C’est évident. Il est toujours dangereux de coller une étiquette en ne tenant compte que d’une étape d’un parcours pourtant intense en initiatives.
Et quand cette escale a bénéficié d’une forte exposition télévisée, il est si facile de réduire un artiste à un personnage aussi médiatisé qu’artificiel. Au risque de le dénaturer totalement.
Léopoldine HH est sans doute un des exemples les plus percutants en la matière Une championne du (très) grand écart finaliste à la fois de la “Nouvelle Star” en 2014 et du Prix Georges Moustaki en 2017.
Histoire d’une artiste aussi inclassable qu’à l’aise sur scène comme chanteuse, musicienne et comédienne.
UNE HEURE AUSSI DÉLIRANTE QUE DÉPAYSANTE
13 chansons en français, anglais, alsacien et allemand …plus un titre caché des plus inattendus. Embarquement immédiat sur la planète “Blumen im Topf” ! Un voyage aussi délirant que dépaysant en 59 minutes et 58 secondes …. aux allures de puzzle aux pièces extrêmement différentes.
Le « Mini-Cédé de Léopoldine » sorti en 2014 était en quelque sorte une « répétition générale », sans doute histoire de se roder, d’explorer avec audace des voix et des voies des plus éclatées.
CHAQUE nouvelle écoute de « Blumen im Topf” révèle des intonations, des détails, des arrangements, des délires vocaux et musicaux.
Ce CD ne se résume pas un “enchaînement de chansons”. C’est plutôt un album-concept forgé de paroles et de musiques, mais aussi de phrases échappées de pièces de théâtre, d’extraits de comptines alsaciennes, de déjantés bidouillages de sons, de bruits divers, de vagabondages vocaux jonglant entre plusieurs langues.
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UNE INSATIABLE GOURMANDISE POUR DES TEXTES D’AUTEURS
Léopoldine HH est unique à bien des égards, et il serait extrêmement réducteur de la qualifier de “chanteuse alsacienne”.
En témoigne sa voix claire et affirmée qui passe de l’aigu au grave avec une aisance jubilatoire : Léopoldine chante et parle, crie et murmure, roule les r au gré des refrains, chuchote et murmure.
Ici et là, au gré des articles suscités par la sortie de cet album, on se retrouve avec des comparaisons des plus flatteuses : Camille, Ute Lemper, Marlène Dietrich, Bjork, William Sheller, Catherine Ringer, etc. Voire de Brigitte Fontaine, Richard Gotainer, Daphné et Nina Hagen dans FrancsFans, le bimestriel indé de la scène” (février-mars 2017) qui le présente comme un des “8 albums indispensables”.
Bravo pour ces flatteuses références mais Léopoldine HH est unique, même si ses envolées vocales et son aisance scénique me font penser à l’Acadienne Marie-Jo Thério et à la Québécoise Klô Pelgag.
Et si l’inspiré grain de folie de ces deux chanteuses se retrouve omniprésent chez Léopoldine, une autre évidence s’impose. Elle s’enracine dans une histoire familiale aux (très) multiples épisodes vécus par ses parents artistes, Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel.
D’où une personnalité fort extravertie, enrichie par un héritage enraciné dans un savoureux éclectisme. La jeune chanteuse affiche une insatiable gourmandise pour des textes d’auteurs fort variés, célébrés dans plusieurs langues. En somme une artiste qui se joue des courants des pensée, des périodes littéraires et aussi des genres musicaux.
Certes, ici et là, Léopoldine est parolière et/ou compositrice de certains titres. Mais la majeure partie des titres fait la part belle à de superbes signatures : le poète Olivier Cadiot ; le comédien, auteur dramatique et metteur en scène Gildas Milin ; la romancière Gwenaëlle Aubry, etc.
D’où une série de titres où Léopoldine s’envole entre aigu et grave : autant de convaincants repères d’une incontestable maîtrise, résultat d’années de chorale, de piano, de chant lyrique, de musicologie.
Un des meilleurs exemples de cette maîtrise vocale doublée d’une perpétuelle envie de surprendre, c’est “Zozo Lala”. Un texte surréaliste signé Roland Topor de Michel Valmer. Sans doute le plus explosif de cet album qui ne manque pourtant pas de dynamite.
COMPTINES ALSACIENNES PASSÉES À LA MOULINETTE ÉLECTRO
Léopoldine HH a toujours envie et besoin de changer de registre artistique. J’en sais quelque chose pour l’avoir apprécié au fil des ans dans des circonstances très différentes … autant par journée ensoleillée sous chapiteau au Festival Summerlied à Ohlungen ou bien dans la pénombre nocturne d’un sous-sol strasbourgeois pour le “Festival des Caves”, une cave de Strasbourg.
Deux souvenirs parmi d’autres d’une énergique et pétillante jeune femme sans doute à ses premiers pas d’une carrière d’auteure-compositrice-interprète aussi imprévisible qu’inspirée. A l’instar d’une Diane Dufresne …. sans accent québécois mais avec une malicieuse aisance pour jongler entre français, allemand et alsacien dont elle s’approprie chaque fois les intonations et la diction.
Qu’elle chante – en allemand et français – un texte de la poétesse Eva Strimatter en guise d’introduction à “Blumen im Topf” ou qu’elle donne vie aux textes du metteur en scène et auteur Gilles Granouillet, Léopoldine fait toujours preuve d’incontestable originalité.
Et la chanson “Blumen im Topf” ? Elle a été coécrite par Léopoldine HH et Charly Marty, un des deux comédiens-musiciens qui l’accompagnent sur scène et ont enregistré l’album avec elle. L’autre, c’est Maxime Kerzanet : tous deux ont également beaucoup travaillé avec elle aux arrangements, à l’instar de Flavien Van Landuyt.
Pour ses “fleurs en pot” – titre éponyme de l’album – Léopoldine a puisé dans ses souvenirs d’enfance. Mais attention ! Pas question de reprendre dans sa version originale le refrain chanté par sa grand-mère.
“Ne me demande pas ce que j’ai dans la tête” lance-t-elle, accompagnée par les chœurs du collège Diderot de Besançon en s’en donnant à cœur joie avec ces “Blumen im Topf” … phrase également reprise dans le 13ème titre. Avouez qu’il faut tout de même être audacieux pour sortir son premier album sous un titre en allemand, non ?
Et quand elle reprend une des plus célèbres comptines de son Alsace natale, elle en offre une version électro à des années-lumière de la version habituelle. “Mama ich will a Ding” s’achève d’ailleurs par quelques brèves phrases en alsacien et en français.
“Tu es comme un livre, on peut lire en toi” lance Liselotte Hamm. C’est du moins la première impression … car les deux titres enchaînent sans temps mort ! Extraits de comptines passées à la moulinettes, interventions éclairs de Jean-Marie Hummel et Liselotte Hamm, le tout enrobés dans de percutants synthétiques. D’où “Blumen Frischgemixt” mijoté par Léopoldine HH et Flavien Van Landuyt au studio Zèbre de Besançon.
Une délirante explosion de sons et de voix où Léopoldine donne libre cours à sa folie créatrice … juste avant de raconter – avec l’accent allemand – l’étrange histoire de “Magie-Blanche”. d’après la pièce “Brasserie” de Koffi Kwahulé, comédien, metteur en scène, dramaturge et romancier ivoirien !
“EUROPÉENS D’ALSACE” : SACRÉE FAMILLE D’ARTISTES
Loin des pots de géranium symboles d’une Alsace folklorique, les fleurs offertes avec par Léopoldine durant près d’une heure en disent long sur le potentiel de cette inclassable artiste d’Alsace.
“Des Européens d’Alsace” : c’était le titre d’un portrait paru dans Chorus, les cahiers de la chanson au printemps 1995. Deux pages consacrées à Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel : “Un couple d’artistes étonnants, dont éclectisme et l’expérience internationale vont de pair avec une joie de vivre assumée au quotidien, à la ville comme à la scène”.
“Impossibles à cataloguer, avec leur répertoire tantôt français, tantôt alsacien, tantôt allemand” avais-je précisé. Pas de doute ! 22 ans plus tard, ces propos s’affirment plus que jamais d’actualité pour définir, ou plutôt pour tenter de définir leur fille Léopoldine.
Sacrée famille d’artistes où s’affirment aussi d’autres registres artistiquesYérri-Gaspar Hummel et Adrienne Hummel, les deux autres enfants des “Européens d’Alsace” Une famille qui suivra de (très) près la finale du Prix Georges Moustaki, le 16 février à 20h à Paris.
C’est évident, on n’a pas fini de parler de Léopoldine HH, décontractée chanteuse à tresses dont ce premier album n’est, à vrai dire, qu’une facette de ses intenses initiatives artistiques.
“Le dernier train”, nouvel album de Robert Duvergé, méritait assurément un coup de projecteur sur ce site intitulé “planete francophone”.
Car s’il est bien un artiste mauricien attaché à la francophonie, c’est cet auteur-compositeur-interprète. En témoignent sa riche carrière d’artiste et aussi, depuis 2006, ses émissions radio.
Rencontre avec un créateur au parcours unique sur une île Maurice dont les atouts ne se résument ÉVIDEMMENT pas au tourisme pour amateurs d’exotisme en manque de soleil.
UN ARTISTE INCONTOURNABLE DANS LA VIE MUSICALE MAURICIENNE
Commençons par une question : vous n’aviez encore jamais entendu parler de Robert Duvergé ? Assurément un des artistes d’expression française les plus importants de l’île Maurice … ce qui ne l’empêche évidemment pas de chanter aussi en créole !
Alors plutôt que de me lancer dans de longues explications sur le parcours de cet artiste, prenez le temps d’en découvrir les principaux repères sur ces deux photos.
Ci-dessus celle qui figure dans la pochette du nouvel album, histoire d’en savoir un peu plus sur une carrière hors-pair débutée en 1964 par l’album “Si tu partais” : un enregistrement aux arrangements signés Gérard Cimiotti, figure incontournable de l’Histoire musicale de l’ile Maurice depuis plus de 50 ans !
Son récent décès à 75 ans a suscité de vives réactions auprès des innombrables artistes mauriciens ayant travaillé avec lui, dont Robert Duvergé qui raconte dans le magazine 5 Plus Dimanche : “Avec Gérard, c’est plus d’un demi-siècle d’amitié. On a fait toutes les scènes possibles de Maurice. Un musicien hors norme et quelqu’un d’une grande bonté. Je ne l’ai jamais vu en colère. Il n’hésitait jamais à “performer” gratuitement pour venir en aide à d’autres”;
Oui, voici plus de 50 ans que Robert Duvergé est un auteur-compositeur-interprète qui compte à Maurice. “Hier et aujourd’hui”, son précédent album, reprenait d’ailleurs quelques-unes des chansons marquantes de son répertoire.
12 CHANSONS ARRANGÉES PAR JEAN-PIERRE AUFFREDO
Attention, une précision s’impose. Robert Duvergé m’en avait parlé en août 2016, lors de nos retrouvailles au Musée de la Photographie de l’ile Maurice créé par Tristan Bréville. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre, “Le dernier train” n’est pas du tout son dernier album !
Véronique Zuel-Bungaroo, Linzy Bacbotte, Thierry Béchard, Audrey Poussin-Clain, Grace Gauthier, Sophie Némorin, Carol Lamport, etc : une vingtaine d’artistes participe à “Ode à l’Environnement”, dernier titre de cet album résultant de nombreuses collaborations.
Soit 70 personnes, dont les chœurs du Conservatoire Mitterrand (une quarantaine de membres) et deux groupes réunissant une quinzaine d’enfants. Sans oublier aux arrangements un complice de longue date, Jean Pierre Auffredo .
“MON ÎLE, MON PAYS” : MÉLANGE DE PRIÈRES ET DE CULTURES”
“L’album s’achève sur une “Ode à l’environnement”, un hymne regroupant plusieurs générations sur un refrain en français et un long couplet aux accents de rap créole. Du genre à reprendre en choeur dans l’esprit de “We are the world”.
“C’est un appel à la préservation de l’environnement, à la protection de la nature et au devoir civique en général, pour une île et un monde durable” précise Robert Duvergé en insistant sur un projet qui lui tient beaucoup à cœur : un clip à “porter au niveau des autorités pour viser à une diffusion nationale : télévision nationale, salles de cinéma, collèges et écoles, entreprises. Et tout cela en mars … bien avant la journée mondiale de l’environnement du 5 juin 2017″.
Essentiellement connu en tant qu’artiste chantant en français, Duvergé n’oublie pas pour autant le créole auquel il fait la part belle dans cette “Ode à l’environnement” mais aussi dans un autre titre des plus positifs : “Bizin krwar”. Un efficace reggae entre langues française et créole pour insister sur le besoin de garder espoir malgré les douleurs de la vie (chômage, handicap, chimiothérapie, etc).
L’ile Maurice, Duvergé la célèbre avec entrain dans “Mon île, mon pays”. Une chanson très rythmée qui s’achève sur de joyeux cris et applaudissements … Belle déclaration d’amour pour son île de l’océan Indien indépendante depuis 1968 : “Le bonheur de vivre, c’est notre liberté/Et pour le progrès, cyber ou smart cité/Un état souverain, une république/Malgré les affres de la politique”.
