la proximité entre le spectateur et l’artiste.
Et ce soir-là ils seront quatre à se donner à fond entre paroles et musiques. Marie-Anne Alizon est accompagnée par trois efficaces musiciens : Mathilde Quartucci, Martin Spannagel et Foes Von Ameisedorfer.
Et c’est parti pour un concert d’un peu plus d’une heure enraciné dans une gestuelle extravertie.
Marie-Anne Alizon s’empare du micro avec détermination, le fait jongler d’une main à l’autre entre deux chansons, quand elle s’adresse au public. Quand avec du sourire dans la voix, elle donne quelques précisions – sur telle ou telle chanson qui reflète (un peu/beaucoup/passionnément) sa vie d’hier ou d’aujourd’hui entre coups de blues et coups de cœur.
Ce concert met en valeur les titres de son dernier enregistrement de quatre titres “Le joug”, “Nos corps”, “Sale temps pour les pélicans”.
Et ÉVIDEMMENT sa chanson-fétiche, cette fameuse “Reine Marteau” à laquelle elle s’identifie entre cris et murmures.
ASSURÉMENT une de ces chansons à fleur de peau qui vous secoue. C’est comme si Marie-Anne Alizon allait chercher au fond de soi des zones d’ombres qu’on a envie et besoin d’éclairer un peu. Histoire d’en atténuer un peu l’impact en la racontant.
En la voyant chanter, bouger, se démener ainsi dans le Local de Strasbourg, on sent bien qu’on ‘na pas seulement affaire à une femme qui chante.
Elle a besoin de dire haut et fort (et avec talent) ce qu’elle a sur le cœur. D’accord, et elle a aussi envie de ne pas attirer toute la couverture à elle.
Et la voilà qui passe le flambeau à Mathilde Quartucci pour qu’à son tour, la musicienne devienne chanteuse et offre une chanson de son nouvel album de 7 titres aux accents rock. Encore un album qui a pu sortir grâce au financement participatif et qui gagne à être connu…
Et puis ça continue de plus belle. Marie-Anne Alizon ne se contente pas de saluer chaleureusement deux amies artistes présentes dans l’assistance.
Elle va les inviter, à tour de rôle, à venir au micro.
Et voilà comment la soirée s’enrichit des interventions d’Anne Huber et d’Alexia Walter.
Et c’est pas fini !
Le temps de quelques chansons, son batteur droitier se lève pour céder la place à un autre batteur, gaucher celui-ci.
Et Marie-Anne Alizon le connait (très) bien, c’est son fils Geoffroy Sourp … par ailleurs découvert en pleine action dans la salle de réception de l’Hôtel de Ville de Strasbourg et entendu en même temps en direct sur France-Inter dans l’émission “Par Jupiter”. C’était le 8 décembre 2018 avec ses deux compères Victor Sbrovazzo (chant, harmonica, guitare) et le bassiste Adam Lanfrey à la basse. du trio de “heavy bues” Dirty Deep.
CHANSONS FRANÇAISES SURVITAMINÉES
Reste le souvenir d’une énergique soirée musicale et d’une complicité féminine dépassant le cadre de la chanson : un concert regorgeant de chansons survitaminées interprétées dans une langue française synonyme de frissons, d’émotion.
De nostalgie aussi quand l’auteure-compositrice-interprète s’embarque avec douceur et conviction dans la vie de “Garance”, dans l’évocation du Quai des Brumes, dans le souvenir de son inoubliable “atmosphère” immortalisée par Arletty.
ARTISTE DE TERRAIN DÉTERMINÉE ET INDÉPENDANTE
Les mots, elle connait bien …
Il est vrai que Marie-Anne Alizon n’est pas seulement une artiste au répertoire évoluant entre chanson française, pop, jazz et évidemment rock. Elle est aussi également comédienne, poète et romancière.
Et on aimerait bien que cet EP de quatre titres annonce la préparation d’un “vrai” album.
Oui, je sais bien, pas évident question finances surtout quand on est une “artiste de terrain” comme elle aime à se définir. Elle en a d’ailleurs parlé en quelques mots et en toute décontraction au Local : cette existence de “chanteuse indépendante” – loin des majors et d’une médiatisation d’envergure nationale – c’est … comme dire ? Sans doute une leçon de vie et de remise en question permanente.
Pas question de se couler dans un moule, de chanter des textes qui ne font pas vibrer. En témoigne sa rencontre, sa conversation avec Maurane décédée à 48 ans. Et dont elle reprend “Tout pour un seul homme” comme si ce titre avait toujours fait partie de son répertoire.
Marie-Anne Alizon chantera dimanche 7 juillet à 18 heures à Paris.