“ROCK SAKAY” CHEZ GALLIMARD : UNE ODYSSÉE DÉGLINGUÉE SIGNÉE EMMANUEL GENVRIN

En attendant de finir de lire et de vous parler de “Rock Sakay”, premier roman d’Emmanuel Genvrin revu en juillet dernier à l’île de la Réunion, voici un efficace coup de projecteur de Geoffroy Géraud Legros et Nathalie Valentine Legros.

Leur texte abondamment illustré est mis en valeur sur 7LAMESLAMER , site partenaire de planetefrancophone.fr que ces deux amis journalistes réunionnais ont lancé pour parler des “réalités émergentes de la Réunion, de l’Océan Indien et du Monde”.

« Rock Sakay », c’est une course aux allures initiatiques, sur les traces d’une chimère appelée Janis.

« Rock Sakay », c’est le premier roman d’Emmanuel Genvrin, déglingué et poétique. « 7 Lames la Mer » aime !

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“Femme brossant ses cheveux”, par Wladyslaw Slewinski, 1897

Ensorcelante et monstrueuse. Telle est Janis, femme sortie tout droit de « Rock Sakay ».

Premier roman d’Emmanuel Genvrin — créateur du théâtre Vollard, auteur de nombreuses pièces et d’opéras —, « Rock Sakay », publié chez Gallimard, a partagé la fameuse « rentrée littéraire » française [1] avec 559 autres nouveautés [2].

À lire aussi : « Kanyar exquis ! »

Avant de plonger dans le chaudron romanesque, Emmanuel Genvrin s’est essayé à l’exercice exigeant de la nouvelle, publiant régulièrement dans la revue littéraire « Kanyar », éditée par le regretté André Pangrani. Autant de récits où « Rock Sakay » pointe déjà — peut-être, d’ailleurs, à l’insu de l’auteur.

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Jean-Luc Trulès (debout), musicien, compositeur, chanteur, acteur… et Emmanuel Genvrin, auteur du roman “Rock Sakay”, créateur du théâtre Vollard.

Jalon de la re-naissance de Genvrin qui, pas moins « gazé » que ses personnages, s’est mis en tête de donner à La Réunion un complet répertoire d’Opéra, « Rock Sakay » accouche de l’héroïne qui manquait au Panthéon, singulièrement dépeuplé, des figures de notre littérature : Janis.

De la beauté truculente à la silhouette diaphane, « Janis-femme » incarne l’hybris, la jubilation, la superficialité, la déraison ; l’affirmation de sa réalité et la « régression-résignation » animale et vertigineuse ; le Maître et l’Esclave, dirait un hégélien, dans la même personne.

« Il franchirent la porte de derrière. Il y avait une petite cour et un boucan — la cuisine en plein air des créoles — et, au fond, un parc cochon. L’homme sortit de sa poche un trousseau qu’il tendit à Jimi »…
(Page 122)
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Fantasque, tumultueuse. Envahissante, évanescente ; absente. Dévoreuse, amante : Janis hante ce roman de son urgence haletante.

Dès les premières pages et jusqu’à la dernière, elle est là, partout, même et surtout lorsqu’elle n’est pas là…

Le lecteur, dans sa nuit, tourne les pages du livre pour retrouver sa trace dans le dédale de la capitale malgache ou à travers la brumeuse campagne française.

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Démerde, dérives, gangs… « Rock Sakay » n’est pas un lagon pacifique. Les Tropiques de Genvrin sont aux antipodes des tristes topiques de l’imagerie touristique ; « Rock Sakay », éclaire le versant hardcore et « Kung Fu » et révèle les subtils et invisibles transferts d’exotisme entre les trottoirs de Paris, le foyer Sonacotra et les châteaux provinciaux…

Le rythme est vif ; il n’en délivre pas moins le spleen qui accompagne l’œuvre de l’auteur de la pièce de théâtre « Baudelaire au Paradis ».

« Pas de temps à perdre »… L’écrivain est pressé, comme son personnage Jimi : vite, vite, vivre et retrouver Janis. Vite, l’aimer. Encore. Et s’en défaire. Vite, s’enfuir. Vivre pour la retrouver. Pour la sauver. Vite, vivre et l’oublier.

« Il était 15 heures. Pas de temps à perdre. Une grosse averse avait provoqué des inondations. Le ciel était encore lourd de nuages et les trottoirs étaient boueux. Inutile de héler un taxi, les tarifs de Tana étaient prohibitifs. Avec la pénurie d’essence, on payait d’avance et les chauffeurs remplissaient des petites bouteilles aux stations ».
(Page 47)
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Cimetière des pirates sur l’île Sainte-Marie (Madagascar). Photo : Antony.

L’écriture d’Emmanuel Genvrin, savamment dépouillée, affutée, projette des images directes et entêtantes, souvent empreintes d’une forte charge poétique.

Comme dans cette scène…

« En quittant les lieux, Jimi se retourna : Janis se tenait debout sur les marches, immobile, les bras ballants, les cheveux rouges au vent. Son front était plissé, son regard était d’une tristesse infinie ».
(Page 173)

Avant cette description, Janis était le feu, la pluie, la boue, l’amour.

Ainsi tombe-t-on sous l’emprise de cette héroïne, fêlée, qui nous convie à contempler sa chute, irrésistible.

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Emmanuel Genvrin à la Sakay

Signe d’un roman d’aventures réussi : on voudrait protéger Janis, l’arracher à ses turpitudes, la sauver d’elle même. La ramener à son commencement, à son innocence, alors même qu’on acquiert la certitude de sa déchéance.

On souffle lorsque Janis disparaît du champ de lecture.… Mais déjà, elle nous manque ; déjà on est en manque.

Et l’on voudrait que les permanents aller-retours de Jimi qui rythment ce roman entre La Réunion, La France et Madagascar, la remettent sur notre chemin de lecture.

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Source : vollard.com

Le personnage de Janis confirme l’attrait de l’auteur pour les caractères féminins hors orbite sociale ; et son talent à les mettre en scène, à les sublimer. Pour finalement les ramener à leur condition initiale.

On se souvient par exemple de cette cantatrice extravagante et si émouvante, figure centrale — et cataclysmique — de la nouvelle « Tropic Salomé » [3], écrite en 2015 par Emmanuel Genvrin et publiée dans la renue « Kanyar ».

À lire aussi : « La cantatrice, l’amant et le mari »

Arborant le pseudonyme d’Irena Sbovska, la cantatrice « sur le retour » n’est en fait qu’une Mireille Gomez comme Janis est une Henriette Boyer.

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“Rock Sakay” et deux numéros de la revue “Kanyar”. ©7LLM.

« Rock Sakay », c’est une histoire d’amour, une histoire actuelle et déglinguée qui nous renvoie aux grandes tragédies classiques.

« Rock Sakay », c’est un road-book comme il y a des road-movies : poussière rouge, rencontres, errances, galères, drames… Départs et éternels retours.

Mais Janis n’est pas le personnage principal de « Rock Sakay ». Non. Le héros avec sa guitare, c’est Jimi (enfin… Francius). On ne vous en dira pas plus : prenez, et lisez.

« Jimi retourna en stop à la Pointe-au-Sel. De loin, il vit que la villa était fermée, volets clos, terrasse abandonnée. la petite plage était déserte, à part un chien jaune endormi et la silhouette d’un pêcheur sur un rocher ».
(Page 143)

Nathalie Valentine Legros et Geoffroy Géraud Legros

Notes

[1La « rentrée littéraire », au mois de septembre est une spécificité française.

[2En 2010, 711 livres ont été publiés à l’occasion de la rentrée littéraire.

[3« Tropic Salomé » est une nouvelle écrite par Emmanuel Genvrin et publiée dans la revue littéraire « Kanyar » N°4, page 7, février 2015. La revue « Kanyar » a été créée par André Pangrani, mort le 31 juillet 2016 à Moscou.

 

“CHANSONS EN CHAUSSONS” : STÉPHANE CÔTÉ, ARTISAN QUÉBÉCOIS DÉTERMINÉ

Une vingtaine de titres offerts en près d’une heure et demie à près d’une quarantaine de personnes, quelques anecdotes de papa-chanteur, une exceptionnelle qualité d’écoute, un de ces rappels qui vous donnent la chair de poule …

Et puis après le concert de quoi boire et manger salé-sucré à volonté ! Les spectateurs si attentifs sont aussi de gros pourvoyeurs de boissons alcoolisées ou non, de gâteaux, de cannelés, de charcuterie, de fromages, de tartes, et la liste est loin d’être exhaustive !

Retour sur la dernière édition de “Chansons en chaussons” : ma 3ème soirée québécoise sous la véranda de Luc et Sylvie Renaud à Beaucourt.

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Beaucourt, Territoire de Belfort, non loin de la Suisse …

 

Oui, quel privilège de vivre cette nouvelle édition de “Chansons en chaussons” !

Après les concerts de Geneviève Morissette et puis Moran accompagné par Thomas Carbou, place à un autre univers québécois.

Stéphane Côté ? Un de mes artistes québécois préférés, comme déjà dit et répété ici et là tant pour son répertoire que ses qualités humaines, son bon sens, un certain art de vivre et puis aussi des valeurs qui surgissent ici et là au gré des refrains.

 

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En attendant le début du concert, on découvre la revue Hexagone et le nouveau livre de Fred Hidalgo

 Plantons d’abord de l’ambiance.

Nous sommes mardi 18 octobre au domicile des Renaud. Il est presque 19h45 et on attend les inévitables retardataires.  

Mais tout va bien, personne n’est stressé.

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L’artiste peintre suisse Roland Schaller prêt pour le concert …

 

On prend le temps de bavarder, de faire connaissance, de découvrir “La mémoire qui chante”, le nouveau livre de Fred Hidalgo dédicacé par l’auteur aux hôtes de ce soir … de feuilleter Hexagone, la nouvelle revue lancée par David Desremaux et une poignée de passionnés aussi talentueux qu’audacieux vu la situation de la presse écrite et notamment de la presse spécialisée.

 

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Amis de la chanson bonsoir ! Je vous présente le nouveau trimestriel Hexagone

 Bon, ça y est, tout le monde est en place.

Luc Renaud s’avance, avec en main le 1er numéro de Hexagone, qu’il va présenter à l’auditoire en évoquant aussi le souvenir du trimestriel Chorus, ajoutant avant que des bulletins d’abonnements sont à disposition.

Le temps d’indiquer que ce nouveau trimestriel publie entre autres un article sur Melissmell programmé le 4 novembre novembre à la Maison pour Tous/ Foyer Georges Brassens à Beaucourt. Assurément un haut-lieu de la chanson qui vient d’entamer sa 40ème saison, sous la présidence de Luc Renaud.

 

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Bon, voyons un peu à quoi ressemble cette nouvelle revue Hexagone…

 

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Le nouveau livre de Fred Hidalgo ? Ah ben ça alors ! 664 pages, 84 chapitres plus un avant-propos, prologue et même un épilogue et des annexes !

 

 “JE NE M’ATTENDAIS PAS A UN ENDROIT AUSSI CHOUETTE”

Un mot encore de Luc de saluer la présence l’artiste peintre suisse Roland Schaller venu à Beaucourt comme ami … et chauffeur de Stéphane Côté.

Et c’est parti pour un voyage signé Stéphane Côté qui entame le concert avec “Semaine”, un des titres de l’album “Le cirque du temps”.

Le temps de saluer l’assistance : “Je suis content d’être ici à travers cette petite tournée en Suisse et de faire une incursion en France. Ça me fait beaucoup plaisir … je ne m’attendais pas à un endroit aussi chouette, à voir une si belle gang aussi remplie que ça ici ce soir “.

… et c’est reparti avec “Ballon d’héliHomme”puis “Des nouvelles”! Soit en tout près d’une vingtaine de chansons extraites de ses quatre albums parus en un coffret de 48 titres sorti en 2014.

 

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Une vingtaine de chansons face à un public TRÈS attentif

 

TORCHONS, GUENILLES ET NOMS PERDUS

Seul à la guitare, à la fois très concentré et en même temps très décontracté, l’auteur-compositeur-interprète québécois colore Beaucourt avec des couleurs aux diverses facettes : parfois gris-clair, jamais tout à fait rose ni entièrement noir.

Chansons teintées d’amour et de bonheur, de souvenirs aussi (“Les noms perdus”) … de remises en question aussi, parfois inspirés d’expressions québécoises pleine de bon sens comme “Fais toi en pas mon p’tit gars, chaque torchon finit toujours pas trouver sa guenille”. De quoi inspirer son célèbre “Torchon” extrait du 1er album sorti en 2001 “Rue des balivernes”

Ici chaque mot est ciselé avec soin. Pas de verbiage ni de laconisme exacerbé non plus. Juste des mots simples et intenses, qui racontent nos vies entre errances et espoirs, mélancolie et coups de soleil. Des textes sans effets larmoyants pour susciter une artificielle émotion.

