Depuis samedi 17 juin 2017, le groupe scolaire (maternelle et primaire) de ce village alsacien porte le nom de René Egles, un des auteurs-compositeurs-interprètes majeurs de la chanson alsacienne et un de ses obstinés pionniers.
Retour sur une cérémonie aux multiples facettes entre discours officiels, chansons reprises par des écoliers d’hier et d’aujourd’hui, expo photos d’antan, déjeuner préparé par l’US Gumbrechtshoffen et par les parents d’élèves, animation par l’Harmonie Municipale.
UNE LONGUE HISTOIRE AVEC LES ÉCOLIERS DE GUMBRECHTSHOFFEN
C’est la première fois en Alsace qu’une école ou un groupe scolaire porte le nom d’un chanteur alsacien vivant.
Une initiative qui rappelle l’inauguration en octobre 2004 de l’école André Weckmann de Roeschwoog, alors organisée en présence du poète et romancier alsacien ainsi que de René Eglès.
D’où l’importance du symbole mis en évidence à Gumbrechtshoffen par nombre d’interventions parlées (élus, ancien et actuel directeur d’école) et chantées avec l’active participation des actuels écoliers de ce groupe scolaire mais aussi d’une chorale d’anciens élèves reformés pour la circonstance.
Hé ou, si cette école porte aujourd’hui le nom d’Egles, c’est qu’une longue histoire unit le village alsacien et le chanteur.
A partir de la fin des années 70, cet ancien instituteur a passé une bonne partie de sa vie à circuler dans toute l’Alsace, guitare à la main, pour valoriser sa langue et sa culture natales.
En résulte une bonne cinquantaine de comptines enregistrées sur 33 tours avec la complicité d’écoliers de Niederbronn, Hochfelden et Gumbrechtshoffen : une période également marquée par nombre de concerts et émissions télévisées avec les enfants.
“ICH BIN A KLEINER MUSKANT” : TOUTE UNE ÉPOQUE !
L’exposition de photos présentées samedi 17 juin a ravivé bien des souvenirs chez les anciens écoliers.
Ils sont venus en grand nombre à l’inauguration de l’école, et leurs téléphones portables ont été bien utiles pour photographier des clichés pris voici plus de 30 ans avec le chanteur.
Même émouvant plongeon dans le passé lors de la projection d’extraits de “Ich bin ein kleiner Musikant”, l’émission télé réalisée avec les écoliers …
S’y sont ajoutées plusieurs minutes d’une vidéo réalisée voici quelques semaines avec des écoliers d’aujourd’hui : un clin d’œil plein d’humour et de rythme présenté à René Eglès en présence de Yann Schaller, actuel directeur de l’école.
Il est vrai que René Eglès est revenu à plusieurs reprises à Gumbrechtshoffen ces derniers mois pour préparer la fête organisée samedi 17 juin. D’où notamment ce panneau de photos de la “préparation du baptême de l’école”.
« Aujourd’hui, notre école est aussi ton école, depuis 1985 nous entretenons une relation forte, j’espère que tu continueras à venir de temps en temps nous rendre visite ».
Relatés par Jeannot Jeannot Schamber, correspondant des Dernières Nouvelles d’Alsace (23 juin 2017) ces propos du maire Fernand Feig en disent long sur les liens tissés entre le village et cet artiste chanté par des générations d’Alsaciens de tous âges.
Car il ne faudrait surtout pas réduire René Egles à son parcours de “chanteur pour enfants”.
Il est bel et bien un des artistes majeurs d’Alsace célébré comme il se doit ce fameux samedi par les écoliers et anciens écoliers … qui, dans l’après-midi, lui ont rendu hommage entre sketchs, chansons et lectures de textes.
“PAVANE POUR UNE LANGUE DÉFUNTE” : TOUJOURS D’ACTUALITÉ
Une des chansons les plus expressives de René Egles, celle qui évoque sans doute le mieux son engagement et ses inquiétudes en faveur de sa langue natale, c’est “Pavane pour une langue défunte”.
A découvrir ICI sur le site de l’INA … durant les 5 premières minutes à visionner gratuitement de cette émission diffusée le 3 décembre 1982. Ses paroles dénoncent en français la disparition de l’alsacien, mais aussi du breton et de l’occitan.
Oui, nombre de chansons d’Egles célèbrent l’urgence de la préservation de l’alsacien. Et cette préoccupation, il l’exprime avec une intense richesse de vocabulaire aux accents souvent poétiques, avec le souci du mot précis, de l’expression qui fera mouche.
D’où, par exemple, l’hymne composé pour l’événement “Friehjohr fer unseri Sproch” (Printemps pour notre langue”) renouvelé chaque année via nombre d’événements artistiques et cultures en Alsace.
“DES FRÉMISSEMENTS QU’ON SURVEILLE POUR LES VALORISER”
Drôle de question ? Lors de l’assemblée générale de l’OLCA (Office pour la langue et la culture d’Alsace) elle a été posée par … René Eglès !
“Je ne connais personne qui écoute cette radio sur internet” a-t-il tout simplement déclaré quand l’assistance a été invitée à s’exprimer.
Le déménagement de France Bleu Elsass des ondes moyennes vers internet et son réel impact auprès du grand public font toujours débat. Du moins chez ceux qui sont sensibles à la promotion de la chanson alsacienne.
Le “pavé dans la mare” jeté avec bon sens et sans hésitation par René Egles a évidemment suscité une réponse immédiate du directeur Hervé de Haro, le directeur de France Bleu Amsace et France Bleu Elsass présent à l’assemblée générale de l’OLCA.
Selon Christine Zimmer (Dernières Nouvelles d’Alsace, 24 juin 2017), il “estime qu’il est en train de se passer quelque chose (sans crier victoire), qu’il y a là des étapes nouvelles à franchir et qu’il y a là des frémissements qu’on surveille pour les valoriser”.
Réponse convaincante ?
Il en ressort tout au moins par déduction qu’il n’y pas/plus de place pour une “radio alsacienne” sur les ondes moyennes et encore moins sur la bande FM en Alsace. Certes, les multiples rediffusions sonores avec ou sans vidéo sont assurément bien en valeur sur le site de France Bleu Elsass.
Mais peuvent-elles efficacement “remplacer” une station de radio comme il en existe tant sur la bande FM ? J’en doute fort …
En tout cas bravo à Rneé Egles d’avoir “mis les pieds dans le plat” durant l’assemblée générale de l’OLCA.
Et saluons à juste titre la décision de la mairie de Gumbrechtshoffen d’honorer ainsi un chanteur alsacien DE SON VIVANT.
ASSURÉMENT UN SYMBOLE FORT plus efficace, à long terme, que le bouquet de rassurantes déclarations officielles prononcées en ce jour de fête devant le “groupe scolaire René Egles”.
Et ce symbole évoqué avec enthousiasme par le maire Fernand Feig s’inscrit dans la suite logique des initiatives de Pierre Deyon, Recteur de l’Académie de Strasbourg (1981-91). C’est lui qui avait donné à René Egles l’indispensable feu vert pour intervenir en parles et en musique en milieu scolaire.
Un appréciable soutien qui aura largement fait connaître cet auteur-compositeur-interprète alsacien, un des efficaces pionniers d’une chanson alsacienne … qui n’a ASSURÉMENT pas dit son dernier mot.
Soirée des plus réjouissantes samedi 10 juin à Sélestat pour qui s’intéresse à la chanson alsacienne.
Culture et identité ont si souvent méprisées par la France et l’Allemagne qui ont tenté de la mettre au pas, voire de l’étouffer définitivement au gré d’une tragique Histoire enraciné dans de perpétuelles tentatives d’assimilation forcée.
D’où l’importance d’un tel événement artistique. Car il contredit avec professionnalisme les oiseaux de mauvaise augure (et de mauvaise foi) qui se complaisent à ringardiser et à sous-estimer la détermination de ceux qui chantent en alsacien.
UN CONCOURS LANCÉ PAR L’OLCA ET RADIO BLEU ELSASS
Gaël Sieffert est donc lauréat de la 1ère édition du concours D’Stimme (les voix) accueillie aux Tanzmatten, le complexe culturel et festif de Sélestat.
Lancé en novembre dernier par L’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA) et France Bleu Elsass, ce concours aura suscité une quarantaine de 40 candidatures en provenance de toutes générations.
S’en est suivie une sélection de 10 artistes ou duo : André BAUMERT, Katia CRIQUI, Maxime KUHM, Tatiana HENIUS, Luc LEMENU, Gaël SIEFFERT, Joseph SPINALI, Gilbert TROENDLE, Christophe VOLTZ, Lucie et Valentin ZAEPPFEL
La finale aura été marquée par des adaptations alsaciennes de divers tubes (Claude Nougaro, Léonard Cohen, Claude François, Creedence Clearwater Revival, Secret Garden, etc) interprétés par trois de quatre finalistes : Lucie et Valentin Zaepffel (2ème) ; Tatiana Henius (3ème) et Maxime Kuhm (4ème).
AVEC MATSKAT, LEOPOLDINE HH ET CATHIE BERNECKER
Présentée en alsacien (et en toute décontraction) par Pierre Nuss, une des voix de la radio coorganisatrice, la finale aura également mis en relief trois artistes dont l’expérience dépasse leur Alsace natale : MatsKat , Léopoldine HH et Cathie Bernecker.
D’où plusieurs chansons proposées par ces trois complices avec notamment des nouvelles versions de refrains traditionnels d’Alsace …
… efficacement accompagnés par le groupe Di Mauro Swing ainsi que les musiciens Christian Clua, Jessy Heilig, Jean-François Untrau, Franck Reinhard, Grégory Ott et Matthieu Zirn.
CHALEUREUX CLIN D’ŒIL AU FESTIVAL SUMMERLIED
A noter aussi la chaleureuse allusion lancée par Matskat au festival Summerlied fondé en 1997 par Jacques Schleef , juste avant que ne résonnent “Wilde Stimme”, chanson composée spécialement pour LA CRÉATION de l’édition 2014.
Le Festival Summerlied – représenté à la finale de Sélestat par sa directrice Agnès Lohr- invitera Gaël Sieffert, gagnant du concours d’Stimme, à se produire lors de sa prochaine édition en août 2018.
A vrai dire, le résultat du concours met en relief non pas un mais deux créateurs d’Alsace !