Et le chanteur de préciser : “Je suis libre heureux dans mon pays/On peut y relever tous les défis/Mélange de prières et de cultures/Je vais où je veux sans raser les murs/ Des années nos couleurs flottent déjà/Belle histoire, tous unis et ça se voit/Droit devant l’océan, l’infini/Mon île, mon pays, plus que ça, mère patrie”.
“BOND GIRL D’AMOUR” : ATTENTION DANGER !
Et voici que Duvergé se transforme en observateur amusé de l’évolution des mœurs. C’est avec humour qu’il se met dans la peau d’un séducteur en quête de rencontres virtuelles via internet.
D’où une “Bond girl d’amour” aussi attirante que mystérieuse célébrée sur un air de bossa … mais pour quel dénouement au juste ?
“Je n’l’avais encore jamais vu/ C’est là que tout a commencé/ Bonjour ça va, on a tchatté/ D’occasionnel à quotidien/ Les compliments jamais pour rien/Moi qui adore double zéro sept/Voici ma Bond girl sur le net/Elle a d’l’humour, elle est jolie/Rien à jeter, j’suis ébloui/Sa vie à elle je n’en sais rien/Tant pis je fonce on verra bien”.
“J’AI VU BÉCAUD SIX FOIS À L’OLYMPIA ET DEUX FOIS EN CONCERT “
Passionné de Gilbert Bécaud qu’il a si souvent chanté ? Robert Duvergé l’est infiniment plus que vous ne l’imaginez !
“Gilbert Bécaud 15 ans déjà (18 décembre 2001) … et toujours là pour les inconditionnels comme moi. Je l’ai vu à l’Olympia en 6 fois (1988-1991) et en concert 2 fois (1980-1987). Je l’ai déjà posté, je le refais aujourd’hui encore. Chacun ses goûts, ses idoles, ses passe-temps. Je suis un inconditionnel de Gilbert Bécaud, et ces derniers jours, je me suis abreuvé de ses œuvres, ses musiques, ses chansons, je me sens regonflé à bloc” confiait-il récemment sur sa page Facebook.
Bécaud, et nombre d’autres artistes d’hier et d’aujourd’hui sont mis en valeur dans les émissions de radio de Robert Duvergé diffusées sur les ondes nationales.
Alors pas étonnant qu’il consacre une chanson d’une grande lucidité à ce qu’il appelle “Mon âge d’or” … avec deux refrains composés exclusivement de titres du répertoire français.
Une période si fertile en refrains qui n’intéressent pas la nouvelle génération : “Ils ne connaissent pas/ Montand, Ferré, Lama/Bécaud, Trenet, Mathieu/Ringards trop vieux/Les parents, les radios/N’offrent pas aux ados/Cette époque révolue/Pourtant qu’a tellement plu/Et dans trente ans ou plus/Un idiot comme moi sans plus/Débitera sa pensée/Son âge d’or au passé”.
“LES GENS DE LA POLITIQUE ? DES COMÉDIENS, DE VRAIS COMIQUES”
Et qu’en est-il du titre éponyme de cet album ?
“Le dernier train”, Robert Duvergé l’a composé après avoir chanté dans une maison de retraite. D’où l’idée de se mettre dans la peau d’un vieil homme qui n’attend plus rien de la vie :
“Et le temps passe encore/La mémoire au point mort/Cloué dans mon fauteuil/Des bribes de vie s’effeuillent/Personne ne vient me voir/Je n’suis plus beau à voir/S’ront pas nombreux demain/Quand je prendrai mon train”.
Toutes les chansons ne sont évidemment pas du même registre dans cet album émouvant et drôle, grinçant et provocateur. Politiquement incorrect pourrait-on affirmer dès le premier titre, “J’aime, j’adore” aux accents country … “Un zeste de satire” selon Duvergé qui s’en prend avec plaisir à “la société en dérive devenue folie collective”.
“J’aime les gens de la politique/Ils nous balancent n’importe quoi/Des comédiens, de vrais comiques/Ils vivent en cliques et font leur loi/J’adore ce ‘ouf’ parler verlan/‘Chelou’ et ‘donf’ c’est effarant/Ils écrivent mal, regarde-les/C’est mal barré pour le français/J’aime ce banquier l’beau rôle tout l’temps/Calcul inique sensé t’aider/L’moment venu te rentre dedans/Toi tu perds tout, lui sans pitié”.
Cet album est un puzzle de 12 pièces dont chacune possède ses particularités.
Et si aucune chanson ne ressemble à l’autre, on peut y déceler bien des passerelles. Entre coups de gueule et coups de cœur, “Le dernier train” confirme, une fois de plus, la diversité du répertoire d’un artiste mauricien aux multiples inspirations tant en paroles qu’en musiques.
L’ALBUM LE PLUS PERSONNEL D’UN INTENSE PARCOURS ARTISTIQUE
“Le dernier train” est incontestablement l’album le plus personnel de Robert Duvergé. Celui qui exprime avec le plus de nuances et d’intensité son parcours d’artiste, mais aussi – et surtout – d’homme à la croisées des chemins, aux réflexions partagées/déchirées entre hier et demain.
S’y glisse un regard aussi lucide qu’amusé sur les diverses étapes de la vie qui s’enchaînent trop vite dans “Tout a une fin” …
Mais pas question de se replier sur soi, d’où “Droit devant” …. texte de courage, de remise en question et d’espoir inspiré par “les minutes qui s’écoulent/Les jours qui passent vite/Semaines et mois déboulent/Ceux qui s’en vont trop vite/Mal qui érode et ronge/Les gens qui doutent et plongent/Mariages qui se font/Les couples qui se défont/Pourtant il faut continuer/Droit devant et avancer”.
Quant à “Miroir”, c’est une chanson à écouter plus d’une fois. Et Duvergé n’y chante pas. Il parle, se raconte, se confie avec bon sens. Et prend du recul avec une vie entre réussites et désillusions : “Quand je s’rai arrivé tout au bout du voyage/Quand j’entamerai ma toute dernière chanson/Le miroir m’renverra un tout autre visage/Le passé s’ra alors mon unique horizon”.
VALÉRIE ET JEAN-FRANÇOIS : L’AMOUR PATERNEL A FLEUR DE PEAU
Impossible de passer sous silence deux titres. Ils occupent une place tout à fait particulière chez le chanteur, mais surtout le père de Valérie et de Jean-François.
D’où une vibrante “Valérie Symphonie” débutée tout en douceur … Duvergé exprime son amour paternel avec des mots si justes, empreints de tendresse : “C’était ce qu’un jour j’avais écrit/A ma fille pour ses quinze ans/Le temps a passé depuis/C’est une femme maintenant/Mais la chanson Valérie symphonie/Se conjugue toujours au présent”.
Et puis il faut bien écouter le texte de “L’un et l’autre”, un titre enraciné dans la douleur et le souvenir de son fils Jean-François.
D’abord il y a eu “Il est parti”, un livre paru chez Pamplemousses Éditions fondées par l’écrivain-journaliste-réalisateur Alain Gordon-Gentil. En l’occurrence le journal intime de Robert Duvergé rédigé depuis l’accident de son fils Jean-François survenu le 1er janvier 2007 jusqu’à son décès le 24 décembre 2011. Et bien plus encore … car il l y parle aussi de l’élan de solidarité suscité autour de ce drame. Soit 351 pages qui vous font entrer dans la vraie vie, celle qui est suspendue à un fil auquel on continue de croire, malgré tout. Jusqu’à l’irrémédiable.
D’où un poignant livre-témoignage synonyme de cinq ans de lutte. Celle d’un père, d’une famille qui va se battre pour son fils, grièvement blessé dans un accident ayant provoqué un traumatisme crânien le rendant inerte.
Suite logique du livre, voici le titre dédié aux deux Jean-François : “Lui, tant de projets d’avenir/ L’autre, qui n’avait rien vu venir/Lui, prêt au bonheur paternel/L’autre, espoirs gommés cruel/Lui, credo en la vie ma foi/L’autre sous les foudres de l’au-delà”.
Cette chanson, elle vous prend aux tripes, offerte avec des mots simples et directs. Et bouleversants d’authenticité.
“DEUX ANS D’OBSTINATION ET SURTOUT NE JAMAIS DÉSESPÉRER”
Mener à bien un tel album ? Assurément un long défi relevé par cet auteur, compositeur, interprète, producteur, distributeur, etc.
Une “histoire de passion” pour Duvergé : “Des mois ou même des années à écrire, corriger, réécrire, recorriger les textes afin de trouver la formule avec les mots les plus judicieux possibles. Des heures et des heures sur le clavier pour trouver enfin la bonne mélodie qui va se marier bien comme il faut aux paroles et essayer de la rendre agréable, attractive, belle, sensuelle, convaincante afin de plaire.
Oser faire TOUT tout seul, écrire, composer, planifier, éditer, produire, imaginer le bon modus operandi jusqu’au lancement de l’album. Surtout ne jamais désespérer, même si les portes de pas mal de sponsors vous restent fermées, sans aucune réponse et que le budget a du mal à tenir le coup. De nombreux échanges avec l’arrangeur, toujours le même en France, puis le studio, puis les choristes, et davantage pour réaliser “Ode à l’Environnement”.
Chercher la bonne photo (du même photographe), fournir au même “graphic designer” toutes les données pour une belle pochette. Pour le clip, imaginer le déroulement, convaincre les amis artistes, organiser le bon planning pour avoir tout le monde (70 personnes), cela a mis presque deux ans”.
Chapeau l’artiste !
TEXTE ALBERT WEBER
PHOTOS TRISTAN BREVILLE ET COLLECTION ROBERT DUVERGÉ
Émissions de Robert Duvergé : “Entre vous et moi” mercredi de 21h à 23 h sur MBC Kool FMet “La chanson une si belle histoire” dimanche de 10h à 11h sur Radio Maurice AM 684 (heure mauricienne !)
Artiste résolument à part dans le monde de la chanson, Nilda Fernandez est un homme heureux, loin du cirque médiatique.
Un incontestable choix de vie pour le créateur de “Madrid, Madrid”, et “Nos fiançailles”. Sans doute les deux titres les plus connus de celui qui fut nominé cinq fois aux Victoires de la Musique en 1991 et s’y retrouve “Meilleur espoir masculin”.
Mais attention, ne croyez surtout pas que ses “Contes de mes 1001 vies” se résume en une bio de chanteur débordante d’anecdotes sur “la vie d’artiste”. Explications.
VICTOIRES DE LA MUSIQUE : LES COULISSES DU PALAIS DES CONGRÈS
Évidemment que Nilda parsème ces 383 pages de coups de projecteur sur les coulisses de ses aventures et mésaventures artistiques.
Et ses pages consacrées précisément à ces fameuses Victoires de la Musique en disent long sur certaines pratiques du métier. A commencer par le déroulement de la surprenante conférence de presse suscitée par cette consécration échappée des formatages des tubes standardisés.
“Depuis un an, mon album se vend en France de manière massive et inattendue. Le label multinational qui en a hérité se frotte les mains. Apparu en pleine “guerre du Golfe”, il est devenu son meilleur score et la chanson “Nos fiançailles” passe à la radio bien qu’elle soit le contraire des normes du succès” raconte Nilda, songeur au Palais des Congrès de Paris en précisant “Par bonheur, il s’est trouvé des gens éclairés pour donner une chance à leurs semblables de se nourrir d’autre chose”.
Et de citer divers journalistes qui ont contribué à ce que cette chanson sorte de l’anonymat dont Anne-Marie Paquotte (Télérama), Fred Hidalgo et Pascale Bigot (Chorus), Véronique Mortaigne (Le Monde), Hélène Hazéra (Libération), etc.
SORTIR DE L’ANONYMAT GRÂCE A UNE CHANSON NON FORMATÉE
Certes, cette mobilisation médiatique pour un artiste et une chanson “hors norme” était indispensable mais comme le reconnait Nilda : “Mais rien ne serait arrivé si ceux qui ont aimé cette chanson n’avaient fouillé dans les rayons des disquaires pour acheter un, deux, puis trois exemplaires de cet album qui m’a ouvert une porte vers les sentiments d’autrui”.
Et voilà, une fois de plus le grand public s’est pris de passion pour un répertoire différent de celui auquel il est habitué, grâce à cet effet boule de neige qui aura même retenu l’attention de Drucker, Foucault, Mitterand, Boyer, Nagui, Perrot, Martin, Ruquier, Sébastien, Ardisson nommément cités dans ce livre.
Combien de générations d’auteurs-compositeurs-interprètes ne sortiront jamais de l’anonymat par manque de soutien des “grands médias” ? Question de fond ? Assurément si on apprécie une certaine chanson loin des tubes habituels …
Et si j’ai d’abord insisté sur les pages axées sur “la consécration” de Nilda Fernandez, c’est pour mettre en relief une évidence : très vite, le “Meilleur espoir masculin” de 1991 s’est senti à l’étroit dans ce nouveau statut !
Et sa vie a pris un autre tournant. Et c’est là que se situe l’intérêt majeur de ce livre ponctué par tant d’étapes où l’on prend le temps de vivre, de se connaître et d’aimer.
C’est sûr, avec Nilda, on voyage beaucoup ! Mais surtout pas en touriste !
