Après avoir appris en juillet dernier que la Fondation du patrimoine de Gilles Vigneault renonçait – définitivement _ au projet de restauration des bâtiments du site patrimonial et familial à Natashquan, la population locale a décidé d’agir pour sauvegarder la mémoire d’un des plus grands poètes de l’histoire du Québec. Explications.
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Quelle bonne idée d’avoir retrouvé Marcie ce mardi 26 janvier à l’Espace Culturel de Vendenheim, près de Strasbourg, pour un concert unique à bien des égards.
A commencer par les circonstances de cette soirée suivie par près de 150 personnes enthousiastes comme en ont témoigné les deux rappels et la séance de dédicace !
ENTRE DÉLICATESSE ET FERMETÉ
Marcie a en effet inauguré la 4ème édition du Festival Les Ephémères consacré cette année au Québec. D’où un programme prévu jusqu’au 5 février entre théâtre, musique, contes, cinéma, gastronomie, documentaire et chanson (Lippé Mathieu, Simon Genest).
Que de maturité acquise chez la jeune artiste de Jonquières découverte pour la première fois voici quelques années en Suisse, au Festival Pully-Lavaux à l’heure du Québec, sur l’amicale insistance de Mø Bouhafs !
Très à l’aise sur scène, s’accompagnant parfois à la guitare, Marcie s’exprime avec des mots choisis – aussi bien en parlant qu’en chantant.
Et avec une gestuelle pleine de grâce. A la fois empreinte de délicatesse et aussi de fermeté aussi pour raconter les clairs-obscurs de la vie, entre passions et peines de coeur.
Tour à tour sensible et intense, sensuelle et extravertie, elle jongle avec détermination entre chansons de son 1er album et titres encore inédits.
EFFICACE LOUIS-PHILIPPE GINGRAS
Mention spéciale à Louis-Philippe Gingras pour sa présence discrète et efficace. Belle complicité entre ces deux voix d’une nouvelle génération d’artistes québécois qui mérite une meilleure audience en France.
Choriste à l’occasion, le guitariste de Marcie apporte une touche aux accents parfois rock.
A défaut de présenter à Vendenheim les chansons de son album “Traverser l’parc”, cet auteur-compositeur-interprète originait d’Abtibi, s’est affirmé ici comme un musicien de grand talent, aux côtés de Marcie.
Et c’est avec un évident plaisir qu’après le concert d’une heure et quart, il s’est mis au piano, à l’entrée du Centre culturel, pour une interprétation d’une chanson de Tom Waits qui a retenu l’attention du directeur de la programmation, Stephane Litolff .
Dans les 560 nouveaux romans de la “rentrée littéraire” en France, il n’est pas tout exagéré qu’affirmer que le 6ème ouvrage de la mauricienne Nathacha Appanah se classe dans le peloton de tête des livres qui font l’actualité. Coup de projecteur sur un livre-choc paru chez Gallimard (collection NRF) et dévoré en quelques heures.
Nathacha Appanah au cœur de l’actualité … et pas seulement littéraire. Ah non !
Pourquoi ? Pour bien des raisons enracinées autant dans le contexte mahorais de ces 175 pages que le tragique destin de ses personnages et aussi -bien évidemment – dans des phrases haletantes d’angoisses permanentes et de contagieux désespoirs … autant de mots saccadées à force tenter de s’approcher d’un irréalisable bonheur. Ou d’une moins d’une certaine vie quotidienne sans (trop de) malheurs sur cette terre française de l’Océan Indien.
CINQ (SUR)VIES AUX DESTINS TRAGIQUES
Marie, Moïse, Bruce, Stéphane, Olivier … Cinq prénoms, voire pseudonymes … cinq (sur)vies aux destins tragiques malgré quelques rares et hélas trop faibles lueurs d’espoirs. Cinq histoires qui se croisent, se déchirent, se retrouvent et explosent avec une force toute aussi implacable que logique.
Au départ, il y a “l’infirmière française” Marie qui s’installe à Mayotte avec Chamsidine, son mari, et c’est là que tout commence à se détraquer entre impossibilité d’avoir un enfant et adultère du mari mahorais …
Dès lors, malgré tout l’amour dont bénéficiera le petit Moïse, les événements vont s’enchainer. Inexorablement jusqu’à cette chute finale qui en dit long sur le destin ACTUEL de ces quelques 3 000 mineurs plus ou moins abandonnés à eux-mêmes, par leurs parents retournés contre leur gré aux Comores.
Chacun des 23 chapitres vous plonge, à la première personne du singulier, dans un ces bouts de vie où tout est permis et rien n’est impossible. A chaque personnage ou plutôt “anti-héros” de raconter avec ses mots bien à lui, comme il a vécu, survécu ET AUSSI -et c’est assurément un des atouts du livre – comment il en est mort …
SURTOUT NE PAS SE TAIRE
“Tropique de la violence” est né d’une INCONTESTABLE URGENCE chez Nathacha Appanah : surtout ne pas se taire suite à une série de constats aussi répétés que violents … observés durant les années 2008-2010 passées à Mayotte, avant d’y retourner brièvement durant quelques semaines en 2015.
Et la romancière mauricienne de raconter ce bref retour à Mayotte dans le quotidien Libération ( juillet 2016) : “J’ai accompagné d’autres pompiers, infirmiers, travailleurs sociaux, et j’ai traîné dans les ruelles bordées de cases roussies de Gaza, ce bidonville à la lisière de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île, et écouté ceux qui ont bien voulu me parler. Les adolescents – souvent encore mineurs – s’organisent en bandes, volent, agressent et se droguent à la fameuse «chimique», ce mélange d’herbe, de tabac et d’un produit de synthèse équivalent au crack. Ils se gavent de clips rap hardcore pour imiter les gangs latino-américains”.
Impossible pour un journaliste mahorais ou métropolitain de raconter de l’intérieur ce qui se passe dans la vie quotidienne de ces jeunes sans avenir, ni dans leurs pensées déchirées entre l’envie de survivre et le besoin de s’affirmer.
D’où la force de ce livre qui vous transforme tout en tour en chacun des cinq habitants de cette ile des Comores ayant opté pour son rattachement à la France lors du référendum de 1974, à la différence des trois autres iles des Comores.
SE LAISSER ENTRAINER AVEC MO DANS LES SECRETS DE GAZA
C’est évident, il faut suivre Natacha Appanah sans opposer aucune résistance. Vous laisser entrainer avec Moïse devenu Mo dans les secrets de Gaza, marcher avec lui dans les “bas-fonds mahorais”, bien tenir en main la laisse fluo du chien Bosco, relire encore et encore le même livre “L’enfant et la rivière”, porter le sac à dos de couleur marron de votre maman adoptive.
Pas étonnant que ce livre fasse partie de la sélection des ouvrages en lice pour le Goncourt et le Prix Wepler.
Pas étonnant non plus que ce “roman” ait été qualifié sans hésitation de “chef-d’œuvre” par François Busnel dans son émission “La grande librairie”, jeudi 1er septembre sur France 5, en guise de présentation de ce “roman noir, sombre” entre “violence stupéfiante et” beauté frappante”.
Et j’hésite d’ailleurs à employer le mot “roman” tant ces 175 pages expriment une vie quotidienne à des années-lumières des préoccupations des touristes conquis par le “plus grand et le plus beau lagon du monde”. Ici pas de belles phrases littéraires chères à l’Académie Française mais des mots crus qui font mal, des actes qui blessent et font mourir aussi.
JUSTE QUELQUES TRANCHES DE VIE COUPÉES AU COUTEAU
L’auteure donne vie à cinq voix symboles de Mayotte, sans porter de jugement. Et sans prendre position. Juste en exprimant des pensées, des paroles, des actes .. avec en filigrane une infinie et impuissante tendresse pour tant de destins brisés quotidiennement … des réalités plus actuelles que jamais sur ce 101 ème département français …. et c’est pas de la “littérature” pour attendrir et émouvoir.
“Tropique de la violence” est un livre d’une rare cruauté évoquée sans voyeurisme ni “effets de style”. Juste quelques tranches de vie coupées au couteau d’une lame qui vous remue les tripes, le cœur, la tête aussi.