La finale a été gagnée avec les chansons “Atmosphère” et “Hin un Här” : paroles de Christophe Voltz et musiques de Gaël Sieffert. Deux créateurs mobilisés en faveur de diverses initiatives communes. En fait, au départ, Gaël accompagne Christophe à la guitare lors des one-man-show ‘s “Ich Bekum a Aff” crées par ce dernier.
Ce spectacle, je l’ai découvert (et apprécié) début mai au Petit Thépatre d’Epfig dirigé par Christian Rauch, directeur d’une salle de 50 places qui mérite assurément d’être mieux connue.
QUAND ALSACE, PAYS BASQUE, CORSE, BRETAGNE, CORSE, OCCITANIE, ILE DE LA RÉUNION CRÉENT ENSEMBLE A ASTAFFORT
En 2013, les deux compères se lancent dans un nouveau projet de création musicale basée sur l’alsacien.
VOSTOK PROJECTest né, et participe la même année à un atelier à Voix du Sud, aux fameuses Rencontres d’Astaffort créées par Francis Cabrel : une intense semaine de rencontre avec d’autres artistes pour composer des chansons dans un temps imparti.
Cet atelier conforte Sieffert et Voltz à continuer sur cette voie, encouragés par Voix du Sud. Et VOSTOK PROJECT prend peu à peu son envol en poursuivant son objectif : diffuser le plus largement possible ses créations originales en alsacien.
A l’été 2016 les deux compères sont à nouveau invités par l’équipe de Voix du Sud sous l’égide du festival Summerlied pour participer à la création “La nuit d’encontre”. Une sacrée aventure synonyme de rencontre de diverses cultures : Alsace (Gaël Sieffert); Pays Basque (Philippe de Ezcurra); Bretagne (Rozenn Talec); Corse (Diana Salicetti); Occitanie (Coralie Nazabal) Ile de la Réunion (Mathias Vienne alias Tias).
Il en résultera un spectacle réalisé en dix jours à Astaffort et présenté à quatre reprises, dont une fois au festival d’Ohlungen en août 2016.
Une aventure sans lendemain ?
Gaël Sieffert et Christophe Voltz espèrent bien que non ! Suite à cette expérience, ils ont envie de présenter “VOSTOK PROJECT” dans d’autres contrées.
Pas de doute, la balle est dans le camp des décideurs …
“C’EST CHIC DE PARLER ALSACIEN”
En guise de conclusion à la finale D’Stimme samedi 10 juin à Sélestat une évidence s’impose : “C’est chic de parler alsacien” !
C’est le constat lancé après la proclamation des résultats par l’animateur de la soirée, Pierre Nuss, une des voix de Radio Bleu Elsass.
Un cri du cœur et un percutant clin d’œil plein de bon sens et de fierté … à la célèbre expression “C’est chic de parler français” ayant fleuri avec force en Alsace au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, au détriment de la langue et de la culture régionales menacées d’étouffement.
D’Stimme ? Un concours à renouveler sans aucun doute l’année prochaine …
… mais en proposant si possible deux catégories : une pour les versions alsaciennes de chansons connues et l’autre pour des titres originaux, au sens fort du terme.
C’est au Théâtre de la Choucrouterie créé en 1984 par Roger Siffer à Strasbourg qu’Isabelle Grussenmeyer a présenté dimanche 14 mai “Ich bin do” (“Je suis là”) son 4ème album solo.
Retour sur cet événement marqué par une intense prestation de l’auteure-compositrice-interprète accompagnée par quatre efficaces musiciens.
S’en est suivie une séance de dédicace animée par une artiste visiblement très heureuse de présenter son nouvel opus de 38 minutes et 50 secondes réparties en 11 chansons.
Une vraie complicité sur scène et dans la vie aussi
“PAS DU FOLKLORIQUE MAIS DES MUSIQUES ACTUELLES”
Premier constat : “Le titre “Ich bin do” veut dire pleines de choses ! C’est aussi pour dire que le dialecte est bien vivant ! Et qu’il existe ! “explique la chanteuse.
Non à la nostalgie, oui à la chanson pleine d’entrain, joyeuse, audacieuse, qui donne envie de chanter, d’avoir du plaisir. Et aussi de se poser des questions De bon sens, voire de tirer une très inquiète sonnette d’alarme sur la non-reconnaissance, l’indifférence, voire le mépris et le rejet suscité par un artiste soucieux de créer dans sa langue natale.
Ainsi pourrait-on résumer en quelques phrases la démarche artistique d’une des rares chanteuses alsaciennes qui continue à défendre sa langue natale sur des accents résolument modernes.
“Des textes avec des notes d’humour, une touche de poésie une invitation à transformer le quotidien en rêve” explique Isabelle Grussenmeyer.
“Franchement, c’est toujours difficile de caser ma musique dans un style, un genre musical. “Ich pàss nit guet in e Käschtel nin” ! Mais ça reste toujours des chansons en alsacien pour les grands, …et pour les petits. Et ce n’est pas folklorique, ce sont des musiques actuelles”.
Bien sûr qu’en cette époque de mondialisation effrénée il est vital de continuer à créer, à chanter dans sa langue natale. Mais la langue ne doit surtout pas être l’unique atout d’une démarche artistique.
Il est essentiel que l’inspiration soit elle aussi au rendez-vous. Pas pour offrir de nouvelles versions de refrains alsaciens qu’on aurait envie de dépoussiérer mais bel et bien dans l’affirmation d’un répertoire enraciné dans des réalités actuelles.
Après Morjerot en 2002 et Hin un her en 2007, voici donc le 3ème album autoproduit d’Isabelle Grussenmeyer. S’y ajoute Sunnebluem (2004) “Sunnebluem” sur des textes de Conrad Winter et musiques de son fils Jean-Philippe.
Avec obstination, Isabelle Grussenmeyer trace sa voie de “Liedermacherin” (“faiseuses de chansons”): “Je me définis souvent par ce mot, c’est comme Songwriter en anglais, ça résume en un mot : auteur-compositeur-interprète“.
ÉVIDENTE AISANCE SCÉNIQUE
Pour bien mettre en valeur son envie et son besoin de parler et de chanter en alsacien, l’artiste s’est entourée à la Choucrouterie de quatre talentueux musiciens : Adrien Geschickt (contrebasse), Jean Bernhardt (batterie, percussions), Kalévi Uibo aux guitares et Thomas Etterlé (claviers, cuillères, kazou). Et aussi au thérémine qui intrigue toujours le public : un des plus anciens instruments de musique électronique.
Créé en 1919 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen connu sous le nom de Léon Theremin, il se compose d’un boîtier électronique équipé de deux antennes, l’instrument a la particularité de produire de la musique sans être touché par l’instrumentiste.
Histoire de mieux faire comprendre son fonctionnement, la chanteuse cherchera une spectatrice dans la salle pour qu’elle en joue devant le public !
SURMONTER LE TRAC ET ÊTRE (TRÈS) HEUREUSE FACE AU PUBLIC
Cette pause dans le spectacle, c’est aussi tout un symbole. Celui d’une artiste bien à l’aise sur scène, évoluant entre ses musiciens, s’avançant dans le public pour chercher un(e) volontaire pour jouer du thérémine.
Une fois surmontées les premières minutes du début de son spectacle entamé dans un certain stress, Isabelle s’en donne à cœur joie, expressive autant dans ses intonations que sa gestuelle : une réelle aisance qui aura eu raison de l’obsédant trac
De quoi lui inspirer une de mes chansons préférées de “Ich bin do” : “De Bühnedatteri” exprime avec humour et réalisme les divers symptômes qui s’emparent d’elle avant d’affronter le public.
“SPINNERLIED” : CLIN D’ŒIL À RENÉ ÉGLÈS
En plus des titres de son nouvel album, elle aura, ici et là, glissé des refrains plus anciens de son répertoire forgé au fil des années. Sa discographie est marquée par trois albums solo pour adultes), plusieurs participations à des compilations sans oublier quatre albums pour enfants en duo avec Jean-Pierre Albrecht et un livre-CD avec Gérard Dalton (et toujours Jean-Pierre Albrecht, également co-auteur de “Ich bin do”).
Selon son site, il existe neuf albums pour tout public ! Et on peut y ajouter les CD produits par l’OLCA (Office pour la langue et la culture d’Alsace) pour les enfants : une compilation pour les carnets de santé, une autre pour les écoles.
Isabelle Grussenmeyer chante ses compositions et aussi divers auteurs alsaciens tels Conrad Winter, Henri Mertz, Emma Muller. Sans oublier René Egles, Gustave Stoskopf (“Spinnerlied”), Jean-Pierre Albrecht, surtout pour le répertoire enfant … et aussi Germain Muller, dans le projet “Barabli Hit”, et Roland Engel pour “Gospel Gsang”.
Après un premier rappel, c’est d’ailleurs avec “Spinnerlied” qu’elle termine seule à la guitare son lancement d’album. Assurément un superbe clin d’oeil à ses débuts discographiques …. puisqu’elle a enregistré en 1996 ce poème de Gustave Stosskopf mis en musique par René Egles.
En l’occurrence sa première expérience en studio, pour la compilation “Lieder fer’s Herz” (“Chansons pour le cœur”) produite par l’association Liederbrunne. Plus d’un artiste de cette compilation a depuis longtemps cessé de chanter, mais pas la femme en rouge, sans doute sa couleur fétiche sur scène. Mais pas elle …
PREMIÈRE SCÈNE A 11 ANS
Il est vrai qu’elle se passionne pour l’alsacien depuis son jeune âge.
D’où cette anecdote bien connue de ceux qui s’intéressent à la carrière d’Isabelle Grussenmeyer. En 1990, elle a 11 ans et apprécie tant un concert de René Eglès à Ingwiller qu’elle va voir l’artiste durant l’entracte en lui lançant : “Tu sais, moi aussi j’aime chanter en alsacien !”.
Imaginez la surprise de René Eglès, une des figures majeures de la chanson alsacien dont il fut un des pionniers dans les années 70. Il la prend au mot et la fait monter sur scène.
Ce seront ses premiers pas suivis peu de temps après par une invitation à chanter au Palais des Congrès de Strasbourg, un lieu dont Isabelle ignore alors tout. Une fois sur place elle se rendra compte de l’importance de cette vaste salle où elle sera applaudie aux côtés de son mentor.
Retenu par un concert prévu de longue date, René Eglès n’aura hélas pas pu être présent à la Choucrouterie le 14 mai. Et c’est bien dommage. En effet, il aurait apprécié l’épanouie personnalité de la chanteuse : une femme aussi déterminée que talentueuse. Finie la jeune fille timide, réservée, qui chantait à l’ombre du célèbre “troubadour alsacien”.