Ces déplacements toujours enrichis de rencontres, d’échanges, de découvertes et de retrouvailles en disent long sur la drôle de vie de cet homme qui chante.
Ici pas de course obsessionnelle pour une carrière internationale mais tout simplement l’envie et le besoin de vivre. De prendre du temps à chacune de ces escales loin de la France et de l’Espagne.
De l’île de Cuba à la presqu’île de Kamtchatka, de Bogota à Buenos Aires, de Venise où il apprend le décès de sa mère au Mont Sinaï pour un épique tournage d’une émission de télé … en passant par Achkhabad, capitale du Turkménistan à New-York …. et la liste est très loin d’être exhaustive !
UNE LONGUE CONVERSATION ENTRE AMIS QUI SE RETROUVENT
“Contes de mes 1001 vies”, c’est comme une conversation entre deux amis qui se retrouvent après une longue période de silence, d’éloignement. On a tant à raconter, en toute simplicité. En toute authenticité aussi. C’est ce qui apparait tout au long de ce livre où s’affirme une impérieuse envie de prendre le temps de vivre.
En témoignent entre autres les pages consacrées au Québec, lorsque Nilda décide de “traverser l’Atlantique plusieurs semaines avant mon concert aux Francofolies pour connaître le nord de la Belle Province. La curiosité bien sûr, mais aussi l’envie de prendre le large d’une histoire sentimentale fatigante et sans joie”.
En route pour Tadoussac, la baie de Sept-Iles … et même le festival Innu Nikamu aussi où il passera une semaine !
“Je tenais le nom de mon prochain album sans en avoir composé une seule chanson”. En résultera finalement “Innu Nikamu”, superbe chanson … à savourer ICI.
DE DANIEL A NIELDA : “UNE SCHIZOPHRÉNIE SALVATRICE”
A fait pourquoi Daniel Fernandez est-il devenu Nilda Fernandez ?
Je me suis souvent posé la question. Et le 33 tours retrouvé dans ma discothèque avant de rédiger cet article me rappelle que cet artiste m’intéresse depuis pas mal d’années.
Réponse dans “Contes de mes 1001 vies” : « Pour ne pas me sentir encerclé, sans repli possible, j’ai donc organisé une schizophrénie salvatrice en me souvenant de Sapho qui m’avait salué d’un “Bonjour Nielda !” dans une brasserie de Saint-Germain des Prés.
Débarrassé d’une voyelle, justifié comme un vieux prénom slave, pas plus féminin que Nikita, Sasha ou Volidia, tous masculins et tous des hommes, Nilda devenait l’artiste que je voulais faire grandir et apprendre à connaître.
Depuis que Daniel écrit les chansons et que Nilda interprète, je me sens mieux. Tout comme mes deux langues, mes deux pays, mes deux maisons, l’un et l’autre me sont indispensables »
EMILIA ET JOSÉ : NOUVELLE VIE LOIN DE L’ESPAGNE DE FRANCO …
“Contes de mes 1001 vies” évoque aussi Léo Ferré dont Nilda partagera la loge d’une manière imprévue … la chanteuse Sosa Mercedes … le chanteur russe Boris Moiseev ..
Mais ce qui m’a le plus touché dans ce livre, ce sont les nombreuses pages consacrées par Nilda à son enfance, sa jeunesse, ses parents aussi. Emilia et José occupent une place essentielle dans ce livre qui s’achève par un récit des plus intimes.
Les derniers moments de Nilda face à son père sur son lit de mort : “Notre père se prépare pour un exil qui ne sera pas de cinq mois comme lorsqu’il nous avait précédé en France et, cette fois, je resterai sur le quai”.
L’auteur s’y exprime avec pudeur, avec une évidente émotion si loin des artifices de la vie de chanteur. “Sa souffrance est si grande que je pense au film où un compagnon d’hôpital de Jack Nicholson l’étouffe sous un oreiller. Mais je n’ai pas ce courage et je m’en tiens à attendre la mort à ses côtés”.
Tout au long des près de 400 pages de cette autobiographie, le chanteur s’efface très souvent pour céder la place au fils d’Emilia et José, à leur vie de travail et d’entraide, de détermination et d’amour. Un couple uni pour réussir leur vie de famille loin de l’Espagne de Franco…
SARREBRUCK : NILDA FERNANDEZ EN DUO AVEC ALCAZ
La rédaction de ce texte m’a fait penser à septembre 2006.
C’était à Sarrebruck lors d’une soirée de la série “Bistrot Musique” organisée par Gerd Heger, “Monsieur Chanson” de la Radio Sarroise et Suzanne Wachs.
Souvenirs d’intenses heures passées avec Nilda et le duo Alcaz formé par Jean-Yves Lievaux et et Viviane Cayol …
En subsiste le CD d’Alcaz enregistré durant le concert de Sarrebruck. Cet album se termine par une chanson offerte par Alcaz et Nilda Fernandez : “Quand un soldat” de Francis Lemarque”.
AVEC LE CHANTEUR QUÉBÉBOIS STEPHEN FAULKNER
A cette soirée participa aussi l’auteur-compositeur-interprète québécois Stephen Faulkner notamment connu pour sa chanson “Si j’avais un char”.
D’où une série de photos prises après le concert, dans une bonne humeur des plus contagieuses, avec en prime Faulkner qui se met à faire le pitre avant de passer à table.
Changement d’ambiance le lendemain matin lors d’un interminable petit déjeuner partagé avec Nilda Fernandez, Viviane Cayol et Jean-Yves Lievaux. Histoire d’échanger en toute liberté sur quantité de sujets souvent bien éloignées de “la vie d’artiste” …
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
“CONTES DE MES 1001 VIES”, 383 PAGES, ÉDITIONS L’ARCHIPEL
Nombre d’artistes embarqués dans des aventures collectives éprouvent à un moment l’intense besoin de s’aventurer dans des nouveaux espaces plus personnels, tant dans le répertoire que la couleur musicale.
Certains s’enfoncent et disparaissent dans les sables mouvants, d’autres s’élancent vers une prometteuse carrière. En témoigne l’histoire de Vincent Salvi devenu Bergame bien que le terme de “carrière” ne soit pas le plus approprié pour évoquer son parcours.
ENTRE ÉDUCATION NATIONALE, STUDIO ET SCÈNE
Vincent Salvi n’est pas un inconnu dans le monde artistique.
Durant une quinzaine d’années, il aura été l’âme du groupe Maltosh : une demi-douzaine de musiciens, une intense aventure collective ponctuée par près de 400 concerts en Europe et même un en Chine, quatre EP et un album …
Et, entres autres la chanson “Le meilleur des mondes” dont le clip est une p’tite merveille, tant dans le scénario mis en scène que la chanson.
De quoi susciter nombre de réactions sur Youtube de la part de ses élèves, histoire de saluer et d’encourager leur prof d’histoire-géo ! Hé oui quand il n’est pas auteur-compositeur-interprète, Bergame travaille dans l’Éducation Nationale. Une double vie entre enseignement et agenda d’artiste qui ne lui réussit pas mal, ma foi.
UN DES SEPT FINALISTES DU 7ème PRIX GEORGES MOUSTAKI
Cette envie de voler de ses propres ailes, ça fait un bon moment qu’elle le travaillait. Nous en avions longuement parlé voici trois ou quatre ans. Fin d’une quinzaine d’années de concerts enracinés dans des chansons signées Salvi et “envie de changer de style de musique et d’un projet plus personnel”.
D’où ce mini-album de six titres signé Bergame.
“C’est le nom d’une ville du nord de l’Italie d’où sont originaires mes grands-parents paternels, ce sont mes racines, même si je les connais mal ou pas très bien, je pars à la découverte de qui je suis vraiment, de qui je suis au fond” explique l’article en évoquant cet EP “bouclé en trois semaines”.
Assurément le résultat d’un long travail personnel enraciné dans l’impatiente envie de “nouvelles chansons, d’un nouveau son, et surtout de nouvelles choses à raconter”.
AVEC L’EFFICACE COMPLICITÉ D’ALEXIS CAMPET
A l’instar de plus en plus d’artistes en quête d’argent pour leur nouvel enregistrement, Bergame s’est lancé dans une campagne de financement participatif avec un lancement public, le 9 juin 2016 lors d’un concert à l’Alhambra à Paris, en première partie de d’Oldelaf.
“Je suis soutenu par l’association “Si J’ai des Ailes”. Elle s’occupe de mon management, et bien plus encore : coaching musical, coaching scénique, coaching de vie. Elle me pousse à aller toujours plus loin pour que mes chansons soient connues par le plus de gens possibles. Je leur dois beaucoup”.
On le croit bien volontiers ! Avec au final un EP de six titres écrits et composés par Bergame et un sacré travail d’équipe avec le réalisateur Alexis Campet enregistrement, mixage, direction artistique.
Mais pas seulement : “Alexis y fait des guitares, électriques et folk, mais aussi du banjo, de la guitalélé, de la basse, des batteries, des pianos, des Rhodes, du beatbox. Et encore bien d’autres choses dont il a le secret. Cet homme sait tout faire !”.
Sur scène, Bergame s’accompagne au piano, à la guitare ou la guitalélé : “Mais sur l’album tout est d’Alexis, sauf les voix et les chœurs”.
“Mon nom est personne”, Au nom du père”, “Tout pour moi”, “Bruges en hiver”, “America”,” Dors” : six chansons … et 20 minutes et 22 secondes pour raconter les choses vues, entendues et subies.
Pour se raconter avec un son, une ambiance, une rythmique qui me fait parfois penser à des chansons de Philippe Chatel ou d’Yve Simon : des titres à la fois dépouillés et cependant très intenses qui incitent, par ailleurs, Bergame à avouer sa sensibilité envers les répertoires signés Albin de la Simone et Alex Beaupain.
LE SENS DU REFRAIN QUI NE VOUS LÂCHE PLUS
Bergame a le sens de la mélodie, du refrain qui vous happe et ne vous lâche plus comme dans “Mon nom est personne” : “Le jour turbin la nuit en veille /La tête sous l’eau manque de sommeil/ Simple mortel pas fils de l’homme/Mon nom est personne”. Ce titre aura été la chanson du jour ajoutée le 14 janvier par Catherine Laugier sur le site www.nosenchanteurs
“Est-ce que les fils décevront toujours leurs pères ? ” Question assurément éternelle lancée dans “Au nom du père”. Oui, pas évident de se parler entre père et fils déchiré entre l’envie de ressembler et le besoin de devenir adulte.
“Docile, gentil, à bien faire ma prière/Au pied du lit, toujours au nom du père/Je voulais être ton portrait /Pardon de ne pas être parfait /On fait c’qu’on peut, avec c’qu’on est/ Mais aujourd’hui je suis devenu un homme Ce que je suis j’n’le dois à personne /Mes choix, mes remords, mes regrets/ J’en paierai /Mes erreurs, mes choix mes regrets/ J’en paierai le prix à mes frais”.
Changement de rythme avec “Tout pour moi” efficacement illustré par un clip à découvrir ici : une drôle de partie de poker au dénouement inattendu. Et encore une fois un refrain qui vous trotte dans la tête : “Moi je prends ce qui me revient de droit/ La nature est bien faite car/Je te laisse les miettes et/ Moi je prends ce qui me revient de droit/Que tu l’acceptes ou pas/C’est un pour tous et tout pour moi”
P’tit détour par “Bruges en hiver” teinté de mélancolie, de remise en question : “Le long des canaux /Chauffé par la bière/ Coule le sang de Bruges en hiver/La foule des badauds /Remplit ses artères /Le plein de vide à Bruges en hiver/Au milieu des flots /Mais trop loin de la mer ”.
“PLUS C’EST INTIME, PLUS C’EST UNIVERSEL”
Et pourquoi ailleurs chercher ailleurs ? “Tu voudrais partir voir du pays /La terre est grande, Paris tout petit /Moi je m’en fous je sais qu’elle est ronde /Pas besoin pour le savoir de faire un tour du monde”.
“Plus c’est intime plus c’est universel” : cette formule de Bergame convient bien aux thèmes de cet enregistrement à écouter autant pour ses mots que ses musiques, comme pour “Dors” : “Dors/ Passé minuit/Jusqu’à l’aurore/ Promis je garderai les yeux ouverts/ Oui dors/ De tout ton saoul/ Et sans remord/Tandis qu’entre les doigts la vie s’écoule je veille/Veille, veille sur ton sommeil”.
Le voici désormais lancé dans divers concerts privés en France et même un à Londres suite à l’invitation lancée par un des souscripteurs.
“UN CD D’UNE DOUZAINE DE TITRES PRÊTS À ÊTRE ENREGISTRÉS”
S’y glisse aussi le projet d’un groupe avec musiciens trois ou quatre musiciens : mais attention rien de figé, mais plutôt une formation à géométrie variable au gré des scènes.
Cet EP de six titres est évidemment le premier pas d’une nouvelle histoire signée Bergame. Lequel me parle aussi d’un album d’une douzaine de titres prêts à être enregistrés et même d’un album pour enfants également en vue.
Nul doute que les contributeurs remerciés sur la pochette de cet EP seront sans doute à nouveau mis à contribution, au gré de l’évolution des projets de Bergame qui dédie cet enregistrement “ à celle qui me supporte, dans tous les sens du terme, depuis toutes ces années”.