 

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Et voilà comment ça s’est passé avec mon jeune fils au parc …

 

PAPA-CHANTEUR AUX ANECDOTES DRÔLES ET ÉMOUVANTES

Cette simplicité, elle jaillit ici et là on ne s’y attend pas, notamment dans l’évocation d’anecdotes familiale qui suscitent sourire et rire. Et aussi émotion : “Papa je ne pleure pas parce que j’ai de la peine, je pleure parce que j’ai de la joie” : réaction de sa fille un soir après lui avoir chanté, à sa demande, “Rouge, Rose”, chanson inspirée par les couleurs préférées de son enfant.

Changement de style pour “Tu dis”, la chanson inspirée par son fils aux surprenantes expressions : “”Il faudrait déchauffer la soupe”, J’ai failli dérouler l’escalier”, “Je te trouve très photo-hygiénique, ” “Regarde, papa, le monsieur se fait pleurer les yeux”.

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PAS ASSEZ CONNU AU QUÉBEC, DE PLUS EN PLUS APPRÉCIÉ EN EUROPE

Évidemment, les chansons de Stéphane Côté ne vous entraîneront pas sur les pistes de danse à grands coups de synthétiseurs et autres rythmiques débridées.

Alors, bien sûr, quand on revendique d’être un artisan à tous les sens du terme, on n’est pas certain de retenir l’attention des grands médias de son pays.

Car il faut bien le reconnaître, artisan dans l’écriture de ses chansons, il l’est aussi dans la réalisation de ses albums introuvables dans les grands circuits de distribution.

Et si ce concert à domicile a lieu en ce mois d’octobre Beaucourt, c’est grâce à une série de passerelles tant amicales qu’artistiques tissées au-delà des continents entre Manon Gagnon, créatrice de Notre Sentier Production et Gestion Evénementielle, et Luc et Sylvie Renaud.

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Longue vie à chacun de vous et bonne fin de soirée !

 

 UN DERNIER “RENDEZ-VOUS” ET “LONGUE VIE A CHACUN DE VOUS”

Voici une quinzaine d’années que Stéphane Côté chante régulièrement en France, Suisse et Belgique comme il l’a rappelé entre deux titres de ce concert également marqué par “Il neige”, juste avant un éclatant rappel …. pour un dernier “Rendez-vous”  achevé en beauté dans un remarquable silence du public enthousiaste par la dernière chanson de la soirée, “Longue vie”.

Tonnerre d’applaudissements avant que les chaises ne soient pas rangées pour partager le verre de l’amitié.

Le temps aussi pour Stéphane Côté de dédicacer des albums, de discuter à bâtons rompus avec plusieurs personnes, de poser guitare à main en compagnie de telle ou telle personne.

 

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Et je vous le dédicace pour qui ?

 

Retrouver Stéphane Côté et Roland Schaller aura été une grande joie. Une belle occasion également d’évoquer hier, aujourd’hui et SURTOUT demain, entre projet discographique de l’un et prochaines expositions de l’autre.

De prendre le temps de parler en toute franchise de l’alarmante situation d’une certaine chanson québécoise de plus en plus oubliée, ignorée, méprisée des “grands médias”.

Mais pas question de baisser les bras, Stéphane Côté est du genre artisan déterminé. Sans aucun doute un obstiné coureur de fond dans ce monde de la chanson au fonctionnement humain et financier de plus en plus déroutant, inquiétant.

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Le temps des photos pour amateurs de chansons en quête de souvenirs

 D’où l’importance plus vitale que jamais de ce que j’appelle ces indispensables lieux de résistance face à la mondialisation et la con-sommation… comme ces concerts sous la véranda de Beaucourt qui a jusqu’à présent également accueilli le groupe Yules, les Soeurs Boulay et Eric Frasiak.

Prochaine date, lundi 13 mars avec un autre talent québécois: Benoît Paradis Trio, “entre chanson, jazz et humour” comme indiqué avec enthousiasme par Luc Renaud.

TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

 

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Stéphane Côté entouré par Roland Schaller et Albert Weber

 A lire aussi ICI l’entretien de Stéphane Côté ouvert réalisé en septembre 2013 à Paris à l’occasion de ses trois concerts à l’Essaïon

Site de Stéphane Côté

Site de Roland Schaller

Site de la Maison pour Tous/ Foyer Georges Brassens de Beaucourt

 

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Rencontre internationale avec le Suisse Roland Schaller, le Québécois Stéphane Côté et le Français Luc Renaud

 

CLAUDE VALLIERES-JOFROI : SOIRÉE FRANCOPHONE AU PETIT THÉÂTRE DE QUÉBEC

Coup de projecteur sur deux concerts de Jofroi et Claude Vallières accueillis les 4 et 5 novembre 2016 par le Petit Théâtre de Québec, dans la ville de Québec.

Mis sur pied par Manon Gagnon sous l’égide de Notre Sentier Production, ce double événement a suscité un article de Richard Baillargeon.

Cet authentique passionné de chansons français est également auteur d’un livre que je vous recommande sans hésitation : 401 petits et grands chefs-d’oeuvre de la chanson et de la musique québécoises.

 

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Un programme double, qu’est-ce qu’on en dit ?
– Claude Vallières et Jofroi à Québec -

C’est un peu pour répondre à cette interrogation de Sylvain Lelièvre que je suis allé à la rencontre de deux «hommes qui chantent» en fin de semaine dernière.

Le Petit théâtre de Québec, sympathique salle nouvellement ouverte rue St-Vallier ouest, à l’entrée du quartier St-Sauveur de notre Capitale, accueillait Claude Vallières – un gars du voisinage – et Jofroi, de Cabiac un petit village occitan du Gard.

Ces deux artisans des mots composent et livrent leurs propos un peu à la façon des troubadours, sans décor, armés d’une simple guitare, comme on le faisait encore il y a quelques décennies.

Pour les gens du Québec, l’image évoquée est celle de la boîte à chanson typique. Pas qu’on y soit nostalgique: les relations humaines, le travail, la paternité, les recettes de cuisine… sont toujours d’actualité. Il est simplement relaxant d’en parler, et d’en entendre parler directement, sans les artifices qui accompagnent souvent les rimeurs contemporains.

 

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 Du reste chacun des personnages invités a sa façon propre et distincte de présenter ses observations et ses réflexions à la ronde.

Claude Vallières a le profil de l’artiste polyvalent qui revient toujours à la chanson, et de plus en plus sérieusement depuis le début du siècle alors qu’il s’est joint au groupe a capella La Bande magnétik, puis grave un premier album solo “Souffle” en 2011.

De son expérience ‘akapelliste’ il a gardé le goût des sonorités libres, pour la simple beauté des sons. Pensons à «…Célakifaukalaye» ou à “Rosa rosit”.

C’est aussi un tendre qui se demande “Combien d’enfants s’ennuient” et n’a que de bons mots pour sa “Grande chum”.

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Jofroi n’est pas inconnu à Québec, par les bons soins notamment du vieux routier Pierre Jobin ou de la jeune maison de production Notre Sentier qui a justement initié les deux soirées des 4 et 5 novembre au Petit théâtre.

Dès son entrée sur scène, on ressent la douce assurance du gars qui en a vu beaucoup et qui n’en apprécie pas moins la nature humaine. Son récital intitulé «Bonjour les humains!» a quelque chose de stimulant malgré certains constats plutôt pénibles.

Comment expliquer en effet qu’après l’écoute de “Si ce n’était manque d’amour”, “Petit père” ou “Dire qu’on a marché sur la lune” on ait tout de même envie de répandre un peu de beauté alentour. À la veille d’un scrutin étrange, on se remémore soudain un «Yes, we can».

Il y a un mot pour ça: le charisme. Et Jofroi n’en manque pas !

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Texte Richard Baillargeon

Photos Isabelle Howard

“MERCI AU PETIT THÉÂTRE DE QUÉBEC D’AVOIR REÇU

DANS CE LIEU MAGNIFIQUE LA CHANSON D’AUTEUR”

 Suite à ces deux concerts, voici la réaction de Manon Gagnon parue sur sa page Facebook et reproduite ici dans son intégralité.

« …La chanson dite marginale, car les sentiers de buissons et d’épines ont des cheminements profonds que l’autoroute ignore. »

(Extrait d’une dédicace de Claude Nougaro à Fred Hidalgo pour les 10 ans de Paroles & Musique en 1991.)

L’industrie musicale est difficilement accessible aux artistes de la chanson vivante. Celle-ci mérite pourtant d’être reconnue à sa juste valeur, ayant un rôle primordial à jouer dans la préservation et le développement de la langue française.

Je suis d’une grande reconnaissance envers les artistes Claude Vallières et Jofroi qui ont offert des prestations de grande qualité. Ils ont coloré de poésie et réchauffé notre mois de novembre.

Je remercie Stéphane-Antoine Comtois et Isabelle Howard du Petit Théâtre de Québec d’avoir reçu dans ce lieu magnifique la chanson d’auteur. Merci à votre soutien et accueil chaleureux. Les lieux accueillants la chanson d’auteur étant si rares.

Je remercie Paulette Dufour Communications, Denys Lelièvre de CKRL, Tanya Beaumont de CKRL, Christine Borello de CKIA, Richard Baillargeon de Québec Info Musique, Albert Weber de Planète Francophone, Klody Tremblay, Martin Lavoie & Ginette Dulac d’Espace Martin-Lavoie, Michel Leclerc de la Maison des Leclerc…

Je remercie les amoureux de la Chanson, les curieux, les esprits ouverts, les amoureux de la langue française, les passionnés de la poésie, les artistes soutenant leurs collègues artistes, mes amies et amis, etc”.

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Retrouvailles d’après-concert. Photo Klody Trembaly

 Site de Jofroi

Site de Claude Vallières

Site du Petit Théâtre de Québec

ARTHÉ-CAFÉ : ERIC FRASIAK FAIT MONTER LA TEMPÉRATURE DU “SOLEIL” EN AUVERGNE

C’est fait !  “Sous mon chapeau”, le nouvel album de l’auteur-compositeur-interprète Eric Frasiak vient (enfin) de sortir en ce mois de novembre 2016.

Une quinzaine de musiciens et choristes a participé à ce nouvel opus de 15 chansons, dont une en duo avec Jérémie Bossone, enregistré au Crocodile Studio de Bar le Duc. Et comme dans les deux derniers albums, Frasiak reprend, dans un arrangement original, une chanson emblématique de Léo Ferré : “La solitude”.

En attendant de vous présenter cet album, voici un article de Henry Tilly consacré à un des récents concerts frasiakiens”, celui du 6 novembre 2016.

 

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 Dans les Montagnes d’Auvergne, au lieu-dit Sauterre, à une poignée de kilomètres de Riom, sur la D 50, se niche un gîte chaleureux doublé d’un café-concert, “Le Soleil” alias « l’Arthé-Café » dont le renom grossit d’année en année.

Rien d’étonnant quand on voit la collection impressionnante d’affiches dédicacées  des artistes invités qui y passent et, pour certains, repassent au fil du temps. Le moins que l’on puisse en dire, c’est qu’il y a “du beau linge.

Un couple exceptionnel, connu et reconnu dans les festivals comme Barjac et quelques autres, règne sur les lieux. Il a tricoté une ambiance d’accueil et de complicité chaleureuse, tant avec le public, souvent constitué de « connaisseurs » fidélisés, qu’avec les artistes qui, de leur côté, retrouvent ici certains de leurs fans que les kilomètres n’effraient pas et rencontrent aussi un public nouveau.

DÉMARCHE MILITANTE AU SERVICE DE LA “CHANSON FRANCOPHONE”

Maï et Marc Usclade (en photo ci-dessus avec Frasiak) sont manifestement dans une démarche militante au service de la “chanson francophone”. Et ils portent à bout de bras, avec une compétence et une énergie remarquables, ce “temple” de la “chanson de proximité”, comme dirait notre ami Michel Trihoreau.

Ce soir, dimanche 6 novembre, l’invité c’est Frasiak. LE Eric Frasiak, cet auteur-compositeur-interprète Lorrain que j’ai découvert à St-Pierre et Miquelon, en 2011, aux “Déferlantes Atlantiques.

Il m’y a tout bonnement “estomaqué” d’emblée par la qualité de ses textes et de ses compositions mais aussi par sa présence scénique et l’homogénéité donc l’authenticité qui émane de l’homme et de ses chansons. Chacune raconte une histoire et, à l’instar de ceux qui ont été ses Maîtres, François Béranger ou Léo Ferré, chaque histoire peut être un coup de cœur ou un coup de dent.

Rien qui éructe ou vocifère mais bien au contraire, tout témoigne d’un esprit éclairé qui porte sur le monde et les hommes un regard parfois moqueur, ironique, voire satirique, au besoin mordant parce que lucide mais aussi et souvent tendre, fraternel, ce regard qui se traduit dans ses textes par un humanisme sincère, authentique mais sans ostentation, sans surcharges, ce qui le rend hautement crédible et potentiellement contagieux.

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La jeune génération gagnée par chanson française ?

 

UNE PRÉSENCE SCÉNIQUE EXCEPTIONNELLE

Hé oui ! C’est tout cela Eric Frasiak, F.R.A.S.I.A.K. donc avec un S et “surtout pas de Z à mon nom !… sinon je vous frite”.