11 CHANSONS POUR RACONTER LA VIE
Depuis sa plus tendre enfance, elle a toujours aimé chanter ! D’abord des comptines alsaciennes avec son arrière-grand-mère et ensuite diverses chansons au sein d’une chorale.
A 38 ans, maman de deux filles, Isabelle Grussenmeyer est une femme épanouie. Jonglant toujours entre répertoire pour adultes et chansons pour jeune public, elle avance à son rythme. Et de plus en plus à l’affut d’un monde en perpétuelle (r)évolution.
Aucun titre de “Ich bin do” ne ressemble à l’autre, chacun met en évidence un constat, une réalité, une évidence. Du vécu aussi pour l’album débute par des cris de bébé … qui ont également résonné ce jour-là à la Choucrouterie. Avec cette chanson sur les premiers pas d’un enfant, elle se dévoile encore un peu plus sur scène, notamment accompagnée par le thérémine.
Tour à tour enjouée et sérieuse, Isabelle Grussenmeyer passe en revue quantité de tranches de vie et de constats qui s’envolent parfois bien au-delà de son Alsace natale tel “Klimablues” , un blues enraciné dans des préoccupations écologiques.
ENVIE D’UN DUO AVEC ALDEBERT
Isabelle Grussenmeyer se sent “proche des artistes comme Aldebert. J’aime son style, sa façon d’écrire pour les grands et les petits, ses musiques parfois très dynamiques, parfois plus douces“.
Enregistrer un jour avec lui ? “Bien sûr ! Et pourquoi pas même en alsacien, il aime travailler avec d’autres artistes et même d’autres langues, c’est peut-être un rêve réalisable !”.
Et parmi ses autres repères ? “Bien sûr René Egles, et Jean-Pierre Albrecht, dans la famille des Liedermacher” répond-t-elle, précisant aussitôt qu’elle n’est pas du tout fermée à la chanson d’expression française.
Bien au contraire : “Oui, ça m’est déjà arrivé d’écrire des chansons en français, mais peu, entre autres, la chanson “Ensemble nous voyageons autour du monde”, c’est l’adaptation de “Mit’nander han mr de Kehr vun de Walt gemacht” sur l’album “Morjerot”. Une strophe y est “parlée” en français par Jean-Pierre Albrecht”.
“NE M’ENFERMEZ SURTOUT PAS DANS UN TIROIR MUSICAL “
Jazz, folk, rock, pop, électro ? Impossible pour la chanteuse de s’enfermer dans un seul univers.
Et c’est en jonglant avec entrain entre divers espaces musicaux en ponctuant ses mélodies de diverses ruptures de rythmes : ““Nous avons souhaité mettre des musiques aux couleurs latines, dynamiques, mais aussi d’autres pour rêver … et pour sourire !
Je ne sais pas trop dire ce que c’est, mais je sais bien ce que ce n’est pas : ce n’est pas de la musique folklorique, ni rap, ni punk, ni hard rock, ni classique, …. . C’est plutôt pop, folk, latin, voir jazzy et touches d’electro, c’est léger, joyeux, rêveur.. avec des notes d’humour. Des chansons en alsacien avec les couleurs du soleil ! De la musique du monde, version en alsacien ?!”.
Attention, , ne croyez surtout pas que l’album “Ich bin do” soit réservé aux Alsaciens maîtrisant leur langue à la perfection. Certes, il s’adresse aux dialectophones et germanophones mais – pour selon l’artiste – “il interpelle aussi les jeunes générations et tous ceux qui ne connaissent pas encore la langue et qui sont attirés par les sonorités actuelles de la musique”.
Enregistrement et mixage ont été assurés au studio Dub & Sound par Patrick Wetterer, et en plus des musiciens venus à la Choucrouterie, notons aussi la participation sur cet opus de Julien Grayer (guitares), Jean-René Mourot (accordéon et trompette) Marion Schmitt (flûte traversière).
“PERSONNE N’EST PROPHÈTE EN SON PAYS”
Outre la chanson sur le trac, mention spéciale à deux autres titres de “Ich bin do”.
D’abord “Waje de Litt” (à cause des gens) : elle se glisse dans la peau d’une femme toujours obsédée par ce que pensent les autres et dont la manière de s’habiller et de se comporter sont adoptées en fonction de la pression sociale.
Jusqu’au jour où Trudel fait exploser sa peur et s’affiche avec une liberté qui, évidemment, suscite une avalanche de commérages. Cette chanson devrait faire l’objet d’un clip tant elle reflète la vie de trop de personnes, non ?
Et bien sûr, il y a “Kenner isch Prophet in sim Lànd” : autre chanson qui pourrait donner lieu à un clip tant il est plus que jamais d’actualité dans une Alsace où langue et culture régionale sont plus que jamais en danger. Et où un artiste chantant dans sa langue natale a bien du mal à sortir d’un certain ghetto médiatique.
UN RÉALISATEUR VENU DE STUTTGART POUR FILMER LE CONCERT
Nul n’est prophète en son pays ?
En regardant Isabelle Grussenmeyer chanter ce titre, une évidence s’est imposée pour moi à la Choucrouterie : ce concert a été filmé par Andréas Ottmayer, réalisateur allemand venu spécialement de Stuttgart !
Hé oui, aucune prise de vue du spectacle n’a été effectuée par un cinéaste d’Alsace ou d’ailleurs en France.
Ce professionnel allemand d’une trentaine d’années se passionne pour l’identité alsacienne. D’où “Schmierwurst & baguette” (saucisse à tartiner et baguette), son documentaire sur la musique, le dialecte et la culture en Alsace. Soit 50 minutes ponctuées par plusieurs interventions d’artistes entre témoignages et chansons dont Isabelle Grussenmeyer, Jean-Pierre Albrecht, Roger Siffer, Serge Rieger, le groupe Les Hopla Guys, etc.
OTTMAYER, ALBRECHT, DALTON, SCHLEEF, LORBER ET LES AUTRES …
“D’après les réservations, la salle devait être complète jusqu’à la dernière place. Mais finalement, plusieurs personnes qui avaient réservé ne sont pas venues, m’explique Isabelle Grussenmeyer en précisant : “Oui, heureusement qu’Andreas est venu, lui s’est proposé de filmer, et je suis bien contente qu’il restera une trace !”.
A part Jean-Pierre Albrecht, co-auteur des textes et Gérard Dalton, aucun autre artiste d’Alsace n’était présent à la Choucrouterie pour le lancement de cet album. Ces deux auteurs-compositeurs-interprètes sont des complices de longue date ‘Isabelle Grussenmeyer sur plusieurs albums et spectacles pour enfants.
Soulignons aussi l’absence des caméra de “Rund Um”, l’émission alsacienne de France 3 Alsace… Un reportage avait été convenu mais il y a eu désistement de leur part deux jours avant le concert. D’où l’importance – au risque de me répéter – des prises de vues réalisées par Andréas Ottmayer. Hé oui, nul n’est prophète …
Le lancement de cet album aura aussi été l’occasion de retrouvailles avec des Alsaciens sensibles à l’identité et l’avenir de leur terre natale.
Et surtout qui l’affichent sous diverses formes d’action tels le président du Centre culturel alsacien Jean-Marie Woerhling, également directeur de publication de “Land Sproch”, Les Cahiers du Bilinguisme, et président de Culture et Bilinguisme d’Alsace et de Moselle …
… Jean-Marie Lorber, créateur de l’association Liederbrunne et candidat du parti Unser Land (Notre Pays) aux législatives aux élections de juin … et Jacques Schleef, créateur du Festival Summerlied et fondateur du Club Perspectives Alsaciennes. Ce concert lui aura permis de distribuer des exemplaires du journal gratuit de 12 pages réalisé par le CPA.
“J’AI PROFITÉ DE CE MOMENT SUR SCÈNE AVEC MES MUSICIENS”
C’est certain, ce concert a été un défi pour la chanteuse et ses proches. Il a fallu préparer tout l’aspect matériel, artistique, mais aussi médiatique… même si peu d’artistes, de médias ainsi que de producteurs (pourtant invités nominativement par TRÜDEL Production) se sont déplacés.
“J’étais contente, j’ai profité de ce moment sur scène avec tous mes musiciens” confie l’énergique chanteuse en précisant au sujet de TRÜDEL Production : “‘C’est une association qui a à coeur de soutenir les projets artistiques autour de la langue et la culture régionale”.
Reste au final une évidence : ce concert aura été synonyme d’authentique réussite.
Idem pour l’album soutenu entre aides et subventions à hauteur de 65% par divers partenaires associations : Liederbrunne, et Culture et Bilinguisme, Région Grand Est; OLCA (Office pour la langue et la culture d’Alsace).
“Ce sont des soutiens financiers ou bien des aides logistiques (comme la diffusion via le site Liedebrunne). Effectivement, je n’ai pas de maison de disque, Le Liederbrunne est distributeur et un soutien financier et logistique. Pour Culture et Bilinguisme intervient en tant qu’aide logistique administrative”.
En somme un CD qui confirme – tout simplement – de l’incontestable et réjouissante vitalité d’une chanson alsacienne qui ne demande qu’à être MIEUX mise en valeur. Et pas seulement en Alsace.
“Une limonade ? “, c’est le nom du 3ème album du Morand Cajun Band.
51 minutes et trois secondes à savourer sans modération même si ces chansons ne sont pas souvent diffusées sur les ondes et que le groupe fondé en 1994 est plus que jamais invisible sur le petit écran.
Coup de projecteur sur un album anti-morosité qui vous (re)donne ne sourire, et vous donne envie de danser de de chanter. D’être heureux sur des rythmes enracinés dans une attachante Louisiane et offerts par le MCB dans une réjouissante décontraction.
SURTOUT PAS DE COPIÉ-COLLÉ DE LA MUSIQUE DE LOUISIANE
“Un quatuor qui ne s’embarrasse pas des conventions en ne cherchant pas à faire du copié/collé de la musique de nos cousins de Louisiane, mais en y mettant tout leurs bagages musicaux et leurs sensibilités qu’ils trimballent depuis longtemps”.
Signée Roger Morand, cette présentation en dit long sur l’esprit qui règne sur scène en coulisses dans ce groupe offrant une musique entièrement acoustique puisée dans un large registre d’airs cajun et créole, zydeco,
S’y ajoute un zeste de musique acadienne et country, et une pincée de rock comme en témoigne un titre caché glissé malicieusement dans cet enregistrement : le genre de titre qui vous met d’aplomb dès le matin, pour que vous ayez eu un réveil quelque peut difficile !