Il est vrai qu’aujourd’hui être artiste exige non seulement du talent mais aussi une détermination à tout épreuve pour financer un nouvel album auto-produit, trouver des dates, fidéliser un public. Autant de perspectives qui donnent plus que jamais envie à Bergame d’avancer avec confiance.
Certaines rencontres d’artistes sont assurément plus marquantes que d’autres. Plusieurs séjours à Astaffort m’ont permis de croiser nombre de jeunes talents réunis dans l’ancienne école de Francis Cabrel pour une expérience unique sous l’égide de l’association Voix du Sud.
Parmi ces regards échanges, ces conversations entamées, rares sont aujourd’hui les “astagiaires” avec lesquels le contact a été maintenu. Parmi eux, Pierre Donoré, originaire de Grenoble.
Son nouvel album “L’amour en deux” résulte de six ans de d’écriture et de composition. Il s’affirme avec aisance entre chanson à texte et variété de qualité.
ATTENTION AUX ÉTIQUETTES RÉDUCTRICES DE TALENTS
C’est sûr, il faut évidemment se méfier des étiquettes stéréotypées si faciles à coller sur un répertoire.
Et si vous écoutez bien ce nouvel opus, vous verrez que Pierre Donoré échappe justement à cette irritante manière d’enfermer les chanteurs et les chanteuses dans un registre dont ils ne peuvent trop souvent plus s’échapper.
Ce fameux grand écart, les ayatollahs d’une chanson à texte pure et dure vont sans doute “l’aimer détester”. Pas grave, car il éclate ici avec conviction dans une série de chansons qu’on écoute et réécoute avec plaisir.
“L’’amour en deux”, c’est le 2ème album de Pierre Donoré. Il fait suite à l’EP “Maintenant” sorti en 2014 et au premier album “Je viens à toi” en 2010, dans la foulée d’un premier EP éponyme en 2007. Ce nouvel opus regroupe 11 chansons françaises, dont “Houala” parsemé de mots en allemand et en anglais.
Guitares acoustique et électrique, piano, claviers, chœurs : aux talents de Pierre Donoré s’ajoutent diverses autres complicités signées Cyril Tarquiny (guitares acoustiques, classique et électrique, ukulélé, basse et charengo, un luth essentiellement utilisé dans la musique traditionnelle sud-américaine), aux percussions Olivier Baldissera et Denis Benarrosh (batteur de Francis Cabrel et Benjamin Biolaly).
“UNE PROMESSE” : ÉTRANGE DESTIN POUR UNE PHOTO SI SYMBOLIQUE
A ces musiciens s’ajoute Sonny Landreth, en occurrence le guitariste d’Alain Bahung pour “Osez Joséphine” … présenté par Eric Clapton comme “un des meilleurs guitaristes au monde” !
En 2011, c’est au Festival International de Louisiane, que Pierre Donoré avait rencontré ce musicien dont la “guitare slide” illustre “Une promesse”, incontestable chanson autobiographique. Cet hommage aux premières émotions musicales de Donoré pourrait très bien retenir l’attention d’un large public grâce à une médiatisation digne de ce nom sur les ondes et le petit écran. Un sacré pari à relever pour cet artiste ayant bénéficié d’un large soutien de contributeurs grâce au financement participatif dont tous les “kissbankers” sont cités dans le livret.
Cette chanson, une des plus marquantes de l’album, est illustré dans le livret par une photo dont l’histoire mérite d’être racontée.
La photo a été prise par le frère du chanteur et la pellicule est restée 8 ans sur l’armoire de la cuisine. Et voici qu’un jour sa mère la trouve et se demande évidemment ce qu’elle contient ! Elle la fait développer et voilà comment est retrouvée cette photo du chanteur à 13 ans. Photo prise précisément le jour où lui a été offert sa première guitare !
AVEC GILLES ROUCAUTE, CLAUDE LEMESLE ET LES AUTRES
Donoré allie avec une apparente décontraction des textes de qualité à des mélodies qui se retiennent facilement. Du genre de celles qu’on aime reprendre au chœur durant un concert d’un “artiste populaire”.
Le savoir-faire de Pierre Donoré s’épanouit autant avec les chansons dont il est l’auteur et le compositeur que celles auxquels ont collaboré divers créateurs qui devraient retenir votre attention, que vous appréciez la fameuse “chanson à texte” de Gilles Roucaute ou la “variété de qualité” signée Claude Lemesle.
Oui, Donoré, c’est le champion du grand écart entre Gilles Roucaute (un de ces authentiques artisans d’une chanson accueillie chaque année à cœur ouvert au festival de Barjac) et Claude Lemesle … dont les textes ont été chanté par tant d’artistes appréciés à juste titre par le “grand public”, dont Joe Dassin par exemple.
Effectivement, plusieurs auteurs aux itinéraires des plus divers ont participé à cet album… dont Claude Lemesle (“Debout”), Gilles Roucaute (“L’amour en deux”), Kerredine Soltani (“Mon pote”), Mad Mahé (“Le Mont Fuji” et “Vivants”), Christophe Andréani (“Chanter”), etc.
ENFANCE BALLOTÉE ENTRE DEUX FAMILLES DE PARENTS DIVORCÉS
La chanson éponyme “L’amour en deux”, c’est l’histoire d’un enfant balloté entre les deux familles de ses parents divorcés. Pas de mélancolie larmoyante mais une vie quotidienne composée de mille et une réalités qu’il faut désormais couper en deux au rythme des allers-retours entre deux univers tellement différents.
Cet album, c’est de la chanson française pop folk. Mais attention, les définitions et les qualificatifs peuvent être dangereux car réducteurs … comme évoqué durant ma conversation téléphonique avec Pierre Donoré.
Sans disséquer à l’infini son répertoire, ces nouvelles chansons peuvent se résumer de la sorte : “On y retrouve toujours des sonorités acoustiques qui me sont chères depuis le début (“Regarde”), et j’explore aussi de nouvelles orientations tantôt pop rock (“Vivants”, “Une promesse”, “Chanter”), et électro (“Barcelone”, “Qui me tiendra la main”).
“J’PRÔNERAI LA LIBERTÉ À LA BARBE DES TYRANS DE TOUTES CONFESSIONS, CROYANTS ET NON-CROYANTS”
Nombre de titres de cet album sont positifs : besoin de prendre son destin en main, de ne pas se laisser abattre, de vivre sa vie, de résister aux intolérances …
Le ton est donné dès le premier titre, “Debout” sur des paroles de Claude Lemesle. Pierre Donoré s’adresse à Lucile, une jeune femme de presque 20 ans : “Ne va plus, la tête basse/Te plaindre que l’azur te fuit/Emprunte à l’enfant qui passe/ L’étonnement et l’appétit”.
Même rage de vivre intensément dans “Vivants”, qui était le titre initial de l’album. Une chanson-choc aussi entraînante que déterminée née après les attentats de 2015 : “J’ mordrai à pleines dents tous les fruits de la vie/ J’prônerai la liberté à la barbe des tyrans/ De toutes confessions, croyants ou non-croyants/ Nous resterons unis, courageux, vigilants/Je peindrai mes pensées pour qu’elles ne soient plus noires/Je dirai haut et fort l’envie d’aimer, de boire”.
Cet album, il faut prendre le temps de l’écouter. D’en savourer les détails comme cet apaisant bruit des vagues enrichies de cris de mouettes qui apparaisse dans les dernières secondes de “Barcelone”, chanson planante, teintée du temps qu’on prend pour vivre chez “la belle de Catalogne” entre “blanc du ciel en été” et “sa brume de chaleur qui couronne l’esprit de liberté“.
“QUI ME TIENDRA LA MAIN ?” DÉDIÉ À LAURE HUBIDOS DE L’ASSOCIATION CARPE DIEM
A découvrir aussi dans un tout autre registre “Mon pote” sur l’amitié volée en éclats. Terrible déception envers l’ami qui vous lâche quand vous avez besoin de lui. Simple, direct, réaliste : un fulgurant dialogue de sourds qui explose dans une ambiance qui ne déplairait pas aux amateurs de slam. De quoi inspirer un clip ?
Quant au titre “Qui me tiendra la main”, il évoque tout simplement l’élan de (sur)vie qui anime celui qui est frappé par une maladie incurable. “Qui atténuera les éclairs de douleur des nuits d’orage si un jour en suis otage ? Si mon corps s’en va en guerre/ Que le mal s’abat sur moi/Si je connais cette misère si le malheur s’abat sur moi ? “
Cette chanson est dédiée à Laure Hubidos, de l’association Carpe Diem consacrée à la Maison de Vie ouverte à Besançon en 2011 : “Un lieu d’accompagnement pour des personnes en situation de soins palliatifs ne nécessitant pas une hospitalisation et ne pouvant rester à domicile. L’objectif est de leur permettre de bénéficier d’un accompagnement axé avant tout sur la dimension humaine et sur la vie. La volonté est de démédicaliser la maladie et la fin de vie et d’en faire un enjeu de société” comme expliqué sur son site.
Dans nombre d’articles qui lui sont consacrés depuis des années, il est fait référence aux trois influences majeures de Pierre Donoré : Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel et Renaud. Cela peut vous donner une idée de l’univers, ou plutôt des univers dans lesquels aime se retrouver cet attachant auteur-compositeur-interprète entre textes exigeants et refrains qu’on n’oublie pas.
ARRÊTEZ DE VOUS PRENDRE LA TÊTE !
En guise de conclusion, me revient la citation de Claude Lemesle au sujet de Pierre Donoré : “Ses textes font mouches parce qu’ils sont simples sans jamais être banals et a musique, bien que parfaitement ancrée dans l’air de notre temps, propose, sur des rythmes toujours renouvelés, de vraies mélodies, ce qui devient rare aujourd’hui”.
Alors soyez zen ! Car pour savourer cet album de toute beauté, oubliez donc (un peu) vos préjugés sur la barrière entre chanson à texte et variété de qualité. Le CD a été arrangé et réalisé par Pierre Donoré et Christophe Battaglia. Lequel a notamment travaillé en studio pour des enregistrements de Garou, Yannick Noah, Christophe Maé, Céline Dion, etc.
Vous verrez, ça fait du bien de lâcher prise durant 44 minutes et deux secondes, durant 11 chansons qui n’ont rien à voir avec tant de produits préfabriqués et sans saveur du show-biz.
Pour une fois, arrêtez de vous prendre la tête, d’enfermer le talent dans un tiroir tellement étanche qu’il finit par y dessécher. Et écoutez en toute liberté “L’amour en deux” dédié par Pierre Chatard à son père Honoré Chatard. D’où le pseudo de Donoré tout simplement.
Paul Barbieri ? Si ce nom n’évoque pas (encore) de souvenirs de concerts ou d’albums, pas étonnant. Car la voie choisie par cet auteur-compositeur-interprète n’est pas des plus évidentes pour retenir l’attention du grand public.
En témoigne son deuxième album, “Tout est fini depuis le début”, dont les 13 chansons illustrent l’univers doux-amer de cet inclassable créateur.
“GRAVITÉ EXTRÊME ET TENDRE IRONIE”
“C’est à 33 balais que, déjà un peu usé par l’impitoyable monde moderne, Paul vient désormais jeter à la face du monde ses chansonnettes mélancoliques et brumeuses. Alcool, poésie du XIXe et football restent ses principales sources d’inspiration.
Le voyage que propose Paul est troublant comme un strip-tease de l’âme. La poésie est rocailleuse, chaude, mélancolique et parsemée d’humour. Ainsi se mêlent gravité extrême et tendre ironie, un peu comme si le souvenir des jours heureux suffisait à illuminer le présent. De concert en concert, de clope en clope, de bière en bière, Paul avance dans le monde. “.
Pas très réjouissant comme “auto-présentation”, c’est certain !
Le répertoire de Barbieri est à déconseiller aux déprimés ayant envie et besoin de se remonter le moral. Alors sans tarder mettons les choses au point. Car d’emblée une précision de taille s’impose. Ici pas de mélodies entraînantes qui vous incitent à taper dans les mains.
Quant à retenir l’attention des “grands médias”, c’est pas gagné non plus. Mais croyez-moi, chez Barbieri, il y a bien autre chose que des paillettes aussi scintillantes qu’éphémères. Rencontre avec un auteur-compositeur-interprète nourri de références qui l’incitent à se surpasser.
“DES ROUTES” : “UNE ÉTRANGE DÉMARCHE”
Pour vous situer le personnage, rappelez-vous par exemple les textes pas très joyeux du groupe Vendeurs d’Enclume. distillés par Valérian Renault.
L’intense réalisme de Barbieri fait parfois penser à Allain Leprest et à Mano Solo … deux des repères de cet artiste également sensible à Barbara et Rimbaud.
Voilà, le ton est donné à ce CD sorti courant novembre 2016. C’est la deuxième expérience solo pour Paul Barbieri. En 2014, il avait sorti un EP de six chansons dont le titre, “Des routes” peut aussi se changer au gré de votre humeur en “Déroute” !
“Merci à ma famille, mes potes et mes ex qui me soutiennent dans cette étrange démarche” avait alors indiqué le chanteur sur la pochette de cet enregistrement piano-voix réalisé avec Thomas Valentin qui y signait aussi les arrangements.