A lire, c’est évident. D’une ÉVIDENCE ABSOLUE pour ne jamais devoir dire “je ne savais pas”.
Une vingtaine de titres offerts en près d’une heure et demie à près d’une quarantaine de personnes, quelques anecdotes de papa-chanteur, une exceptionnelle qualité d’écoute, un de ces rappels qui vous donnent la chair de poule …
Et puis après le concert de quoi boire et manger salé-sucré à volonté ! Les spectateurs si attentifs sont aussi de gros pourvoyeurs de boissons alcoolisées ou non, de gâteaux, de cannelés, de charcuterie, de fromages, de tartes, et la liste est loin d’être exhaustive !
Retour sur la dernière édition de “Chansons en chaussons” : ma 3ème soirée québécoise sous la véranda de Luc et Sylvie Renaud à Beaucourt.
Oui, quel privilège de vivre cette nouvelle édition de “Chansons en chaussons” !
Après les concerts de Geneviève Morissette et puis Moran accompagné par Thomas Carbou, place à un autre univers québécois.
Stéphane Côté ? Un de mes artistes québécois préférés, comme déjà dit et répété ici et là tant pour son répertoire que ses qualités humaines, son bon sens, un certain art de vivre et puis aussi des valeurs qui surgissent ici et là au gré des refrains.
Plantons d’abord de l’ambiance.
Nous sommes mardi 18 octobre au domicile des Renaud. Il est presque 19h45 et on attend les inévitables retardataires.
Mais tout va bien, personne n’est stressé.
On prend le temps de bavarder, de faire connaissance, de découvrir “La mémoire qui chante”, le nouveau livre de Fred Hidalgo dédicacé par l’auteur aux hôtes de ce soir … de feuilleter Hexagone, la nouvelle revue lancée par David Desremaux et une poignée de passionnés aussi talentueux qu’audacieux vu la situation de la presse écrite et notamment de la presse spécialisée.
Bon, ça y est, tout le monde est en place.
Luc Renaud s’avance, avec en main le 1er numéro de Hexagone, qu’il va présenter à l’auditoire en évoquant aussi le souvenir du trimestriel Chorus, ajoutant avant que des bulletins d’abonnements sont à disposition.
Le temps d’indiquer que ce nouveau trimestriel publie entre autres un article sur Melissmell programmé le 4 novembre novembre à la Maison pour Tous/ Foyer Georges Brassens à Beaucourt. Assurément un haut-lieu de la chanson qui vient d’entamer sa 40ème saison, sous la présidence de Luc Renaud.
“JE NE M’ATTENDAIS PAS A UN ENDROIT AUSSI CHOUETTE”
Un mot encore de Luc de saluer la présence l’artiste peintre suisse Roland Schaller venu à Beaucourt comme ami … et chauffeur de Stéphane Côté.
Et c’est parti pour un voyage signé Stéphane Côté qui entame le concert avec “Semaine”, un des titres de l’album “Le cirque du temps”.
Le temps de saluer l’assistance : “Je suis content d’être ici à travers cette petite tournée en Suisse et de faire une incursion en France. Ça me fait beaucoup plaisir … je ne m’attendais pas à un endroit aussi chouette, à voir une si belle gang aussi remplie que ça ici ce soir “.
… et c’est reparti avec “Ballon d’héliHomme”puis “Des nouvelles”! Soit en tout près d’une vingtaine de chansons extraites de ses quatre albums parus en un coffret de 48 titres sorti en 2014.
TORCHONS, GUENILLES ET NOMS PERDUS
Seul à la guitare, à la fois très concentré et en même temps très décontracté, l’auteur-compositeur-interprète québécois colore Beaucourt avec des couleurs aux diverses facettes : parfois gris-clair, jamais tout à fait rose ni entièrement noir.
Chansons teintées d’amour et de bonheur, de souvenirs aussi (“Les noms perdus”) … de remises en question aussi, parfois inspirés d’expressions québécoises pleine de bon sens comme “Fais toi en pas mon p’tit gars, chaque torchon finit toujours pas trouver sa guenille”. De quoi inspirer son célèbre “Torchon” extrait du 1er album sorti en 2001 “Rue des balivernes”
Ici chaque mot est ciselé avec soin. Pas de verbiage ni de laconisme exacerbé non plus. Juste des mots simples et intenses, qui racontent nos vies entre errances et espoirs, mélancolie et coups de soleil. Des textes sans effets larmoyants pour susciter une artificielle émotion.
PAPA-CHANTEUR AUX ANECDOTES DRÔLES ET ÉMOUVANTES
Cette simplicité, elle jaillit ici et là on ne s’y attend pas, notamment dans l’évocation d’anecdotes familiale qui suscitent sourire et rire. Et aussi émotion : “Papa je ne pleure pas parce que j’ai de la peine, je pleure parce que j’ai de la joie” : réaction de sa fille un soir après lui avoir chanté, à sa demande, “Rouge, Rose”, chanson inspirée par les couleurs préférées de son enfant.
Changement de style pour “Tu dis”, la chanson inspirée par son fils aux surprenantes expressions : “”Il faudrait déchauffer la soupe”, J’ai failli dérouler l’escalier”, “Je te trouve très photo-hygiénique, ” “Regarde, papa, le monsieur se fait pleurer les yeux”.
PAS ASSEZ CONNU AU QUÉBEC, DE PLUS EN PLUS APPRÉCIÉ EN EUROPE
Évidemment, les chansons de Stéphane Côté ne vous entraîneront pas sur les pistes de danse à grands coups de synthétiseurs et autres rythmiques débridées.
Alors, bien sûr, quand on revendique d’être un artisan à tous les sens du terme, on n’est pas certain de retenir l’attention des grands médias de son pays.
Car il faut bien le reconnaître, artisan dans l’écriture de ses chansons, il l’est aussi dans la réalisation de ses albums introuvables dans les grands circuits de distribution.
Et si ce concert à domicile a lieu en ce mois d’octobre Beaucourt, c’est grâce à une série de passerelles tant amicales qu’artistiques tissées au-delà des continents entre Manon Gagnon, créatrice de Notre Sentier Production et Gestion Evénementielle, et Luc et Sylvie Renaud.
UN DERNIER “RENDEZ-VOUS” ET “LONGUE VIE A CHACUN DE VOUS”
Voici une quinzaine d’années que Stéphane Côté chante régulièrement en France, Suisse et Belgique comme il l’a rappelé entre deux titres de ce concert également marqué par “Il neige”, juste avant un éclatant rappel …. pour un dernier “Rendez-vous” achevé en beauté dans un remarquable silence du public enthousiaste par la dernière chanson de la soirée, “Longue vie”.
Tonnerre d’applaudissements avant que les chaises ne soient pas rangées pour partager le verre de l’amitié.
Le temps aussi pour Stéphane Côté de dédicacer des albums, de discuter à bâtons rompus avec plusieurs personnes, de poser guitare à main en compagnie de telle ou telle personne.
Retrouver Stéphane Côté et Roland Schaller aura été une grande joie. Une belle occasion également d’évoquer hier, aujourd’hui et SURTOUT demain, entre projet discographique de l’un et prochaines expositions de l’autre.
De prendre le temps de parler en toute franchise de l’alarmante situation d’une certaine chanson québécoise de plus en plus oubliée, ignorée, méprisée des “grands médias”.
Mais pas question de baisser les bras, Stéphane Côté est du genre artisan déterminé. Sans aucun doute un obstiné coureur de fond dans ce monde de la chanson au fonctionnement humain et financier de plus en plus déroutant, inquiétant.
D’où l’importance plus vitale que jamais de ce que j’appelle ces indispensables lieux de résistance face à la mondialisation et la con-sommation… comme ces concerts sous la véranda de Beaucourt qui a jusqu’à présent également accueilli le groupe Yules, les Soeurs Boulay et Eric Frasiak.
Prochaine date, lundi 13 mars avec un autre talent québécois: Benoît Paradis Trio, “entre chanson, jazz et humour” comme indiqué avec enthousiasme par Luc Renaud.