Je l’ai donc découvert en concerts à St-Pierre puis à Miquelon, en solo guitare où j’ai pu remarquer, à l’occasion, (cf. chroniques “Déferlantes Atlantiques” sur www.francomag.com), que derrière l’auteur de talent se cachait un musicien solide. Doté, de surcroît, d’une présence scénique exceptionnelle qui n’est sans doute pas pour rien dans la contagiosité de son humanisme.

Dans le même temps, j’ai découvert l’album “Parlons-nous” sorti en 2009, album où Eric est entouré d’une formation très étoffée de solides musiciens travaillant sur ses arrangements.

Les superbes chansons de cet album, rehaussées, de plus, par cette orchestration, présentaient, chacune, toutes les qualités pour devenir des “tubes” comme on dit dans le monde du “show bizz”.

Mais ce monde-là précisément n’aime pas que le grand public accède à autre chose que ce qui sort de ses “élevages en batterie”. Et c’est bien pour cela qu’il se protège en “phagocytant” toute la télévision et toutes les radios, ne concédant, non sans réticence, quelques molécules de liberté de programmation qu’à quelques radios locales FM.

Philippe Meyer, sur France Inter, dans la seule vraie émission subsistant encore, dédiée à la vraie chanson francophone, a bien programmé deux chansons de Frasiak. Mais ça ne se reproduira plus ; son émission est supprimée. Ah mais !…

Donc, place aux “play-lists” concoctées par des programmateurs, beaucoup plus soucieux des intérêts des “poulaillers d’acajou” que de la valeur artistique des “œufs” pondus par les volailles de l’élevage, fabriquant de toutes pièces des “hits parades”, comme autant de référendums pipés, trichant effrontément avec la loi sur les quotas en considérant comme francophone une chanson en anglais pourvu qu’elle soit chantée par un français.

Ainsi, par cette acrobatie, David Guetta entre tranquillement dans le quota de la chanson francophone !!!!….et ce n’est qu’un exemple…

 CETTE CHANSON-LÀ S’EXPRIMERA TOUJOURS, AU BESOIN, DANS DES LIEUX CONFIDENTIELS VOIRE CLANDESTINS

Mais ne nous laissons pas emporter par la colère au risque de nous éloigner du sujet de ce soir.

De toute façon, comme l’explique fort bien Michel Trihoreau dans son ouvrage “La Chanson de Proximité” (Éditions l’Harmattan), cette vraie, cette belle chanson que nous aimons tant, à toutes époques, celle qui dit notre vie, nos joies, nos peines, nos révoltes, qui défie les “pouvoirs”, les raille, les fustige, crie à tous instants notre soif de liberté, à commencer par la liberté de pensée et d’expression, cette chanson-là s’exprimera toujours, au besoin dans des lieux confidentiels, voire clandestins.

L’histoire, fort bien exposée par M. Trihoreau, le prouve et, pour ainsi dire chassée des grands médias audio-visuels pour faire place à des “spécialistes” autoproclamés et à leurs protégés-obligés, cette chanson, cette poésie, chantée ou non, se retrouve dans des lieux plus modestes …

Mais beaucoup plus chaleureux que la télé ou les grandes salles, des lieux, aussi, beaucoup plus propices aux rencontres et échanges entre artistes et public, des lieux où, presqu’immanquablement, après le spectacle, on va, comme à l’Arthé-Café, comme dans un “Chant’Appart », casser la croûte ensemble et amorcer une “3ème mi-temps”.

Mais n’allons pas trop vite.

Ce soir, Eric, en plus de quelques chansons issues des opus précédents, nous présente un florilège de ses nouveaux titres  que nous pourrons réentendre dans le prochain album, “Sous mon Chapeau”.

Encore un chapelet de perles rares que l’on n’est pas prêts d’oublier. Des textes ciselés, précis, saisissants, pénétrants, et toujours portés par un écrin mélodique joliment cousu main.

 

Certains artistes, même parmi les meilleurs, peuvent donner un vague sentiment de monotonie tant reviennent trop régulièrement les mêmes thèmes ou des mélodies trop semblables.

Chez Frasiak, pas de risque. Chaque chanson dessine un tableau complètement différent et les mélodies sont toutes originales et colorées de genres musicaux très variés et d’arrangements superbes.

Eric ne se jette jamais sur l’actualité pour surfer sur le “buzz”.

Même quand celle-ci l’émeut au plus haut point, il prend du recul et elle n’apparaît dans son œuvre qu’avec un certain décalage.

Chez lui pas de débordements, de hurlements, de pathos. Il n’est pas dans la “posture” et son message, car c’en est un, n’est jamais une proclamation ou un mot d’ordre.

 Eric pourrait légitimement se revendiquer “héritier” de son “Maître à chanter” François Béranger, tout comme ce dernier était naturellement un héritier de son si cher Félix Leclerc.

Et quand il entonne cet hommage à ce maître qui a nourri toute son adolescence, l’émotion nous serre irrésistiblement la gorge car, comme dans toutes ses chansons et dans celle-ci plus encore, on ne peut plus douter de l’authenticité de l’homme et de la force des sentiments qui l’habitent.

 

 AVEC LA COMPLICITÉ DE l’EXCELLENT GUITARISTE JEAN-PIERRE FARA

Vous l’aurez compris, avec cet artiste-là, si la “dégustation” d’un album est un moment de plaisir intense, un concert est nécessairement un énorme moment de bonheur.

Frasiak, outre la qualité et la profondeur de ses chansons, est aussi , sans exubérance, un véritable homme de scène, rempli d’humour et jouant admirablement, dans ce registre aussi, avec la complicité de son excellent guitariste, le fidèle Jean-Pierre Fara qu’Eric, guitariste lui-même, présente comme son “bras droit”. C’est bien ainsi qu’on peut le voir mais pour le régal de tous, un bras droit équipé d’une fabuleuse main gauche.

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Le bras droit et sa superbe main gauche

 

A ce stade, une visite s’impose ICI SUR SON SITE.

Ces artiste-là sont généreux et nous ont gratifiés d’un concert de deux heures (hors entracte). Deux heures que nous n’avons pas vu passer, faut-il le dire et pendant ce temps, la montagne d’Auvergne nous tricotait la surprise de saison.

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Arthe-Cafe ou cabane à sucre ? Eric Frasiak ou bucheron canadien ?

 

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Puisqu’on vous dit que c’est “Le Soleil” !

 A la sortie, on se serait cru dans les Laurentides, au Canada. Tout était blanc, bien blanc et l’Arthé-Café avait l’air d’une “cabane à sucre” dans ce décor.

Ceux qui n’habitaient pas trop loin sont partis après la “soupe”.

Les plus éloignés, dont nous, sont restés dîner et dormir au gîte, non sans avoir, avec Eric et Jean-Pierre, sacrifié jusque bien tard, à la ” 3ème mi-temps” en chansons.

 TEXTE HENRY TILLY

PHOTOS FRANÇOISE TILLY

A DÉCOUVRIR LES ÉMISSIONS “LA CHANSON DANS TOUS SES ÉTATS”

ANIMÉES PAR HENRY TILLY SUR RMB À MONTLUÇON

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3ème mi-temps. De gauche à droite Henry Tilly, Jean-Pierre Fara, Eric Frasiak et des amis naufragés de la neige

 

 

 

“JEAN-JACQUES GOLDMAN CONFIDENTIEL” : EN TOUTE AMITIÉ AVEC FRED HIDALGO

“C’est l’histoire d’un des artistes les plus humainement et définitivement respectables que j’aurai rencontrés en quarante-cinq ans de journalisme.

L’un de ceux qui, loin de vous faire regretter d’avoir dédié la plus grande partie de votre vie à défendre et illustrer cette petite chose si “futile”, justifient non pas seulement “quinze ans d’amour” – comme l’avait confié Brel, le dernier soir de ses adieux, au public de l’Olympia – mais en l’occurrence au moins le double…”

Signée Fred Hidalgo, cette affirmation en dit long sur l’esprit dans lequel a été rédigé JEAN-JACQUES GOLDMAN CONFIDENTIEL.

Coup de projecteur sur un livre UNIQUE dans l’histoire de la chanson française.

Encore une bio sur un des artistes majeurs de l’espace francophone ? Assurément oui mais … BIEN PLUS ENCORE car ce livre résulte d’une amitié aussi discrète que durable entre Fred Hidalgo et Jean-Jacques Goldman. Assurément un ouvrage de référence !

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Impossible évidemment pour Fred Hidalgo de publier une de ces (trop nombreuses) biographies aux allures de puzzle compilant de manière souvent maladroite tout ce qui a été écrit sur JJG. C’est pourtant le lot de tant de livres parus ces dernières années sur le créateur de “La vie par procuration”, non ?

Avant de plonger dans ce document de 572 pages – illustré par un cahier photos de 16 pages dont la plupart signées Francis Vernhet – une mise en garde s’impose de toute urgence : oubliez donc TOUT ce que vous avez déjà lu, entendu ou vu à la télé sur JJG.

Et puis plongez sans hésitation dans ce récit à deux volets. Oui, car ce livre ne se résume pas à l’histoire de JJG mais englobe aussi nombre d’événements liés à Paroles et Musique, “le mensuel de la chanson vivante” et au trimestriel Chorus, les cahiers de la chanson, deux des publications créées par Fred et Mauricette Hidalgo. 

Ce couple, je lui ai consacré un (long) article intitulé “Un destin au service de la chanson francophone”  à lire ICI.

 

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Amis de longue date … Photo Mauricette Hidalgo

 

Alors comment rendre compte d’un tel livre et vous donner envie d’y plonger ?

Plutôt d’écrire un article à chaud, en m’inspirant de la 4ème de couverture ou du communiqué envoyé par l’attachée de presse des Éditions L’Archipel, j’ai préféré d’abord me jeter à l’eau avec détermination. Et puis naviguer avec enthousiasme dans des eaux tantôt calmes et agités.

Car il faut bien admettre que l’histoire de de JJG et de celle de la presse musicale sont extrêmement fertiles en surprises (bonnes et mauvaises) et en multiples rebondissements. Et Fred Hidalgo évoque ici en toute franchise nombre d’aspects de JJG ET AUSSI des aventures et mésaventures des deux revues dont le grand public n’avait à ce jour jamais eu vent.

 

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Les quatre parrains de Chorus réunis pour une table ronde : la plus importante dans l’histoire de la chanson française depuis le débat Brel, Brassens et Ferré en 1969. 

 

“LA PETITE HISTOIRE ET L’AIR DU TEMPS DES ANNÉES 80 A AUJOURD’HUI”

Comment résumer en quelque lignes ce livre consacré à celui qui fut un des quatre parrains de Chorus avec Alain Souchon, Francis Cabrel et Yves Simon ?

“Il ne s’agit pas là d’une “simple” biographie (même si tout y est, les faits, les dates et les chansons), c’est aussi la petite histoire de l’air du temps des années 80 à aujourd’hui qui recoupe la vie de l’artiste et s’imbrique de bout en bout dans celle de “Paroles et Musique” et de “Chorus” ; c’est une réflexion menée en commun sur la chanson, sa nature et son rôle, sur sa place dans la société contemporaine”.

Homme de terrain, Fred Hidalgo est assurément aussi un homme d’archives. En témoigne – un exemple parmi tant d’autres – le chapitre “C’est pas vrai” en partie consacré à un article du quotidien Libération “qui, non content de se montrer systématiquement odieux avec Goldman, multipliait aussi les procès d’intention à son encontre”.

Citations à l’appui, Fred Hidalgo détaille les réponses fournies par JJG à Yves Bigot dans le journal du 26 février 1991 sous le titre “Goldman : trois pour un”. S’y ajoutent les commentaires  d’Yves Bigot … dont le long et impressionnant CV est publié avec force détails.

Mais alors pourquoi tant de mépris, de condescendance, voire de haine d’une partie des médias envers JJG ? 

Impossible d’être “la personnalité préférée des Français pour la 6ème année consécutive (sondage Journal du Dimanche, janvier 2016″ sans susciter les réactions les plus variées, entre admiration et médisance, respect et commérages.

Raconter, montrer, expliquer … Plus fidèle que jamais à la “méthode Chorus”, Fred Hidalgo n’avance rien sans avoir recoupé ses sources.

“NI PARADIS FISCAUX NI BLANCHIMENT D’ARGENT”

TOUT ce qu’il raconte ici est argumenté.

Et sans jamais se complaire dans la presse people, son chapitre “Il part” offre également divers repère privés de JJG : premier mariage avec Catherine, “une ancienne amie d’enfance devenue psychologue” et mère de ses trois enfants …

… puis rencontre avec Nathalie, “une jolie Eurasienne aussi sportive qu’elle a la tête bien faite” et leurs trois filles : “Qui se ressemble s’assemble. Tout aussi simple et discrète, Nathalie ne fait pas mentir le dicton ; elle n’est pas du genre à se montrer dans les médias et partage volontiers le goût de son mari pour la pratique du sport”.