Ce nouvel album a largement de quoi ravir “les amateurs de blues que ceux des planchers de danses cajun, zydeco, rock ou country… On y retrouve des two step, jitterbug, côtoyant des one step, line dance, polka, baisse bas et même biguine”.
“BELLES CHANSONS TANTÔT BRAILLARDES OU MÉLANCOLIQUES”
Pour ceux qui ne sont pas de redoutables spécialistes des rythmes de la Louisiane, normal qu’ils aient un peu de mal à s’y retrouver dans les divers genres musicaux mis en relief au fil des titres.
Mais pas de panique ! La pochette met en valeur chaque titre avec une brève explication mêlant références historiques et repères musicaux, précisions sur le créateur et sur l’impact de la chanson au moment de sa sortie.
Ces précisions sont d’autant plus précieuses qu’elles témoignent de la vaste diversité des sources d’inspiration des quatre compères. Mais soyons francs : on peut très bien se laisser emporter par l’ambiance de l’album sans nécessairement s’accrocher à ces informations.
Car il faut bien affirmer haut et fort une évidence : “Une limonade ?” ne s’adresse pas à l’esprit, à l’intellect, mais au corps. Bref à l’envie et au besoin de s’abandonner à l’ambiance de ces “belles chansons tantôt braillardes ou mélancoliques, tranches de vie, d’amour et de dérision”.
CLIN D’ŒIL A CLIFTON CHÉNIER
En somme du “vrai french Cajun blues boogie & Zydeco quoi !” selon Roger Morand, créateur du groupe. Un sacré passionné de musique qui apprend l’accordéon chromatique à l’âge de 6 ans avant de s’intéresser durant son adolescence au mélodéon : deux des instruments qu’il joue au sein du MCB qui a subi plus d’un changement dans sa déjà longue histoire de plus de 20 ans.
Aujourd’hui le groupe comprend aussi Guy Vasseur aux percussions, Patrick Plouchart (violons, chant et choeurs) et Jean-Marie Ferrat (guitares, basses, choeurs) qui a également enregistré et produit l’album aux arrangements signés Roger Morand.
Mention spéciale, au fil des refrains de “La limonade ?” au “Bon temps rouler” créé en 1967 par Clifton Chenier (1925-1987).
D’où une évidente passerelle entre ce 3ème CD et le précédent album du MCB, “Marcher Plancher” : un clin d’œil à ce pionnier de la renaissance d’une certaine Louisiane francophone, influencé à la fois par le blues et le jazz et inoubliable musicien de zydeco. L’impressionnante discographie de cet inventif pionnier en dit long sur le parcours de ce créateur assurément cher à Roger Morand.
S’il est évident que le Morand Cajun Band célèbre avec talent la Louisiane, notons que le groupe s’est également forgé une belle réputation dans un registre plus folk, notamment avec l’animation de bals avec danses traditionnelles (mazurka, polka, danses en ligne et en cercle, etc
Vous aimez le Québec ? Et la poésie ? Notamment la poésie qui incite à découvrir tant de nuances insoupçonnées d’une “Belle Province”…
Si ces interrogations retiennent votre attention, surtout pas d’hésitation. Laissez-vous entrainer par les poètes alsaciens Albert Strickler et Jean-Christophe Meyer dans un voyage aussi inattendu qu’inoubliable. Avec en prime 22 dessins et gravures de Delphine Gutron : trois talents réunis sur cette photo de Daniel Walther.
Attachez vos ceintures, décollage immédiat vers une destination chatoyante de couleurs et de sensations, d’impressions au gré de déplacements de deux poètes alsaciens à Montréal, Québec et bien plus loin encore.
CARNET DE VOYAGE À DEUX VOIX ENTRE DÉCOUVERTE ET RESSENTI
Premier constat. Autant vous prévenir : ne vous attendez surtout pas à un guide touristique avec cet ouvrage paru aux Éditions du Tourneciel dans la collection “Le Miroir des échos”. Pas du tout le genre de livre qu’on emporte pour dénicher les “bonnes adresses” et autres “sites incontournables” à immortaliser avec votre appareil photo ou téléphone portable.
“Dans la paume d’une feuille d’érable”, c’est plutôt un carnet de voyage enraciné dans quantité d’impressions et de découvertes. Entre voir et raconter, découvrir et ressentir. Il n’existe pas de photo réunissant les deux auteurs au Québec. Et pour cause puisque leurs séjours respectifs n’auront jamais eu lieu aux mêmes périodes.
Albert Strickler est venu deux fois au Québec, entre participation à deux reprises au Festival International de la Poésie de Trois Rivières et retrouvailles familiales.
“J’ai séjourné deux fois au Québec, chaque fois motivé par l’envie de revoir ma fille Cornélia installée à Montréal après avoir vécu à Ottawa. La première fois, j’y suis allé en 2010 avec Benjamin notre aîné et plus récemment en automne 2016” souligne-t-il en évoquant ses impressions québécoises. Cette expérience, il la raconte avec force détails dans son journal rédigé quotidiennement et publié chaque année dans la collection “Le chant du Merle” aux Éditions du Tourneciel.
Jean-Christophe Meyer a aussi, effectué deux séjours au Québec, de quelques semaines à chaque fois.
“Comme simple touriste la première fois. Et c’est alors que j’ai rédigé le texte paru avec les poèmes d’Albert… Et la deuxième fois pour promouvoir “Garde ton souffle pour le chant de la gratitude », un de mes précédents recueils, que Dominic Deschênes a choisi pour une de ses collections aux Éditions du Sablier à Québec”.
AVEC LA COMPLICITÉ DU QUÉBÉCOIS DOMINIC DESCHÊNES
Dominic Deschênes ? Ce Québécois est un des créateurs des Éditions du Sablier fondées en 2003 dans la ville de Québec et spécialisé dans la poésie.
Une intense complicité s’est forgée entre lui et les deux auteurs d’Alsace. Elle s’exprime intensément dans la préface rédigée le 9 mars 2017 à Québec. En effet, l’Alsace n’est plus une terre inconnue pour ce poète et éditeur.
On le retrouve sur cette photo de groupe prise en septembre 2016 dans la salle familiale du domaine François Meyer, au-dessus de la cave à Blienschwiller. C’était à l’occasion d’une lecture poétique organisée par les Éditions du Tourneciel, et dont Dominic Deschênes fut l’invité d’honneur.
L’événement fut organisé pour la venue du poète québécois et la création des créations de la pianiste Juliette Amiel. compositrice de plusieurs œuvres inspirés de poèmes de “Les Aigrettes des cirses dans le jour qui naît”, avant-dernier recueil de Jean-Christophe Meyer.
Sur cette photo se trouve aussi l’historien Gabriel Braeuner, historien proche de la Bibliothèque humaniste et auteur des livres sur Sélestat et Colmar parus aux Éditions du Tourneciel.
“NOUS LES SUIVONS DANS LEURS PÉRÉGRINATIONS ÉMERVEILLÉES”
Quand on prend le temps de se promener à travers la “Belle Province” en compagnie de Strickler et Meyer, une évidence s’impose : les deux auteurs embellissent avec talent ce qu’ils ont vu, vécu, entendu … et compris aussi de cette terre francophone et de ses habitants d’Amérique du Nord.
Certes, comme l’affirme avec justesse Dominic Deschênes dans sa préface, ce livre “évoque les voyages que nos deux poètes ont fait loin de leur vallée du Rhin, dans une autre vallée fluviale, celle du Saint-Laurent. De Montréal au parc de la Bic, en passant par la Mauricie, le Vieux-Québec, le fjord du Saguenay, l’Ile-aux-Coudres et bien d’autres endroits, nous les suivons dans leurs pérégrinations émerveillées à travers les grands espaces du Québec, mais aussi au cœur de ses principaux sites historiques”.
En somme un livre pour deux approches poétiques à la fois différentes et complémentaires.
Entre observations et anecdotes, Jean-Christophe Meyer s’adresse à sa compagne venue découvrir le Québec avec lui : belle expérience commune développée avec force allusions et souvenirs, et enracinés dans des repères souvent plus géographiques que ceux des textes d’Albert Strickler. Lequel, en jongleur habile et amoureux des mots, laisse vagabonder son imagination vers des espaces souvent oniriques.
Il s’envole au gré des mots colorant ses “impressions québécoises” et utilise plusieurs fois dans chaque poème l’expression “Québec je me souviens”. Évidemment une allusion à la devise du Québec … dont la signification historique aura suscité bien des controverses longuement développée ICI sur internet.
STRICKLER, AUTEUR-ÉDITEUR GUIDÉ PAR L’ÉCRITURE QUOTIDIENNE
C’est évident, “Dans la paume d’une feuille d’érable” met en relief deux regards bien distincts du “vécu québécois” deux poètes d’Alsace. Le parcours de chaque auteur est singulier et ne ressemble pas à l’autre bien qu’à chaque fois enraciné dans l’Alsace natale.
Né en 1955 à Sessenheim, Albert Strickler est l’auteur d’une bonne trentaine de livres. Et aujourd’hui plus que jamais, il publie depuis 1994 des volumes annuels de son fameux Journal aux titres des plus poétiques : “Comme un roseau de lumière”, “De feuilles mortes et d’étourneaux”, “Le cœur saxifrage”, “La traversée des éphémères”, “Les andains de la joie”, “Pour quelques becquées de lumière”, etc.
En plus de ces rendez-vous annuels avec ses lecteurs, il publie également divers recueils de poèmes ainsi et des ouvrages réalisés en binôme, notamment avec des plasticiens : Dan Steffan, Gilbert Mosser, Rolf Ball, Patrice Thébault, Colette Ottmann, Sylvie Lander, Gérard Brandt, etc.
D’où une (très) impressionnante bibliographie témoignant d’une inspiration permanente doublée par un évident besoin d’écrire chaque jour.
MEYER : MILITANT DE LA LANGUE ET DE LA CULTURE ALSACIENNES
Né en 1978 à Blienschwiller, sur la Route des Vins, Jean-Christophe Meyer est journaliste au quotidien L’Alsace, à Saint-Louis où il rédige en alternance avec d’autres chroniqueurs le billet en alsacien du samedi.
Ce fils de vigneron a publié plusieurs recueils en français avant son premier son premier ouvrage bilingue, “Lìechtùnge – Clairières” dans la collection “d’Fladdermüs” aux Éditions du Tourneciel.