MUSICIENS : LE GRAND JEU
“Cette étrange démarche”, c’est aussi le fil conducteur de “Tout est fini depuis le début”. Paul Barbieri et Thomas Valentin ont remis ça avec ce nouvel album qui reprend “Vie de poète” et “Soupe de soleil”, deux chansons du premier enregistrement.
Mais attention, cette fois-ci Barbieri a sorti le grand jeu en mobilisant plusieurs autres musiciens …. ce qui colore cet album d’une ambiance douce-amère, très intimiste également. D’où ces 13 chansons déclinées avec force nuances en 47 minutes et 48 secondes…
“Plusieurs autres musiciens” ? Oui et pas des moindres à commencer par l’Ensemble Ethos clarinette, (violon, contrebasse, violoncelle, alto, violon). Ces musiciens professionnels diplômés de divers conservatoires, on les retrouve pour “Mon âme” et “L’amertume” : leurs cordes semblent apaiser, adoucir un lancinant mal de vivre chanté par Barbieri.
A ces musiciens s’ajoutent d’autres complices (guitare, batterie, percussions, harmonica) qui enrobent avec talent les sombres états d’âme de Barbieri … du genre “Je vocifère marin contre des vents de vide/ Des efforts de trop à l’océan avide/ Déridant les espoirs en un tapis d’argent/ je milite en rageant pour des drapeaux fanés/Aux couleurs du Néant”. (L’amertume”).
“AU LOIN LE SON D’UN BON VIEUX CHAMPIGNON”
Mention spéciale au climat suscité par “Ma tribu” sur laquelle Jeanne Barbieri pose sa voix. Une atmosphère à la fois désabusée et nostalgique, une lucidité arrosée par force alcools (cognac, armagnac, champagne, absinthe, eau-de-vie, champagne, etc) …. alors que dans un “reste de whisky s’achèvent les plus belles utopies sans solution et sans réponse” !
L’autre chanson majeure, c’est évidemment “Champignon” , dont la première phrase donne le titre de l’album. Hé oui, ça va bien finir par péter et la planète va disparaitre puisque “Tout est fini depuis le début” …
Alors comment s’occuper d’ici l’explosion finale ?
“Dans mon transat/ Vois, je m’épate/ J’entends au loin le son/ D’un bon vieux champignon” ! De quoi attendre la fin du monde, tranquillement allongé dans son transat “avec les dernières secondes qui seront les plus fécondes“.
Et pourquoi s’en faire … alors que “Dans nos gosiers, l’alcool et la fumée/Nous font rire/ Du monde désenchanté/ Qu’en finit pas d’crever” !
A noter dans les chœurs de ce “champignon” destructeur, la participation de Paul D’Amour, … ancien membre des Garçons Trottoirs et désormais lancé dans une aventure artistique en solo.
UNE MÉLANCOLIE TEINTÉE DE POÉSIE
Vous l’avez compris, c’est un album à ne surtout pas écouter si vous avez le blues … et un CD à prendre le temps de découvrir pour bien d’autres raisons …. une fois franchie la barrière des à-priori.
“Tout est fini depuis le début” reflète un univers où désillusion, mélancolie et mal de vivre se conjuguent sans cesse …. à l’instar de la poésie à fleur de peau de FredEmile Raymond : autre artiste (hélas) méconnu auquel j’avais consacré un portrait dans le trimestriel “Chorus, les cahiers de la chanson”.
Cette mélancolie, Barbier l’exprime aussi dans un autre registre, en reprenant “Je l’aime à mourir” de Cabrel. Une chanson qui ne figure pas sur cet opus … mais à découvrir ICI … histoire d’écouter Barbieri sous un angle nouveau et cependant complémentaire de son nouvel album.
Alors pour en savoir sur cette personnalité étrange, il faut prendre le temps de discuter avec Barbieri. De l’inciter à se dévoiler … lui qui “a grandi avec les cassettes audio de ses parents (Georges Brassens, Pierre Perret, Barbara). Sous perfusion de langue française du côté de sa mère et de swing du côté de son père,l’adolescent mélancolique est balloté entre musique et poésie, entre piété mystique et fêtes populaires, entre philosophie et football de terroir“.
SCÈNES AVEC LA FANFARE PÉTARD, LARÉOSOL ET LA GARGAROUSSE
Passé par la faculté de musicologie et le conservatoire, Barbieri s’est d’abord lancé dans des aventures collectives avant d’avancer en solo. D’où nombre de scènes avec le groupe Laréosol (chanson française aux accents ska et rock!) où il s’affirme entre trompette, chant, claviers et aussi comme parolier.
Autre expérience avec La Fanfare en Pétard: ici pas de mélancolie à fleur de peau mais “’énergie des cuivres, quelques samples, du rap et une fusion hiphop, dub, jazz efficace” ! Un groupe qualifié d'”électro brass band” par ce créateur résolument loin des sentiers battus.
Sacré Paul ! L’artiste – que n’aurait pas renié Baudelaire et son spleen – vient de s’embarquer avec La Gargarousse avec Olivier et Julien Lindecker, et Hubert Kieffer : un groupe célébrant vin et poésie avec en guise de slogan “Qu’importe la chanson pourvu qu’on ait l’ivresse“.
“CE PUTAIN D’ALBUM QUI M’A COUTÉ UN BRAS”
Dommage que le livret de ce nouveau CD ne présente pas tous les textes des toutes les chansons. N’y sont publiés intégralement que les paroles de “Poème dégueulasse” et “Pirogue”.
Barbieri a préféré glisser ici et là quelques extraits de textes, ainsi qu’ “un mélange de photos de films italiens des années 70 (qui évoquaient la décadence avec élégance) et de photos de mes grands-parents disparus entre 2010 et 2015″.
Oui vraiment dommage, car Barbieri a le sens de la formule poétique : “Regarde bien/Derrière l’éther/ Combien d’anges se terrent/ Jusqu’à l’armagedon/C’est un trou noir dans nos mémoires” (“Mon âme”).
Enregistré et mixé par Eric Gauthier-Lafaye au studio Downtown, À Strasbourg, entre juin 2015 et juillet 2016, cet album a été mastérisé par Robin Schmidt au studio 24-96 à Karlsruhe. S’il a enfin pu sortir, c’est grâce à un financement participatif …. d’où ces propos de Barbieri : “Merci à toutes celles et ceux qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre à accoucher de ce putain d’album qui m’a coûté un bras”.
UN DOCUMENTAIRE RÉALISÉ PAR MARIETTE FELTIN
C’est sûr, Barbieri ne laisse pas indifférent. Soit on est conquis par son désenchantement poétique, soit on s’enfuit loin de ses idées noires.
Je m’en suis rendu compte lors de la première rencontre, samedi 23 janvier 2016, lors d’un concert à domicile auquel je m’étais rendu avec l’Acadienne Carol Doucet – incontournable professionnelle du milieu artistique francophone – de passage à Strasbourg.
Cette soirée ayant réuni une quarantaine de personnes, elle m’avait laissé sur ma faim, et malgré le talent de Paul Barbieri et de son pianiste Thomas Valentin, je n’avais pas vraiment accroché à cet univers des plus sombres.
Changement de perception le 12 novembre 2016 lors d’un nouveau concert à domicile. Toujours à Strasbourg et en compagnie d’une cinquantaine de personnes conquises par ces “chansons noires” … entrecoupées d’interventions parlées suscitant sourires et rires.
Cette excellente initiative aura permis d’alléger l’ambiance pessimiste distillée au gré des refrains et, c’est certain, de mieux apprécier ce répertoire.
A noter enfin que ce concert a été filmé par la cinéaste Mariette Feltin, en vue d’un documentaire “sans doute d’une heure” selon le chanteur qui ajoute : “Il devrait être prêt pour l’automne 2017″. Nous y reviendrons en temps voulu.
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
En savoir plus ICI sur cet album et ICI sur Paul Barbier
Inutile de tourner autour du pot … euh du chapeau. “Sous mon chapeau”, 7ème CD d’Eric Frasiak, est une belle, une très belle réussite. Sans doute son album le plus personnel. Le plus intense aussi entre émotion et révolte, entre tendresse et coup de gueule.
Un CD où textes et musiques se conjuguent avec une efficace alchimie. Et chaque écoute de ces 15 chansons distillées en 61 minutes et 41 secondes est synonyme de nouvelle découverte. Avec ici et là divers clins d’oeil à sa vie, car cet opus est également le plus autobiographique.
UN AGENDA DES PLUS CHARGÉS
Mais attention ! Ne croyez surtout pas que Frasiak se regarde le nombril et ramène tout à lui.
Au fil des enregistrements et concerts face à des publics toujours croissants, il s’est forgé un répertoire entre introspection et démarche citoyenne.
Sans esbroufe et sans baratin, Frasiak poursuit son bonhomme de chemin en relevant en toute décontraction un défi permanent : conserver le public “acquis à sa cause” et retenir l’attention de nouveaux passionnés.
Frasiak, c’est un marathonien. L’artiste agissant sur le long terme, sans se presser mais avec une détermination sans failles. Pas étonnant que depuis l’album “Itinéraires” en 2006, il aie participé à une incroyable quantité de tremplins, concours et autres prix. Voir TOUS les détails sur sa page wikipedia.
Cet agenda des plus chargés lui aura permis de chanter dans des lieux extrêmement variés, entre concerts à domicile, petites salles et grands espaces. D’où quantité de premières parties de Michel Bühler, Pierre Perret, Michel Fugain, Sanseverino, Hubert-Félix Thiefaine, Alain Bashung (mais oui), Paul Personne, Clarika, Les Wampas, Pauline Croze, et la liste n’est pas exhaustive.
AVEC TALENT, DÉTERMINATION ET ENDURANCE
Grâce à cette immersion permanente un peu partout en France, voire au Québec grâce à un efficace complice nommé Steve Normandin – oui, l’infatigable l’Accordéoniste Voyageur qu’il aura rencontré pour la première fois à Saint-Pierre et Miquelon- Frasiak a beaucoup vu, entendu, et appris.
Et c’est pas fini, loin de là : “Il y a une espèce de cercle vertueux qui fait que plus tu as de concerts, plus tu en fais. Je me débrouille tout seul. C’est le circuit court, directement du producteur au spectateur” …
Au-delà de ces affirmations lancées au rédacteur en chef de FrancoFans, Benjamin Valentie qui lui consacre une double page dans le dernier numéro, une évidence s’impose : le capitaine Frasiak tient la barre de son bateau avec talent et détermination. Avec endurance aussi, à voir le nombre de dates annoncées sur son site.
Un drôle d’oiseau que ce Frasiak ! Car en plus d’exceller en tant qu’auteur, compositeur et évidemment interprète, il est aussi aux manettes pour TOUT ce qui se déroule en coulisses : enregistrement, mixage, réalisation… et même distribution via “Crocodile Studio” à Bar-le-Duc.
“MON BÉRANGER”, “DIMEY PLURIEL” DVD ET RECUEIL DE PARTITIONS
Alors raison de plus de saluer comme il se doit ce nouvel album : rien que du Frasiak, à l’exception notable d’une reprise de Léo Ferré, “La solitude” !
Mais n’allez surtout pas croire qu’il n’y ait pas eu d’enregistrements depuis “Chroniques” sorti en 2012. En plus de “Mon Béranger” (17 titres plus une chanson-hommage à son “maître à chanter”) en 2014, Frasiak s’est lancé dans une sacrée aventure collective avec l’album “Dimey Pluriel” réunissant 12 artistes et groupes de Haute-Marne.
Cette (superbe) initiative lancée par le journaliste-chanteur Anicet Seurre et relayée par Yves Amour, président du Festival Bernard Dimey, Frasiak en a assuré la direction artistique en 2015.
S’y ajoutent aussi un DVD de 21 titres enregistrés à Bar-le-Duc sorti en 2016 … sans oublier, en 2013, la parution d’un recueil de 27 partitions : les titres de “Parlons-nous” et “Chroniques”. Cet indispensable document pour qui veut chanter Frasiak est aujourd’hui épuisé.
DU CŒUR ET DE L’ESPRIT, DU BON SENS, DE L’AUDACE
Hé oui, voilà comment, en une dizaine d’années, Frasiak s’est affirmé comme une des voix majeures d’une chanson française qui a du cœur et de l’esprit, du bon sens, de l’audace.
En maîtrisant paroles que musiques (et technique), il est assurément seul maître à bord de ses choix artistiques. De ses décisions esthétiques quant à la pochette de ce nouveau CD bénéficiant d’un livret sobre et chic, sur fond noir … avec ici et là des chapeaux photographiés par Frasiak au gré des voyages en France et au Québec.
S’y ajoutent des photos de l’artiste siggnées Dominique Becker, Sebastien Cholier, Pierre Bureau, Frédéric Mercier et Chantal Bou-Hanna, créatrice du site Au doigt et à l’œil que je vous recommande (vivement) de découvrir.
On peut donc savourer ces 15 titres aussi bien en voiture que chez soi, en suivant les textes mot à mot. D’où certaines trouvailles évidement passées inaperçues lors de précédentes écoutes !
UN SON AUTHENTIQUE ET CHALEUREUX
Artisan, Frasiak l’est assurément. Mais du genre imaginatif et organisé, avec une évidente décontraction qui me surprend à chacune de nos retrouvailles.