Ce désir de discrétion énerve évidemment les médias en quête de scoop, de révélations croustillantes, de tentative de prendre en défaut JJG. Quitte à fantasmer sur sa fortune et l’utilisation de son argent : une évidence également abordée dans ces pages consacrées au fils d’Alter Mojzesz Goldman né à Lublin en Pologne et de Ruth Ambrunn née à Munich en Allemagne.

Fred Hidalgo désamorce avec élégance et bon sens les envieux fantasmes liés au “trésor de guerre de Goldmann” … avec deux n, bien sûr, c’est plus explicite. (…)  Il placerait ses économies dans des paradis fiscaux, blanchirait ses capitaux, les utiliserait à des fins illicites, à des trafics d’armes ou de drogue, ça oui, ça ferait un bon sujet ! On se régalerait. Malheureusement pour les nostalgiques d’un temps où Pétain envoyait les Juifs et les antifascistes dans les camps d’où beaucoup ne sont jamais revenus, il n’y a rien à chercher de tel chez lui”.

 

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 “L’ART D’ENCAISSER SANS BRONCHER EST UNE SECONDE NATURE”

La récente décision de JJG de s’installer du côté de Londres avec sa jeune femme Nathalie et leurs trois enfants aura une fois de plus alimenté bien des rumeurs relayées par les médias.

Pas de quoi déstabiliser déstabiliser l’artiste blindé contre les rumeurs et les médisances : “Chez Jean-Jacques Goldman, l’art d’encaisser sans broncher est une seconde nature. S’il avait choisi la boxe pour s’exprimer, il est probable qu’aucun adversaire n’aurait été capable de l’allonger pour le compte” explique Fred Hidalgo en évoquant avec force détails le malsain tapage médiatique suscitée par la chanson “Toute la vie”. (…) 

Pourtant, la polémique qui va l’atteindre de plein fouet à la fin de l’hiver 2015, sous couvert de s’en prendre encore une fois aux Enfoirés, a bien failli le mettre KO. Et s’il s’en est relevé intelligemment de ce coup bas, celui-ci a sans doute scellé son départ définitif annoncé un an plus tard”.

Prenez le temps de lire CONFIDENTIEL sans sauter de page, et en laissant de côté vos préjugés… Et laissez vous guider par Fred Hidalgo au cœur d’un étonnant et attachant voyage … De l’enfance à Montrouge au groupe Taï Phong … de la chanson des Restos du Cœur reprise chaque année aux célèbres concerts débutés le 31 janvier 1987 par “La Boum du Cœur” à la Villette … de l’enchainement des tubes aux tournées internationales … avec en guise de conclusion le chapitre “Retour à Madagascar” : un compte-rendu du concert donné le 6 avril 1998 à Madagascar et signé Marine Dusigne, envoyée spéciale du Journal de l’Ile de la Réunion !

Oui, c’est une immersion totale dans la vie de JJG qui vous est proposée … avec également l’évocation d’artistes disparus tels Daniel Balavoine et Michel Berger … Et aussi Sirima poignardée le 7 décembre 1989 par son compagnon musicien … et Carole Frédéricks victime d’une crise cardiaque le 7 juin 2001 …

S’il est vrai que j’ai appris beaucoup de choses sur JJG, c’est grâce à l’incontestable complicité unissant depuis tant d’années le chanteur et l’auteur-journaliste : et cette authentique amitié dépasse évidemment le statut social de JJG et de Fred Hidalgo. En témoignent tant d’exemples développés au fil des chapitres reprenant chaque fois un titre de chanson ….

… et aussi nombre de reproductions de messages  échangés entre les deux hommes avec reproduction de certaines réponses manuscrites de JJG.

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NOMBREUSES ANECDOTES PERSONNELLES  ET FAMILIALES

Car ce livre, c’est aussi pour Fred Hidalgo une manière de se raconter. Non, pas d’autobiographie au sens propre du terme mais de nombreuses anecdotes personnelles et familiales disséminées ici et là.

Comme l’évocation du décès de la mère de JJG avec allusion de l’auteur à sa propre maman : “Elle a fêté en 2016 ses 94 ans … et connaît encore par cœur toutes les chansons qu’elle avait apprises durant son enfance en Catalogne” …

Le sens de la famille ? Assurément une valeur partagée par les deux hommes.et enracinée dans nombre de souvenirs relatés au fil des pages …. comme les circonstances dans lesquelles le chanteur a offert son médiator au gendre de Fred Hidalgo.

Et au fait, qui est donc la belle inconnue secourue un jour par JJG et Fred Hidalgo au bord d’une rue qu’ils empruntaient à moto ? Se reconnaitra-elle dans ce livre où dans un autre chapitre, est mis en évidence la célèbre citation de Félix Leclerc ? 

“Il y a des maisons où la chanson aime entrer” : cette phrase si bien mise en valeur au Village en Chanson de Petite-Vallée en Gaspésie sert de clin d’oeil à une des nombreuses allusions à la vie personnelle de l’auteur.

En l’occurrence “la maison d’amour et d’amitié” qui a traversé la vie de JJG “une quinzaine d’années avant que je n’y écrive ces lignes“. Une maison qui aura aussi accueilli Daniel Balavoine et Thierry Sabine … Hasard ? Destin ? Serait-ce la fameuse “synchronicité” ?

 

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“CHORUS ABATTU EN PLEIN VOL ET EN PLEINE TRÊVE ESTIVALE”

Les nombreuses passerelles entre Paroles et musique/Chorus et JJG font partie des raisons qui m’ont incité à plonger avec bonheur dans la lecture de CONFIDENTIEL.

Quel plaisir de retrouver sous la plume de Fred Hidalgo divers épisodes de l’histoire de ces deux revues …. deux des repères d’une amitié née suite à notre première rencontre à l’Ile de la Réunion chez le chanteur Jacques Poustis en 1984.

Alors pas étonnant que certaines anecdotes, certains souvenirs me touchent de près. Tel le chapitre “Je commence demain” quand il est question du “jeune éditeur qui avait tout du cadre dynamique et performant” …  oui celui qui a décidé unilatéralement en 2009 de déposer le bilan, “sans prévenir la rédaction, occupée à boucler le numéro 69 de l’automne” ….

La fin de Chorus “abattu en plein vol et en pleine trêve estivale”, j’en ai eu connaissance alors que je me trouvais au Festival d’Eté de Québec…

Plaisir aussi de retrouver ici le souvenir séance de travail du 20 juin 1992 avec arrivée d’un invité-surprise : Pierre Barouh “l’homme de Saravah se retrouvait caméra au poing en train de filmer notre première réunion de rédaction”… Hé oui, les premiers pas de Chorus !

Assurément un formidable document dont personne n’a hélas jamais vu une seule image à ce jour. Un constat d’autant plus regrettable que cette vidéo montre un moment unique dans l’histoire de la presse musicale … avec entre autres l’active participation de Marc Robine et Jean Théfaine, deux des signatures majeures de Chorus emportées par le cancer. 

Alors cher Pierre Barouh ?

On pourra les visionner un jour, ces images inédites ?

 

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Mardi 6 octobre 2009, Europe 1. Quatre heures d’émission enregistrées en direct par Thierry Lecamp. Ici Fred et Mauricette Hidalgo en compagnie d’Alain Chamfort

 

 “JAMAIS ON N’AVAIT CONNU DE TEL RASSEMBLEMENT DE CHANTEURS FRANCOPHONES A L’ANTENNE”

A l’heure d’internet, de l’actualité omniprésente avec ses infos qui en chassent sans cesse d’autres, il me semble important d’offrir aux lecteurs un appréciable temps d’arrêt. De se souvenir de certains événements de l’histoire de Chorus.

De se rappeler que l’inattendue cessation de parution de Chorus aura suscité quatre heures d’émission enregistrées dans les conditions en direct par Thierry Lecamp sur Europe 1 !

“Ce mardi 6 octobre, de mémoires d’artistes et de journalistes, on n’avait jamais connu pareil rassemblement  de chanteurs francophones à l’antenne” se souvient Fred Hidalgo. Et de publier une liste non exhaustive de celles et ceux intervenus ce soir-là à l’antenne : au micro, par téléphone ou  message enregistré. Une émission des plus mémorable que Thierry Lecamp a du réduire à deux heures de témoignages et de chansons, dont l’intervention de JJG “qui n’avait plus donné l’interview depuis notre rencontre de juillet 2005 et cela faisait des années qu’on ne l’avait pas entendu parler à la radio”.

Un tel ouvrage aurait évidemment été incomplet sans qu’il y soit question du demi-frère de JJG. Oui, le journaliste et écrivain Pierre Goldman : inoubliable figure de l’extrême-gauche française assassinée le 20 septembre 1979 par un commando de trois ou quatre hommes armés de pistolet.

Plusieurs pages sont consacrées à l’auteur de “Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France” qui inspira à Maxime Leforestier la chanson “La Vie d’un homme” sur l’album Saltimbanque illustré par Cabu.

Vous l’avez compris dès les premières lignes de ce (long) article :  “CONFIDENTIEL” est une publication unique en son genre. A l’instar du livre de Fred Hidalgo consacré à Jacques Brel aux Marquises !

 

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“UN PROJET QUE JE NOURRISSAIS DEPUIS 1991″

Alors si j’ai pu vous donner envie de le lire, j’en serai très heureux.

D’autant plus que “ce livre est le fruit de trente ans de complicité personnelle et professionnelle : un chemin semé d’interviews exclusives (dont celle où Jean-Jacques m’annonçait qu’il arrêtait les disques et la scène et retraçait l’ensemble de sa carrière), mais aussi d’anecdotes et de confidences…

C’est un projet que je nourrissais depuis 1991 et dont les médias ont annoncé prématurément la sortie en 2005. Sa gestation aura demandé dix ans de plus : c’est en 2015 que j’ai décidé d’aller au bout de mon rêve, un an avant que JJG ne choisisse de son côté de tourner aussi la page des Enfoirés…“.

A aucun moment de sa (longue) rédaction, JJG n’a cherché à intervenir sur le contenu : “GOLDMAN CONFIDENTIEL est donc un livre “autorisé” par l’intéressé – parce que c’est lui, parce que c’est moi… – qu’il n’a pourtant pas souhaité car il n’aspire plus qu’à l’anonymat et au silence des médias. Mais je n’avais d’autre choix, et Jean-Jacques le sait, que d’aller au bout de mon rêve…”.

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TABLE RONDE AVEC JJG, SOUCHON, CABREL ET YVES SIMON

Ce livre consacré à un des auteurs-compositeurs-interprètes les plus importants de l’espace francophone fait évidemment la part belle aux nombreuses chansons (connues ou non) de JJG. Nombre d’entre elles distillent des références de la vie de l’artiste et/ou de sa famille…

Et s’il est évident que la chanson est au cœur de cet ouvrage, il n’y est pas uniquement question des titres ayant contribué à la population de JJG.

Dans le chapitre “Juste quelques hommes”, Alain Souchon, Francis Cabrel, Yves Simon et JJG  – les quatre parrains de Chorus- s’expriment à bâtons rompus sur divers sujets liés à la chanson, au rôle des médias, à “la composition du public et à l’incidence des salles sur la conception du spectacle”, etc.

Et aussi le rôle de la critique.

Ce qu’en attend JJG ? ” C’est d’apprendre ce qu’il y a dans ce disque, s’il y a des chansons lentes, des rapides, comment est faite l’orchestration, de quoi parlent les textes, qui a fait quoi, etc. Ensuite si le critique veut ajouter quatre lignes de son propre goût, libre à lui si ça le défoule, il peut dire qu’il aime ou qu’il n’aime pas, qu’il adore ou qu’il exècre, mais ça ce n’est pas très important.

Ce dont on a besoin, c’est essentiellement d’informations, ensuite on achètera le disque et on est assez grand pour avoir notre propre opinion sans chercher à l’imposer aux autres… (…) Or la critique d’aujourd’hui ce n’est que ça : des billets d’humeur, et pas d’information”.

“OUI, TON PARCOURS MÉRITAIT BIEN “TANT DE PAPIER, DE TEMPS”

CONFIDENTIEL bénéficie aussi de sept pages de repères bibliographiques et autant pour la “discographie originale” … ainsi qu’un “index qui se limite aux seules personnes ayant un lien direct ou indirect avec la vie personnelle ou professionnelle de Jean-Jacques Goldman, ainsi qu’aux artistes, aux groupes artistiques ou personnages cités par lui”.

De quoi vous clarifier bien des détails du parcours de cet artiste dont Fred Hidalgo cite une des phrases les plus connues : “Les chansons sont souvent plus belles que ceux qui les chantent”. Une évidence PLUS QUE JAMAIS d’actualité chez bien des artistes …

Précisons enfin qu’il a un mois a paru un autre livre de Fred Hidalgo dont la sortie a failli ne jamais avoir lieu !

“Trop important, trop gros, trop cher à la fabrication, avec un lectorat impossible à cerner, nous ne saurons pas vendre un tel livre, ni dans le commerce ni auprès des médias… » : telle avait été la réponse de l’éditeur auquel Fred Hidalgo avait proposé en 2015 le manuscrit de “La mémoire du chante – Journal d’un échanson”.