Engagé dans diverses associations pour la défense de la langue et culture alsaciennes, il agit au sein d’AGATE (Académie pour une Graphie Alsacienne Transfrontalière avec laquelle il a créé en 2010 le sentier des poètes de Blienschwiller.
Par ailleurs, une des étapes du sentier des poètes de Bischwiller lui est consacré à l’initiative de Sylvie Reff, auteure-compositrice-interprète, chanteuse, écrivain et poétesse qui a préfacé ce premier recueil bilingue.
Pas étonnant qu’on retrouve Jean-Christophe Meyer face à la caméra du cinéaste allemand Andréas Ottmayer dans son documentaire Schmierwurst & Baguette sur l’identité alsacienne.
EXPOSITION DE DELPHINE GUTRON AU CENTRE CULTUREL ALSACIEN
“Dans la peau d’une feuille d’érable” est un beau livre de poésie. Il retient l’attention tant par l’intensité textes de Jean-Christophe Meyer et Albert Strickler que la création graphique d’Olivier Klencklen. Ce livre est d’ailleurs présenté via son “regard de graphiste” sur son site reflétant un esthétisme des plus efficaces.
Dessins et gravures de Delphine Gutron constituent un atout de taille dans cet ouvrage. Du 10 au 30 juin, les œuvres inspirées par “le Québec de Strickler et Meyer ” sont exposées au Centre Culturel Alsacien à Strasbourg
“Nancéenne de naissance, alsacienne depuis près de 20 ans à présent, je grave et dessine des balades intérieures, des voyages de papier comme les estampes et les dessins réalisés pour le recueil de poèmes sur le Québec « Dans la paume d’une feuille d’érable » écrit par Jean-Christophe Meyer et Albert Strickler” confie-t-elle sur le site du Centre Culturel Alsacien.
Une série de six cartes postales a été éditée pour la sortie de ce livre. Elle reprend des œuvres du recueiul de poèmes. Soit trois cartes par auteur chaque fois illustré par un phrase poétique de chacun d’eux : une autre initiative des Éditions du Tourneciel qui mérite, elle aussi d’être connue et encouragée.
“LES POÈMES LUS ENGENDRÈRENT UNE CARTOGRAPHIE ÉTRANGEMENT INCONNUE ET UNIVERSELLE A LA FOIS”
Hé oui, du 10 au 30 juin, Delphine Gutron expose dans ce haut-lieu de l’identité alsacienne situé à Strasbourg.
Samedi 17 juin à 14 heures, poésie et peinture sont d’ailleurs au rendez-vous avec les trois artistes mobilisés pour ce recueil : un des nombreux événements organisés par le CCA au fil des semaines.
Et Delphine Gutron de préciser : “Je dessine très lentement car le temps s’arrête dans le quotidien et l’encre prend alors la route, une marche quasi en temps réel, laborieuse ou bucolique, champêtre ou marécageuse, fluide ou saccadée. Les poèmes lus n’eurent pas de seconde vie, ils engendrèrent une cartographie étrangement inconnue et universelle à la fois, celle du voyageur qui sait ramasser les miettes de nature d’un peu partout comme celui qui collectionne les sables du monde entier”.
“COMME SI C’ÉTAIT LA PREMIÈRE FOIS”
Au fait comment s’y retrouver dans cet ouvrage de 64 pages réunissant deux manuscrits ?
Pour que le lecteur puisse aisément distinguer les auteurs des deux cycles de poèmes, celui de Jean-Christophe Meyer (“Nous, pèlerins de l’aube”) est présenté en typographie droite alors que “Je me souviens” d’Albert Strickler apparaît en italiques.
Pas de doute, si vous avez déjà été au Québec ou que vous y viviez, ce livre vous offrira une vision attachante et insolite, inattendue assurément. Et des plus poétiques évidemment !
D’où ce constat final relevé dans la préface de Dominic Deschênes : “Même le lecteur québécois, après avoir refermé ce livre, peut regarder ces paysages qu’il habite au quotidien comme si c’était la première fois et s’en émerveiller à son tour”.
Une évidence à laquelle j’adhère avec conviction.
Albert WEBER
“Dans la paume d’une feuille d’érable”, couverture et 64 pages à l’italienne. Éditions du Tourneciel. 20 euros.
Photos Daniel WALTHER, Albert WEBER et Jean-Christophe MEYER
Avis aux personnes venues à Mably, près de Roanne, pour l’exposition photographique et sonore, le concert de Benoît Paradis Trio ou la causerie sur l’Histoire de la Chanson Québécoise : hé oui, la programmation 2017 est enfin connue.
Place à une éclatante 35e édition qui se déroulera du 29 juin au 8 juillet entre artistes confirmés et talents émergents.
Alors pas d’hésitation ! Rendez-vous dans cet attachant village de Gaspésie comptant 224 habitants en 1996 et 142 aujourd’hui : grâce à son festival, Petite-Vallée a assurément acquis une renommée internationale.
ALAN CÔTÉ : “35 ANS DE VAGUES D’ARTISTES VENUS SE POSER SUR LES GALETS DE LA LONGUE-POINTE”
Voici le 3ème et dernier volet de notre dossier sur Petite-Vallée.
Après un 1er article sur l’exposition photographique et sonore signée Jean-Charles Labarre, Nathalie Dion et Alan Côté, et sur la causerie sur la chanson québécoise … et un 2ème consacré au concert de Benoît Paradis Trio, voici un tour d’horizon de ce qui attend les festivaliers en 2017 !
Pour commencer, une citation signée Alan Côté, directeur général et artistique du festival :
“Cette année on célèbre 35 ans de vagues d’artistes qui sont venus se poser sur les galets de la Longue-Pointe. C’est l’année du retour de la vague, du retour à bon port de certains qui en étaient à leurs premières marées lors de leur passage initial à Petite-Vallée. De nouvelles déferlantes d’artistes viendront également brasser les plages de nos villages et à leur tour, marquer l’histoire de notre événement”.
PROGRAMMATION TRÈS ÉCLECTIQUE EN GASPÉSIE
Fidèle à sa tradition, l’incontournable événement gaspésien propose une programmation éclectique qui viendra célébrer la chanson sous toutes ses formes.
Plus de 30 spectacles seront présentés pour le plus grand plaisir des quelque 15 000 festivaliers attendus.
C’est évident, il y en aura pour tous les goûts !
Au programme : Sarah Toussaint-Léveillé / La Petite École de la chanson / Dumas / Vague de cirque / Amylie / Patrick Norman et ses invités / Les Hôtesses d’Hilaire / Les Rencontres qui chantent / Klô Pelgag / Les Soeurs Boulay / Samito / Catherine Major / Patrice Michaud / Vincent Vallières / Fuudge / Dick Annegarn / Hommage à Patrick Norman et aux Soeurs Boulay / Métissages : Quatuor en chaises berçantes / Bon Débarras / Joëlle St-Pierre / Les chansonneurs / Dans l’shed / Les Hay Babies / Louis Jean-Cormier / Matt Holubowski / Ponteix / Laurie Leblanc / Shawn Barker / Clay and friends / Richard Séguin / Éric Lapointe / Marie-Pierre Arthur / Raton Lover … et la liste n’est pas exhaustive …
PATRICK NORMAND : ARTISTE PASSEUR 2017
L’artiste passeur et les artistes complices seront à l’honneur de quatre soirées.
D’abord, près de 400 jeunes interpréteront le répertoire des artistes porte-paroles le 29 juin lors de la Petite École de la chanson.
Le lendemain, Patrick Norman montera sur la scène du chapiteau pour présenter un concert en compagnie d’artistes invités. Le 1er juillet, Les Sœurs Boulay offriront leur plus récent spectacle. Enfin, elles seront au coeur d’un spectacle hommage, en compagnie de Patrick Norman, le lundi 3 juillet.
Les chansonneurs qui participeront à la Destination Chanson Fleuve termineront leur périple à Petite-Vallée. Les festivaliers pourront voir ces artistes de la relève à deux reprises, soit le 5 juillet et le 7 juillet en fin de soirée au Théâtre de la Vieille Forge.
Les fêtes du 175e anniversaire de Grande-Vallée présenteront deux concerts lors du Festival en chanson, soit un double plateau à saveur country mettant en vedette l’acadien Laurie Leblanc et Shawn Barker le 7 juillet, ainsi qu’Éric Lapointe le 8 juillet.
GRANDE PREMIÈRE : PLACE AUX ARTS DU CIRQUE
A signaler une nouveauté dans la programmation 2017. Les arts du cirque donneront une couleur particulière à la 35e édition du Festival en chanson.
En effet, Vague de cirque présentera son spectacle “Barbecue” à six reprises durant l’événement. La venue de cette compagnie circassienne est le fruit d’une collaboration avec la Municipalité de Grande-Vallée.
Les passeports et billets de spectacle sont en vente le lundi 6 auprès de la billetterie du Festival en chanson (418-393-2222 / 1-844-393-2226) ou via le réseau Admission (www.admission.com).
“DESTINATION CHANSON FLEUVE” AVEC LE FESTIVAL DE TADOUSSAC
Cette année, le Festival de Petite-Vallée sera aussi marquée par une nouvelle étape, à tous les sens du terme.
Place à “La Destination Chanson Fleuve” : l’union des Chemins d’écriture du Festival de la Chanson de Tadoussac et de la sélection officielle des chansonneurs du Festival en chanson de Petite-Vallée.
Dédié aux artistes de la chanson de demain, ce parcours offrira de nombreuses tribunes et un accompagnement artistique et professionnel singulier à cinq auteurs-compositeurs-interprètes du Québec, deux créateurs de chanson de la francophonie canadienne et un chansonneur français qui formeront la première cuvée de ce projet artistique.
TÉLÉ-QUÉBEC, PARTENAIRE MÉDIA OFFICIEL
Les airs portés par la Destination Chanson Fleuve trouveront une tribune d’exception grâce à Télé-Québec, qui devient le partenaire média officiel de ce parcours artistique unique.
Les auteurs-compositeurs-interprètes qui feront naviguer leurs chansons entre Montréal et Petite-Vallée, en passant par Québec et Tadoussac, bénéficieront de la couverture de sa plateforme numérique, La Fabrique culturelle, tout au long de l’aventure.