TEXTE ET PHOTOS ALBERT WEBER
A lire aussi ICI l’entretien de Stéphane Côté ouvert réalisé en septembre 2013 à Paris à l’occasion de ses trois concerts à l’Essaïon
Site de la Maison pour Tous/ Foyer Georges Brassens de Beaucourt
La clairière de la forêt d’Ohlungen a bien retrouvé sa tranquillité depuis la fin du 12ème Festival Summerlied organisé du 17 au 19 août 2018.
Coup de projecteur sur un des événements majeurs de la vie artistique et culturelle d’Alsace en partie enraciné dans la création régionale.
Soyons francs : lundi 9 avril, durant la conférence de presse de Summerlied 2018, je me suis posé bien des questions sur l’édition présentée sous le label «La parole aux cultures d’ici et d’ailleurs» et récupérée par le Grand Est.
NUMÉRO D’ÉQUILIBRISTE AU CLUB DE LA PRESSE
Oui, il y avait de quoi être troublé par les paroles de Pascal Mangin, président de la commission Culture de la région Grand Est. Ses propos ne m’ont pas étonné mais mis mal à l’aise. Notamment quand il se dédoublait, en insistant sur le soutien du Grand Est tout en jouant la carte de l’identité alsacienne du festival.
Ce numéro d’équilibriste réalisé au Club de la Presse de Strasbourg m’a laissé songeur et je me demandais comment le Grand Est allait s’afficher à Ohlungen.
Pour l’inauguration du 16 août, je n’ai pas été déçu en découvrant mon badge professionnel à porter avec un tour de cou répétant 8 fois (!) le logo du Grand Est également reproduit sur divers panneaux placés sur le site du festival.
Et sur les élogieuses vidéos sur écran géant à l’entrée de la forêt qui n’ont pas suscité d’attroupement, les visiteurs préférant savourer des tartes flambées sous les arbres.
« UNE FACETTE VIVANTE ET NON PASSÉISTE DE NOTRE CULTURE »
Ironie de cette récupération : Summerlied est fondé en 1997 par Jacques Schleef qui quitte la direction en 2015, avant de créer le «Club Perspectives Alsaciennes» !
En décembre 1998, dans le bulletin municipal d’Ohlungen, Jacques Schleef raconte : «Près de deux années se sont écoulées depuis nos premières démarches auprès de la municipalité pour mettre sur pied Les Nuits de la Chanson d’Alsace.
En 1998, la 2ème édition s’est vue enrichir d’un axe formation, offrant à un large public la possibilité de rencontrer des artistes, d’assister à des conférences et de participer à des ateliers de formation littéraire et musicale, souhaitant présenter une facette vivante et non passéiste de notre culture».
Dès la 1ère édition de Summerlied il reconnaît que «dans une région où l’identité culturelle est très affirmée, il est tout de même singulier de constater qu’aucun festival n’assure la promotion de la chanson en langue régionale. Il faudra très rapidement intégrer dans notre programme d’autres cultures» (DNA, 31 juillet 1997).
1975 : 1ER FESTIVAL DE LA NOUVELLE CHANSON ALSACIENNE À ELBACH
Pas étonnant : cela a toujours été le cas des festivals d’Alsace axés sur les talents régionaux. Nombre d’exemples en témoignent dont le 1er «festival de la nouvelle chanson alsacienne» en juin 1975 à Elbach dans le Sundgau.
On est alors en pleine explosion de la chanson alsacienne grâce à tant d’artistes et groupes qui, depuis les années 70, emboitent au précurseur Jean Dentinger, à l’origine du 1er disque enregistré par un auteur-compositeur-interprète alsacien.
Il le fera sous le pseudonyme de Jann Delsdorf avant d’être révélé au grand public par l’efficace pionnier Roger Siffer. Pas évident d’affirmer son identité alors que l’on est enfin sorti des années de culpabilisation via le slogan «c’est chic de parler français» !
Venus de toute l’Alsace, du Territoire de Belfort, d’Allemagne et de Paris des milliers de personnes affluent à Elbach (DNA 10 juin 1975) !
La chanson alsacienne s’y affirme avec éclat grâce à tant de voix dont plusieurs ont été révélées aux soirées alsaciennes organisés à la Faculté de Lettres de Strasbourg par Richard Weiss.
Et pourtant ce festival d’Elbach ne se résume pas à des talents alsaciens. Y interviennent aussi des ambassadeurs d’autres identités : Occitanie (Marti) Bretagne (Gilles Servat) et Pays de Bade (Walter Mossmann).
« SCHELIGE SINGT IMMER NOCH » AVEC MORY KANTÉ
Même constat pour «Schelige singt immer noch». «La ville de Schiltigheim réunit les chanteurs d’Alsace» titre le dossier de presse de la 1ère édition d’avril 1980.
Au programme trois jours de festival avec François Brumbt, Jean Dentinger ; la troupe des Drapiers ; René Eglès ; Roland Engel ; le groupe Est ; le Folk de la Rue des Dentelles, le groupe Géranium ; Christian Hiéronimus ; Ginette Kleinmann ; Jean-Marie Koltès et Nicole Mouton ; D’Luchtiga Malker ; La Manivelle ; Germain Muller et Dinah Faust, Sylvie Reff ; Em Remes sini Band ; D’Scheligemer ; Roger Siffer ; Luc Schillinger ; le groupe D’Sonnebluem ; le groupe Torpédo ; Gérard Walter.
Quelle énumération synonyme de talents !
Et si nombre d’entre eux ne font plus de scène, certains de ces artistes ont chanté à Summerlied 2018. Après avoir été un efficace tremplin pour la chanson alsacienne, ce festival s’est de plus en plus ouvert à d’autres cultures dont Mory Kanté au 1987, lors de son ultime édition.
«LE BONHEUR D’ÊTRE ALSACIEN»
«Qu’est-ce qui fait courir Jacques Schleef et tous les autres ?». C’est la question posée dans un entretien de 2 pages (Land un Sproch n° 175 été 2010) : «L’envie de m’engager, pour essayer de rendre à l’Alsace un peu de la joie que me donne le bonheur d’être alsacien».
A ceux qui lui reprochent de «réduire Summerlied à un festival de chansons alsaciennes», il répond : «Je n’aime pas le mot réduire. Notre festival est d’abord et avant tout dédié à la chanson alsacienne, en alsacien, en français, en allemand et pourquoi pas en italien ou en kurde d’ailleurs ? Il est ouvert à ceux qui qui veulent exprimer leur hymne à l’Alsace».
Cet été encore, l’association Liederbrunne fondée par Jean-Marie Lorber et animée par Paul Grussenmeyer, père de la chanteuse, y proposait les albums des voix d’Alsace programmées au festival.
Ce «bonheur d’être alsacien» n’est pas synonyme de repli identitaire comme l’a développé Pierre Kretz dans «Le Nouveau malaise alsacien» en 2015. Une évidence affirmée avec éclat à chaque édition loin du concept de «festival alsaco-alsacien».
En témoignent les concerts de Tri Yann, I Muvrini, Stéphane Eicher, Émir Kusturica, et tant d’autres prestigieuses têtes d’affiches de précédentes éditions.
« UN ESPACE DE DÉCOUVERTE ET REDÉCOUVERTE DE LA SCÈNE ALSACIENNE »
117 000 spectateurs et 2000 artistes programmés depuis la 1ère édition …
Au-delà de ces chiffres fournis avant l’édition 2018, Agnès Lohr précise : «Summerlied est désormais reconnu pour sa qualité par les tourneurs, les producteurs et les artistes.
Preuve en est la présence cette année de Grupo Compagny Segundo, Angelo Delebarre Gipsy Unity et Thomas Dutronc mais aussi les Fatals Picards, Sanseverino, Chico et The Gypsies qui en sont les têtes d’affiche. Summerlied est aussi un espace de découverte ou de redécouverte de la scène alsacienne. Thomas Schoeffler Jr, Lionel Grob ou Matskat sont aujourd’hui reconnus hors du territoire alsacien».
Bien dit … mais que retenir de cette 12ème édition ?
Et comment s’y sont affirmés les talents d’Alsace ?