Ce livre de 661 pages a paru en octobre 2016 grâce à une souscription lancée par Fred Hidalgo. Il est donc sorti un mois avant “CONFIDENTIEL” !

Assurément deux livres de poids, à tous les sens du terme, pour nourrir votre passion de la chanson … si tel est votre souhait !

En guise de conclusion, laissons le dernier mot à Fred Hidalgo. Son livre-événement s’achève par une série de remerciements. Avec au final un mot adressé à JJG en ces termes :

“Merci enfin à toi, Jean-Jacques … et surtout pardon pour m’être montré, au moins sur un point (!), en total désaccord avec toi : oui, ton parcours méritait bien “tant de papier, de temps” ! Et non, je ne regrette rien.”

ALBERT WEBER

Photos FRANCIS VERNHET ET COLLECTION FRED HIDALGO

JEAN-JACQUES GOLDMAN CONFIDENTIEL, par Fred Hidalgo, Éditions L’Archipel, 572 pages, cahier photos 16 pages.

Blog de Fred Hidalgo

Site du livre “Cabrel Goldman Simon Souchon Les chansonniers de la table ronde”

Page Facebook de JEAN-JACQUES GOLDMAN CONFIDENTIEL

Site de “La Mémoire qui chante”

Site des Éditions L’Archipeloù l’on peut découvrir le prologue et le premier chapitre de l’ouvrage pour se mettre en appétit en cliquant sur TÉLÉCHARGER UN EXTRAIT.

 

 

 

 

 

 

 

 

NOUVEL ALBUM DE YAO : “LAPSUS” RÉVÉLATEUR … D’UN TALENT SANS FRONTIÈRES

 Certains artistes francophones d’Amérique du Nord sortent incontestablement de l’ordinaire, par leur parcours personnel, leurs choix artistiques, leur présence scénique. Et aussi par leur liberté de création qui se joue des frontières à tous les sens du terme.

Yao fait partie de ces voix qui savent émouvoir, faire réfléchir, et danser aussi. LAPSUS, son 3ème album solo sorti en six ans, met en évidence un créateur des plus inspirés. Explications.

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MÉTISSAGE, UNE FORCE INCONTESTABLE

Sur la scène francophone de l’Ontario, Yaovi Hoyi alias Yao surprend à bien des égards. Ses racines, elles s’affirment multiples aussi bien dans sa vie personnelle qu’artistiques, et ce métissage, il en a fait une force qui éclate avec brio dans les 44 minutes et 49 secondes de LAPSUS.

Cet album résulte d’un double travail : d’abord l’envie et le besoin de créer. Une volonté écrire qui donne libre cours à son imagination, ses rêves et ses remises en question aussi, en utilisant un vocabulaire riche, inspiré. 

Et puis il y a le travail d’équipe, mené à bien avec une demi-douzaine de compositeurs, et une poignée de musiciens (synthés, batterie, guitares, etc). D’où un album de 13 titres, offerts en solo … avec selon les titres la participation de plusieurs voix telles Julie-Kim Beaudry, Cathy Vallières, Peter O’lean, Gabriel Whiting, Céleste Lévis, F.L.O. etc.

 

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Novembre 2016. Avec F.L.O. pour “Comme eux” durant le lancement du CD à Ottawa

 

DES TEXTES A SUIVRE A LA TRACE

Dans cette province canadienne où la langue française est minoritaire – à la différence du Québec – le choix de chanter en français est un acte tout aussi militant qu’artistique pour Yao … invité fin novembre 2016 aux célébrations du XVIe Sommet de la Francophonie, à Antananarivo, la capitale de Madagascar. De quoi – une fois de plus et dans des circonstances totalement inédites – affirmer un répertoire des plus percutants et des plus poétiques aussi.

Car il faut bien reconnaître que trois ans après son précédent album, “Perles et Paraboles”, la veine créatrice de Yao est plus performante que jamais avec LAPSUS : un opus bénéficiant d’une superbe pochette très classe, et un livret qui l’est tout aussi, à la fois sobre et raffiné. Avec en prime les textes à suivre à la trace tout en écoutant l’album … c’est du moins ce que j’ai fait après m’être passé à plusieurs reprises cet opus en voiture !

 

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9 novembre 2016, entretien sur Radio-Canada  pour le lancement de l’album à Ottawa

 

REFUS DE LA FATALITÉ ET APPELS AU BON SENS

Ah les textes de Yao …

Il faut bien en dire un mot de ces textes, souvent longs – voire très longs comme “Étrange absurdité” ! Autant d’émotions et d’observation, d’appels au bon sens et à la tolérance, au refus de la fatalité et aux dangers du mimétisme (“Comme eux”). Vous savez, quand la personnalité est enfouie, niée au profit de comportements adoptés pour “être comme les autres”…

S’y glissent aussi d’autres thèmes, tel la déchirure sentimentale évoquée ici d’une manière originale (“L’amour et la guerre”) … la séduction aux allures de coup de foudre (“Échec et mat”) … la dépendance amoureuse (“Dans le sang”) …

Et voilà comment l’on en arrive à ce drôle de paragraphe mis en évidence dans le livret de l’album : “Prisonnier des LAPSUS que j’ai DANS LE SANS, je suis devenu NOMADE. Et cela, au risque d’un ÉCHEC ET MAT dans ce jeu de L’AMOUR ET LA GUERRE. Je ZIGZAG dorénavant cette ÉTRANGE ABSURDITÉ d’une douce FOLIE A DEUX. Te cherchant au milieu des INTERFÉRENCES. S’il te plait, PARLE-MOI. Que je sois enfin K.O. en me voyant COMME-EUX, dans des éclats de nos RÊVES D’ENFANTS”.

 

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 UN ALBUM PERCUTANT ENTRE POÉSIE ET SLAM 

Impossible d’enfermer ce” poète slameur” – appellation la plus courante en vigueur pour cet artiste – dans un seul registre.

Originaire du Togo, il a vécu en Côte d’Ivoire avant de trouver sa voie au Canada, depuis 17 ans. Là à vivre au rythme du monde, de ses rythmes, il n’y a qu’un pas franchi en toute décontraction dans cet album de 13 titres.

LAPSUS, réalisé comme “Perles et Paraboles” par Sonny Black, serait-il un album “plus soul, un peu plus funk, un peu plus pop” ? Oui si l’on en croit les médias canadiens mais l’essentiel se situe ailleurs à mon sens. Dans l’énergie verbale et physique dépensée en studio et sur scène par Yao apprécié à plusieurs reprises en pleine action … comme lors d’une mémorable et trop courte “vitrine musicale” à la FrancoFête à Moncton.

L’amour des mots, la passion d’une langue intensément belle, Yao ne les cultive pas seulement pour son petit plaisir. A travers ses choix artistiques il n’oublie jamais d’affirmer haut et fort les valeurs d’un métissage qui le concerne d’autant plus qu’il se définit comme “roux et métissé”.

Mention spéciale pour une diction qui met en valeur des textes dont il varie le rythme au gré des couplets comme dans “Parle-moi” également porté par la voix forte et frissonnante de Cathy Vallières … ou encore “Interférences” offert dans un efficace duo avec l’intense Julie-Kim Beaudry.

 

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 “MON ANOMALIE PARADOXALE”

Ayant eu la chance de découvrir, à Ottawa, durant Contact-Ontario, des extraits de son spec­tacle de poésie théâ­trale inti­tulé Négri­tude et Métis­sage, j’ai encore mieux compris l’authenticité de l’engagement de Yao.

Sa sensibilité envers des voix et des plumes telles que Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire ou Daniel Maximin en disent long sur un artiste qui n’est pas seulement préoccupé par l’envie de “faire carrière”.

Passionné par les musiques et les chansons, il l’est aussi par l’écriture, la littérature, la philosophie. Et évidemment le métissage dans lequel s’enracinent en permanence sa vie personnelle et son œuvre.

C’est “mon anomalie paradoxale” comme il l’explique dans un long texte où l’on croise entre autres Voltaire et Epictète, Le Petit Prince de Saint-Exupéry et Albert Camus … Sans oublier Angela Schwindt qui déclare : “Alors que nous essayons d’enseigner la vie à nos enfants, nos enfants nous montrent ce qu’est la vie” .

Ce texte des plus intéressants, on peut le retrouver à la fin du long article consacré à Yao en janvier 2014, suite à un entretien réalisé Place du Châtelet à Paris.

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Juin 2013, Festival de Petite-Vallée, Gaspésie. Le “magicien des mots” Yao en compagnie du parolier Marc Chabot et de l’auteur-compositeur-interprète Bori

 

UN COUSIN D’ABD-AL-MALIK A FAIRE CONNAITRE EN FRANCE

En avril 2013, après avoir vu Yao pour la première fois sur scène, au Centre National des Arts à Ottawa, je l’avais qualifié de cousin d’Abd-al-Malik dans un article intitulé “Le poids des mots, le métissage des rythmes”.

“Sans se lancer dans des comparaisons teintées de flagornerie, il suffit de fermer les yeux pour marcher – avec assurance – sur les traces d’un certain Abd-al-Malik au niveau du phrasé, de l’intonation, de certains thèmes aussi.

S’y affirme entre autres références le parti-pris d’un “message positif” synonyme de respect réciproque, de tolérance mutuelle, de besoin et d’envie de mieux comprendre l’autre, surtout s’il est différent. Un message dont l’impact sans assurément amplifié de par la complicité entre le chanteur et ses musiciens qui offrent une couleur tout à fait particulière aux textes.

Pas étonnant donc que Yao évolue avec aisance dans une poésie aux accents slam, avec ici et là des escapades du côté du blues et du jazz. Ses textes ont des allures d’instantanés de la vie telle qu’elle est, sans angélisme ni misérabilisme, où rien n’est impossible … mais où le soleil l’emporte sur les zones d’ombre”.

Aujourd’hui je ne retire rien de ce premier constat, heureux de suivre l’évolution d’un créateur qui aime se jouer des frontières, comme le confirme si intensément son nouvel album.

Yao a la tête bien sur ses épaules, et c’est en toute connaissance de cause – comme évoqué un jour durant une longue conversation au Village en Chanson de Petite-Vallée à qu’il a, voici quelques années, abandonné “une belle carrière” toute tracée dans le milieu de la banque pour “devenir artiste”. Un sacré choix de vie assurément !

 

“J’ÉTAIS PICASSO DEVENU BAUDELAIRE”

Avec ce 3ème opus lancé en novembre à Montréal et Ottawa, Yao vient de franchir une nouvelle étape tant sur le fond que la forme de ses créations.

Alors à quand une meilleure visibilité en France ? Car il a vraiment TOUT pour retenir l’attention du grand public, et son titre “FOLIE A DEUX” est un des exemples les plus percutants, dansants aussi.

“J’étais Picasso devenu Baudelaire” lance Yao dans “Interférences”, plus ouvert que jamais à l’expression artistique sous diverses formes.

Mis en valeur dans le livret, cette affirmation résume bien une des voix majeures de la chanson francophone efficacement soutenue par l’APCM, l’association des professionnels de la chanson et de la musique : “une référence incontournable de la musique franco-canadienne”.

“LAPSUS”, un album à découvrir, c’est évident.
Yao, un artiste à suivre, à encourager.

Albert WEBER

SITE DE YAO

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“IN EXTREMIS TOUR” : LES MAURICIENS SOUS LE CHARME DE CABREL

Après la sortie, l’an dernier, d’ “In extremis”, son 13e album, Francis Cabrel a effectué une tournée d’une centaine de dates durant plus d’un an en France, Suisse, Belgique, Québec, la Réunion et aussi l’Ile Maurice.

Retour sur cet événement avec la journaliste mauricienne Kovillina Durbarry.

En concert à Maurice pour la cinquième fois, Francis Cabrel a une fois de plus fait chavirer et chalouper plus d’un.

Lors d’un unique concert avec salle comble au Centre Swami Vivekananda à Pailles, le samedi 22 octobre dernier, le célèbre chanteur français a interprété les 10 nouvelles chansons de son album “In extremis” ainsi que nombre de ses classiques. Le temps d’une “corrida”endiablée et d’un “C’est écrit” à la sauce pimentée bien de chez nous, Francis Cabrel a livré un concert de pas moins de deux heures devant un millier de Mauriciens.

Le chanteur qui a posé ses valises … et sa guitare sur le sol mauricien le mercredi 19 octobre, est resté fidèle à lui-même : simple et authentique.

Lors d’une conférence de presse jeudi après-midi à l’hôtel Le Paradis au Morne, le chanteur s’est dit ravi d’être à Maurice. Et dans un entretien accordé au quotidien L’Express, il affirme approcher la fin de son parcours sans pour autant s’être fixé une date.

Accompagné de ses très talentueux musiciens, c’est en trempant la chemise que Francis Cabrel a repris des morceaux qui ont fait à la fois danser et sangloter toute une salle.

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En mode décontracté lors de la conférence de presse, jeudi 20 octobre à l’hôtel Le Paradis. (Source : BAO Comm)

 

 Une énergie folle sur scène

En effet, celui qu’on ne présente plus et dont les chansons passent en boucle sur toutes les chaines radio locales, a envouté son audience de par sa présence sur scène.