Ce nouveau partenariat permettra de mettre en lumière et de documenter le travail des artistes sélectionnés, comme précisé par Sophie Dufort, directrice générale des médias numériques et régions de Télé-Québec : “Nous sommes très enthousiastes à l’idée de nous associer à la première édition la Destination Chanson Fleuve. Dans le cadre de L’Année de notre chanson, Télé-Québec offre une place de choix à la musique francophone d’ici. De plus, notre plateforme numérique La Fabrique culturelle s’engage chaque jour à faire rayonner la culture dans tout le Québec”.
“POUR LE RAYONNEMENT DES ARTISTES DE LA CHANSON DE DEMAIN”
Alors Petite-Vallée et Tadoussac même combat ?
Oui, surtout lorsqu’il s’agit d’unir ses forces en faveurs des talents émergents qui s’affirment du côté des Chemins d’écriture du Festival de la Chanson de Tadoussac ET AUSSI de la sélection officielle des chansonneurs du Festival en chanson de Petite-Vallée.
Laissons le mot de la fin à Charles Breton, directeur général du Festival de la Chanson de Tadoussac : “Télé-Québec, avec La Fabrique culturelle, s’investit dans la culture et dans les régions en devenant partenaire média de la Destination Chanson Fleuve. Il s’agit d’un partenaire de choix pour nos événements et pour le rayonnement des artistes de la chanson de demain”.
PHOTOS ALBERT WEBER (FESTIVAL 2016)
Source : Marc-Antoine Dufresne, adjoint à la direction artistique et directeur des communications
Un des 15 panneaux de l’exposition “Re-tour de chant de Petite-Vallée” présentée du 25 février au 11 mars à la Médiathèque Georges Sand de Mably était consacrée à Benoit Paradis Trio.
Après un premier article sur cette exposition photographique et sonore signée Jean-Charles Labarre, Nathalie Dion et Alan Côté, bienvenue dans le monde survolté, à la fois jazzy et drôle de Benoît Paradis et de ses deux complices.
ACROBATE ENTRE CHANSON ET JAZZ
Oui, samedi 11 mars le groupe québécois a assuré la première partie du trio Karpatt, dans le cadre du festival “Chant sur Paroles” organisé à l’Espace Culturel Pierre Hémon.
Pas de doute. Benoît Paradis Trio a mis le feu ce samedi à la salle de Mably, pour le plus grand bonheur des spectateurs qui le voyaient pour la première fois.
Jonglant avec brio, entre chanson et jazz, le trio ne laissera assurément pas une seconde répit au public visiblement ravi de découvrir ces trois compères plein de bonne humeur, de groove aussi.
FORTE DOSE D’HUMOUR ET PLUSIEURS RAPPELS
Efficacement accompagné par la pianiste Chantal Morin et le contrebassiste Benoit Coulombe, le chanteur- percussionniste – tromboniste -guitariste s’envolera ce soir-là, sans hésitation, dans son univers rythmé et percutant, aux accents québécois faussement désespérés.
Un répertoire offert avec une intense dose d’humour et ponctué par plusieurs rappels d’un public conquis par tant de décontraction et de virtuosité également.
Ce concert organisé dans le cadre du festival “Chant sur Paroles” était la 2ème étape de la tournée internationale d’une dizaine de dates mise sur pied par Klakson Production ainsi que Ülrich Schuwey et sa bande de mordus de rythmes francophones : une initiative “pas mal bien” au service des talents francophones d’Amérique du Nord !
NOUVELLE TOURNÉE EN FRANCE ET EN SUISSE
Hé oui, l’infatigable trio se produit ces temps-ci en Suisse et en France, dans des lieux aux configurations fort variées.
Si vous n’avez pas encore vu ce trio en pleine action, un conseil d’ami : ne le manquez pas. Il faut dire que les trois compères sont aussi complices sur scène que dans la vie, comme en témoigne la bonne humeur communicative vécue en gare de Roanne.
Exposition, causerie sur la chanson québécoise, concert de Benoît Paradis Trio : la ville de Mably près de Roanne, vient de vivre à l’heure québécoise. En l’occurrence celle du Village en chanson de Petite-Vallée, en Gaspésie.
Retour sur cette opération en plusieurs étapes, toutes synonymes de découvertes pour tant d’habitants et également de coups de cœur à en juger par le nombre de personnes intéressées par un séjour du côté de Petite-Vallée à l’heure du festival.
L’histoire débute en mars 2016 quand Alan Côté, directeur général et artistique du festival, fait escale à Mably.
Le temps d’évoquer en paroles et en musiques l’histoire de cette aventure artistique lancée en 1983, à la médiathèque Georges Sand, puis d’offrir un concert à l’Espace Culturel Pierre Hémon.
CÉCILE COMBY : INTENSE IMMERSION AU CŒUR DU FESTIVAL
Et voilà comment Cécile Comby se retrouve fin juin 2016 à Petite-Vallée pour vivre ce fameux festival dont Alan Côté a tant vanté les mérites. L’animatrice culturelle vivra intensément, jour après jour, cet événement unique en son genre au Québec.
Unique ? Oui et pour plusieurs raisons liées entre autres à l’environnement géographique et la diversité de la programmation.
S’y ajoute aussi cette ambiance tout à fait unique qui marque la vie quotidienne du Village en Chanson entre concerts à la Vieille Forge, sous chapiteau et dans le désormais célèbre “shed à Léon”; résidence d’artistes pour talents émergents; émissions quotidiennes de Radio Gaspésie en direct depuis Petite-Vallée, “guitare de course”; matinée des enfants … et la liste est assurément bien loin d’être exhaustive !
AVEC LE SOUTIEN DE MUSICACTION
Et plusieurs matins de suite, lors de petits déjeuners partagés tous deux au bord du Saint-Laurent, avec force échanges sur l’histoire de la chanson québécoise et du festival, une idée germe doucement mais sûrement chez Cécile Comby : et si Mably accueillait une exposition racontant le festival ?
Son départ de Mably pour la MJC de Charrrieu ne va pas mettre en péril le projet. C’est là qu’intervient François Collonge, responsable du Service Culture de Mably.
Encouragé par le maire Jean-Jacques Ladet, il avait envoyé Cécile Comby en mission du côté de Petite-Vallée et pas étonnant donc que l’idée d’une exposition suit donc son bonhomme de chemin. Mieux, elle décroche un soutien de Musicaction, structure créée voici 30 ans pour soutenir le développement de la musique vocale francophone canadienne.
TALENTS QUÉBÉCOIS A L’HONNEUR
Résultat ? “Re-tour de chant de Petite-Vallée”, superbe exposition de 15 panneaux, aura été présentée du 25 février au 11 mars à la Médiathèque Georges Sand à Mably.
Cette exposition est à la fois photographique grâce à Jean-Charles Labarre et Nathalie Dion, et également sonore.
Muni d’un casque, le visiteur s’y promène en compagnie du créateur et directeur du festival ayant enregistré un texte de présentation sur chacun des talents mis en valeur : Alan Côté, Koriass, Les Trois Accords, Chloé Sainte-Marie, Dans l’Shed, Tire le Coyotte, Pierre Flynn, Émile Bilodeau, Dumas, Florent Vollant, Yves Lambert et Benoît Paradis Trio.
LE RAPPEL, UNE AVENTURE QUOTIDIENNE DURANT LE FESTIVAL
“Re-tour de chant de Petite-Vallée” met aussi en valeur des extraits d’article du journal Le Rappel diffusé tous les jours durant le festival : ces compte-rendus de concerts sont rédigés à chaud, après les spectacles.
Le Rappel résulte d’un intense travail d’équipe mené à bien par près d’une dizaine de personnes : Marc-Antoine Dufresne, Albert Weber et Alain Saint-Yves, Danielle Vaillancourt, Jean-Charles Labarre, André Bujold, Nathalie Dion, Emilie Rioux, Marie-Eve Forest, …
UNE EXPOSITION À FAIRE CIRCULER ET A ENRICHIR …
Espérons que cette exposition continuera a circuler dans la région, autour de Roanne et bien plus encore.
Car au-delà de quelques grands noms du show-business québécois, bien rares sont les artistes de la Belle Province qui arrivent à sortir de l’ombre et SURTOUT à s’imposer durablement en France.
D’où l’intérêt d’une telle initiative qui pourrait, au gré de la prochaine édition du festival de Petite-Vallée, être enrichie de nouveaux panneaux.
UNE HEURE AU CŒUR DE LA CHANSON QUÉBÉCOISE
L’incroyable diversité des talents québécois aura été un des axes de la causerie sur la chanson animée durant une heure à la Médiathèque Georges Sand, juste après une présentation des panneaux de l’exposition et du festival de Petite-Vallée, et …
… et avant une réception et un vin d’honneur marqué par les interventions du maire de Mably, Jean-Charles Ladet; de Marc-Antoine Dufresne, adjoint d’Alan Coté et de Cécile Comby à l’origine du projet.
A défaut de pouvoir s’aventurer durant une (petite) heures dans les multiples méandres de la chanson québécoise, place à quelques-unes des ses figures marquantes d’hier et d’aujourd’hui, à l’incroyable diversité des genres musicaux, et à l’évocation de certains événements d’une si passionnante histoire… qui continue de s’écrire aujourd’hui, évidemment !
Cette causerie aura aussi été marquée par l’évocation de “10 talents coup de cœur” avec à chaque fois présentation d’un de leurs albums : Marcie ; Thomas Hellman; Steve Nirmandin; Philippe Garon; Sylvain Lelièvre; Richard Desjardins; Stéphane Côté; Paule-André-Cassidy ; Moran /Catherine Major ; Geneviève Morissette ; Yann Perreau.
C’est évident … On pourrait sans aucune hésitation dresser d’innombrables autres listes de 10 noms tant le Québec est riche de talents !
DE CHARLEBOIS A ERIC JOHN KAISER EN PASSANT PAR PHILIPPE GARON
Parle de chanson c’est bien, en faire écouter c’est encore mieux !
D’où un autre temps fort de cette causerie historique sur la chanson québécoise : la diffusion d’une bonne demie-douzaine de chansons chaque fois située dans leur contexte : “Les ailes d’un ange” (‘Robert Charlebois); “Oh Secourez moi” (Michel Rivard, extrait des “12 hommes rapaillés” de Gilles Bélanger/Gaston Miron) ; “Petit peuple” (Philippe Garon); “Quand j’aime une fois j’aime pour toujours” (Richard Desjardins); “Saint-Pierre et Miquelon” (Pierre Calvé); “Les sirènes de Petite-Vallée” (Eric John Kaiser).