Selon Agnès Lohr «plus de 4000 personnes sont venues assister aux concerts payants de la scène de la Clairière (+ 5%). Au total, 16 000 visiteurs ont déambulé sur l’ensemble du site durant les trois jours de festival (+ 12%). Summerlied 2018 est donc un véritable succès, puisque les chiffres de fréquentation sont supérieurs à ceux de 2016, alors que cette année le festival a été resserré sur trois jours, contre 5 lors de l’édition précédente. Summerlied est aussi un succès côté artistes, lesquels ont plébiscité la qualité d’accueil par les quelque 600 bénévoles».
Et le budget ? «Il s’élève à 400 000 €. Les subventions représentent la moitié du budget, la billetterie un gros quart et le mécénat/sponsoring un petit quart».
FEU D’ARTIFICE MUSICAL
La réduction à trois jours n’a pas empêché Isabelle Sire, co-programmatrice avec Agnès Lohr, de préparer un feu d’artifice musical entre chanson, rock, country, pop, musique symphonique, jazz, etc.
Selon Agnès Lohr, «le pourcentage de créations régionales représente 15% de spectacles présentés pour la 1ère fois au public, dont l’hommage à Higelin, l’opéra symphonique d’Elément 4 avec les écoles de musique et « Alsacia Mythica » d’Éric Kajia Guerrier».
«Un festival comme Summerlied ne doit pas rester adossé au Rhin» avait affirmé un jour le président du festival, Jean Lelin, emporté par le cancer en 2017.
Hommage lui a été rendu, en présence de sa veuve, lors de l’inauguration par son successeur Francis Hirn dans l’Espace portant son nom. De quoi émouvoir plus d’un invité …
Pas question de détailler chaque prestation artistique de chacune des Scènes – Clairière, Forêt, Champs, Contes, Poésie – sans oublier les animations dans la forêt décorée par la Compagnie Tohu Bohu, dont le «witzbrunne» cher aux amateurs de blagues ou le lieu de mémoire créé par Gilbert Meyer via des enregistrements de témoignages d’Alsaciens confrontés à l’évacuation de 1939.
SCÈNE DE LA CLAIRIÈRE : ET LES TALENTS RÉGIONAUX ?
Vagabondons au gré de Summerlied 2018, au-delà des têtes d’affiche occupant chaque soir la Scène de la Clairière.
Il est regrettable qu’aucune des soirées n’y aura été consacrée à des talents d’Alsace… à l’instar du spectacle « Wilde Stimme » de Matskat en 2014.
C’est en journée, face à un public plus réduit qu’en soirée, que se sont produits les Rhinwagges et Serge Rieger, lauréat du concours D’Stimme 2018.
Idem pour «Éléments 4 Symphonique» réunissant sous la houlette du chef d’orchestre Pierre Hoppé, 4 jeunes de Haguenau aux sonorités électro-pop et aux accents anglais accompagnés des élèves des écoles de musique et de danse de Haguenau et de Schweighouse-sur-Moder.
Et la seule fois où le drapeau alsacien a été mis en valeur sur la Scène de la Clairière, c’est grâce au chanteur cubain qui a brandi celui que venait de lui lancer Gaby Hartmann, d’Unser Land !
A côté des drapeaux breton et de la confédération des nations iroquoises regroupant six tribus natives, le drapeau alsacien ornait la scène de l’Espace Patrick Peter.
Y ont été mis en relief nombre de talents tels Serge Rieger qui a partagé la scène avec Cindy Blum et Elise Fraih. On y aussi applaudi Gaël Sieffert, lauréat du concours D’Stimme 2017, et Julien Hachemi, finaliste de cette année.
Pas de concert solo pour la 3ème finaliste de D’Stimme 2018, Aurélie Diemer (Cadillac Lilou) par ailleurs efficace musicienne aux côtés d’Éric Kajia Guerrier dans “Alsatia Mythica », récital en français et alsacien inspiré des contes et légendes d’Alsace du Moyen-Age.
Nombre de photos et poèmes d’auteurs alsaciens étaient à l’honneur à l’Espace Patrick Peter dont André Weckmann, Jean Dentinger et Conrad Winter : une initiative d’Olivier-Félix Hoffmann, responsable de la programmation de la Scène Poésie.
C’est lui qui, avec Pierre Nuss (France Bleu Elsass) a présenté les prix du Festival Summerlied sélectionnés par un jury réunissant notamment les auteurs Michel Fuchs, Grégory Huck et Barbara Stern et Sylvie Reff.
Le Prix Jean Dentinger y a été remis à Elvis Stengel. «De Fresche wille e Kinich», titre de son 3ème album en français et en platt fait allusion à la fable de La Fontaine «Les grenouilles qui demandent un roi».
Cet espace poétique a accueilli nombre d’auteurs dont Michel Fuchs et Yves Rudio, qui s’est produit sur la scène ouverte : c’est là que Fabien Spehler a été applaudi et que Guillaume Deininger a ému le public avec sa chanson consacrée à Marcel, son arrière-grand-père au destin de Malgré-Nous.
Autre émotion, celle du public et de Jacques Schleef, lorsque René Eglès, accompagné par Jean-Paul Distel, a célébré le festival et rendu hommage au créateur du festival sur l’air de «Let it Be» des Beatles !
REFF, GRUSSENMEYER, ENGEL, EGLES, JACOBI …
Roland Engel, René Eglès et Robert-Franck Jacobi ont suscité un vif intérêt du public de la Scène des Champs : Summerlied 2018 aura été leur 13ème participation au festival dont ils auront été de toutes les éditions !
Grâce à ce trio, et à Isabelle Grussenmeyer, le public a applaudi quatre des figures majeures de la chanson régionale dans de bonnes conditions techniques. Lesquelles ont hélas fait grand défaut à l’auteure-compositrice-interprète Sylvie Reff sur la Scène des Contes où elle a chanté avec une sono indigne de sa place dans l’Histoire de la chanson d’Alsace.
A noter qu’à l’exception des Bredelers annoncés comme « rock alsacien», les artistes et groupes chantant en alsacien ont été présentés dans le programme sous le label «Chanson/France» !
Rejet de l’étiquette alsacienne ?
Rien à voir avec des talents annoncés comme musique cubaine, musique andalouse, jazz manouche…
Autre regret, le peu de place accordée aux chansons d’enfants présentées par un groupe d’écoliers animé par Isabelle Grussenmeyer et Jean-Pierre Abrecht.
Coup de chapeau à Isabelle Sire pour avoir suggéré à Matskat de préparer un hommage à Jacques Higelin.
D’où le spectacle « Tombés du ciel » : une dizaine de chansons réunissant Grégory Ott, Christian Clua, Jean-François Untrau, Matthieu Zirn, Claire Faravarjo, Lionel Grob, Josef Oster, Rym (Lyre le temps) et Christian Fougeron.
Autre belle surprise : “Henner chez les Yennisch”, spectacle multilingue mis en scène par Jean-Pierre Schlagg sur un texte de Roger Siffer.
Stéphane Jost est excellent dans cette évocation des «gitans blonds, entre monologues, chansons et blagues en français, alsacien et yennisch».
INNOVATION ET IMPACT POPULAIRE
Les directions empruntées par Les Assoiffés, Les Bredelers, Nicolas Fischer et Thomas Schoeffler Jr sont réjouissantes.
Car synonymes d’innovation et d’impact populaire de ce festival bénéficiant de 500 bénévoles : 200 pour l’organisation Summerlied et 300 des associations sports et loisirs de 5 villages pour la restauration : Ohlungen, Schweighouse-sur-Moder, Huttendorf, Morschwiller et Uhlwiller.
«Les bénévoles de l’organisation sont organisés par groupe d’activité (espace VIP, gestion des scènes, éco-festival, photo, chauffeurs, logistique, communication etc…) : 14 au total sous la houlette d’un responsable qui prépare le sujet depuis environ 6 mois voire un an pour certains domaines comme la technique et la communication» conclut Agnès Lohr.
Espérons que d’ici l’édition prévue le week-end du 15 août 2020 de nouveaux talents régionaux se seront affirmés … notamment stimulés par D’Stimme, concours organisé par l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle et France Bleu Elsass.