Accompagné ou seul, Francis Cabrel – qui a gardé le même timbre de voix d’il y a dix ans lors de son dernier concert sur l’île – dégage une énergie folle. Une énergie qu’il a d’ailleurs su transmettre en toute complicité à son public.

Une prestation hors-pair plébiscitée par un auditoire comblé. Le chanteur a, au cours du concert, offert un moment des plus inoubliables aux Mauriciens conquis.

Ainsi, avec son interprétation du méga tube “Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai” de son album “Samedi soir sur la terre”, Cabrel seul sur scène avec sa guitare et en toute simplicité est parvenu à figer un peu plus de mille personnes. Toutes figées par le talent d’un seul homme sur scène.

 

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Francis Cabrel a illuminé la scène du centre Swami Vivekananda, à Pailles le samedi 22 octobre Photo Kovillina Durbarry

 

 “Zot mari top”

De plus, Francis Cabrel s’est aussi prêté au jeu devant une foule mauricienne très taquine.

“Zot mari top” devait lancer le chanteur français, tout en répétant les quelques mots écrits en kreol morisien sur son antisèche. Et c’est en esquissant de temps à autre quelques pas de danse, que Francis Cabrel s’est dévoilé petit à petit au public mauricien … qui a dansé et chanté avec lui pendant tout le concert.

Par ailleurs, ce nouvel album “In extremis” lancé en avril 2015 regorge d’une myriade de petites perles … Avis donc aux mélomanes avisés ! Tantôt émouvantes tantôt endiablées, la douzaine de chansons engagées et à caractère politique par moment ont connu un véritable succès auprès du public.

Ainsi “Mandela, pendant ce temps” a fait vibrer de passion tous ceux présents, de par le rythme africanisant et les paroles sensées et engagées – soit un ultime hommage à Mandiba.

Autant de belles chansons dans un album complet et parfaitement réussi. Bref, un pari relevé haut la main à 63 ans et des poussières !

Vivement un autre concert à Maurice … et un 14ème album.

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Site de Francis Cabrel avec présentation du coffret (2 CD plus un DVD) de la tournée IN EXTREMIS : concert enregistré au Forest National de Bruxelles les 4 et 5 mars 2016 avec “making of” de 40 minutes et clip de Dur comme fer. Le “making-of” inclut les témoignages de Carla Bruni, Julien Doré, Thomas Dutronc, Patrick Fiori, Serge Lama, Maxime Le Forestier, Nolwenn Leroy, Renan Luce et Pascal Obispo.

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Photo site officiel de Francis Cabrel

 

 

“SOUS MON CHAPEAU” D’ERIC FRASIAK, CHANTEUR LIBRE

Inutile de tourner autour du pot … euh du chapeau. “Sous mon chapeau”,  7ème CD d’Eric Frasiak, est une belle, une très belle réussite. Sans doute son album le plus personnel. Le plus intense aussi entre émotion et révolte, entre tendresse et coup de gueule.
 
Un CD où textes et musiques se conjuguent avec une efficace alchimie. Et chaque écoute de ces 15 chansons distillées en 61 minutes et 41 secondes est synonyme de nouvelle découverte. Avec ici et là divers clins d’oeil à sa vie, car cet opus est également le plus autobiographique.

 

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Patrick Leroux au violoncelle

UN AGENDA DES PLUS CHARGÉS

Mais attention ! Ne croyez surtout pas que Frasiak se regarde le nombril et ramène tout à lui.

Au fil des enregistrements et concerts face à des publics toujours croissants, il s’est forgé un répertoire entre introspection et démarche citoyenne.

Sans esbroufe et sans baratin, Frasiak poursuit son bonhomme de chemin en relevant en toute décontraction un défi permanent : conserver le public “acquis à sa cause” et retenir l’attention de  nouveaux passionnés.

Frasiak, c’est un marathonien. L’artiste agissant sur le long terme, sans se presser mais avec une détermination sans failles. Pas étonnant que depuis l’album “Itinéraires” en 2006, il aie participé à une incroyable quantité de tremplins, concours et autres prix. Voir TOUS les détails sur sa page wikipedia.

Cet agenda des plus chargés lui aura permis de chanter dans des lieux extrêmement variés, entre concerts à domicile, petites salles et grands espaces. D’où quantité de premières parties de Michel Bühler, Pierre Perret, Michel Fugain, Sanseverino, Hubert-Félix Thiefaine, Alain Bashung (mais oui), Paul Personne, Clarika, Les Wampas, Pauline Croze, et la liste n’est pas exhaustive.

 

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Steve Normandin

AVEC TALENT, DÉTERMINATION ET ENDURANCE

Grâce à cette immersion permanente un peu partout en France, voire au Québec grâce à un efficace complice nommé Steve Normandin – oui, l’infatigable l’Accordéoniste Voyageur qu’il aura rencontré pour la première fois à Saint-Pierre et Miquelon-  Frasiak a beaucoup vu, entendu, et appris.

Et c’est pas fini, loin de là : “Il y a une espèce de cercle vertueux qui fait que plus tu as de concerts, plus tu en fais. Je me débrouille tout seul. C’est le circuit court, directement du producteur au spectateur”

Au-delà de ces affirmations lancées au rédacteur en chef de FrancoFans, Benjamin Valentie qui lui consacre une double page dans le dernier numéro, une évidence s’impose : le capitaine Frasiak tient la barre de son bateau avec talent et détermination. Avec endurance aussi, à voir le nombre de dates annoncées sur son site.

Un drôle d’oiseau que ce Frasiak ! Car en plus d’exceller en tant qu’auteur, compositeur et évidemment interprète, il est aussi aux manettes pour TOUT ce qui se déroule en coulisses : enregistrement, mixage, réalisation… et même distribution via “Crocodile Studio” à Bar-le-Duc.

 

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Eric Frasiak, un artiste libre à tous les sens du terme. Photo Fred Mercenier

 

 “MON BÉRANGER”, “DIMEY PLURIEL” DVD ET RECUEIL DE PARTITIONS

Alors raison de plus de saluer comme il se doit ce nouvel album : rien que du Frasiak, à l’exception notable d’une reprise de Léo Ferré, “La solitude” !

Mais n’allez surtout pas croire qu’il n’y ait pas eu d’enregistrements depuis “Chroniques” sorti en 2012. En plus de “Mon Béranger”  (17 titres plus une chanson-hommage à son “maître à chanter”) en 2014, Frasiak s’est lancé dans une sacrée aventure collective avec l’album “Dimey Pluriel” réunissant 12 artistes et groupes de Haute-Marne.

Cette (superbe) initiative lancée par le journaliste-chanteur Anicet Seurre et relayée par Yves Amour, président du Festival Bernard Dimey, Frasiak en a assuré la direction artistique en 2015.

S’y ajoutent aussi un DVD de 21 titres enregistrés à Bar-le-Duc sorti en 2016 … sans oublier, en 2013, la parution d’un recueil de 27 partitions : les titres de “Parlons-nous” et “Chroniques”. Cet indispensable document pour qui veut chanter Frasiak est aujourd’hui épuisé.

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 DU CŒUR ET DE L’ESPRIT, DU BON SENS, DE L’AUDACE

Hé oui, voilà comment, en une dizaine d’années, Frasiak s’est affirmé comme une des voix majeures d’une chanson française qui a du cœur et de l’esprit, du bon sens, de l’audace.

En maîtrisant paroles que musiques (et technique), il est assurément seul maître à bord de ses choix artistiques. De ses décisions esthétiques quant à la pochette de ce nouveau CD bénéficiant d’un livret sobre et chic, sur fond noir … avec ici et là des chapeaux photographiés par Frasiak au gré des voyages en France et au Québec.

S’y ajoutent des photos de l’artiste siggnées Dominique Becker, Sebastien Cholier, Pierre Bureau, Frédéric Mercier et Chantal Bou-Hanna, créatrice du site Au doigt et à l’œil que je vous recommande (vivement) de découvrir.

On peut donc savourer ces 15 titres aussi bien en voiture que chez soi, en suivant les textes mot à mot. D’où certaines trouvailles évidement passées inaperçues lors de précédentes écoutes !

 

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Signée Chantal Bou-Hanna, une des photos de l’album

UN SON AUTHENTIQUE ET CHALEUREUX

Artisan, Frasiak l’est assurément. Mais du genre imaginatif et organisé, avec une évidente décontraction qui me surprend à chacune de nos retrouvailles.

Pas du genre stressé à la sortie de ce nouvel album. Loin d’une insolente certitude, Frasiak l’obstiné avance pas à pas. Sans relais des “grands médias” à l’exception de rares soutiens tels Philippe Meyer et son émission “La prochaine fois je vous le chanterai” hélas passée aux oubliettes sur France-Inter depuis septembre dernier.

Solitaire pour ses choix artistiques, il sait s’entourer d’efficaces complices, comme la quinzaine de musiciens et choristes mobilisés ici. Car “Sous mon chapeau”” c’est aussi un efficace travail d’équipe … d’où un son authentique et chaleureux, de la douceur, du rythme et de l’entrain avec accordéon, piano, guitares, violon, batterie, orgue, percussions, bugle, trompette, harmonica, clarinette, tambourin, violoncelle, etc. Assurément rien à voir avec un album en formule guitare-voix en quête de  relief.

 

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Benoit Dangien

DES VRAIS MUSICIENS POUR DE VRAIES CHANSONS

Ici place à de vrais musiciens pour de vraies chansons qui, plus d’une fois, vous donnent envie de chanter, de taper dans les mains…  Avec en prime Jérémie Bossone aux chœurs de “Migrant” mais aussi – et surtout – en duo dans le salutaire “Espèce de cons” : une de ces chansons aussi réjouissante que réaliste, sans langue de bois, que j’aimerai retrouver sur des radios “grand public”.

On peut rêver, non ? En attendant, j’espère que “Sous mon chapeau” (CD auto-produit à 5 000 exemplaires) bénéficiera d’un impact aussi important que l’album “Parlons Nous” sorti en 2009 et écoulé à 6 000 copies.

Alors que vous dire de cet album pour vous inciter à découvrir ce 7ème album ?

Premier constat : les textes ont, à mon sens, autant d’importance que les mélodies.

Place à un “univers mélangé de chansons sociales, chansons rebelles et chanson d’amour. Cet album parle du monde d’aujourd’hui et de la difficulté a y trouver sa place. Il y parle aussi beaucoup d’amour, l’amour comme seul rempart à la barbarie et la haine” comme l’explique Frasiak.

 “Moitié chanteur, moitié anar” : en se présentant ainsi dans le 1er titre, Frasiak se livre avec bon sens et réalisme aussi, regrettant ses cheveux d’Indien disparus “sous mon chapeau”. Et toujours ce besoin et cette envie d’avancer, avec en mémoire le souvenir de “mon père dans son camion parti trop tôt”.

 

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Raphaël Schuler

 

CHAQUE CHANSON A SON CARACTÈRE, SA PERSONNALITÉ

Sans donner de leçon, il passe en revue tant de réalités quotidiennes auxquelles nous sommes confrontées de visu ou via les médias.

Ici chaque titre a sa personnalité, son caractère drôle et grinçant (“C’est beau Noël”) ou révolté (“Espèce de cons”), enjoué et délicieusement subversif (“Cuisine politique”) ou d’une désespérante tragédie dans “la Russie de Poutine, la nostalgie de Staline” (“Colonie 6″).

Que de tranches de vie dans cet album ! Du migrant échappé de Libye au prisonnier de l’inhumaine terrible “Colonie 6″, de la société de con-sommation survoltée à l’approche de Noël, du poignant “Je suis humain” dédié aux “victimes de Charlie-Hebdo et de l’Hyper Casher et à toutes les victimes de la barbarie à travers le monde” …

… sans oublier la “Cuisine politique” des plus pimentées qui termine l’album en une jubilatoire apothéose. Une chanson de près de sept minutes avec quantité de références aux prétendants en lice aux prochaines élections présidentielles. Un kaléidoscope de portraits de politiciens  en décalage avec la vraie vie : “Dans nos restos du cœur, libres, égaux en fin de droits/ On rêve de jours meilleurs en digérant tout ça / Comme on compte pour des prunes faut nous lâcher la grappe / C’est jamais dans les urnes que le bonheur s’attrape”.

 

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Jean-Pierre Fara

 “MON PÈRE DANS SON CAMION PARTI TROP TÔT”

Fils d’un couple de Polonais arrivés en France en 1958, il se met dans la peau d’un “migrant”. Sans pathos mais avec une humanité à fleur de peau. Des mots aussi simples que tranchants : “Les côtes de Libye s’effacent/ Et mon espoir avec elles/ Si je vis, je ferai face/ Si je meurs, j’irai te rejoindre ma belle”.

Et puis il y a aussi le Frasiak plus personnel, plus secret qui entrouvre ici son jardin secret. Un jardin hélas à l’abandon depuis le décès de son père (“Le jardin de papa”) … oui ce père qui fut routier … d’où un émouvant “44 tonnes” dédié “A Romän et aux routiers de L’Air Bleu (et d’ailleurs… “).