Pas du genre stressé à la sortie de ce nouvel album. Loin d’une insolente certitude, Frasiak l’obstiné avance pas à pas. Sans relais des “grands médias” à l’exception de rares soutiens tels Philippe Meyer et son émission “La prochaine fois je vous le chanterai” hélas passée aux oubliettes sur France-Inter depuis septembre dernier.
Solitaire pour ses choix artistiques, il sait s’entourer d’efficaces complices, comme la quinzaine de musiciens et choristes mobilisés ici. Car “Sous mon chapeau”” c’est aussi un efficace travail d’équipe … d’où un son authentique et chaleureux, de la douceur, du rythme et de l’entrain avec accordéon, piano, guitares, violon, batterie, orgue, percussions, bugle, trompette, harmonica, clarinette, tambourin, violoncelle, etc. Assurément rien à voir avec un album en formule guitare-voix en quête de relief.
DES VRAIS MUSICIENS POUR DE VRAIES CHANSONS
Ici place à de vrais musiciens pour de vraies chansons qui, plus d’une fois, vous donnent envie de chanter, de taper dans les mains… Avec en prime Jérémie Bossone aux chœurs de “Migrant” mais aussi – et surtout – en duo dans le salutaire “Espèce de cons” : une de ces chansons aussi réjouissante que réaliste, sans langue de bois, que j’aimerai retrouver sur des radios “grand public”.
On peut rêver, non ? En attendant, j’espère que “Sous mon chapeau” (CD auto-produit à 5 000 exemplaires) bénéficiera d’un impact aussi important que l’album “Parlons Nous” sorti en 2009 et écoulé à 6 000 copies.
Alors que vous dire de cet album pour vous inciter à découvrir ce 7ème album ?
Premier constat : les textes ont, à mon sens, autant d’importance que les mélodies.
Place à un “univers mélangé de chansons sociales, chansons rebelles et chanson d’amour. Cet album parle du monde d’aujourd’hui et de la difficulté a y trouver sa place. Il y parle aussi beaucoup d’amour, l’amour comme seul rempart à la barbarie et la haine” comme l’explique Frasiak.
“Moitié chanteur, moitié anar” : en se présentant ainsi dans le 1er titre, Frasiak se livre avec bon sens et réalisme aussi, regrettant ses cheveux d’Indien disparus “sous mon chapeau”. Et toujours ce besoin et cette envie d’avancer, avec en mémoire le souvenir de “mon père dans son camion parti trop tôt”.
CHAQUE CHANSON A SON CARACTÈRE, SA PERSONNALITÉ
Sans donner de leçon, il passe en revue tant de réalités quotidiennes auxquelles nous sommes confrontées de visu ou via les médias.
Ici chaque titre a sa personnalité, son caractère drôle et grinçant (“C’est beau Noël”) ou révolté (“Espèce de cons”), enjoué et délicieusement subversif (“Cuisine politique”) ou d’une désespérante tragédie dans “la Russie de Poutine, la nostalgie de Staline” (“Colonie 6″).
Que de tranches de vie dans cet album ! Du migrant échappé de Libye au prisonnier de l’inhumaine terrible “Colonie 6″, de la société de con-sommation survoltée à l’approche de Noël, du poignant “Je suis humain” dédié aux “victimes de Charlie-Hebdo et de l’Hyper Casher et à toutes les victimes de la barbarie à travers le monde” …
… sans oublier la “Cuisine politique” des plus pimentées qui termine l’album en une jubilatoire apothéose. Une chanson de près de sept minutes avec quantité de références aux prétendants en lice aux prochaines élections présidentielles. Un kaléidoscope de portraits de politiciens en décalage avec la vraie vie : “Dans nos restos du cœur, libres, égaux en fin de droits/ On rêve de jours meilleurs en digérant tout ça / Comme on compte pour des prunes faut nous lâcher la grappe / C’est jamais dans les urnes que le bonheur s’attrape”.
“MON PÈRE DANS SON CAMION PARTI TROP TÔT”
Fils d’un couple de Polonais arrivés en France en 1958, il se met dans la peau d’un “migrant”. Sans pathos mais avec une humanité à fleur de peau. Des mots aussi simples que tranchants : “Les côtes de Libye s’effacent/ Et mon espoir avec elles/ Si je vis, je ferai face/ Si je meurs, j’irai te rejoindre ma belle”.
Et puis il y a aussi le Frasiak plus personnel, plus secret qui entrouvre ici son jardin secret. Un jardin hélas à l’abandon depuis le décès de son père (“Le jardin de papa”) … oui ce père qui fut routier … d’où un émouvant “44 tonnes” dédié “A Romän et aux routiers de L’Air Bleu (et d’ailleurs… “).
Intense description aussi de cette fameuse “ville de l’Est” à laquelle il demeure si attaché malgré ses envies d’évasion :”Des fois je rêve d’Espagne, d’Amérique ou d’ailleurs / De plages ou de montagnes pour y poser mon cœur / Mais mon avenir est là, où veux-tu donc que j’aille / Ils ont besoin de moi et j’aime leurs batailles“. Un de ces titres-choc, à l’instar de “Monsieur Boulot”…
Cet album est aussi des plus travaillés au niveau des textes. D’où une une ambiance toute particulière comme “Je t’écris” aux nombreuses trouvailles littéraires. Pas de jeux de mots gratuits pour faire joli mais de quoi susciter un climat teinté de confidences : “Je t’écris au temps imparfait / De ce passé décomposé / Tu vas me trouver un peu barge / J’ai toujours été dans la marge”.
C’est sûr, chaque chanson pourrait inspirer un clip, notamment “T’as c’qu’il faut'” et “De l’amour , des fétiches” (“Je lègue mon corps à sa science”) … deux titres qui vous emmènent vers des territoires autant poétiques qu’érotiques …
De quoi inspirer plus d’un réalisateur pour des images qui, évidemment, vont bien plus suggérer que détailler : “La nudité souvent s’affiche / Des seins, des fesses un peu partout / La beauté est tellement plus riche/ Quand elle ne nous montre pas tout”.
DUO DÉCAPANT AVEC JÉRÉMIE BOSSONE
Peut-être, oui peut-être que mes deux titres préférés sont “Espèce de cons” … énergique et décapant duo avec Jérémie Bossone : “Ça s’agenouille, ça prie des dieux/ Mais faut qu’ç zigouille dès qu’ça peut/ Ça inquisitionne, ça croisades / Ça colonise et ça djhiad” …
… et aussi “Hôtel Richelieu” ; magnifique évocation du temps qui s’enfuit, des rêves et des utopies de jeunesse enfouis, et puis la nouvelle génération de “loulous un peu rebelles” qui, à son tour, fréquente cet “Hôtel Richelieu” que nous avons tous connu. A l’instar des personnages, eux aussi haut en couleurs, des bourgeois immortalisés par Brel.
Je dis bien “peut-être” … car l’un des atouts de cet album c’est justement de vous faire changer de “chansons préférée” au gré des écoutes !
“DES TRUCS QUI FONT CHIALER OU QUI GUEULENT DANS LE VENT DES CYCLONES”
“Sous mon chapeau” ? Un opus plein de coups de cœur, de coups de gueule aussi. Avec toujours l’élégance des mots et la maîtrise de mélodie qui ne peuvent laisser indifférent celui/celle qui aime la chanson.
“Ici pas de manichéisme malsain, ni de refrains pour vous faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais attention, les “chansons frasiakiennes” n’ont rien à voir avec des pamphlets ravageurs et pessimistes sur notre pauvre planètes où tout va mal, entre chômage croissant ou sur nos années qui s’enfuient trop vite“.
Rédigés en 2013 dans la préface du recueil de partitions, ces mots résonnent aujourd’hui avec encore davantage de pertinence ici “Sous mon chapeau”.
Plus que jamais bravo Monsieur Frasiak pour vos “trucs qui font chialer ou qui gueulent dans le vent des cyclones”. Plus que jamais restez fidèle à Ferré, Béranger, et aussi (et surtout) vos choix artistiques et vos valeurs. Loin du cirque médiatique, et sensible à une “chanson de proximité” conjuguant amitié, rébellion, utopie et humanisme.
Aujourd’hui plus que jamais, Frasiak est un CHANTEUR LIBRE qui connait BIEN le prix de sa liberté. A tous les sens du terme comme le confirme avec éclat sa discographie à compte d’auteur assurée sans aucune subvention. Le seul soutien, c’est celui d’un public au rendez-vous de ses concerts et sorties d’albums.
Après la sortie, l’an dernier, d’ “In extremis”, son 13e album, Francis Cabrel a effectué une tournée d’une centaine de dates durant plus d’un an en France, Suisse, Belgique, Québec, la Réunion et aussi l’Ile Maurice.
Retour sur cet événement avec la journaliste mauricienne Kovillina Durbarry.
En concert à Maurice pour la cinquième fois, Francis Cabrel a une fois de plus fait chavirer et chalouper plus d’un.
Lors d’un unique concert avec salle comble au Centre Swami Vivekananda à Pailles, le samedi 22 octobre dernier, le célèbre chanteur français a interprété les 10 nouvelles chansons de son album “In extremis” ainsi que nombre de ses classiques. Le temps d’une “corrida”endiablée et d’un “C’est écrit” à la sauce pimentée bien de chez nous, Francis Cabrel a livré un concert de pas moins de deux heures devant un millier de Mauriciens.
Le chanteur qui a posé ses valises … et sa guitare sur le sol mauricien le mercredi 19 octobre, est resté fidèle à lui-même : simple et authentique.
Lors d’une conférence de presse jeudi après-midi à l’hôtel Le Paradis au Morne, le chanteur s’est dit ravi d’être à Maurice. Et dans un entretien accordé au quotidien L’Express, il affirme approcher la fin de son parcours sans pour autant s’être fixé une date.
Accompagné de ses très talentueux musiciens, c’est en trempant la chemise que Francis Cabrel a repris des morceaux qui ont fait à la fois danser et sangloter toute une salle.
Une énergie folle sur scène
En effet, celui qu’on ne présente plus et dont les chansons passent en boucle sur toutes les chaines radio locales, a envouté son audience de par sa présence sur scène.
Accompagné ou seul, Francis Cabrel – qui a gardé le même timbre de voix d’il y a dix ans lors de son dernier concert sur l’île – dégage une énergie folle. Une énergie qu’il a d’ailleurs su transmettre en toute complicité à son public.
Une prestation hors-pair plébiscitée par un auditoire comblé. Le chanteur a, au cours du concert, offert un moment des plus inoubliables aux Mauriciens conquis.
Ainsi, avec son interprétation du méga tube “Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai” de son album “Samedi soir sur la terre”, Cabrel seul sur scène avec sa guitare et en toute simplicité est parvenu à figer un peu plus de mille personnes. Toutes figées par le talent d’un seul homme sur scène.
“Zot mari top”
De plus, Francis Cabrel s’est aussi prêté au jeu devant une foule mauricienne très taquine.
“Zot mari top” devait lancer le chanteur français, tout en répétant les quelques mots écrits en kreol morisien sur son antisèche. Et c’est en esquissant de temps à autre quelques pas de danse, que Francis Cabrel s’est dévoilé petit à petit au public mauricien … qui a dansé et chanté avec lui pendant tout le concert.
Par ailleurs, ce nouvel album “In extremis” lancé en avril 2015 regorge d’une myriade de petites perles … Avis donc aux mélomanes avisés ! Tantôt émouvantes tantôt endiablées, la douzaine de chansons engagées et à caractère politique par moment ont connu un véritable succès auprès du public.
Ainsi “Mandela, pendant ce temps” a fait vibrer de passion tous ceux présents, de par le rythme africanisant et les paroles sensées et engagées – soit un ultime hommage à Mandiba.
Autant de belles chansons dans un album complet et parfaitement réussi. Bref, un pari relevé haut la main à 63 ans et des poussières !
Vivement un autre concert à Maurice … et un 14ème album.
Certains artistes francophones d’Amérique du Nord sortent incontestablement de l’ordinaire, par leur parcours personnel, leurs choix artistiques, leur présence scénique. Et aussi par leur liberté de création qui se joue des frontières à tous les sens du terme.
Yao fait partie de ces voix qui savent émouvoir, faire réfléchir, et danser aussi. LAPSUS, son 3ème album solo sorti en six ans, met en évidence un créateur des plus inspirés. Explications.
MÉTISSAGE, UNE FORCE INCONTESTABLE
Sur la scène francophone de l’Ontario, Yaovi Hoyi alias Yao surprend à bien des égards. Ses racines, elles s’affirment multiples aussi bien dans sa vie personnelle qu’artistiques, et ce métissage, il en a fait une force qui éclate avec brio dans les 44 minutes et 49 secondes de LAPSUS.
Cet album résulte d’un double travail : d’abord l’envie et le besoin de créer. Une volonté écrire qui donne libre cours à son imagination, ses rêves et ses remises en question aussi, en utilisant un vocabulaire riche, inspiré.
Et puis il y a le travail d’équipe, mené à bien avec une demi-douzaine de compositeurs, et une poignée de musiciens (synthés, batterie, guitares, etc). D’où un album de 13 titres, offerts en solo … avec selon les titres la participation de plusieurs voix telles Julie-Kim Beaudry, Cathy Vallières, Peter O’lean, Gabriel Whiting, Céleste Lévis, F.L.O. etc.