Une station hélas devenue web radio ce qui handicape son impact.
Mais ceci est une autre histoire.
Texte et photos ALBERT WEBER
JACQUES SCHLEEF : « SUMMERLIED DOIT VEILLER À CONSERVER SES FONDAMENAUX »
Que pensez-vous de cette 12ème édition de Summerlied ?
Ce fut un festival bien agréable à vivre ! Un temps splendide, des soirées chaudes, une ambiance chaleureuse, une programmation qui a ravi les très nombreux festivaliers.
Et il fallait cela, après 2016 aux résultats mitigés : remonter le moral des « troupes » et retrouver les saveurs du succès pour donner goût aux nouveaux bénévoles venant de rejoindre l’organisation. Nul doute que leur investissement s’inscrira dans la durée au cœur de cette magnifique aventure qu’est Summerlied !.
Et la place de l’alsacien dans la programmation ?
Les concerts, notamment ceux de la grande scène de la clairière furent au niveau des éditions précédentes. On ne peut que s’en réjouir !
L’occasion de savoureuses rencontres aux colorations musicales très chaudes … et sur des rythmes souvent endiablés ! Certes la langue alsacienne et les grandes créations furent plus discrètes mais cela ne peut –devrait – être que « conjoncturel » …
Summerlied est toujours un marqueur pour la culture alsacienne et l’identité de notre région historique ?
Il y a 20 ans les Alsaciens avaient besoin d’affirmer individuellement leur identité.
Aujourd’hui l’identité alsacienne est tellement dégradée qu’il y a besoin d’une affirmation commune car notre société est devenue communautaire… Summerlied est un festival de promotion de l’identité culturelle mais pas de la culture identitaire.
D’ailleurs pourquoi l’identité des uns serait-elle formidable, très défendable, appelant notre soutien moral et matériel alors que d’autres identités seraient des menaces, des postures politiquement incorrectes ? Summerlied doit veiller à conserver ses « fondamentaux ».
Quel avenir pour ce festival unique en Alsace ?
Le travail de réflexion que très certainement Agnès Lohr, la directrice depuis 4 ans, conduira, nécessitera de se pencher sur certains aspects du projet. Summerlied s’est forgé au fil des éditions à travers de multiples rencontres, des échanges, des questionnements…
Cette démarche devra se poursuivre en réfléchissant à son modèle économique, en reprécisant la ligne artistique, en consolidant son ancrage dans le territoire …
Des ïch awer ales zue ernscht, lon uns einfach widersch draïme mït unserem liewe Summerlied !
“L’HIVER DE SUMMERLIED ? ”
L’événement « Ohlungen » est d’importance, en témoigne la foultitude d’articles de presse relatifs à la manifestation. Les DNA et Rue 89 y ont consacré des articles dont le message mérite d’être analysé. Les DNA ont rendu compte de l’importance du festival en soulignant l’intense déploiement d’énergies associatives qui s’y tient. L’article de Franck Buchy daté du 18 août relève aussi que ” l’alsacianité ” originaire du festival, voulue par les fondateurs, est réduite à sa portion congrue.
La manifestation serait moins ” militante “. Rue 89 ironise sur la prétendue ” disparition de l’Alsace ” qui est, volens nolens , effective et exhorte les Alsaciens à se retrouver au festival pour remarquer que l’Alsace n’avait pas disparu .
Qu’en est-il réellement ?
En dépit de la programmation de nombreux artistes régionaux, le dialecte est de moins en moins usité sous les frondaisons de la forêt d’Ohlungen.
La marque de fabrique alsacienne du festival ne semble plus être le mobile déterminant de la venue des jeunes et moins jeunes. Les discussions avec les spectateurs dénotent du caractère désabusé et résigné des Alsaciens lesquels, s’ils sont attachés de manière instinctive à leur langue, pensent qu’il est trop tard pour relever son défi.
Alors, Summerlied, un symptôme parmi d’autres du long hiver que s’apprête à traverser notre langue régionale ?”
Jean Faivre , 24 ans , étudiant en master 1 de droit public à l’Université de Strasbourg , est intéressé par les questions touchant à l’Alsace , du point de vue politique , linguistique , culturel etc
La 4ème édition du concours D’Stìmme débutera le 12 novembre 2019. Les chanteurs amateurs seront invités à participer au concours à travers une campagne de communication commune menée par France Bleu Elsass, l’OLCA, France 3 Grand Est, SR3 Saarlandwelle et SWR.
Pour participer, chaque candidat devra envoyer sa maquette à France Bleu Elsass avant le 20 janvier et la finale aura lieu le 6 juin 2020 à la Cité de la Musique et de la Danse à Strasbourg.
On en saura plus lors de la conférence de presse prévue mardi 12 novembre à 11h30 au Club de la Presse de Strasbourg.
Elle sera animée par à l’invitation de Justin Vogel, président de l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle, en présence de Matskat et Charlotte Vix, gagnante de l’édition 2019.
Mais nous n’en sommes pas encore là.
Avant d’en savoir plus sur les modalités de l’édition 2020, il me semble important de faire le point sur l’édition 2019 remportée par Charlotte Vix vendredi 31 mai 2019 aux Tanzmatten à Sélestat.
A 28 ans, la chanteuse de Kurtzenhouse a ainsi succédé à Gaël Sieffert et Serge Rieger, lauréats en 2017 et 2018.
Rappelons que le 3ème concours de chanson en alsacien et platt a été lancé en 2018 par l’OLCA et France-Bleu Elsass. Cet événement a été médiatisé dans la presse régionale écrite et audiovisuelle.
Bien, et puis ? Car il faut bien se poser quelques questions de fond.
Quel reflet cet événement donne-t-il de la créativité de la chanson en Alsace ?
Et quel est vraiment son impact sur la promotion de la langue alsacienne ?
Deux interrogations parmi d’autres, sachant que deux des trois chansons arrivées en finale sont des adaptations alsaciennes de tubes internationaux.
S’y ajoute une 3ème interrogation : est-il plus facile d’écrire un texte en alsacien sur un tube plutôt que de composer paroles et musique d’une chanson originale ?
Autant de questions que je me suis posé après la finale 2019 présentée par Bénédicte Keck (OLCA) et Clément Dorffer (France Bleu Elsass).
STEVIE WONDER, SOPRANO, LIONEL RITCHIE ET ANTONIA AUS TIROL EN VERSION ALSACIENNE
Charlotte Vix y a remporté le 1er prix avec une reprise de « Isn’t she lovely » de Stevie Wonder adaptée en alsacien sous le titre « ‘s Lëwe isch scheener mit Lieb ».
Seconde place à Julien Hachemi pour « Min Herzschritt Maker », chanson inédite dont il a composé la musique sur un texte de Bénédicte Keck. Et 3ème place pour Christine Wambst qui a adapté la chanson « Cosmo » de Soprano devenue « Min Ziel ».
A cette finale chacun de ces artistes a également interprété une seconde chanson en alsacien : « All nigth long » de Lionel Ritchie est devenu « D’gànz Nacht làng » avec Charlotte Vix.
Julien Hachemi a offert une nouvelle version de «’s Elsass unser Landel » sur des paroles de Christian Hahn et des arrangements des Bredelers. Et Christine Wambst a chanté « E Owe mit eich », adaptation alsacienne de « Auf die Banke » d’Antonia aus Tirol.
Certes, des artistes tels Robert-Franck Jacobi ou Armand Geber – deux noms parmi d’autres – se sont fait connaître avec des versions alsaciennes de tubes français ou anglo-saxons. Et François Brumbt a chanté en alsacien Brassens, Moustaki, Léo Ferré ou Woody Guthrie.
Mais ils ne se sont pas contentés d’exploiter encore et encore ce « filon des adaptations » qui fait chaque année le bonheur des spectateurs des tournées d’été de la Choucrouterie. Ce fut encore le cas cet été 2019 marqué par une 33ème édition où Roger Siffer et ses amis offraient des versions alsaciennes de nombreux succès français ou anglo-saxons
Et le 31 mai, invité à chanter une chanson en qualité de lauréat 2018, Serge Rieger a offert « Baggersee », adaptation des « Champs-Elysées » de Jo Dassin. Mais rappelons que sa victoire à D’Stimme 2018 s’enracine dans « Nit um’s verrecke », titre dont il l’auteur, le compositeur et l’interprète.