Et en guise de conclusion “Comme dans un film” (Geneviève Morissette/Oldelaf), histoire de mettre en relief – avec humour – les inévitables différences entre la langue française parlée en France et au Québec.
A SUIVRE …
TEXTE ALBERT WEBER
PHOTOS JEAN-CHARLES LABARRE, GUY PLOTTO ET ALBERT WEBER
“De ses débuts jusqu’à aujourd’hui, Gemma Barra a su allier les activités de diverses disciplines artistiques : comédienne, animatrice à la radio et la télé, scénariste, écrivaine, éditrice… sans oublier une contribution remarquée comme auteure- compositrice et interprète. En un mot, une artiste multidisciplinaire, bien avant que l’expression ne soit entrée dans le vocabulaire”.
Signé Richard Baillargeon, spécialiste de l’Histoire de la chanson québécoise, ce constat met en valeur Gemma Barra, première auteure-compositrice à avoir sa propre émission de radio au Québec en 1956.
Coup de projecteur sur une des pionnières des arts de la scène originaire de Québec, Capitale nationale du Québec. Elle a été honorée mardi 21 février lors de la période des Déclarations de députés à l’Assemblée nationale par Véronyque Tremblay, députée de la circonscription de Chauveau (photo ci-dessus).
PLUS DE 60 ANS DE CRÉATION ET DE PRODUCTION AU QUÉBEC
Gemma Barra a à son actif plus de six décennies de création et de production dans les disciplines de comédienne, animatrice à la radio et à la télé, scénariste, romancière, éditrice … sans oublier une contribution remarquée comme auteure- compositrice et interprète.
Promenant ses chansons au pays et à l’étranger, elle présentait déjà une grande polyvalence. De sa première continuité radiophonique, “Mes chansons” (1956), aux scénarios de la série d’animation “Hirsy la fabuleuse” (1991), en passant par son premier roman “Avortement sur rendez-vous” (1972), Gemma Barra a précédé les courants plutôt que de s’y conformer.
Comme le souligne la mention officielle de Véronyque Tremblay, députée de Chauveau “Mme Barra était une artiste multidisciplinaire avant même que l’expression ne soit inventée”. Voir ICI son intervention à l’Assemblée Nationale du Québec.
1ère AUTEURE-COMPOSITRICE-INTERPRÈTE A AVOIR SA PROPRE ÉMISSION DE RADIO AU QUÉBEC
Dès l’adolescence, l’attrait de la scène l’amène à prendre la route au sein d’une première troupe de théâtre. À l’entracte, on la retrouve devant le rideau, livrant ses premières chansons, un peu comme le faisait Félix.
Entre les tournées, la jeune auteure signe quelques refrains, paroles et musique, sous le pseudonyme de Claude Romance et a le plaisir d’entendre ses chansons interprétées dans le cadre de l’émission “Les chansonniers canadiens” à CKVL.
De retour dans sa ville natale de Québec, elle débute à la station radiophonique CHRC avec l’émission “Mes Chansons” en février 1956, une première pour une artiste féminine au Québec. Une expérience médiatique qu’elle partage bientôt avec un autre jeune chansonnier de la Capitale, Hervé Brousseau.
Quelques années plus tard, Gemma se joindra aux “Créations de Québec”, mouvement fondé par un noyau d’auteurs-compositeurs pour alimenter l’émission éponyme à CHRC. Elle grave quelques 45 tours, est invitée à la télé montréalaise, notamment une apparition consistante à l’émission “Music-Hall”.
En 1965, elle initie une production multidisciplinaire regroupant 28 personnes sur scène. L’année suivante est l’occasion d’une autre première : deux récitals en “one woman show” dont un au Palais Montcalm. L’événement est bientôt suivi de l’album “Rencontre … avec Gemma Barra”.
La notoriété que lui apportent ces expériences lui ouvre de nouvelles portes : invitations en Europe, passage à l’émission d’actualités de Radio- Canada Aujourd’hui, animée par Wilfrid Lemoyne.
Au cours de la saison 1966-1967, on la retrouve comme narratrice de la série “Mon pays, mes chansons” à la télévision de Radio-Canada. Elle passe ensuite de l’autre côté de la caméra, pour le projet “High Tide / Quand la marée monte”.
Suivent les scénarios de plusieurs documentaires en collaboration avec son complice le cinéaste Anton Van de Water, dont celui portant sur l’implantation du régime québécois de l’Assurance-Maladie (prix Urkunde 1971 du Medikinale International à Marburg en Allemagne).
Cette expérience et des situations désespérées dont elle a été témoin dans le milieu hospitalier l’ont d’ailleurs amenée à rédiger un premier roman intitulé “Avortement sur rendez-vous” en 1973 (Publications Éclair) … ce qui était audacieux à l’époque où le docteur Morgentaler avait tous les tribunaux à ses trousses.
S’y ajouteront un long métrage And I Love You Dearly / La maîtresse pour lequel elle est co-scénariste et directrice de production et une série de 37 émissions radio sur le thème de Noël à CKCV au début des années 1980.
“KERMESSE D’ENFER” : UNE TRILOGIE (HÉLAS) D’ACTUALITÉ
La carrière d’auteure-compositrice de Gemma Barra a été soulignée par la monographie “Sous le ciel de Québec” parue en 1987 (Les Éditions Vient de la Mer). Cette publication sera suivie d’une compilation d’une vingtaine de ses quelque 300 chansons. L’année 1991 sera celle de la série de films d’animation “Hirsy la fabuleuse” dont Gemma écrit les scénarios.
Les années 2000 sont marquées par un retour dans le domaine de la chanson alors que les Productions Ancyma lancent leurs premiers CD avec le concours du chef d’orchestre Réjean Yacola.
Ces projets intergénérationnels mettent en vedette les interprètes Danielle Oddera, Guy Bélanger, Colombe Dufour, Chantal Blanchais, Jean Proteau et autres. L’album “Les mots entre nous” rappelle un concert de Gemma Barra au Théâtre Petit Champlain.
Parallèlement, elle conçoit et produit les livrets des comédies musicales “Valses et tangos en fête”, “Boum sur la ville”, “Féérie et envolée de temps des fêtes” et “Marilda”, un hommage à la ville de Québec et à ses citoyens.
Ces travaux lui laissent tout de même un peu de temps pour tremper sa plume à de nouveaux projets. Et notamment une trilogie “La kermesse d’enfer” dont les premières ébauches remontent au milieu des années 1980. Le sujet portant sur le mal-être et sur la violence banalisée de plus en plus présente dans nos vies est malheureusement plus que jamais d’actualité. Le projet voit enfin le jour en 2017.
“UNE ARTISTE TRÈS EN AVANCE SUR SON ÉPOQUE”
Selon Richard Baillargeon, “comme référence stylistique, un des interlocuteurs à Radio-Luxembourg lui a dit qu’elle était du niveau de Cora Vaucaire. Les caprices du hasard et sa réorientation vers la caméra (documentaires) ont fait qu’elle n’a pas donné suite à ce premier pas vers la France”.
En 1966, où elle s’était finalement faite à l’idée d’interpréter des chansons reconnues, elle a choisi plusieurs classiques d’auteurs parmi les plus exigeants comme “Est-ce ainsi que les hommes vivent”, “Surabaya Johnny” ou “Les nuits d’une demoiselle”.
Ce disque l’a amenée à se rendre brièvement en Europe. Malheureusement, à son retour, après qu’elle ait été la présentatrice de l’émission télévisée ‘Mon pays, mes chansons’ où a elle a pris, pour la 3e saison, la relève de Pauline Julien, elle est passé, sitôt ces tournages terminés, derrière la caméra et a recommencé une nouvelle carrière.
“Bref, elle a œuvré en “électron libre” et se trouve de ce fait une des premières artistes multidisciplinaires, un peu trop tôt pour ses contemporains ! ” constate Richard Baillargeon.
QUAND GEMMA BARRA SE CONFIE A RICHARD BAILLARGEON …
Richard Baillargeon – De la chanteuse ou de l’animatrice, laquelle s’est d’abord manifestée, au début de votre carrière?
Gemma Barra – Dans mon cas, j’ai surtout débuté en écrivant des chansons. Dès l’âge de 9 ans j’ai voulu écrire des pièces qui étaient bien à moi.J’ai donc greffé des mélodies à mes textes de petite fille, comme cela se présentait.
Un jour, j’ai voulu faire du théâtre – j’avais 15 ans à l’époque – et j’ai réussi à convaincre mes parents que c’était sérieux. Je me suis retrouvée à faire des tournées de plusieurs mois, d’un océan à l’autre, où l’on jouait trois ou quatre pièces différentes simultanément, apprenant à la plus rude école qui soit, la scène même, mon métier de comédienne.L’ambiance était inimaginable, la troupe formait vraiment une grande famille !
Je prenais de plus en plus confiance en moi. Durant les longs voyages, je fredonnais mes propres refrains dans l’auto. Un jour, le directeur de la troupe m’a dit: “Il faudrait que tu chantes, entre le premier et le deuxième acte”.
C’est ce que j’ai fait : un petit quart d’heure à l’entracte. Je ne dépassais pas trois ou quatre chansons, parce que les gens applaudissaient du bout des doigts. Je chantais mes propres pièces ; j’avais posé cette condition-là dès le départ, car je voulais connaître la réaction du public vis-à-vis mes compositions.Les gens étaient gentils, ayant sans doute apprécié ma participation comme comédienne, mais de là à aller chercher les applaudissements, il y avait une bataille à mener.
Le directeur me disait: “Essaie au moins une chanson connue. Tu vas voir la différence. » Certains soirs j’acceptais d’en faire une pour une occasion très spéciale et c’était toute une différence, en effet.Mais comme j’avais la tête très dure, je voulais qu’on connaisse mes chansons!
Parallèlement, j’avais fait parvenir quelques textes de chansons à l’émission Les Chansonniers canadiens de CKVL, à Verdun, sous le nom de Claude Romance. J’y ai eu des chansons interprétées par Louise Robidoux, par Margot Leclair…
RB – Vous avez vous-même animé des émissions de radio. C’est un peu plus tard?
GB – Je suis venue à Québec, pendant une période de vacances; j’ai communiqué avec Magella Alain de CHRC et je lui ai dit: “J’ai 60 compositions, paroles et musiques. Est-ce qu’il y aurait possibilité d’auditionner? “.
Mon but était qu’elles soient interprétées par Pierrette Roy ou Madeleine Lachance, toutes deux très connues à l’époque. Nous sommes en janvier 1956 et il me répond : “Venez dans une quinzaine de jours”.