DES TEXTES A SUIVRE A LA TRACE
Dans cette province canadienne où la langue française est minoritaire – à la différence du Québec – le choix de chanter en français est un acte tout aussi militant qu’artistique pour Yao … invité fin novembre 2016 aux célébrations du XVIe Sommet de la Francophonie, à Antananarivo, la capitale de Madagascar. De quoi – une fois de plus et dans des circonstances totalement inédites – affirmer un répertoire des plus percutants et des plus poétiques aussi.
Car il faut bien reconnaître que trois ans après son précédent album, “Perles et Paraboles”, la veine créatrice de Yao est plus performante que jamais avec LAPSUS : un opus bénéficiant d’une superbe pochette très classe, et un livret qui l’est tout aussi, à la fois sobre et raffiné. Avec en prime les textes à suivre à la trace tout en écoutant l’album … c’est du moins ce que j’ai fait après m’être passé à plusieurs reprises cet opus en voiture !
REFUS DE LA FATALITÉ ET APPELS AU BON SENS
Ah les textes de Yao …
Il faut bien en dire un mot de ces textes, souvent longs – voire très longs comme “Étrange absurdité” ! Autant d’émotions et d’observation, d’appels au bon sens et à la tolérance, au refus de la fatalité et aux dangers du mimétisme (“Comme eux”). Vous savez, quand la personnalité est enfouie, niée au profit de comportements adoptés pour “être comme les autres”…
S’y glissent aussi d’autres thèmes, tel la déchirure sentimentale évoquée ici d’une manière originale (“L’amour et la guerre”) … la séduction aux allures de coup de foudre (“Échec et mat”) … la dépendance amoureuse (“Dans le sang”) …
Et voilà comment l’on en arrive à ce drôle de paragraphe mis en évidence dans le livret de l’album : “Prisonnier des LAPSUS que j’ai DANS LE SANS, je suis devenu NOMADE. Et cela, au risque d’un ÉCHEC ET MAT dans ce jeu de L’AMOUR ET LA GUERRE. Je ZIGZAG dorénavant cette ÉTRANGE ABSURDITÉ d’une douce FOLIE A DEUX. Te cherchant au milieu des INTERFÉRENCES. S’il te plait, PARLE-MOI. Que je sois enfin K.O. en me voyant COMME-EUX, dans des éclats de nos RÊVES D’ENFANTS”.
UN ALBUM PERCUTANT ENTRE POÉSIE ET SLAM
Impossible d’enfermer ce” poète slameur” – appellation la plus courante en vigueur pour cet artiste – dans un seul registre.
Originaire du Togo, il a vécu en Côte d’Ivoire avant de trouver sa voie au Canada, depuis 17 ans. Là à vivre au rythme du monde, de ses rythmes, il n’y a qu’un pas franchi en toute décontraction dans cet album de 13 titres.
LAPSUS, réalisé comme “Perles et Paraboles” par Sonny Black, serait-il un album “plus soul, un peu plus funk, un peu plus pop” ? Oui si l’on en croit les médias canadiens mais l’essentiel se situe ailleurs à mon sens. Dans l’énergie verbale et physique dépensée en studio et sur scène par Yao apprécié à plusieurs reprises en pleine action … comme lors d’une mémorable et trop courte “vitrine musicale” à la FrancoFête à Moncton.
L’amour des mots, la passion d’une langue intensément belle, Yao ne les cultive pas seulement pour son petit plaisir. A travers ses choix artistiques il n’oublie jamais d’affirmer haut et fort les valeurs d’un métissage qui le concerne d’autant plus qu’il se définit comme “roux et métissé”.
Mention spéciale pour une diction qui met en valeur des textes dont il varie le rythme au gré des couplets comme dans “Parle-moi” également porté par la voix forte et frissonnante de Cathy Vallières … ou encore “Interférences” offert dans un efficace duo avec l’intense Julie-Kim Beaudry.
“MON ANOMALIE PARADOXALE”
Ayant eu la chance de découvrir, à Ottawa, durant Contact-Ontario, des extraits de son spectacle de poésie théâtrale intitulé Négritude et Métissage, j’ai encore mieux compris l’authenticité de l’engagement de Yao.
Sa sensibilité envers des voix et des plumes telles que Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire ou Daniel Maximin en disent long sur un artiste qui n’est pas seulement préoccupé par l’envie de “faire carrière”.
Passionné par les musiques et les chansons, il l’est aussi par l’écriture, la littérature, la philosophie. Et évidemment le métissage dans lequel s’enracinent en permanence sa vie personnelle et son œuvre.
C’est “mon anomalie paradoxale” comme il l’explique dans un long texte où l’on croise entre autres Voltaire et Epictète, Le Petit Prince de Saint-Exupéry et Albert Camus … Sans oublier Angela Schwindt qui déclare : “Alors que nous essayons d’enseigner la vie à nos enfants, nos enfants nous montrent ce qu’est la vie” .
Ce texte des plus intéressants, on peut le retrouver à la fin du long article consacré à Yao en janvier 2014, suite à un entretien réalisé Place du Châtelet à Paris.
UN COUSIN D’ABD-AL-MALIK A FAIRE CONNAITRE EN FRANCE
En avril 2013, après avoir vu Yao pour la première fois sur scène, au Centre National des Arts à Ottawa, je l’avais qualifié de cousin d’Abd-al-Malik dans un article intitulé “Le poids des mots, le métissage des rythmes”.
“Sans se lancer dans des comparaisons teintées de flagornerie, il suffit de fermer les yeux pour marcher – avec assurance – sur les traces d’un certain Abd-al-Malik au niveau du phrasé, de l’intonation, de certains thèmes aussi.
S’y affirme entre autres références le parti-pris d’un “message positif” synonyme de respect réciproque, de tolérance mutuelle, de besoin et d’envie de mieux comprendre l’autre, surtout s’il est différent. Un message dont l’impact sans assurément amplifié de par la complicité entre le chanteur et ses musiciens qui offrent une couleur tout à fait particulière aux textes.
Pas étonnant donc que Yao évolue avec aisance dans une poésie aux accents slam, avec ici et là des escapades du côté du blues et du jazz. Ses textes ont des allures d’instantanés de la vie telle qu’elle est, sans angélisme ni misérabilisme, où rien n’est impossible … mais où le soleil l’emporte sur les zones d’ombre”.
Aujourd’hui je ne retire rien de ce premier constat, heureux de suivre l’évolution d’un créateur qui aime se jouer des frontières, comme le confirme si intensément son nouvel album.
Yao a la tête bien sur ses épaules, et c’est en toute connaissance de cause – comme évoqué un jour durant une longue conversation au Village en Chanson de Petite-Vallée à qu’il a, voici quelques années, abandonné “une belle carrière” toute tracée dans le milieu de la banque pour “devenir artiste”. Un sacré choix de vie assurément !
“J’ÉTAIS PICASSO DEVENU BAUDELAIRE”
Avec ce 3ème opus lancé en novembre à Montréal et Ottawa, Yao vient de franchir une nouvelle étape tant sur le fond que la forme de ses créations.
Alors à quand une meilleure visibilité en France ? Car il a vraiment TOUT pour retenir l’attention du grand public, et son titre “FOLIE A DEUX” est un des exemples les plus percutants, dansants aussi.
“J’étais Picasso devenu Baudelaire” lance Yao dans “Interférences”, plus ouvert que jamais à l’expression artistique sous diverses formes.
Mis en valeur dans le livret, cette affirmation résume bien une des voix majeures de la chanson francophone efficacement soutenue par l’APCM, l’association des professionnels de la chanson et de la musique : “une référence incontournable de la musique franco-canadienne”.
“LAPSUS”, un album à découvrir, c’est évident. Yao, un artiste à suivre, à encourager.
“C’est l’histoire d’un des artistes les plus humainement et définitivement respectables que j’aurai rencontrés en quarante-cinq ans de journalisme.
L’un de ceux qui, loin de vous faire regretter d’avoir dédié la plus grande partie de votre vie à défendre et illustrer cette petite chose si “futile”, justifient non pas seulement “quinze ans d’amour” – comme l’avait confié Brel, le dernier soir de ses adieux, au public de l’Olympia – mais en l’occurrence au moins le double…”
Signée Fred Hidalgo, cette affirmation en dit long sur l’esprit dans lequel a été rédigé JEAN-JACQUES GOLDMAN CONFIDENTIEL.
Coup de projecteur sur un livre UNIQUE dans l’histoire de la chanson française.
Encore une bio sur un des artistes majeurs de l’espace francophone ? Assurément oui mais … BIEN PLUS ENCORE car ce livre résulte d’une amitié aussi discrète que durable entre Fred Hidalgo et Jean-Jacques Goldman. Assurément un ouvrage de référence !
Impossible évidemment pour Fred Hidalgo de publier une de ces (trop nombreuses) biographies aux allures de puzzle compilant de manière souvent maladroite tout ce qui a été écrit sur JJG. C’est pourtant le lot de tant de livres parus ces dernières années sur le créateur de “La vie par procuration”, non ?
Avant de plonger dans ce document de 572 pages – illustré par un cahier photos de 16 pages dont la plupart signées Francis Vernhet – une mise en garde s’impose de toute urgence : oubliez donc TOUT ce que vous avez déjà lu, entendu ou vu à la télé sur JJG.
Ce couple, je lui ai consacré un (long) article intitulé “Un destin au service de la chanson francophone” à lire ICI.
Alors comment rendre compte d’un tel livre et vous donner envie d’y plonger ?
Plutôt d’écrire un article à chaud, en m’inspirant de la 4ème de couverture ou du communiqué envoyé par l’attachée de presse des Éditions L’Archipel, j’ai préféré d’abord me jeter à l’eau avec détermination. Et puis naviguer avec enthousiasme dans des eaux tantôt calmes et agités.
Car il faut bien admettre que l’histoire de de JJG et de celle de la presse musicale sont extrêmement fertiles en surprises (bonnes et mauvaises) et en multiples rebondissements. Et Fred Hidalgo évoque ici en toute franchise nombre d’aspects de JJG ET AUSSI des aventures et mésaventures des deux revues dont le grand public n’avait à ce jour jamais eu vent.
“LA PETITE HISTOIRE ET L’AIR DU TEMPS DES ANNÉES 80 A AUJOURD’HUI”
Comment résumer en quelque lignes ce livre consacré à celui qui fut un des quatre parrains de Chorus avec Alain Souchon, Francis Cabrel et Yves Simon ?
“Il ne s’agit pas là d’une “simple” biographie (même si tout y est, les faits, les dates et les chansons), c’est aussi la petite histoire de l’air du temps des années 80 à aujourd’hui qui recoupe la vie de l’artiste et s’imbrique de bout en bout dans celle de “Paroles et Musique” et de “Chorus” ; c’est une réflexion menée en commun sur la chanson, sa nature et son rôle, sur sa place dans la société contemporaine”.
Homme de terrain, Fred Hidalgo est assurément aussi un homme d’archives. En témoigne – un exemple parmi tant d’autres – le chapitre “C’est pas vrai” en partie consacré à un article du quotidien Libération “qui, non content de se montrer systématiquement odieux avec Goldman, multipliait aussi les procès d’intention à son encontre”.
Citations à l’appui, Fred Hidalgo détaille les réponses fournies par JJG à Yves Bigot dans le journal du 26 février 1991 sous le titre “Goldman : trois pour un”. S’y ajoutent les commentaires d’Yves Bigot … dont le long et impressionnant CV est publié avec force détails.
Mais alors pourquoi tant de mépris, de condescendance, voire de haine d’une partie des médias envers JJG ?
Impossible d’être “la personnalité préférée des Français pour la 6ème année consécutive (sondage Journal du Dimanche, janvier 2016″ sans susciter les réactions les plus variées, entre admiration et médisance, respect et commérages.
Raconter, montrer, expliquer … Plus fidèle que jamais à la “méthode Chorus”, Fred Hidalgo n’avance rien sans avoir recoupé ses sources.
“NI PARADIS FISCAUX NI BLANCHIMENT D’ARGENT”
TOUT ce qu’il raconte ici est argumenté.
Et sans jamais se complaire dans la presse people, son chapitre “Il part” offre également divers repère privés de JJG : premier mariage avec Catherine, “une ancienne amie d’enfance devenue psychologue” et mère de ses trois enfants …
… puis rencontre avec Nathalie, “une jolie Eurasienne aussi sportive qu’elle a la tête bien faite” et leurs trois filles : “Qui se ressemble s’assemble. Tout aussi simple et discrète, Nathalie ne fait pas mentir le dicton ; elle n’est pas du genre à se montrer dans les médias et partage volontiers le goût de son mari pour la pratique du sport”.
Ce désir de discrétion énerve évidemment les médias en quête de scoop, de révélations croustillantes, de tentative de prendre en défaut JJG. Quitte à fantasmer sur sa fortune et l’utilisation de son argent : une évidence également abordée dans ces pages consacrées au fils d’Alter Mojzesz Goldman né à Lublin en Pologne et de Ruth Ambrunn née à Munich en Allemagne.