UNE LANGUE SI RICHE CÉLÉBRÉE PAR TANT DE CHANSONS
La création n’aura pas été l’atout majeur de cette finale 2019. Plutôt inquiétant pour une langue alsacienne censée être célébrée via ce concours. D’autant plus que chaque année, nombre des 10 finalistes ne maitrisent pas la langue alsacienne et s’expriment donc en français dans les entretiens réalisés par France Bleu Elsass.
Cette abondance d’adaptations alsaciennes n’est pas une grande première pour D’Stimme !
En 2017, la finale remportée par Gaël Sieffert a été marquée par des chansons alsaciennes sur des airs de de Claude Nougaro, Léonard Cohen, Claude François, Creedence Clearwater Revival, etc interprétés par trois de quatre finalistes : Lucie et Valentin Zaepffel (2ème) ; Tatiana Henius (3ème) et Maxime Kuhm (4ème).
Étonnant non ? Frustrant aussi …
Car l’alsacien est une langue si riche !
Et assurément teintée de force nuances dans les chansons enregistrées par Jean Dentinger, Germain Muller, Dinah Faust, Liselotte Hamm, Jean-Marie Hummel, Daniel Muringer, Sylvie Reff, Roger Siffer, Bernard Biechel, Pierre Specker, Jean-Marie Friedrich, Bernard Guntz, François Brumbt, Dany Dollinger, Cathy Bernecker, Roland Engel, René Eglès, Jean-Pierre Albrecht, Alain Martz, Robert-Franck Jacobi, Armand Geber, Jean-Pierre Schlagg,
et ÉVIDEMMENT tant d’autres encore …
DU CÔTÉ D’ISABELLE GRUSSENMEYER ET STÉPHANE JOST
Bon me direz-vous cette énumération concerne des artistes disparus ou ayant dépassé la soixantaine !
Oui vous avez raison et j’y ajoute donc Isabelle Grussenmeyer, une des (très) rares voix de la nouvelle génération maitrisant vraiment l’alsacien.
Cette chanteuse pour petits et grands a fait ses premiers pas à 12 ans sur scène et en studio avec René Eglès. Et au fil des albums et des scènes, elle s’est affranchie de son talentueux mentor grâce à un répertoire inédit pour publics de tous âges, “de la crèche à l’EPHAD” selon son expression.
A suivre aussi de près Stéphane Jost, remarqué pour “Henner chez les Yennisch”, son spectacle solo mis en scène par Jean-Pierre Schlagg sur un texte de Roger Siffer. Bien connu dans le nord de l’Alsace, notamment dans la région de Lembach (théâtre alsacien, revue satirique, etc), c’est aussi un artiste inspiré qui aurait toute sa place au sein d’une nouvelle chanson en alsacien, langue qu’il maîtrise parfaitement …
Et ce ne sont pas les chansons inédites qui manquent.
Mais à quoi bon comment se lancer dans l’enregistrement d’un album à l’heure où les CD se vendent de moins en mois ?
Reste la perspective d’un financement participatif : encore faut-il parvenir à boucler son budget alors que cette formule suscite de plus en plus de courriels d’artistes et groupes en quête d’argent !
NICOLAS FISCHER : “CE N’EST PAS DE LA MUSIQUE ALSACIENNE”
Et pourquoi pas la dématérialisation des chansons ? Une solution dans l’air du temps …
En témoigne le triple album récemment enregistré en alsacien et allemand (Krock”) et français (“Crock”) par Nicolas Fischer. “Il est est diffusé sous forme de PDF avec tous les liens vers les chansons mises à disposition gratuitement suite au financement du Rectorat de Strasbourg. Pas de diffusion physique prévue dans l’immédiat” précise l’auteur-compositeur-interprète, avant d’évoquer la mise en ligne de clips sur sa chaine Youtube et les chansons disponibles via www.nicolasfischer.bandcamp.com
Son précédent album, “E nejes Lied” sorti en 2016 est toujours disponible en version physique et via son site http://nicolasfischer.net/e-nejes-lied.
“Un album sans bretzels, sans cigognes ni colombages… Ce n’est pas de la musique alsacienne” mentionne la pochette de cet enregistrement : des chansons originales créées avec l’auteur et poète Yves Rudio, connu pour ses textes mis en valeur sur un recueil de chants de Jean-Marie Friedrich et les fameuses “Alsa’Comptines” enregistrées par Isabelle Grussenmeyer, Jean-Pierre Albrecht, Daniel Muringer et Gérard Dalton.
Les 19 titres de “E nejes Lied” mixés par Jean-François Untrau confirment tout simplement que la chanson alsacienne a encore de beaux jours devant elle … du moment que l’innovation est préférée à la “version alsacienne” de tubes internationaux. Cet album résulte d’un efficace travail d’équipe auquel ont participé Matskat au violon pour la chanson “E altes Lied” et Dinah Faust dans “D’Letschde 2015 ” qui offre une nouvelle jeunesse au célèbre texte de Germain Muller.
“Cet album été réalisé grâce au soutien de l’association Liederbrunne, des Editions SALDE, de la Fondation Joseph David, du Rotary Club de Wissembourg, de l’Eurodistrict Pamina, de la commune de Sebach et de France Bleu” ajoute Nicolas Fischer à l’aise aussi bien devant le micro qu’en coulisses (direction artistique, arrangements, identité visuelle du CD, prise de son avec Denis Bildstein, etc)
Assurément le genre de chanson que tout(e) candidat(e) de S’timme 2020 devrait écouter avant de se lancer dans l’écriture d’un texte alsacien à plaquer sur un titre à succès …
Nul doute que Nicolas Fischer aurait toute sa place lors du spectacle de la finale du 6 juin 2020 à la Cité de la Musique de Strasbourg : une évidente légitimité à l’instar de celle de Christophe Voltz vivement applaudi le 26 octobre à la soirée des Holpl’Awards pour ses trois titres. Soit deux chansons en alsacien (dont une qui n’avait pas franchi le cap des trois finalistes de D’Stimme !) et une superbe reprise du “Corridor” de Germain Muller.
EN PARTENARIAT AVEC SR3 SAARLANDWELLE ET SWR EN 2020
Isabelle Grussenmeyer a été membre du jury aux Tanzmatten.
Elle qui manie avec brio sa langue maternelle s’est retrouvée à délibérer sur les trois finalistes avec plusieurs autres personnes, dont une autre passionnée de chanson en langue régionale : Suzanne Wachs du Saarländischer Rundfunk (Radio de Sarre). Laquelle avoue sa perplexité quant à la diffusion de ces adaptations alsaciennes : comment en assurer la médiatisation ?
La question vous semble bizarre ?
Non puisque les enregistrements de ces candidats retenus seront diffusés sur les ondes de France Bleu Elsass et France Bleu Alsace, SR3 Saarlandwelle et SWR durant toute la durée du vote (du 20 mars au 20 avril 2020).
L’édition 2020 sera-t-elle marquée par une « compétition » entre voix d’Alsace- Moselle et d’Allemage ? Espérons que l’imagination sera au rendez-vous avec des chansons inédites et non pas/plus des paroles alsaciennes posées sur des tubes.
D’où l’intérêt de la démarche de Julien Hachemi, ayant grandi comme Abd al Malik dans le quartier du Neuhof sans y parler l’alsacien.
Aux finales de D’Stimme 2018 et 2019, il s’est retrouvé chaque fois en 2ème place avec des textes de Christophe Voltz puis Bénédicte Keck. Et il a pris des cours d’alsacien lui permettant petit à petit de se familiariser avec la langue de sa grand-mère. Laquelle a inspiré Christophe Voltz à écrire paroles et musiques de la chanson « Mamama ».