Après l’audition, le directeur des programmes m’appelle à son bureau et me demande : “Accepteriez-vous, en plus d’écrire vos chansons, de les interpréter vous-même et d’écrire des textes d’enchaînement?”.C’est comme ça que j’ai débuté une série d’émissions qui s’appelait “Meschansons” et qui devait durer treize semaines, à raison de deux fois la semaine, le 14 février 1956.
Chacune durait dix minutes et j’y chantais deux ou trois de mes pièces. Dès les premières émissions, les gens ont commencé à téléphoner et à écrire pour donner leur appréciation.
Peu de temps après, Monsieur Alain m’a demandé de partager l’émission “Mes chansons”avec un autre jeune auteur, promettant d’allonger chacune d’elles à quinze minutes, et j’ai accepté.Le mardi c’était donc Gemma Barra et le jeudi, Hervé Brousseau. Vers la fin de décembre, il y a eu une émission spéciale qui s’appelait Créations avec Guy Godin, André Lejeune, Marc Gélinas et moi-même.
À la fin de la saison, je repartais en tournée théâtrale et Hervé allait à Montréal. Je n’ai donc rien fait en chanson au cours de l’année 57.En 58, il y a eu un mouvement qui s’appelait “Créations de Québec”, fondé par Geneviève Aubin-Bertrand et Marius Delisle.
Comme je revenais d’une tournée, Geneviève Aubin-Bertrand m’a téléphoné et a dit: “Écoutez, Monsieur Alain m’a appris que vous écriviez beaucoup de chansons ; il faut absolument que vous veniez à l’émission”.
J’ai rencontré tout le monde de l’association, j’en ai fait partie, j’ai donné une cinquantaine de chansons à des interprètes dont Nicole Danis, Claudette Avril, Ghislaine Cimon, Paul Landry…
RB – Qui étaient tous des gens de la région de Québec?
GB – Qui étaient des gens de Québec, essentiellement. J’ai par contre interprété les chansons d’autres auteurs du groupe, dont Georgette Lefrançois, Georgette Lacroix, Paul Bédard, Jean Royer…Il fallait aider nos camarades; tous ceux qui étaient capables de chanter se faisaient un plaisir d’interpréter les chansons des autres auteurs.
On formait vraiment une sorte de famille musicale.Avant nous, il ne se passait pas grand chose, il faut bien le dire. Quand j’y repense, c’est un grand vide que je vois.
Il fallait créer un mouvement. Moi, j’étais convaincue qu’on pouvait danser avec des chansons faites à Québec, mais sur des rythmes internationaux.Faire un tango, une cha-cha ou un calypso: pourquoi pas?
Les Américains le faisaient, les Français le faisaient, pourquoi est-ce qu’on ne pouvait pas le faire, nous ?Je voulais voir les couples dans les restaurants danser devant le juke-box, sur nos propres chansons, sur mes propres chansons; et ça s’est produit. Après l’enregistrement de Jacques, les gens dansaient sur ma musique. Ça, c’est un beau souvenir…
Enregistrer un 2ème album exclusivement consacré à Leprest en trois ans c’est sans aucun doute prendre des risques.
Assurément de sérieux risques car les passionnés du grand Allain sont connus pour leur incontestable exigence doublée d’un inévitable art de la comparaison entre version originale et reprise d’interprète. Et c’est d’autant plus compréhensible que les enregistrements reprenant Leprest sont nombreux depuis son suicide à 57 ans, le 15 août 2011.
Coup de projecteur sur le nouvel album de Clémentine Duguet, dont la voix s’enracine au fil des CD dans nombre de répertoires des plus diversifiés, bien au-delà de son Alsace natale.
“DES MOTS LUI SORTAIENT DE PARTOUT”
Clémentine Duguet aime vagabonder dans l’univers de Leprest, et y repérer des titres souvent moins connus que d’autres. D’où ses deux albums sortis en trois ans et exclusivement consacrés à Allain.
Voici trois ans sortait un premier album composé de 22 titres d’Allain Leprest repris par Clémentine Duguet. Rebelote en cette nouvelle année avec un CD de 24 titres enregistrés en deux semaines de studio : d’où 78 minutes et 42 secondes qui devraient retenir l’attention des amoureux de l’univers de Leprest.
24 chansons de Leprest ? Pour être précis disons 23 car l’avant-dernier titre, “Merci Monsieur” est à vrai dire un texte de Clémentine Duguet. Des paroles qu’elle dit sur une musique de Romain Didier composée pour “Chanson “Marine” du spectacle “Francilie” dont Allain avait écrit les paroles.
Attachée depuis des années à l’œuvre de Leprest qu’elle avait revue en concert à L’Alhambra en 2009, Clémentine raconte Allain d’une voix à la fois assurée et d’une évidente sensibilité.
Mais sans sensiblerie : “Mais des mots et des mots/Lui sortaient de partout/Comme un flot de farine/De vent et de cailloux/Le vin de Joséphine/ Le cul du Cotentin/Le ciel de Gagarine/ Le Canal Saint Martin/ Et des mots et des mots lui sortent de partout/Et moi chopin chopine/ Je m’écharpe de lui/ Je me colle ces rustines/ Graines de bois de lit/ Sur mon cœur de tartine/ Merci Monsieur merci”.
Quant à “Mec”, dernier titre de ce nouvel opus, il est offert non par Clémentine Duguet mais par Marc Trubert dont la voix est assurément bien proche de celle d’Allain. La photo publiée du texte montre d’ailleurs les deux amis photographiés “au piano du Connétable le 15 juillet 2002 très tard dans la nuit”.
Outre le dessin de la pochette signé Franyo Aatoth, la présentation des chansons manque visibilité. Dommage les noms des créateurs des chansons soient imprimés en blanc, ce qui n’est pas des plus heureux vu les autres couleurs utilisées.
S’y glisse aussi deux erreurs relevées par Clémentine Duguet sur sa page Facebook : “Avec toutes nos excuses à JeHan pour avoir volé sa version de Chanson Bateaux (avec un X !) en en attribuant la musique à Romain Didier”.
24 INTERPRÉTATIONS ENTRE DOUCEUR ET ÉMOTION
S’il est évident que chacun se forgera sa propre opinion de “Clémentine chante Leprest 2″, quelques points de repère s’imposent.
Il ne faut évidemment pas vouloir retrouver dans le timbre de voix de Clémentine Duguet l’interprétation à fleur de peau d’Allain Leprest. Elle offre ici sa propre vision, sans doute moins extravertie que les titres originaux.
A l’instar d’autres chanteuses qui ont repris Leprest, cet album permet d’apprécier Leprest d’une autre manière. Un choix artistique enraciné dans une talentueuse complicité entre la chanteuse et ses trois musiciens : Yves Nabarrot (guitare, voix) et Marie Ladret (piano, claviers, voix) et Jean-Michel Eschbach (accordéons, accordina).
D’où une atmosphère tout à fait particulière à savourer dans chaque titre de “Clémentine chante Leprest 2″ : entre douceur et émotion, avec un regard plein de tendresse envers Allain exprimée avec justesse par la chanteuse.
“INTENSE, DOUCE ET IMPULSIVE”
En décembre 2015, lors d’une soirée présentée par la chanteuse Kristel Kern à Andlau, en Alsace, Clémentine Duguet avait présenté un spectacle de chansons toutes puisées dans le répertoire d’Allain.
Elle y était alors accompagnée par les trois musiciens qui l’ont suivi dans cette nouvelle aventure discographique.
Dans un article consacré à ce concert, j’avais ainsi qualifié l’interprétation des chansons de Leprest : “Tour à tout intense, douce et impulsive, Clémentine Duguet a chanté Leprest avec conviction. Avec une énergie qui fait chaud au coeur. Une interprétation à la fois sobre et efficace offerte avec trois complices : Yves Nabarrot (guitare), Marie Ladret (piano et 2ème voix sur certains titres), et Jean-Michel Eschbach (accordéon-bandonéon)”.
A bien écouter ce nouvel opus, j’y retrouve les divers repères qui avaient retenu mon attention à Andlau.
Marquée à ce jour d’une belle douzaine d’enregistrements, la discographie de Clémentine Duguet vient de s’enrichir d’un nouvel opus qui mérite une large diffusion auprès des amoureux d’une chanson de qualité. Sans colorants artificiels. Donc pas nécessairement celle qui est diffusée habituellement sur les ondes…
“LA CHANSON FAIT PARTIE INTÉGRANTE DE LA VIE POPULAIRE ET SA PLACE EST PARTOUT”
Elle en a fait du chemin, Clémentine, depuis ce printemps 1998 où je lui avais consacré une double page dans le trimestriel Chorus n° 23 sous le titre “L’inconnue d’Alsace”.
Au fil des ans, elle s’est forgée un répertoire, une expérience, un vécu qui témoigne d’une incontestable passion pour la chanson aux multiples sujets. “J’ai chanté le passé, le vin, la bière, la nuit, l’amour, l’érotisme, la guerre, le Front Populaire, le pub, les voitures, le mariage, la Belle Époque, la nature, les guinguettes, les enfants, le chocolat, … Et j’ai revisité avec délectation l’histoire de France qui m’avait tant ennuyée en classe” confie-t-elle dans un livre de témoignages sur la Choucrouterie fondée en 1984 à Strasbourg par Roger Siffer (“Quand la Choucroute … rit”, Éditions La Nuée Bleue, 2003).
Et d’affirmer quelques lignes plus loin : “La chanson fait partie intégrante de la vie populaire et sa place est partout. J’ai ainsi chanté dans des caves, des hôpitaux, des maisons de retraites, des écoles, des restaurants, des prisons, des cirques, des entreprises, des bateaux, des garages, des parkings, des garderies, des trains, des gares, des banques, des camions, des jardins, des expositions, des musées, des bibliothèques, des radios, des télés, des cabarets, des guinguettes, des gymnases, des fermes, des foires, des cours … Et puis bien sûr la Choucrouterie a servi de tremplin à toutes ces pérégrinations puisque la plupart de mes spectacles y ont été créés”.
“Clémentine chante Leprest 2″ ? Un album qui séduira – je l’espère – les personnes sensibles à Allain Leprest et qui font preuve de curiosité. Et plus globalement les passionnés d’une chanson qui mérite de (sur)vivre en cette époque marquée par trop de fausses valeurs artistiques et culturelles.
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
PHOTO MILO LEE (1ère photo de l’article, également dans la pochette du CD)