Intense description aussi de cette fameuse “ville de l’Est” à laquelle il demeure si attaché malgré ses envies d’évasion :”Des fois je rêve d’Espagne, d’Amérique ou d’ailleurs / De plages ou de montagnes pour y poser mon cœur / Mais mon avenir est là, où veux-tu donc que j’aille / Ils ont besoin de moi et j’aime  leurs batailles“. Un de ces titres-choc, à l’instar de “Monsieur Boulot”…

Cet album est aussi des plus travaillés au niveau des textes. D’où une une ambiance toute particulière comme “Je t’écris” aux nombreuses trouvailles littéraires. Pas de jeux de mots gratuits pour faire joli mais de quoi susciter un climat teinté de confidences : “Je t’écris au temps imparfait / De ce passé décomposé / Tu vas me trouver un peu barge / J’ai toujours été dans la marge”.

C’est sûr, chaque chanson pourrait inspirer un clip, notamment  “T’as c’qu’il faut'” et “De l’amour , des fétiches” (“Je lègue mon corps à sa science”) … deux titres qui vous emmènent vers des territoires autant poétiques qu’érotiques …

De quoi inspirer plus d’un réalisateur pour des images qui, évidemment, vont bien plus suggérer que détailler : “La nudité souvent s’affiche / Des seins, des fesses un peu partout / La beauté est tellement plus riche/ Quand elle ne nous montre pas tout”.

 

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Jérémie Bossone

 DUO DÉCAPANT AVEC JÉRÉMIE BOSSONE

Peut-être, oui peut-être que mes deux titres préférés sont “Espèce de cons” … énergique et décapant duo avec Jérémie Bossone : “Ça s’agenouille, ça prie des dieux/ Mais faut qu’ç zigouille dès qu’ça peut/ Ça inquisitionne, ça croisades / Ça colonise et ça djhiad”

… et aussi “Hôtel Richelieu” ; magnifique évocation du temps qui s’enfuit, des rêves et des utopies de jeunesse enfouis, et puis la nouvelle génération de “loulous un peu rebelles” qui, à son tour, fréquente cet “Hôtel Richelieu” que nous avons tous connu. A l’instar des personnages, eux aussi haut en couleurs, des bourgeois immortalisés par Brel.

Je dis bien “peut-être” … car l’un des atouts de cet album c’est justement de vous faire changer de “chansons préférée” au gré des écoutes !

 

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Philippe Gonnand (basse) Olivier Baldissera (batterie)

 

 “DES TRUCS QUI FONT CHIALER OU QUI GUEULENT DANS LE VENT DES CYCLONES”

“Sous mon chapeau” ? Un opus plein de coups de cœur, de coups de gueule aussi. Avec toujours l’élégance des mots et la maîtrise de mélodie qui ne peuvent laisser indifférent celui/celle qui aime la chanson.

“Ici pas de manichéisme malsain, ni de refrains pour vous faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais attention, les “chansons frasiakiennes” n’ont rien à voir avec des pamphlets ravageurs et pessimistes sur notre pauvre planètes où tout va mal, entre chômage croissant ou sur nos années qui s’enfuient trop vite“.

Rédigés en 2013 dans la préface du recueil de partitions, ces mots résonnent aujourd’hui avec encore davantage de pertinence ici “Sous mon chapeau”.

Plus que jamais bravo Monsieur Frasiak pour vos “trucs qui font chialer ou qui gueulent dans le vent des cyclones”. Plus que jamais restez fidèle à Ferré, Béranger, et aussi (et surtout) vos choix artistiques et vos valeurs. Loin du cirque médiatique, et sensible à une “chanson de proximité” conjuguant amitié, rébellion, utopie et humanisme.

Aujourd’hui plus que jamais, Frasiak est un CHANTEUR LIBRE qui connait BIEN le prix de sa liberté. A tous les sens du terme comme le confirme avec éclat sa discographie à compte d’auteur assurée sans aucune subvention. Le seul soutien, c’est celui d’un public au rendez-vous de ses concerts et sorties d’albums.

Albert Weber

Photos collection Eric Frasiak

Site d’Eric FRASIAK

A retrouver en direct vendredi 6 janvier de 13h à 14 h au micro de Guy Zwinger dans “Je viens vous voir” sur RNC Nancy.

“TOUT EST FINI DEPUIS LE DÉBUT” : PAUL BARBIERI OU LE “STRIP-TEASE DE L’ÂME”

Paul Barbieri ? Si ce nom n’évoque pas (encore) de souvenirs de concerts ou d’albums, pas étonnant. Car la voie choisie par cet auteur-compositeur-interprète n’est pas des plus évidentes pour retenir l’attention du grand public.

En témoigne son deuxième album, “Tout est fini depuis le début”, dont les 13 chansons illustrent l’univers doux-amer de cet inclassable créateur.

 

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GRAVITÉ EXTRÊME ET TENDRE IRONIE”

“C’est à 33 balais que, déjà un peu usé par l’impitoyable monde moderne, Paul vient désormais jeter à la face du monde ses chansonnettes mélancoliques et brumeuses. Alcool, poésie du XIXe et football restent ses principales sources d’inspiration.

Le voyage que propose Paul est troublant comme un strip-tease de l’âme. La poésie est rocailleuse, chaude, mélancolique et parsemée d’humour. Ainsi se mêlent gravité extrême et tendre ironie, un peu comme si le souvenir des jours heureux suffisait à illuminer le présent. De concert en concert, de clope en clope, de bière en bière, Paul avance dans le monde. “.

Pas très réjouissant comme “auto-présentation”, c’est certain !

Le répertoire de Barbieri est à déconseiller aux déprimés ayant envie et besoin de se remonter le moral. Alors sans tarder mettons les choses au point. Car d’emblée une précision de taille s’impose. Ici pas de mélodies entraînantes qui vous incitent à taper dans les mains.

Quant à retenir l’attention des “grands médias”, c’est pas gagné non plus. Mais croyez-moi, chez Barbieri, il y a bien autre chose que des paillettes aussi scintillantes qu’éphémères. Rencontre avec un auteur-compositeur-interprète nourri de références qui l’incitent à se surpasser.

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Strasbourg, novembre 2016, salut final d’un concert à domicile avec Thomas Valentin

 

 “DES ROUTES” : “UNE ÉTRANGE DÉMARCHE”

Pour vous situer le personnage, rappelez-vous par exemple les textes pas très joyeux du groupe Vendeurs d’Enclume. distillés par Valérian Renault.

L’intense réalisme de Barbieri fait parfois penser à Allain Leprest et à Mano Solo … deux des repères de cet artiste également sensible à Barbara et Rimbaud.

Voilà, le ton est donné à ce CD sorti courant novembre 2016. C’est la deuxième expérience solo pour Paul Barbieri. En 2014, il avait sorti un EP de six chansons dont le titre, “Des routes” peut aussi se changer au gré de votre humeur en “Déroute” !

“Merci à ma famille, mes potes et mes ex qui me soutiennent dans cette étrange démarche” avait alors indiqué le chanteur sur la pochette de cet enregistrement piano-voix réalisé avec Thomas Valentin qui y signait aussi les arrangements.

 

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 MUSICIENS : LE GRAND JEU

“Cette étrange démarche”, c’est aussi le fil conducteur de “Tout est fini depuis le début”. Paul Barbieri et Thomas Valentin ont remis ça avec ce nouvel album qui reprend “Vie de poète” et “Soupe de soleil”, deux chansons du premier enregistrement.

Mais attention, cette fois-ci Barbieri a sorti le grand jeu en mobilisant plusieurs autres musiciens …. ce qui colore cet album d’une ambiance douce-amère, très intimiste également. D’où ces 13 chansons déclinées avec force nuances en 47 minutes et 48 secondes…

“Plusieurs autres musiciens” ? Oui et pas des moindres à commencer par l’Ensemble Ethos clarinette, (violon, contrebasse, violoncelle, alto, violon). Ces musiciens professionnels diplômés de divers conservatoires, on les retrouve pour “Mon âme” et “L’amertume” : leurs cordes semblent apaiser, adoucir un lancinant mal de vivre chanté par Barbieri.

A ces musiciens s’ajoutent d’autres complices (guitare, batterie, percussions, harmonica) qui enrobent avec talent les sombres états d’âme de Barbieri … du genre “Je vocifère marin contre des vents de vide/ Des efforts de trop à l’océan avide/ Déridant les espoirs en un tapis d’argent/ je milite en rageant pour des drapeaux fanés/Aux couleurs du Néant”. (L’amertume”).

 

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 “AU LOIN LE SON D’UN BON VIEUX CHAMPIGNON”

Mention spéciale au climat suscité par “Ma tribu” sur laquelle Jeanne Barbieri pose sa voix. Une atmosphère à la fois désabusée et nostalgique, une lucidité arrosée par force alcools (cognac, armagnac, champagne, absinthe, eau-de-vie, champagne, etc)  …. alors que dans un “reste de whisky s’achèvent les plus belles utopies sans solution et sans réponse” !

L’autre chanson majeure, c’est évidemment “Champignon” ,  dont la première phrase donne le titre de l’album. Hé oui, ça va bien finir par péter et la planète va disparaitre puisque  “Tout est fini depuis le début” …

Alors comment s’occuper d’ici l’explosion finale ? 

Dans mon transat/ Vois, je m’épate/ J’entends au loin le son/ D’un bon vieux champignon” ! De quoi attendre la fin du monde, tranquillement allongé dans son transat “avec les dernières secondes qui seront les plus fécondes“.

Et pourquoi s’en faire … alors que “Dans nos gosiers, l’alcool et la fumée /Nous font rire/ Du monde désenchanté/ Qu’en finit pas d’crever” !

A noter dans les chœurs de ce  “champignon” destructeur, la participation de Paul D’Amour,  … ancien membre des Garçons Trottoirs et désormais lancé dans une aventure artistique en solo.

 

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 UNE MÉLANCOLIE TEINTÉE DE POÉSIE

Vous l’avez compris, c’est un album à ne surtout pas écouter si vous avez le blues … et un CD à prendre le temps de découvrir pour bien d’autres raisons …. une fois franchie la barrière des à-priori.

“Tout est fini depuis le début” reflète un univers où désillusion, mélancolie et mal de vivre se conjuguent sans cesse …. à l’instar de la poésie à fleur de peau de FredEmile Raymond : autre artiste (hélas) méconnu auquel j’avais consacré un portrait dans le trimestriel “Chorus, les cahiers de la chanson”.

Cette mélancolie, Barbier l’exprime aussi dans un autre registre, en reprenant “Je l’aime à mourir” de Cabrel. Une chanson qui ne figure pas sur cet opus … mais à découvrir ICI  … histoire d’écouter Barbieri sous un angle nouveau et cependant complémentaire de son nouvel album.

Alors pour en savoir sur cette personnalité étrange, il faut prendre le temps de discuter avec Barbieri. De l’inciter à se dévoiler … lui qui “a grandi avec les cassettes audio de ses parents (Georges Brassens, Pierre Perret, Barbara). Sous perfusion de langue française du côté de sa mère et de swing du côté de son père, l’adolescent mélancolique est balloté entre musique et poésie, entre piété mystique et fêtes populaires, entre philosophie et football de terroir“.

 

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 SCÈNES AVEC LA FANFARE PÉTARD, LARÉOSOL ET LA GARGAROUSSE

Passé par la faculté de musicologie et le conservatoire, Barbieri s’est d’abord lancé dans des aventures collectives avant d’avancer en solo. D’où nombre de scènes avec le groupe Laréosol (chanson française aux accents ska et rock!) où il s’affirme entre trompette, chant, claviers et aussi comme parolier.

Autre expérience avec La Fanfare en Pétard : ici pas de mélancolie à fleur de peau mais ’énergie des cuivres, quelques samples, du rap et une fusion hiphop, dub, jazz efficace” ! Un groupe qualifié d'”électro brass band” par ce créateur résolument loin des sentiers battus.

Sacré Paul ! L’artiste – que n’aurait pas renié Baudelaire et son spleen – vient de s’embarquer avec La Gargarousse avec Olivier et Julien Lindecker, et Hubert Kieffer : un groupe célébrant vin et poésie avec en guise de slogan “Qu’importe la chanson pourvu qu’on ait l’ivresse“.

 

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“CE PUTAIN D’ALBUM QUI M’A COUTÉ UN BRAS”

Dommage que le livret de ce nouveau CD ne présente pas tous les textes des toutes les chansons. N’y sont publiés intégralement que les paroles de “Poème dégueulasse” et “Pirogue”.

Barbieri a préféré glisser ici et là quelques extraits de textes, ainsi qu’ “un mélange de photos de films italiens des années 70 (qui évoquaient la décadence avec élégance) et de photos de mes grands-parents disparus entre 2010 et 2015″.

Oui vraiment dommage, car Barbieri a le sens de la formule poétique : “Regarde bien/Derrière l’éther/ Combien d’anges se terrent/ Jusqu’à l’armagedon/C’est un trou noir dans nos mémoires” (“Mon âme”).