Hélas, ce titre ne figure pas sur « Elsässich Poet », titre du EP de 4 titres en français plus « Mitnander Lewe », chanson interprétée par Hachemi en finale de D’Stimme 2018. Les puristes diront sans doute que le titre de cet album devrait plutôt être « Elsässicher Poet » mais tel est le choix de l’artiste.
MATSKAT CHANTE ALBERT MATTHIS
La finale de D’Stimme 2019 aura mis en relief trois autres talents d’Alsace aux parcours musicaux très différents : Matskat, Serge Rieger, et Robin Léon.
Le chanteur-violoniste Mathias Hecklen-Obernesser alias Matskat participe depuis longtemps à la vie artistique de sa région et pas seulement en alsacien !
Il est vrai que son expérience de coach pour les 30 finalistes de D’Stimme depuis 2017 l’a confronté à des chansons alsaciennes extrêmement différentes.
Comme indiqué dans le dossier de presse de l’édition 2020, “Matskat offre aux candidats sélectionnés, un coaching vocal personnalisé et travaille avec eux les arrangements musicaux. Il accompagne également, avec ses musiciens professionnels, les participants lors des enregistrements en studio et de la soirée concert”.
Et c’est avec bonheur que la finale du 31 mai a résonné aux entraînants accents de « Wilde Stimme » : une création de Matskat présentée au Festival Summerlied 2014 suite à un appel à la création lancé par Jacques Schleef, alors directeur du festival.
Ce soir-là – en plus de cette chanson il signe le texte et avec Jean-François Untrau la musique – Matskat a interprété deux autres titres enracinés dans l’histoire d’Alsace : un hommage au peintre et illustrateur Léo Schnug (« Crazy Léo ») avec texte de Christian Hahn et musique du tube « Crazy » de Seal. Il a aussi célébré la cathédrale de Strasbourg avec « Hitt grattle mir uff d’Schnecke nuff » : un texte d’Albert Matthis extrait de « Bissali ».
Ces deux titres sont extraits du formidable spectacle « L’Ill aux trésors/D’Wunderinsel » présenté en mars 2019 avec René Eglès et Cathy Bernecker dans le cadre de « E Friehjohr fer unseri Sproch / Un printemps pour notre langue » à la Cité de la Musique, Strasbourg. Une représentation hélas unique …
SERGE RIEGER ENTRE CHANSON ALSACIENNE ET BLUEGRASS
Cet auteur-compositeur-interprète de Surbourg aime se présenter, à juste titre, comme Lìedermàcher.
Il bénéficie d’une belle expérience dans la chanson alsacienne. En témoigne entre autres son portrait par Antoine Wicker (Nouvel Alsacien, 10 décembre 1981) qui annonce sa participation à la soirée « Ecolofolk » de Bischwiller organisée par le REM. Il s’agissait du Rassemblement écologique de Moder l’ayant invité avec Sylvie Reff et Roland Engel pour un concert retransmis par Radio Dreyeckland. En l’occurrence la station qui était alors la digne héritière de Radio Verte Fessenheim et pas encore le réseau commercial désormais connu sous ce nom.
Chez Serge Rieger, la maitrise de l’alsacien tranche radicalement avec la majorité des participants des trois éditions de D’Stimme. Une maitrise partagée avec le comédien-humoriste-chanteur Christophe Voltz, un des 10 finalistes de D’Stimme 2018 et 2019 qui ne s’est hélas jamais retrouvé parmi les 3 lauréats.
Chaque année, Serge Rieger organise le rassemblement de bluegrass à la Maison Rurale de l’Outre-Foret à Kutzenhausen : une passion musicale partagée par Aurélie Diemer alias Cadillac Lilou, finaliste de D’Stimme 2018 avec Julien Hachemi.
Connu pour ses interventions dans les écoles d’Alsace du Nord et divers festivals Summerlied, il est membre du cercle alsaco-badois d’écrivains et chanteurs.
En tant que finaliste en 2018, Serge Rieger a gagné une étoile en cristal de Baccarat, l’enregistrement d’un clip destiné aux réseaux sociaux, et un ticket pour Summerlied.
Il y a chanté le 19 août 2018 sur la grande scène avec l’orchestre des Rhinwagges, et à l’Espace Poésie Patrick Peter avec les chanteuses française Élise Fraih et allemande Cindy Blum.
ROBIN LÉON, VEDETTE DE SCHLAGERMUSIK
Aisance scénique et professionnalisme sont évidents chez Robin Léon, inconnu dans la chanson alsacienne et vedette de « Schlagermusik ».
En août 2016, en direct d’Europa-Park, il remporte à 19 ans le concours «Immer wieder Sonntags» (“Encore et toujours dimanche”) de la chaîne allemande ARD : une émission consacrée à la chanson populaire entre Schlager et Volksmusik.
Depuis plusieurs années, le chanteur de « Mein Sommertraum” (« Mon rêve d’été ») attire la foule dans les soirées aussi dansantes que chantantes d’Alsace, dont les Fêtes de la Bière de Schiltigheim.
Robin Léon est un artiste aussi décontracté que performant sur scène dont la présence dans le jury pour la sélection des 10 finalistes) et sur la scène de la finale 2019 a surpris les amateurs de chansons en alsacien et en platt.
Pourquoi avoir programmé un chanteur de Schlager et non un talent reconnu dans la chanson alsacienne ? La question m’a été posée plus d’une fois avant et après la finale 2019.
Bonne question … N’empêche que lors de la finale D’Stimme 2019 Robin Léon a repris en duo avec Matskat l’inusable “Hans im Schnokeloch » dans une convaincante version arrangée par le groupe manouche Di Mauro Swing.
Cette version aux accents jazzy manouche, Matskat la reprendra d’ailleurs en guise de rappel à la salle comble du Cercle de Bischheim, vendredi 18 octobre 2019 au terme de 2h30 de concert assuré avec Francky Reinhardt, Grégory Ott, Matthieu Zirn, Jean-François Untrau, Christian Clua, Guillaume Nuss et Franck Wolf.
ENTRE ADAPTATIONS ET TITRES INÉDITS
« Il est dangereux de donner des espoirs à de jeunes artistes, et ensuite de les laisser se débrouiller » commente un artiste alsacien reconnu qui estime que « D’Stimme est un alibi pour les organisateurs ».
Sans aller jusque-là, notons que D’Stimme incite chaque année une bonne trentaine d’artistes d’Alsace à envoyer une chanson avec l’espoir d’être sélectionné parmi les 10 finalistes.
Ayant été à deux reprises membre du jury pour la sélection des 10 finalistes, j’y ai découvert une indéniable diversité des chansons écoutées intégralement. De quoi se réjouir de l’intérêt suscité par ce concours, en regrettant cependant l’absence de titres en platt mosellan.
Au vu de la finale de la 1ère édition, j’avais interpellé sur mon site www.planetefrancophone.fr les organisateurs : pourquoi ne pas envisager une catégorie création et une autre de reprise/ adaptation ?
Suggestion non retenue … vu que France Bleu Elsass ne reçoit pas suffisamment de chansons alsaciennes inédites pour envisager deux catégories bien distinctes.
J’en déduis que soit D’Stimme ne donne pas suffisamment envie de créer en alsacien ou en platt … soit l’Alsace ne compte plus suffisamment d’auteurs et compositeurs capables de créer en alsacien.
« Pour qu’une langue soit parlée, il faut qu’elle soit utile. Et pour qu’elle soit utile, il faut qu’elle soit pratiquée tous les jours. Ça sert à quoi qu’un jeune chante en alsacien si personne ne le diffuse ? » : durant ses 3 ans en Alsace, Hervé de Haro a souvent insisté sur la langue régionale.
Et en juin 2019, c’est d’ailleurs pour D’Stimme en partenariat avec l’OLCA qu’il a reçu un prix décerné par la Fondation Aquatique Show … dont la directrice Isabelle Formhals présidera le jury de D’Stimme 2020.
L’organisation de la 4ème édition sera assurée à France Bleu Elsass, par celui ou celle qui succédera à Hervé de Haro. Lequel a préféré quitter Radio France plutôt que de devoir appliquer la nouvelle stratégie nationale et régionale décidée à Paris.