Fred Hidalgo désamorce avec élégance et bon sens les envieux fantasmes liés au “trésor de guerre de Goldmann” … avec deux n, bien sûr, c’est plus explicite. (…) Il placerait ses économies dans des paradis fiscaux, blanchirait ses capitaux, les utiliserait à des fins illicites, à des trafics d’armes ou de drogue, ça oui, ça ferait un bon sujet ! On se régalerait. Malheureusement pour les nostalgiques d’un temps où Pétain envoyait les Juifs et les antifascistes dans les camps d’où beaucoup ne sont jamais revenus, il n’y a rien à chercher de tel chez lui”.
“L’ART D’ENCAISSER SANS BRONCHER EST UNE SECONDE NATURE”
La récente décision de JJG de s’installer du côté de Londres avec sa jeune femme Nathalie et leurs trois enfants aura une fois de plus alimenté bien des rumeurs relayées par les médias.
Pas de quoi déstabiliser déstabiliser l’artiste blindé contre les rumeurs et les médisances : “Chez Jean-Jacques Goldman, l’art d’encaisser sans broncher est une seconde nature. S’il avait choisi la boxe pour s’exprimer, il est probable qu’aucun adversaire n’aurait été capable de l’allonger pour le compte” explique Fred Hidalgo en évoquant avec force détails le malsain tapage médiatique suscitée par la chanson “Toute la vie”. (…)
Pourtant, la polémique qui va l’atteindre de plein fouet à la fin de l’hiver 2015, sous couvert de s’en prendre encore une fois aux Enfoirés, a bien failli le mettre KO. Et s’il s’en est relevé intelligemment de ce coup bas, celui-ci a sans doute scellé son départ définitif annoncé un an plus tard”.
Prenez le temps de lire CONFIDENTIEL sans sauter de page, et en laissant de côté vos préjugés… Et laissez vous guider par Fred Hidalgo au cœur d’un étonnant et attachant voyage … De l’enfance à Montrouge au groupe Taï Phong … de la chanson des Restos du Cœur reprise chaque année aux célèbres concerts débutés le 31 janvier 1987 par “La Boum du Cœur” à la Villette … de l’enchainement des tubes aux tournées internationales … avec en guise de conclusion le chapitre “Retour à Madagascar” : un compte-rendu du concert donné le 6 avril 1998 à Madagascar et signé Marine Dusigne, envoyée spéciale du Journal de l’Ile de la Réunion !
Oui, c’est une immersion totale dans la vie de JJG qui vous est proposée … avec également l’évocation d’artistes disparus tels Daniel Balavoine et Michel Berger … Et aussi Sirima poignardée le 7 décembre 1989 par son compagnon musicien … et Carole Frédéricks victime d’une crise cardiaque le 7 juin 2001 …
S’il est vrai que j’ai appris beaucoup de choses sur JJG, c’est grâce à l’incontestable complicité unissant depuis tant d’années le chanteur et l’auteur-journaliste : et cette authentique amitié dépasse évidemment le statut social de JJG et de Fred Hidalgo. En témoignent tant d’exemples développés au fil des chapitres reprenant chaque fois un titre de chanson ….
… et aussi nombre de reproductions de messages échangés entre les deux hommes avec reproduction de certaines réponses manuscrites de JJG.
NOMBREUSES ANECDOTES PERSONNELLES ET FAMILIALES
Car ce livre, c’est aussi pour Fred Hidalgo une manière de se raconter. Non, pas d’autobiographie au sens propre du terme mais de nombreuses anecdotes personnelles et familiales disséminées ici et là.
Comme l’évocation du décès de la mère de JJG avec allusion de l’auteur à sa propre maman : “Elle a fêté en 2016 ses 94 ans … et connaît encore par cœur toutes les chansons qu’elle avait apprises durant son enfance en Catalogne” …
Le sens de la famille ? Assurément une valeur partagée par les deux hommes.et enracinée dans nombre de souvenirs relatés au fil des pages …. comme les circonstances dans lesquelles le chanteur a offert son médiator au gendre de Fred Hidalgo.
Et au fait, qui est donc la belle inconnue secourue un jour par JJG et Fred Hidalgo au bord d’une rue qu’ils empruntaient à moto ? Se reconnaitra-elle dans ce livre où dans un autre chapitre, est mis en évidence la célèbre citation de Félix Leclerc ?
“Il y a des maisons où la chanson aime entrer” : cette phrase si bien mise en valeur au Village en Chanson de Petite-Vallée en Gaspésie sert de clin d’oeil à une des nombreuses allusions à la vie personnelle de l’auteur.
En l’occurrence “la maison d’amour et d’amitié” qui a traversé la vie de JJG “une quinzaine d’années avant que je n’y écrive ces lignes“. Une maison qui aura aussi accueilli Daniel Balavoine et Thierry Sabine … Hasard ? Destin ? Serait-ce la fameuse “synchronicité” ?
“CHORUS ABATTU EN PLEIN VOL ET EN PLEINE TRÊVE ESTIVALE”
Les nombreuses passerelles entre Paroles et musique/Chorus et JJG font partie des raisons qui m’ont incité à plonger avec bonheur dans la lecture de CONFIDENTIEL.
Quel plaisir de retrouver sous la plume de Fred Hidalgo divers épisodes de l’histoire de ces deux revues …. deux des repères d’une amitié née suite à notre première rencontre à l’Ile de la Réunion chez le chanteur Jacques Poustis en 1984.
Alors pas étonnant que certaines anecdotes, certains souvenirs me touchent de près. Tel le chapitre “Je commence demain” quand il est question du “jeune éditeur qui avait tout du cadre dynamique et performant” … oui celui qui a décidé unilatéralement en 2009 de déposer le bilan, “sans prévenir la rédaction, occupée à boucler le numéro 69 de l’automne” ….
La fin de Chorus “abattu en plein vol et en pleine trêve estivale”, j’en ai eu connaissance alors que je me trouvais au Festival d’Eté de Québec…
Plaisir aussi de retrouver ici le souvenir séance de travail du 20 juin 1992 avec arrivée d’un invité-surprise : Pierre Barouh “l’homme de Saravah se retrouvait caméra au poing en train de filmer notre première réunion de rédaction”… Hé oui, les premiers pas de Chorus !
Assurément un formidable document dont personne n’a hélas jamais vu une seule image à ce jour. Un constat d’autant plus regrettable que cette vidéo montre un moment unique dans l’histoire de la presse musicale … avec entre autres l’active participation de Marc Robine et Jean Théfaine, deux des signatures majeures de Chorus emportées par le cancer.
Alors cher Pierre Barouh ?
On pourra les visionner un jour, ces images inédites ?
“JAMAIS ON N’AVAIT CONNU DE TEL RASSEMBLEMENT DE CHANTEURS FRANCOPHONES A L’ANTENNE”
A l’heure d’internet, de l’actualité omniprésente avec ses infos qui en chassent sans cesse d’autres, il me semble important d’offrir aux lecteurs un appréciable temps d’arrêt. De se souvenir de certains événements de l’histoire de Chorus.
De se rappeler que l’inattendue cessation de parution de Chorus aura suscité quatre heures d’émission enregistrées dans les conditions en direct par Thierry Lecamp sur Europe 1 !
“Ce mardi 6 octobre, de mémoires d’artistes et de journalistes, on n’avait jamais connu pareil rassemblement de chanteurs francophones à l’antenne” se souvient Fred Hidalgo. Et de publier une liste non exhaustive de celles et ceux intervenus ce soir-là à l’antenne : au micro, par téléphone ou message enregistré. Une émission des plus mémorable que Thierry Lecamp a du réduire à deux heures de témoignages et de chansons, dont l’intervention de JJG “qui n’avait plus donné l’interview depuis notre rencontre de juillet 2005 et cela faisait des années qu’on ne l’avait pas entendu parler à la radio”.
Un tel ouvrage aurait évidemment été incomplet sans qu’il y soit question du demi-frère de JJG. Oui, le journaliste et écrivain Pierre Goldman : inoubliable figure de l’extrême-gauche française assassinée le 20 septembre 1979 par un commando de trois ou quatre hommes armés de pistolet.
Plusieurs pages sont consacrées à l’auteur de “Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France” qui inspira à Maxime Leforestier la chanson “La Vie d’un homme” sur l’album Saltimbanque illustré par Cabu.
Vous l’avez compris dès les premières lignes de ce (long) article : “CONFIDENTIEL” est une publication unique en son genre. A l’instar du livre de Fred Hidalgo consacré à Jacques Brel aux Marquises !
“UN PROJET QUE JE NOURRISSAIS DEPUIS 1991″
Alors si j’ai pu vous donner envie de le lire, j’en serai très heureux.
D’autant plus que “ce livre est le fruit de trente ans de complicité personnelle et professionnelle : un chemin semé d’interviews exclusives (dont celle où Jean-Jacques m’annonçait qu’il arrêtait les disques et la scène et retraçait l’ensemble de sa carrière), mais aussi d’anecdotes et de confidences…
C’est un projet que je nourrissais depuis 1991 et dont les médias ont annoncé prématurément la sortie en 2005. Sa gestation aura demandé dix ans de plus : c’est en 2015 que j’ai décidé d’aller au bout de mon rêve, un an avant que JJG ne choisisse de son côté de tourner aussi la page des Enfoirés…“.
A aucun moment de sa (longue) rédaction, JJG n’a cherché à intervenir sur le contenu : “GOLDMAN CONFIDENTIEL est donc un livre “autorisé” par l’intéressé – parce que c’est lui, parce que c’est moi… – qu’il n’a pourtant pas souhaité car il n’aspire plus qu’à l’anonymat et au silence des médias. Mais je n’avais d’autre choix, et Jean-Jacques le sait, que d’aller au bout de mon rêve…”.
TABLE RONDE AVEC JJG, SOUCHON, CABREL ET YVES SIMON
Ce livre consacré à un des auteurs-compositeurs-interprètes les plus importants de l’espace francophone fait évidemment la part belle aux nombreuses chansons (connues ou non) de JJG. Nombre d’entre elles distillent des références de la vie de l’artiste et/ou de sa famille…
Et s’il est évident que la chanson est au cœur de cet ouvrage, il n’y est pas uniquement question des titres ayant contribué à la population de JJG.
Dans le chapitre “Juste quelques hommes”, Alain Souchon, Francis Cabrel, Yves Simon et JJG – les quatre parrains de Chorus- s’expriment à bâtons rompus sur divers sujets liés à la chanson, au rôle des médias, à “la composition du public et à l’incidence des salles sur la conception du spectacle”, etc.
Et aussi le rôle de la critique.
Ce qu’en attend JJG ? ” C’est d’apprendre ce qu’il y a dans ce disque, s’il y a des chansons lentes, des rapides, comment est faite l’orchestration, de quoi parlent les textes, qui a fait quoi, etc. Ensuite si le critique veut ajouter quatre lignes de son propre goût, libre à lui si ça le défoule, il peut dire qu’il aime ou qu’il n’aime pas, qu’il adore ou qu’il exècre, mais ça ce n’est pas très important.
Ce dont on a besoin, c’est essentiellement d’informations, ensuite on achètera le disque et on est assez grand pour avoir notre propre opinion sans chercher à l’imposer aux autres… (…) Or la critique d’aujourd’hui ce n’est que ça : des billets d’humeur, et pas d’information”.
“OUI, TON PARCOURS MÉRITAIT BIEN “TANT DE PAPIER, DE TEMPS”
CONFIDENTIEL bénéficie aussi de sept pages de repères bibliographiques et autant pour la “discographie originale” … ainsi qu’un “index qui se limite aux seules personnes ayant un lien direct ou indirect avec la vie personnelle ou professionnelle de Jean-Jacques Goldman, ainsi qu’aux artistes, aux groupes artistiques ou personnages cités par lui”.
De quoi vous clarifier bien des détails du parcours de cet artiste dont Fred Hidalgo cite une des phrases les plus connues : “Les chansons sont souvent plus belles que ceux qui les chantent”. Une évidence PLUS QUE JAMAIS d’actualité chez bien des artistes …
Précisons enfin qu’il a un mois a paru un autre livre de Fred Hidalgo dont la sortie a failli ne jamais avoir lieu !
“Trop important, trop gros, trop cher à la fabrication, avec un lectorat impossible à cerner, nous ne saurons pas vendre un tel livre, ni dans le commerce ni auprès des médias… » : telle avait été la réponse de l’éditeur auquel Fred Hidalgo avait proposé en 2015 le manuscrit de “La mémoire du chante – Journal d’un échanson”.
Assurément deux livres de poids, à tous les sens du terme, pour nourrir votre passion de la chanson … si tel est votre souhait !
En guise de conclusion, laissons le dernier mot à Fred Hidalgo. Son livre-événement s’achève par une série de remerciements. Avec au final un mot adressé à JJG en ces termes :
“Merci enfin à toi, Jean-Jacques … et surtout pardon pour m’être montré, au moins sur un point (!), en total désaccord avec toi : oui, ton parcours méritait bien “tant de papier, de temps” ! Et non, je ne regrette rien.”
Site des Éditions L’Archipel … où l’on peut découvrir le prologue et le premier chapitre de l’ouvrage pour se mettre en appétit en cliquant sur TÉLÉCHARGER UN EXTRAIT.