Enregistré et mixé par Eric Gauthier-Lafaye au studio Downtown, À Strasbourg, entre juin 2015 et juillet 2016, cet album a été mastérisé par Robin Schmidt au studio 24-96 à Karlsruhe. S’il  a enfin pu sortir, c’est grâce à un financement participatif …. d’où ces propos de Barbieri : “Merci à toutes celles et ceux qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre à accoucher de ce putain d’album qui m’a coûté un bras”.

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 UN DOCUMENTAIRE RÉALISÉ PAR MARIETTE FELTIN

C’est sûr, Barbieri ne laisse pas indifférent. Soit on est conquis par son désenchantement poétique, soit on s’enfuit loin de ses idées noires.

Je m’en suis rendu compte lors de la première rencontre, samedi 23 janvier 2016, lors d’un concert à domicile auquel je m’étais rendu avec l’Acadienne Carol Doucet – incontournable professionnelle du milieu artistique francophone – de passage à Strasbourg.

Cette soirée ayant réuni une quarantaine de personnes, elle m’avait laissé sur ma faim, et malgré le talent de Paul Barbieri et de son pianiste Thomas Valentin, je n’avais pas vraiment accroché à cet univers des plus sombres.

Changement de perception le 12 novembre 2016 lors d’un nouveau concert à domicile. Toujours à Strasbourg et en compagnie d’une cinquantaine de personnes conquises par ces “chansons noires” … entrecoupées d’interventions parlées suscitant sourires et rires.

Cette excellente initiative aura permis d’alléger l’ambiance pessimiste distillée au gré des refrains et, c’est certain, de mieux apprécier ce répertoire.

A noter enfin que ce concert a été filmé par la cinéaste Mariette Feltin, en vue d’un documentaire “sans doute d’une heure” selon le chanteur qui ajoute : “Il devrait être prêt pour l’automne 2017″. Nous y reviendrons en temps voulu.

 

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A droite, dans l’ombre, la réalisatrice Mariette Feltin

 TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER

En savoir plus ICI sur cet album et ICI sur Paul Barbier

Site de la réalisatrice Mariette Feltin

PIERRE DONORÉ : L’EXIGENCE D’UNE QUALITÉ POPULAIRE

Certaines rencontres d’artistes sont assurément plus marquantes que d’autres. Plusieurs séjours à Astaffort m’ont permis de croiser nombre de jeunes talents réunis dans l’ancienne école de Francis Cabrel pour une expérience unique sous l’égide de l’association Voix du Sud.

Parmi ces regards échanges, ces conversations entamées, rares sont aujourd’hui les “astagiaires” avec lesquels le contact a été maintenu. Parmi eux, Pierre Donoré, originaire de Grenoble.

Son nouvel album “L’amour en deux” résulte de six ans de d’écriture et de composition. Il s’affirme avec aisance entre chanson à texte et variété de qualité.

 

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 ATTENTION AUX ÉTIQUETTES RÉDUCTRICES DE TALENTS

C’est sûr, il faut évidemment se méfier des étiquettes stéréotypées si faciles à coller sur un répertoire.

Et si vous écoutez bien ce nouvel opus, vous verrez que Pierre Donoré échappe justement à cette irritante manière d’enfermer les chanteurs et les chanteuses dans un registre dont ils ne peuvent trop souvent plus s’échapper.

Ce fameux grand écart, les ayatollahs d’une chanson à texte pure et dure vont sans doute “l’aimer détester”. Pas grave, car il éclate ici avec conviction dans une série de chansons qu’on écoute et réécoute avec plaisir.

L’’amour en deux”, c’est le 2ème album de Pierre Donoré. Il fait suite à l’EP “Maintenant” sorti en 2014 et au premier album “Je viens à toi” en 2010, dans la foulée d’un premier EP éponyme en 2007. Ce nouvel opus regroupe 11 chansons françaises, dont  “Houala” parsemé de mots en allemand et en anglais.

Guitares acoustique et électrique, piano, claviers, chœurs : aux talents de Pierre Donoré s’ajoutent diverses autres complicités signées Cyril Tarquiny (guitares acoustiques, classique et électrique, ukulélé, basse et charengo, un luth essentiellement utilisé dans la musique traditionnelle sud-américaine), aux percussions Olivier Baldissera et Denis Benarrosh (batteur de Francis Cabrel et Benjamin Biolaly).

 

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Tournage du clip de “Vivants”

 

“UNE PROMESSE” : ÉTRANGE DESTIN POUR UNE PHOTO SI SYMBOLIQUE

A ces musiciens s’ajoute Sonny Landreth, en occurrence le guitariste d’Alain Bahung pour “Osez Joséphine” … présenté par Eric Clapton comme “un des meilleurs guitaristes au monde” !

En 2011, c’est au Festival International de Louisiane, que Pierre Donoré avait rencontré ce musicien dont la “guitare slide” illustre “Une promesse”, incontestable chanson autobiographique. Cet hommage aux premières émotions musicales de Donoré pourrait très bien retenir l’attention d’un large public grâce à une médiatisation digne de ce nom sur les ondes et le petit écran. Un sacré pari à relever pour cet artiste ayant bénéficié d’un large soutien de contributeurs grâce au financement participatif dont tous les “kissbankers” sont cités dans le livret.

Cette chanson, une des plus marquantes de l’album, est illustré dans le livret par une photo dont l’histoire mérite d’être racontée.

La photo a été prise par le frère du chanteur et la pellicule est restée 8 ans sur l’armoire de la cuisine. Et voici qu’un jour sa mère la trouve et se demande évidemment ce qu’elle contient ! Elle la fait développer et voilà comment est retrouvée cette photo du chanteur à 13 ans. Photo prise précisément le jour où lui a été offert sa première guitare !

 

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AVEC GILLES ROUCAUTE, CLAUDE LEMESLE ET LES AUTRES

Donoré allie avec une apparente décontraction des textes de qualité à des mélodies qui se retiennent facilement. Du genre de celles qu’on aime reprendre au chœur durant un concert d’un “artiste populaire”.

Le savoir-faire de Pierre Donoré s’épanouit autant avec les chansons dont il est l’auteur et le compositeur que celles auxquels ont collaboré divers créateurs qui devraient retenir votre attention, que vous appréciez la fameuse “chanson à texte” de Gilles Roucaute ou la “variété de qualité” signée Claude Lemesle.

Oui, Donoré, c’est le champion du grand écart entre Gilles Roucaute (un de ces authentiques artisans d’une chanson accueillie chaque année à cœur ouvert au festival de Barjac) et Claude Lemesle … dont les textes ont été chanté par tant d’artistes appréciés à juste titre par le “grand public”, dont Joe Dassin par exemple.

Effectivement, plusieurs auteurs aux itinéraires des plus divers ont participé à cet album… dont Claude Lemesle (“Debout”), Gilles Roucaute (“L’amour en deux”), Kerredine Soltani (“Mon pote”), Mad Mahé (“Le Mont Fuji” et “Vivants”), Christophe Andréani (“Chanter”), etc.

 

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Tournage du clip “Vivants” avec utilisation de la 3D, notamment “sur des fluides de peintures colorées”

 

 ENFANCE BALLOTÉE ENTRE DEUX FAMILLES DE PARENTS DIVORCÉS

La chanson éponyme “L’amour en deux”, c’est l’histoire d’un enfant balloté entre les deux familles de ses parents divorcés. Pas de mélancolie larmoyante mais une vie quotidienne composée de mille et une réalités qu’il faut désormais couper en deux au rythme des allers-retours entre deux univers tellement différents.

Cet album, c’est de la chanson française pop folk. Mais attention, les définitions et les qualificatifs peuvent être dangereux car réducteurs … comme évoqué durant ma conversation téléphonique avec Pierre Donoré.

Sans disséquer à l’infini son répertoire, ces nouvelles chansons peuvent se résumer de la sorte : “On y retrouve toujours des sonorités acoustiques qui me sont chères depuis le début (“Regarde”), et j’explore aussi de nouvelles orientations tantôt pop rock (“Vivants”, “Une promesse”, “Chanter”), et électro (“Barcelone”, “Qui me tiendra la main”).

 

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Pierre Donoré (Photo Seb Pol)

 

“J’PRÔNERAI LA LIBERTÉ À LA BARBE DES TYRANS DE TOUTES CONFESSIONS, CROYANTS ET NON-CROYANTS”

Nombre de titres de cet album sont positifs : besoin de prendre son destin en main, de ne pas se laisser abattre, de vivre sa vie, de résister aux intolérances …

Le ton est donné dès le premier titre, “Debout” sur des paroles de Claude Lemesle. Pierre Donoré s’adresse à Lucile, une jeune femme de presque 20 ans : “Ne va plus, la tête basse/Te plaindre que l’azur te fuit/Emprunte à l’enfant qui passe/ L’étonnement et l’appétit”.

Même rage de vivre intensément dans “Vivants”, qui était le titre initial de l’album. Une chanson-choc aussi entraînante que déterminée née après les attentats de 2015 : “J’ mordrai à pleines dents tous les fruits de la vie/ J’prônerai la liberté à la barbe des tyrans/ De toutes confessions, croyants ou non-croyants/ Nous resterons unis, courageux, vigilants/Je peindrai mes pensées pour qu’elles ne soient plus noires/Je dirai haut et fort l’envie d’aimer, de boire”.

Cet album, il faut prendre le temps de l’écouter. D’en savourer les détails comme cet apaisant bruit des vagues enrichies de cris de mouettes qui apparaisse dans les dernières secondes de “Barcelone”, chanson planante, teintée du temps qu’on prend pour vivre chez “la belle de Catalogne” entre “blanc du ciel en été” et “sa brume de chaleur qui couronne l’esprit de liberté“.

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“QUI ME TIENDRA LA MAIN ?” DÉDIÉ À LAURE HUBIDOS DE L’ASSOCIATION CARPE DIEM

A découvrir aussi dans un tout autre registre “Mon pote” sur l’amitié volée en éclats. Terrible déception envers l’ami qui vous lâche quand vous avez besoin de lui. Simple, direct, réaliste : un fulgurant dialogue de sourds qui explose dans une ambiance qui ne déplairait pas aux amateurs de slam. De quoi inspirer un clip ?

Quant au titre “Qui me tiendra la main”, il évoque tout simplement l’élan de (sur)vie qui anime celui qui est frappé par une maladie incurable. “Qui atténuera les éclairs de douleur des nuits d’orage si un jour en suis otage ? Si mon corps s’en va en guerre/ Que le mal s’abat sur moi/Si je connais cette misère si le malheur s’abat sur moi ? “

Cette chanson est dédiée à Laure Hubidos, de l’association Carpe Diem consacrée à la Maison de Vie ouverte à Besançon en 2011 : “Un lieu d’accompagnement pour des personnes en situation de soins palliatifs ne nécessitant pas une hospitalisation et ne pouvant rester à domicile. L’objectif est de leur permettre de bénéficier d’un accompagnement axé avant tout sur la dimension humaine et sur la vie. La volonté est de démédicaliser la maladie et la fin de vie et d’en faire un enjeu de société” comme expliqué sur son site.

Dans nombre d’articles qui lui sont consacrés depuis des années, il est fait référence aux trois influences majeures de Pierre Donoré : Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel et Renaud. Cela peut vous donner une idée de l’univers, ou plutôt des univers dans lesquels aime se retrouver cet attachant auteur-compositeur-interprète entre textes exigeants et refrains qu’on n’oublie pas.

 

Pierre Donoré

 

ARRÊTEZ DE VOUS PRENDRE LA TÊTE ! 

En guise de conclusion, me revient la citation de Claude Lemesle au sujet de Pierre Donoré : “Ses textes font mouches parce qu’ils sont simples sans jamais être banals et a musique, bien que parfaitement ancrée dans l’air de notre temps, propose, sur des rythmes toujours renouvelés, de vraies mélodies, ce qui devient rare aujourd’hui”.

Alors soyez zen ! Car pour savourer cet album de toute beauté, oubliez donc (un peu) vos préjugés sur la barrière entre chanson à texte et variété de qualité. Le CD a été arrangé et réalisé par Pierre Donoré et Christophe Battaglia. Lequel a notamment travaillé en studio pour des enregistrements de Garou, Yannick Noah, Christophe Maé, Céline Dion, etc.

Vous verrez, ça fait du bien de lâcher prise durant 44 minutes et deux secondes, durant 11 chansons qui n’ont rien à voir avec tant de produits préfabriqués et sans saveur du show-biz.

Pour une fois, arrêtez de vous prendre la tête, d’enfermer le talent dans un tiroir tellement étanche qu’il finit par y dessécher. Et écoutez en toute liberté “L’amour en deux” dédié par Pierre Chatard à son père Honoré Chatard. D’où le pseudo de Donoré tout simplement.

ALBERT WEBER

PHOTOS JEAN-MARC GOURDON

PAGE FACEBOOK de Pierre Donoré

SITE de Pierre Donoré

A retrouver samedi 28 janvier au Zèbre de Belleville et ailleurs en France aussi …

Donoré au Zèbre de Belleville - copie