Donc nul ne sait si le/la futur(e) responsable sera aussi sensible à la langue alsacienne que celui qui a lancé D’Stimme avec le soutien d’Isabelle Schoepfer Dietrich, directrice de l’OLCA. On en saura sans doute plus lors de la conférence de presse du 12 novembre située dans un nouveau contexte avec l’arrivée de nouveaux partenaires et l’internationalisation du concours
L’avenir de D’Stimme aura été une des priorités de celui qui est désormais directeur délégué du groupe Radio Caraïbes International.
Évoquant sa démission le 31 mai aux Tanzmatten, il a lancé un appel en faveur de la langue et de l’avenir de France Bleu Elsass en s’adressant directement à Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry, présidents des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin présents dans la salle.
CONCERTS INTER-GÉNÉRATIONELS
L’envie des finalistes de D’Stimme de chanter en alsacien suscite en certaines circonstances des rencontres très symboliques.
Deux exemples parmi d’autres …
A commencer par Gaël Sieffert et Julien Hachemi entourant Jean-Pierre Schlagg face à la foule de la place Kleber pour chanter « E stickel Barabli » durant la tournée 2018 des Voix de la Liberté. Enregistré sur le CD des 20 ans de chansons, ce titre rend hommage à Germain Muller au Barabli sur la musique de “Quelque chose de Tennessee” de Michel Berger composé pour Johnny Hallyday.
A souligner aussi la 1ère partie assurée par Charlotte Vix, Julien Hachemi et Gaël Sieffert au Festival Clair de Nuit à Andlau début août avant les concerts de Selia et Dick Annegarn !
Les trois finalistes de D’Stimme y ont chanté en alsacien mais aussi en français, anglais et italien : ce concert vivement applaudi par la foule a bénéficié de l’accompagnement de Di Mauro Swing et de l’accordéoniste Jeannot Vix, père de la chanteuse.
EFFICACE TREMPLIN POUR CHARLOTTE VIX
« Je chante depuis toujours. Je suis en train de faite valider mes titres auprès de la SACEM et d’écrire pour un EP de 6 titres, dont deux en alsacien » confie Charlotte Vix, à l’approche de sa trentaine.
Au compteur 10 ans de conservatoire en chant, sous la houlette de Catherine Fender (technique vocale) et Catherine Bolzinger (chœur d’enfants du conservatoire) … une longue expérience avec Familly Project, groupe créé avec son père (mariage, fêtes de comités d‘entreprises, Nouvel An, Saint Valentin, restaurants, soirées privées, etc).
Employée au sein d’un foyer d’hébergement pour personne en situation de handicap, elle affirme « vivre un rêve éveillé » grâce à son 1er prix de D’Stimme 2019. Ce qui a suscité divers nouveaux contacts chez celle qui est heureuse de jouer depuis peu sur scène avec Di Mauro Swing : un groupe où joue aussi Matskat selon sa disponibilité.
Charlotte Vix participe également à « un magnifique projet : la création de « Être Ange », une troupe de comédie musicale composée de personnes en situation de handicap ».
CHANTER WECKMANN, KATZ, VIGÉE ET LES AUTRES
Comment donner à D’Stimme un nouveau souffle ?
Car il y aurait tant à faire en faveur d’un concours enraciné dans une vraie chanson alsacienne synonyme de créativité et non pas/plus de reprise….
A commencer par mettre au centre de D’Stimme un vrai travail : écrire une chanson, maitriser la langue, développer le sens de la musique, de la ligne mélodique, des accents toniques …
Et puis créer des spectacles, des récitals construits et bien mis en scène à l’instar de « L’Ill aux trésors/D’Wunderinsel ».
Et aussi inciter Summerlied 2020 à jouer la carte d’une création régionale encore plus enracinée dans la … ou plutôt dans les langues parlées en Alsace !
Autre piste de réflexion : proposer aux candidats de mettre en musique des textes d’André Weckmann, Nathan Katz, Gaston Jung. Des noms pris au hasard ? Pas du tout, c’est la démarche de la chanteuse Isaka qui a célébré ces auteurs début août au Festival Music’In Music’Août.
A vrai dire, rien de nouveau sous le soleil !
François Brumbt chante Marie Hart, André Weckmann, Conrad Winter, Henri Mertz, etc. Nombre de chansons alsaciennes mettent en valeur des textes de Conrad Winter (Jean-Philippe Winter et le groupe D’Sonnebluem ; Isabelle Grussenmeyer), Albert et Adolphe Matthis (Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel), André Weckmann (René Eglès), Henri Mertz (Roland Engel, Isabelle Grussenmeyer) … et la liste est évidemment très loin d‘être exhaustive !
La littérature d’Alsace compte tant de textes à mettre en musique chez les classiques d’hier ou les auteurs actuels tels Jean-Christophe Meyer, Albert Strickler, Jean-Paul Klee, etc.
Le 11 septembre 2019, grâce aux Bibliothèques Idéales créées par la Librairie Kleber, Claude Vigée, Hans Arp et Tomi Ungerer étaient au coeur de la soirée « Du génie alsacien /Vum elsässische Geischt » … à l’initiative de l’association “A livre ouvert…wie ein offenes Buch” qui a porté à bout de bras ce concert-lecture aux Bibliothèques idéales à l’instar des trois années précédentes !
Entre musique, lecture et conférence, La Cité de la Musique de Strasbourg a accueilli Matskat, Bénédicte Keck, Aline Martin, Charles Fichter, Jean Lorrain, Fabrice Kieffer, Mathieu Zirn, Romain Pivard, Jean-François Untrau, la chorale Collège Baldung-Grien de Hoerdt et le Neuhof Orchestra, etc.
Les auteurs – en alsacien et en français – ne manquent pas ! Et chaque “Dichterwaj” d’Alsace est une sacrée mine pour qui cherche des textes.
On ne peut qu’encourager les artistes de la génération D’Stimme à s’aventurer sur ces sentiers des poètes qui mettent en valeur tant d’auteurs dont nombre de chanteurs et chanteuses.
DES ARTISTES EN QUÊTE DE SALLES
Certes, D’Stimme suscite des contacts et échanges entre talents de générations différentes. Mais l’avenir de la chanson alsacienne ne se limite évidemment pas aux lauréats de D’Stimme.
Le concours a fait sortir de l’anonymat plusieurs voix et elle peut donc servir de carte de visite : un constat à relativiser car D’Stimme n’a pas valeur de sésame auprès des salles de concerts d’Alsace.
Pas facile pour Gaël Sieffert, 39 ans, à trouver des dates de concerts comme lauréat de la 1ère édition de D’Stimme. Ce concours lui a permis d’enregistrer un EP de six titres en alsacien sous l’étiquette « Vostok Project » avec la parolier Christophe Voltz, son complice dans « Ich bekum a Aff », spectacle de monologues et chansons synonymes de réjouissante maitrise de l’alsacien.
Ce CD a été mis en valeur grâce au concert de la salle du Cercle de Bischheim le 26 avril 2019, soit près de deux ans après la finale. Bien, mais à part cette soirée synonyme de dédicaces pour Gaël Sieffert et Christophe Voltz, quoi de plus ?
Hélas, trois fois hélas … Aucun autre concert n’a médiatisé cet album résultant du concours lancé par France Bleu Elsass et l’OLCA. C’est dire l’impact relatif de D’Stimme sur les programmateurs en Alsace, à de rares exceptions telles la Foire Européenne de Strasbourg ou bien le Festival Clair de Lune grâce à la chanteuse-programmatrice Christel Kern.
On peut aussi citer Olivia Lams qui programme chaque année un talent d’Alsace au Cercle le de Bischheim, et évidemment Roland Engel qui organise chaque mois un concert à Hoerdt. Depuis nombre d’années, tant d’artistes d’Alsace ont été invités à chanter à l’Espace Heyler, dont Julien Hachemi en octobre 2019.
La conférence de presse du mardi 12 novembre permettra d’en savoir plus sur l’édition 2020 de ce concours ayant “pour ambition de faire découvrir au public les nouveaux talents de la chanson en alsacien et en platt” selon l’expression de l’invitation à cet événement.
Texte et photos ALBERT WEBER